11/08/2021

Manque de suivi et de résultat en restauration écologique des cours d'eau (dos Reis Oliveira et al 2020)

Une équipe de chercheurs néerlandais observe que la restauration écologique des cours d'eau bénéficie de financement en hausse, mais que la rigueur fait défaut lorsqu'il s'agit d'évaluer les résultats dans le temps. Du même coup, il est difficile de hiérarchiser les bonnes pratiques et de vérifier si l'investissement produit les résultats attendus. Ce problème avait déjà été observé aux Etats-Unis, en France et dans d'autres pays. Si une partie du questionnement concerne les méthodes, l'autre interroge les finalités : que voulons-nous au juste restaurer, et est-ce possible?


Depuis deux décennies, on a assisté à une forte augmentation du financement, des actions et de la recherche pour la restauration des cours d'eau. Pourtant, les retours d'expérience sont ambivalents et les taux de réussite sont restés assez faibles. Les pratiques de restauration ne prennent toujours pas suffisamment en compte les échelles appropriées, allant des habitats dans les cours d'eau à des bassins versants entiers, ni la complexité des écosystèmes (facteurs hydrologiques, morphologiques, chimiques et biologiques). Par conséquent, les raisons précises de l'échec des efforts de restauration restent encore peu concluantes. Un groupe de 6 chercheurs a mené aux Pays-Bas une analyse de ce problème à travers le bilan des pratiques de restauration.

Voici le résumé de leur article :

"Les efforts de restauration des cours d'eau se sont accrus, mais le taux de réussite est encore assez faible. Les raisons sous-jacentes de ces efforts de restauration infructueux restent peu concluantes et nécessitent une clarification urgente. Par conséquent, le but de la présente étude était d'évaluer plus de 40 ans de restauration des cours d'eau pour alimenter les perspectives futures. À cette fin, nous avons évalué l'influence des objectifs politiques sur les efforts de restauration des cours d'eau, les objectifs de restauration biophysique, les mesures de restauration appliquées, y compris l'échelle d'application et les efforts de surveillance. Les informations ont été obtenues à partir de cinq enquêtes sur la restauration des cours d'eau menées par les autorités régionales de l'eau aux Pays-Bas au cours des 40 dernières années et à partir d'une analyse des publications scientifiques internationales sur la restauration des cours d'eau couvrant la même période. 

Notre étude a montré qu'il y avait une augmentation considérable des efforts de restauration des cours d'eau, particulièrement motivés par la législation environnementale. Cependant, un contrôle adéquat de l'efficacité des mesures faisait souvent défaut. De plus, un décalage entre les objectifs de restauration et les mesures de restauration a été observé. Les mesures restent majoritairement focalisées sur les techniques hydromorphologiques, alors que les objectifs biologiques restent sous-exposés et doivent donc être mieux ciblés. En outre, les pratiques de restauration se produisent principalement à petite échelle, malgré la pertinence largement reconnue de s'attaquer à de multiples facteurs de stress agissant à grande échelle pour le rétablissement de l'écosystème des cours d'eau. 

Afin d'augmenter le taux de réussite des projets de restauration, il est recommandé d'améliorer la conception des programmes de suivi d'accompagnement, permettant d'évaluer, sur des périodes plus longues, si les mesures prises ont conduit aux résultats souhaités. Deuxièmement, nous conseillons de diagnostiquer les stresseurs dominants et de planifier des mesures de restauration à l'échelle appropriée de ces stresseurs, généralement l'échelle du bassin versant."

Les auteurs précisent notamment dans leur article :

"Alors que dans le passé de nombreux projets visaient à améliorer l'ensemble de l'écosystème fluvial, ils se sont en fait concentrés uniquement sur des conditions morphologiques (amélioration de l'habitat) ou hydrologiques (débit) spécifiques, comme on l'observait déjà il y a deux décennies (Verdonschot et Nijboer, 2002 ; Palmer et al., 2010, 2014). Ceci pouvait et peut encore s'expliquer par une confiance ferme dans l'affirmation selon laquelle « si l'hétérogénéité de l'habitat augmente, la diversité biologique augmente également » (Field of Dreams Hypothesis ; Palmer et al., 1997). Néanmoins, une approche totalement intégrative, s'attaquant à tous les facteurs de stress, mais prenant également en compte des aspects biologiques importants, tels que la colonisation (Westveer et al., 2018), la dispersion (Engström et al., 2009), la distance aux populations sources (Brederveld et al. ., 2011 ; Stoll et al., 2013), la réintroduction d'espèces (Jourdan et al., 2018) et le contrôle des espèces envahissantes (Scott et Helfman, 2001), sont encore rares. De plus, les pratiques de restauration des cours d'eau doivent également être conscientes des risques écologiques qui peuvent survenir après la restauration, tels que les pièges écologiques lorsque les espèces deviennent plus menacées par les nouvelles conditions de l'habitat après la restauration par rapport aux conditions initiales (Robertson et al., 2013; Hale et al., 2015), offrant des opportunités pour les espèces envahissantes (Matsuzaki et al., 2012 ; Franssen et al., 2015 ; Merritt et Poff, 2010), introduisant des conditions hydrologiques non naturelles (Vehanen et al., 2010 ; Jeffres et Moyle, 2012) et augmentant la toxicité des sédiments pour les amphibiens (Snodgrass et al., 2008).

En outre, de nombreux projets de restauration des cours d'eau envisagent encore des mesures et des solutions à petite échelle et négligent le fait que les écosystèmes des cours d'eau sont fortement régis par les processus à l'échelle du bassin versant (Allan, 2004 ; Palmer, 2010 ; Ward, 1998 ; Wiens, 2002 ; Sundermann et Stoll, 2011 ; Kuglerová et al., 2014, Tonkin et al., 2018). Plusieurs auteurs ont déjà montré que la restauration à grande échelle est cruciale pour le rétablissement écologique (Schiff et al., 2011 ; Verdonschot et al., 2012 ; Kail et Hering, 2009 ; Stranko et al., 2012 ; Gabriele et al., 2013). D'autre part, ce n'est pas la petite échelle d'un projet de restauration en soi qui limite le succès de la restauration, mais plutôt l'inadéquation spatiale entre les facteurs de stress et la restauration, en combinaison avec un manque de diagnostic préalable spécifique du facteur de stress limitant réel."

Discussion
Cette recherche néerlandaise confirme des travaux menés en France voici quelques années, qui avaient également observé un déficit de rigueur et de méthode dans les pratiques de restauration de cours d'eau (voir Morandi et al 2014). 

Cette discussion sur la restauration écologique de milieux gagnerait à élargir le champ de sa réflexion. Actuellement, et comme cet article de recherche le rappelle après d'autres, on analyse les performances de certaines actions et, lorsque les performances ne sont pas présentes, on présume que d'autres impacts doivent être traités. La représentation sous-jacente est qu'il existe un état de la nature sans impact, qu'on peut le recréer (ou y tendre) par élimination progressive et simultanée de ces impacts. 

Mais il se trouve que derrière le mot "impact", on désigne essentiellement la présence humaine dans les bassins versants et les usages humains de ces bassins versants, que ce soit les usages de l'eau ou du sol. D'une part, se pose la question des limites de l'élimination des effets de la présence humaine, du coût pour atteindre ces limites et du consentement social à cela. D'autre part, et plus fondamentalement, se pose la question des ontologies de la nature (Linton et Krueger 2020) : y a-t-il un sens à se représenter une nature sans humain comme le modèle (de biodiversité ou de fonctionnalité) alors que dans la réalité, la nature co-évolue avec les humains (la division nature-humain n'a guère de fondement) et ne devrait pas cesser de le faire à horizon prévisible? 

Référence : dos Reis Oliveira et al (2020), Over forty years of lowland stream restoration: Lessons learned?, Journal of Environmental Management, 264, 110417

31/07/2021

Barbara Pompili encourage-t-elle encore son administration à ignorer la loi?

La loi Climat et résilience, adoptée le 20 juillet 2021 par le Parlement mais pas encore parue au Journal officiel, ordonne notamment de cesser la destruction des moulins à eau comme option de continuité écologique. Au détour d'une déclaration au site Actu Environnement, la ministre de l'écologie Barbara Pompili laisse entendre que, par une sorte de rétorsion, son administration demandera en conséquence aux propriétaires de payer tous les frais d'aménagement. Mais ce n'est pas ce que dit la loi. Va-t-on encore continuer longtemps ce combat d'arrière-garde et ces méthodes arbitraires de l'exécutif? 


Le site spécialisé Actu Environnement revient sur les échanges parlementaires autour de la loi Climat et résilience concernant les moulins, la petite hydroélectricité et la continuité des cours d'eau. Cette loi est votée mais elle n'est pas encore publiée au Journal officiel et des recours devant le Conseil constitutionnel ont été déposés. Nous commenterons le texte de cette loi quand elle sera définitive, notamment les dispositions concernant les ouvrages hydrauliques. 

Ce qui nous interpelle aujourd'hui est la réaction de la ministre de l'écologie au vote de ces dispositions sur les moulins. 

Barbari Pompili a déclaré : "Les mesures qui ont été votées à l'Assemblée nationale ne prévoient aucun moyen pour faire les travaux qui s'imposent, en cas de régression environnementale avérée sur un cours d'eau et cela même si personne ne conteste leur nécessité. Les propriétaires devront donc les faire à leurs frais. La médiation est essentielle sur ce point, car certains sujets nécessitent que tous les acteurs puissent échanger".

Ce propos est confus et contraire aux dispositions de la loi.

D'abord, il n'y a aucune "régression environnementale" dans l'existence des moulins et des étangs qui sont là depuis des siècles et qui sont autorisés par la loi en vertu de leur droit d'eau ou de leur règlement d'eau. Le régime écologique des rivières européennes inclut l'ensemble de l'héritage de ces rivières : cessons le contresens qui oppose la nature à la culture, le non-humain à l'humain, le futur au passé. Au plan juridique, la notion de régression environnementale signifie que l'on va à l'encontre des dispositions du code de l'environnement. Or, les lois françaises sur l'environnement assurent la promotion de l'hydro-électricité, le stockage local de l'eau, la préservation des milieux aquatiques et humides, la protetion des patrimoines paysagers et historiques : détruire un ouvrage est davantage une régression environnementale que le gérer, et c'est au demeurant l'objet de divers contentieux portés par les associations.

Ensuite, les première lois sur les passes à poissons datent de 1865, elles ont été réitérées en 1919, en 1984, en 2006. Cette expérience sur plus de 150 ans a montré que le financement des travaux de continuité est le premier obstacle. Voilà pourquoi la loi sur l'eau de 2006 a tiré acte de ce blocage et a prévu dans ses dispositions : "Les obligations résultant du I du présent article n'ouvrent droit à indemnité que si elles font peser sur le propriétaire ou l'exploitant de l'ouvrage une charge spéciale et exorbitante." En d'autres termes, si l'on demande non pas des mesures simples comme la gestion de vannes mais des mesures plus complexes comme des passes à poissons ou rivières de contournement, cette charge publique excède les capacités d'un particulier ou d'un petit exploitant, donc elle ouvre droit à indemnité. C'est à l'Etat d'organiser cette indemnisation et c'est la vocation naturelle des agences de bassin, qui sont des établissements publics en charge de financer les politiques publiques de l'eau. Hélas, par pur dogmatisme, les agences veulent financer au maximum la casse des ouvrages (ce qui sera illégal dans certains cas une fois la loi parue) mais au minimum leur aménagement. Il est impossible d'avoir une continuité apaisée tant que l'Etat ne flèche pas l'indemnisation des travaux, par les agences de l'eau ou par d'autres voies. 

Enfin, aussi bien la loi (réécrite en 2021 pour être précisée) que la jurisprudence récente du conseil d'Etat reconnaissent qu'un moulin ayant un projet de production hydro-électrique est exempté de continuité écologique. Le gestionnaire public a donc plutôt intérêt à proposer des projets de continuité entièrement financés (dans la consistance légale des sites) s'il veut inciter les propriétiares à agir sur le franchissement des poissons. Sans quoi il ne se passera rien du tout et on vérifiera de nouveau l'adage selon lequel "le mieux est l'ennemi du bien". 

Pour résumer :
  • la destruction d'ouvrages hydrauliques est un choix régressif qui sera désormais interdit par la loi dans certains cas,
  • la loi a toujours demandé l'aménagement des ouvrages et prévu l'indemnisation publique des travaux de continuité lorsqu'ils sont conséquents,
  • la ministre de l'écologie doit inciter son administration à accélérer son changement culturel sur le destin des ouvrages en rivière au lieu de mener des combats d'arrière-garde ou d'entretenir la confusion et le conflit dont plus personne ne veut,
  • les politiques publiques d'écologie doivent affronter les défis majeurs de notre temps - pollutions et surexploitations locales de l'eau, changement climatique dangereux, risques des sécheresses et crues, disparition des milieux aquatiques et humides, relocalisation durable de circuits économiques - et les ouvrages bien gérés ont un rôle positif à jouer dans ces objectifs

28/07/2021

Ralentir et diffuser les écoulements pour stocker l'eau

Des chercheurs publient une tribune sur l'enjeu de préservation et stockage de l'eau en situation de changement climatique rapide comme nous le connaissons aujourd'hui. Parmi les options: ralentir et diffuser l'eau dans les bassins versants. C'est un des rôles des ouvrages hydrauliques, dont la gestion écologique doit devenir notre politique publique, en lieu et place de leur absurde destruction. 

Zone humide en contrebas d'un bief de moulin.

Géraldine Picot-Colbeaux (hydrogéologue, BRGM), Marie Pettenati (hydrogéologue, BRGM) et Wolfram Kloppmann (géochimie isotopique, BRGM) publient un intéressant article sur le site d'analyse universitaire de l'actualité The Consersation. Cet article est dédié à la question de la préservation des ressources en eau pour les besoins humains en situation de changement hydroclimatique. "On parle de «gestion intégrée de la ressource en eau», qui vise à préserver le niveau des nappes d’eau souterraine, les débits des cours d’eau et à lutter contre les inondations et la salinisation des eaux en milieu côtier."

Les eaux souterraines sont contenues dans les "aquifères", formations rocheuses ou sédimentaires qui les stockent et qui se renouvellent plus ou moins vite. "Certains aquifères profonds contiennent des eaux de pluies tombées quand l’humanité taillait encore des silex ! D’autres, proches de la surface, contiennent de l’eau qui transite en quelques années. Sous nos latitudes, c’est en hiver, lorsque la végétation prélève moins d’eau, que les précipitations rechargent les aquifères."

Comme en témoignent les difficiles périodes de sécheresses dans certaines régions, impliquant des restrictions d'usage, la gestion de l'eau peut devenir critique quand se conjuguent la hausse des besoins humaines et l'incertitude climatique, avec des événements extrêmes plus probables (parfois de longues sécheresses, parfois des excès de pluie et des inondations, comme récemment en Allemagne, Belgique, Luxembourg et Angleterre). "À la question, «Manquerons-nous d’eau demain ?», la réponse est donc : «Nous en manquons déjà, localement et de plus en plus souvent»."

Les chercheurs rappellent les options de gestion intégrée de l'eau :

"Les solutions existent déjà, dans le monde et en France, depuis de nombreuses années. Mais il s’agit de les mettre en œuvre et de les intégrer dans des stratégies cohérentes de gestion des nappes :
– caractériser, suivre et prévoir sur la base de modèles fiables l’évolution des ressources et des besoins ;
– pratiquer la sobriété ;
– diminuer la pression sur la qualité de l’eau en diminuant la quantité de produits chimiques persistants et mobiles ;
– améliorer le traitement des eaux usées ;
– utiliser et réutiliser des eaux non conventionnelles après traitement ;
– retenir l’eau sur les territoires en ralentissant les écoulements et en stockant l’eau dans les milieux naturels."

On retient en particulier le dernier point : la nécessité de ralentir et diffuser les écoulements sur tous les territoires. Comme notre l'association l'a exposé à de nombreuses reprises, la politique de destruction des ouvrages hydrauliques transversaux au nom de la continuité écologique va à l'encontre de cet objectif. En voici quelques raisons :
Au lieu de détruire les ouvrages, nous devons de toute urgence les préserver et les doter d'une gestion hydro-écologique informée. 


17/07/2021

Victoire en justice pour un moulin harcelé du Nohain

Pendant 5 ans, un propriétaire de moulin de la Nièvre a été harcelé de demandes incessantes de nouvelles pièces et procédures pour la relance de son ouvrage, avant de finalement subir un arrêté préfectoral fin 2019 lui refusant l'autorisation de son projet. La justice vient de condamner le préfet pour excès de pouvoir. Nous rappelons ici aux propriétaires et à leurs associations qu'il faut cesser de perdre du temps à des discussions oiseuses avec l'administration dans les cas où son seul but manifeste est de décourager une relance : si, dès les premiers mois d'échanges, les fonctionnaires en charge de l'instruction manifestent une hostilité et lancent des manoeuvres dilatoires, il faut les assigner en justice pour gagner du temps et clarifier les choses au plan du droit. 


Les cartes anciennes (ici de la rivière Nohain), un outil pour démontrer les droits fondés en titre et analyser l'histoire des lits des rivières. 

Le propriétaire d'un moulin de la Nièvre sur le Nohain commence à voir le bout du tunnel, après des années de procédures kafkaïennes où l'administration l'avait traîné de procédures en procédures pour un dossier de relance du site.

Après ces instructions infructueuses où les services de l'Etat n'avaient cessé de changer de position et de demander des pièces complémentaires, le préfet de la Nièvre avait finalement promulgué un arrêté le 19 décembre 2019 portant rejet de la demande d'autorisation de remise en service du moulin sur le Nohain.

Le propriétaire a eu recours à la justice et c'est Me Jean-François Remy, avocat de l'association, qui a défendu ses droits.

Par décision du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Dijon abroge l'arrêté préfectoral de 2019. Il enjoint au préfet de la Nièvre de reprendre  l'instruction  de  la  demande d'autorisation de remise en service du moulin dans un délai de trois mois.

Le juge observe d'abord que "le  moulin,  qui  existait  en  1644, bénéficie d'un droit fondé en titre pour une puissance maximale brute reconnue à 28,6 kW correspondant  à une hauteur de chute brute de 2,07 mètres etun débit maximum dérivé de 1,4 m 3 /s, et que le projet n'a pas pour effet d'augmenter cette puissance. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que ce droit fondé en titre ait été modifié ou abrogé, ni que la ruine ou le changement d'affectation de l'ouvrage aiLété constaté".

Le juge observe également que l'article R. 214-109 du code de l'environnement (dont la réécriture par le ministère de l'environnement a été abrogée par le Conseil d'Etat suite à la plainte des associations de moulins et étangs, dont Hydrauxois) ne s'oppose pas à la remise en service d'un moulin. 

Ce nouveau jugement rappelle à toutes les parties prenantes la réalité :
Les administrations sous la tutelle de la direction eau et biodiversité du ministère de l'écologie doivent donc faire cesser diverses dérives militantes en leur sein : leur travail est d'appliquer les lois et les décisions des juges, pas de réécrire les normes au nom d'une vision arbitraire de la rivière et de ses ouvrages. 

Leçons à tirer pour les moulins, étangs et autres ouvrages
Notre association voit trop d'ouvrages hydrauliques (moulins, étangs, plans d'eau) qui font face à une administration hostile et qui sont travaillés "à l'usure" par cette administration. La stratégie de certains fonctionnaires de l'eau consiste en effet à ne pas dire franchement leur hostilité à la relance du site (et pour cause, c'est illégal), mais à demander toutes les pièces possibles qui leur passent par l'esprit, y compris des études qui sont ruineuses pour des particuliers et qui ne sont pas exigibles pour un ouvrage déjà autorisé. 

Il ne faut pas s'engager dans ce processus, et les associations doivent être vigilantes : le propriétaire d'un ouvrage autorisé doit déposer un projet simple de relance (sans aucun excès d'études inutiles) et, s'il voit dès les premiers mois de l'instruction des manoeuvres dilatoires et hostiles, il doit faire intervenir un avocat pour une mise en demeure du préfet de faire autoriser les travaux par ses services. 

Ne perdons plus de temps ni d'argent. Assignons en justice les services d'Etat persistant à ne pas comprendre que la loi française refuse la destruction des moulins et encourage leur relance énergétique. Informons les députés et sénateurs si des troubles persistent, afin qu'ils continuent de réécrire la loi et de faire cesser ces harcèlements indignes d'une démocratie.

10/07/2021

Une retenue d'étang tend à éliminer les pesticides et à livrer une eau moins polluée à l'aval (Le Cor et al 2021)

Des chercheurs français montrent qu'une retenue d'eau sur une rivière joue un rôle bénéfique dans une tête de bassin agricole, en ayant tendance à éliminer les résidus de pesticides et à délivrer une eau moins polluée à l'aval. Cette recherche, qui s'ajoute à de nombreuses autres, permet de constater à nouveau le flagrant délit de mensonge du ministère de l'écologie et des agences de l'eau. Ces autorités publiques ont vendu la continuité écologique par destruction d'ouvrages et de retenues en prétendant que cela favorisait l'auto-épuration de l'eau. C'est totalement faux et c'est d'autant plus grave que ces mêmes autorités sont incapables de réduire les pollutions à la source. On préfère casser du moulin et de l'étang que traiter les vrais problèmes de l'eau. 


La pollution diffuse et aiguë de l'eau par les pesticides est aujourd'hui une préoccupation mondiale majeure pour la santé et l'environnement. En Europe, la quantité totale de pesticides utilisés annuellement est passée de 440000 tonnes à plus de 475000 tonnes entre 2000 et 2017 (FAO, 2020). La France (16 % de toutes les terres agricoles de l'Union européenne) se classe parmi les pays ayant la plus forte consommation de pesticides, avec plus de 69600 tonnes utilisées pour l'agriculture.

Outre la réduction des pesticides à la source et l'interdiction des plus dangereux se pose la question des meilleurs moyens de réduire et éliminer les charges toxiques dans les milieux. 

Comme le notent François Le Cor et ses collègues dans une recherche venant de paraître, "les petits plans d'eau (c'est-à-dire de 0,1 à 100 ha) semblent également jouer un rôle important dans la préservation des cours d'eau d'amont. Les étangs semblent avoir des capacités d'atténuation des pesticides importantes, mais sous-estimées (Gaillard et al., 2015, 2016 ; Grégoire et al., 2009). Bien que de petite taille, ces plans d'eau, additionnés, couvrent une superficie trois fois plus grande que celle couverte par les grands lacs naturels et artificiels en France. A l'échelle européenne, elles couvrent près de 270 000 km2 (Bartout et Touchart, 2018). Habituellement, une forte densité de petits plans d'eau se produit en tête des bassins versants agricoles (Drożdżyński, 2008 ; Lazartigues et al., 2012) ; ils sont donc, dès l'origine des réseaux hydrographiques, sur le chemin de la contamination par les pesticides. De plus, ils peuvent aussi être particulièrement sujets à des transferts de produits de transformation (TP) (Ulrich et al., 2018), ce qui les rend encore plus pertinents dans la compréhension des deux niveaux de contamination (c'est-à-dire avec les composés parents et le TP). Les données de terrain concernant la contamination des étangs par les pesticides sont rares et, même si certaines existent (Gaillard et al., 2016 ; Lazartigues et al., 2013 ; Ulrich et al., 2018), elles prennent rarement en compte la TP. La collecte de données environnementales sur les pesticides et les TP semble donc nécessaire pour prédire les effets écotoxicologiques qui peuvent survenir."

Les chercheurs ont donc examiné les concentrations en pesticides et en transfert de leurs produits transformés en amont et en aval d'un étang de Lorraine, situé sur la rivière Seille.


Voici le résumé de leur recherche :

"En France, plus de 90 % des cours d'eau surveillés sont contaminés par des pesticides. Ce niveau de contamination élevé augmente en tête des bassins versants agricoles, où les capacités de dilution sont faibles et le transport depuis les terres traitées est direct. Les étangs, nombreux autour des cours d'eau d'amont, pourraient offrir une protection supplémentaire contre la pollution par les pesticides. En raison de leur long temps de séjour hydraulique et de leurs grands volumes d'eau, ils atténuent les concentrations de pesticides entre amont et aval des rivières. Cependant, les produits de transformation des pesticides peuvent également être responsables de la dégradation des milieux, du fait de leur présence à des concentrations élevées et de leur persistance, mais les données associées sont rares, notamment en raison de leur niveau élevé de diversité moléculaire. 

Nous avons d'abord rendu compte de l'état de contamination de l'eau dans les cours d'eau de tête de bassin agricole, sur la base d'échantillonnages d'eau à haute fréquence. L'analyse de 67 molécules (HPLC-ESI-MS/MS) a montré des mélanges de pesticides et de produits de transformation de pesticides contenant jusqu'à 29 composés différents dans un échantillon. Quel que soit le lieu d'échantillonnage, les produits de transformation représentaient au moins 50 % des composés détectés. 

Ensuite, nous avons démontré la capacité d'un étang à réduire les concentrations de contaminants dans les rivières en aval pour 90 % des composés détectés. En amont de ce bassin, les normes de qualité environnementale ou écotoxicologiques ont été dépassées lors des prélèvements, avec des concentrations cumulées de pesticides et de produits de transformation pouvant atteindre 27 27g/L. En aval du bassin d'étude, peu de dépassements ont été observés, avec une concentration totale maximale de 2,2 μg/L, traduisant une amélioration significative de la qualité de l'eau."

Discussion
Notre association a documenté depuis 10 ans que les retenues et plans d'eau ont des effets plutôt bénéfiques sur l'épuration de l'eau, pour les nutriments comme pour certains polluants. Cela fait partie des services écosystémiques reconnus de ces milieux, qui sont souvent d'origine humaine. Cette nouvelle recherche ajoute donc une pièce à un dossier déjà bien rempli. Elle nourrit une réflexion nécessaire sur des paiements pour services écosystémiques qui pourraient être associés à la bonne gestion des retenues et plans d'eau. 

Bien entendu, l'objectif n'est pas de se satisfaire des pollutions à la source. Mais à pollution donnée, il est préférable de conserver les nombreuses retenues qui agrémentent les rivières françaises et qui agissent comme des filtres évitant l'excès de pollution de l'aval et des estuaires. 

Le point scandaleux dans le cas français est que les autorités en charge de l'eau (ministère de l'écologie, agences de l'eau, syndicats de rivières) ont diffusé et diffusent parfois encore des informations fausses et trompeuses à ce sujet. Il a en effet été prétendu aux décideurs et aux citoyens que la destruction des ouvrages et de leurs retenues aurait un effet bénéfique sur "l'auto-épuration", c'est-à-dire la capacité de la rivière à éliminer elle-même des polluants. C'est inexact et cette doctrine n'a encouragé que la libre-circulation des toxiques dans les eaux de surface et dans les nappes. Il est vrai que casser du moulin et de l'étang, c'est plus facile que s'attaquer aux sources des pollutions...