20/10/2013

Nitrates en Bourgogne: un état toujours moyen des rivières

Par un arrêt du 13 juin 2013, la Cour de justice de l’Union européenne a condamné la France pour ses manquements chroniques au respect de la directive dite Nitrates de 1991. Un nouveau rappel à l’ordre est d’ores et déjà prévu pour sanctionner le manque de rigueur de l’Etat français dans la protection des zones sensibles. Aujourd’hui, 19.000 communes et 55% du territoire sont concernés par ces zones.

Des mesures lacunaires, interdisant toute interprétation scientifique robuste des causes de dégradation des milieux aquatiques
Nous nous sommes déjà longuement étonné de cet état de fait sanctionné par l’Union européenne. L’Etat français et les établissements administratifs comme les Agences de l’eau redoublent actuellement de vigueur pour appliquer une version sélectivement interprétée de la Directive-cadre européenne sur l’eau de 2000. Dans le même temps, les mesures de base manquent sur la pollution chimique, l’état physique et le peuplement biologique de la plupart des masses d’eau.

A propos de ces mesures manquantes ou lacunaires, on ne peut donc que se féliciter de la parution du rapport sur la 5e campagne de mesure des nitrates dans les eaux bourguignonnes, rapport coordonné par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). Le réseau de suivi des eaux superficielles et souterraines est très loin d’analyser chaque masse d’eau (comme nous devrions le faire pour le rapportage de la Directive cadre sur l’eau 2000), notamment les ruisseaux, bras morts et petits affluents importants pour la biodiversité, mais il donne au moins une idée de l’évolution des impacts pour les nitrates.

Entre 1992 et 2013, l’état de la contamination par les nitrates ne s’améliore que très lentement, et parfois se dégrade, ce qui indique un effort insuffisant
En région Bourgogne, on relève que seuls 21 % des points de surveillance sont de bonne qualité avec une concentration moyenne en nitrates située dans la classe [2­-10 mg/l] alors que 60% des points de surveillance sont dans la classe de contamination moyenne [10-­25 mg/l]. Pour les eaux superficielles, on constate au graphique ci-contre que les teneurs moyennes et maximales n’évoluent que lentement depuis la première campagne de mesure de qualité de 1992.

Ces résultats montrent de nouveau l’effet très modeste des mesures engagées contre les pollutions chimiques des eaux. On peut s’interroger de la pertinence de certaines opérations de restauration hydromorphologique qui ont un coût non négligeable et qui interviennent alors que le problème de base des pollutions diffuses n’est toujours pas réglé. D’autant que les dérivés azotés ne sont que quelques-unes des 50 substances que nous sommes censés éliminer de nos masses d’eau.

Pour un donner un exemple actuel, le programme Life+ Continuité écologique et le parc naturel régional du Morvan entendent préserver et restaurer la moule perlière sur le bassin de la rivière Cousin (Nièvre, Côte d’Or, Yonne). Mais les experts savent que cette espèce est extrêmement sensible aux pollutions, et notamment qu’elle ne supporte que quelques mg de nitrates par litres. Dès lors, pourquoi indexer le retour de la moule à l’arasement du maximum de seuils de moulins, alors que ceux-ci sont présents depuis fort longtemps et n’ont pas empêché l’abondance des moules jusqu’au début du XXe siècle? Les modèles hydrologiques ont-ils des réelles capacités de détection-attribution des causes de dégradation des indices biologiques de qualité ?

Au-delà de cet exemple particulier, c’est toute la politique de l’eau qu’il faut revoir, comme en ont convenu les tout récents rapports d’évaluation Lesage 2013 et Levraut 2013. La lutte contre les pollutions chimiques diffuses doit redevenir une priorité sur nos bassins versants.

La conclusion complète du rapport DREAL 2013
«Le bilan de cette 5e campagne de suivi de la contamination par les nitrates confirme la plus forte pollution des eaux souterraines que des eaux superficielles.

Il fait apparaître une amélioration des concentrations sur le bassin Rhône Méditerranée, le département de la Côte d’Or et celui de la Saône et Loire. Cette amélioration est cependant à mettre en perspective avec la situation actuelle à l'échelle du bassin et du département de la Côte d'Or où une forte proportion de station de suivi affichent des concentrations supérieures à 40 mg/l (36% à l'échelle du bassin et 44 % à l'échelle du département de la Côte d'Or).

Sur la partie Loire­Bretagne, et en particulier le département de la Nièvre, les concentrations relativement faibles du département (du fait des caractéristiques agricoles) sont difficilement contenues. En effet, on observe une dégradation non négligeable des teneurs en nitrates en eaux souterraines depuis la 1ère campagne en 1993 avec 78% de stations en dégradation dont 11% en forte dégradation. Depuis la 4ème campagne en 2005, le pourcentage total de stations en dégradation est un peu moins élevé (54%), mais comprend 27 % de stations en forte dégradation. On n'observe pas la même tendance en eaux superficielles où la majorité des stations stagnent ou s'améliorent.

Enfin, sur le bassin Seine Normandie et en particulier sur le département de l’Yonne, la situation est à la dégradation : même si quelques améliorations sont enregistrées en eaux souterraines (16 % depuis la 1ère campagne, et 31% depuis la 4ème ), elles ne suffisent pas à contre­balancer la proportion très importante de stations en forte dégradation depuis la 1ère campagne (58% de forte augmentation des teneurs en nitrates sur un total de 75% de stations en augmentation) ou depuis la 4ème campagne (46% de forte augmentation des teneurs en nitrates sur un total de 69% de stations en augmentation).»

Référence :
DREAL Bourgogne (2013), Rapport de synthèse. 5e campagne de surveillance des nitrates dans les eaux de la région Bourgogne (pdf)

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