13/05/2023

Un petit film sur les moulins et les castors

Patrice Cadet (FFAM, Association des moulins de la Loire) a réalisé un film instructif sur les castors et les moulins. Arpentant les rivières de sa région, le chercheur rappelle que le régime naturel des rivières a toujours été la fragmentation, en particulier par les castors qui construisent des barrages en série dans les petits et moyens cours d'eau des zones boisées. On l'observe aujourd'hui puisqu'après avoir frôlé l'extinction au 19e et au 20e siècles, le castor fait son grand retour et produit à nouveau des retenues d'eau un peu partout sur nos rivières. Evidemment, et c'est l'objet du film de Patrice Cadet, le castor aide aussi à comprendre le caractère aberrant de l'obsession de la "continuité" écologique en long par destruction de tout seuil et toute retenue d'origine humaine. Car les changements fonctionnels de l'eau et du sédiment opérés par le castor (création d'un barrage et d'une chute, parfois d'un canal latéral, apparition d'un plan d'eau à écoulement lent, meilleure alimentation locale en eau des sols, des nappes, de la végétation, auto-épuration d'intrants, etc.) sont souvent ceux que certains prétendent catastrophiques et "anti-naturels"! Quant aux moulins, outre leur rôle bénéfique en création de retenues d'eau et canaux, ils permettent d'aller un peu plus loin que le castor et de produire des choses utiles, comme par exemple l'énergie hydro-électrique très bas-carbone. A condition que l'administration française de l'eau respecte la loi et favorise leur relance, au lieu de chercher à les détruire et à assécher les bassins versants...

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8 commentaires:

  1. C'est un peu étonnant de comparer des barrages de castors fait de branches venant de la rivière avec des ouvrages bétonnés tout de même... Certes certains effets sont les mêmes mais une structure faite pour évoluer avec la rivière n'est pas tout à fait la même chose qu'un seuil qui modifie et fige le milieu pour plusieurs centaines d'années. "Regardez les castors font pareil, du coup on peut en faire 40 000 ? Mais avec du béton et dans des endroits pas adaptés..." Non cet argument n'est pas entendable... L'hydroelectricité ? Pourquoi pas, mais comme ce monsieur le dit très bien, pour 1% il faudrait avoir 20 000 ouvrages d'équipés... l'idée est belle mais en omettant de préciser le coût et l'entretien en face en sachant que beaucoup de ces ouvrages sont abandonnés. Enfin...il y a matière à débat mais par pitié ne vous cachez pas derrière des animaux, nous les avons bien assez détruits avec notrr besoin de tout contrôler.

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    1. Bien entendu certains effets diffèrent (comme d'autres sont semblables), voir la recension publiée ce jour
      http://www.hydrauxois.org/2023/05/le-retour-des-castors-oblige-repenser.html

      Le point est qu'on entretient une mythologie du "libre-écoulement" de la rivière alors que la rivière barrée est une réalité naturelle et historique. Vous avez le droit de penser que c'est mal (et nous que c'est bien), mais nous souhaitons que le débat soit alimenté par des faits d'observation reconnus (les castors barrent les rivières dès qu'ils ne sont plus exterminés, les humains barrent les rivières aussi depuis la sédentarisation).

      Equiper 20 000 ouvrages hydrauliques (il y en a un peu plus de 100 000 en France dans la base ROE de l'OFB) en production hydro-électrique ne présente pas de difficultés insurmontables, déjà 2800 produisent en injection réseau et un nombre inconnu en autoconsommation.

      La transition énergétique va demander de changer nos habitudes, puisque la France consomme 60% d'énergie finale en fossile, à remplacer complètement et à court terme. Il est prévu de nombreux chantiers en éolien, solaire, biogaz, géothermie, etc. les chantiers hydrauliques sont un cas parmi d'autres. Quand les ouvrages existent déjà (génie civil en place), il vaut mieux les conforter et utiliser, c'est évidemment le meilleur bilan carbone et le moindre coût. En se donnant seulement comme objectif 10 relances par département et par an, on arrive à 20 000 en 2050. Rappelons que la politique de continuité écologique demandait elle aussi de traiter 20 000 ouvrages = inventaire des rivières classées L2) en 5 ans seulement : ce délai était évidemment bien trop court et donc très irréaliste, mais il prouve néanmoins que la politique publique peut facilement donner des objectifs de cet ordre de grandeur. Il lui suffit d'acter que l'intérêt général est d'exploiter les qualités et avantages des ouvrages hydrauliques. Ce qui est d'ailleurs le contenu de la loi, mais l'administration de l'eau s'est un peu égarée dans d'autres directions...

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    2. Je suis bien au courant que la rivière n'est pas une grande ligne droite et que l'alternance de zones profondes et de zones courantes, la présence d'encombres ou encore de cascades en sont l'illustration de son bon fonctionnement. En revanche je considère qu'il faut laisser la nature décider... Vous dites qu'une rivière barrée est une rivière naturelle ce qui est vrai, mais je ne considère pas que les ouvrages hydrauliques en bétons et construits tous les kilomètres le sont... d'où la différence avec les barrages de castors qui font partis d'un écosystème qui s'equilibre continuellement et qui disparaissent si ils ne sont plus utilisés (pas comme les vannages abandonnés). Certaines raisons peuvent justifier le maintien d'un seuil mais certainement pas la pseudo-ressemblance avec une construction animale, c'est cette comparaison que je trouve un peu absurde.

      Concernant l'enjeu énergétique (mais qui n'a finalement rien à voir avec les castors) nous sommes d'accord que notre dépendance aux énergies fossiles causera notre perte. Maintenant, si c'est de ça que nous parlons, entre l'équivalence d'une poignée d'éoliennes pour certains département et la préservation d'espèces menacées et la restauration des fonctions naturelles des rivières mon choix pour l'avenir de notre terre (qui prospérait beaucoup mieux sans notre désir insatiable de tout artificialiser) est vite fait. Je n'attaque pas que les moulins mais bien un ensemble d'ouvrages construits dans le but de produire toujours plus au détriment d'une nature à qui on ne peut malheureusement pas donner voix au chapitre. Nous avons chacun nos avis sur le sujet mais espérons que nous saurons apprécier, dans le respect de chacun, les coûts et les bénéfices de chaque opération au cas par cas pour déterminer sa réelle utilité.

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    3. "je considère qu'il faut laisser la nature décider"

      Ce n'est pas notre cas. Cf nos articles contre le naturalisme comme ontologie. Il n'y a pas réellement d'agent qui s'appelle "la nature" et il n'y a pas beaucoup de sens pour un humain à abandonner son destin à une sorte de "laisser-faire" des causes externes (on voit vite que cela mènerait à des apories ou des utopies exigeant d'accepter tous les aléas sous seul prétexte qu'ils sont naturels).

      En revanche bien sûr, les humains apprécient diversement des éléments de leurs milieux de vie, et ces milieux ont certaines règles propres d'évolution, à connaître avant d'agir. En outre, les humains n'aiment pas davantage les aléas industriels que les aléas naturels (raison pour laquelle une ontologie productiviste exigeant d'aimer la production pour la production n'a pas plus le dernier mot que l'ontologie naturaliste obligeant d'aimer la nature pour la nature). Il est bon que nous soyons mieux informés aujourd'hui qu'hier des conséquences de nos actions, sans que cela préjuge du jugement que nous portons sur ces conséquences.

      "une poignée d'éoliennes pour certains départements"

      Disons que 10 éoliennes de 5 MW produisent 0,1 TWh, mais le fossile utilisé en France est de 1000 TWh, sans compter les importations / hypothèses de relocalisation pour moins importer.

      Aucune simulation énergétique de notre connaissance ne se passe de l'hydraulique à court terme, et le maintien de la production hydraulique en climat potentiellement moins favorable a des implications.

      Cela dit, tout est possible sur le papier : il faut juste convaincre les citoyens que ses idées de mix énergétique sont les meilleures ! Pour le moment et de manière assez constante, les citoyens apprécient très majoritairement l'énergie hydro-électrique quand ils sont interrogés sur le mix de leur souhait. Il n'y a aucune raison qu'une minorité ne l'appréciant pas soit dotée d'un tel pouvoir d'influence sur les administrations françaises et européennes qui préparent les normes.

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  2. Je suis totalement d'accord avec vous Hydrauxois ce n'est pas le caractère naturelle du cours d'eau qui est finalement le meilleur. Le laisser faire ce n'est pas toujours bon. Finalement les bonnes interventions consistent à aider la rivière en créant des aménagements intelligents. La solution qui pourrait satisfaire tout le monde et s'intégrer pleinement dans la transition énergétique et écologique est la création de passe à poisson ou rivière de contournement et parfois une simple gestion des vannes ( maintien d'une ouverture si seuil pas trop haut pour l'équilibre sédimentaire et passage des poissons). Les agences de l'eau financement souvent plus de 50% des techniques non destructive(et je suis d'accord qu'il faut arrêter de financer à taux quasi maximal l'arasement interdit par la loi). Cependant encore de nombreux ouvrages ne sont pas conformes et l'argent publique ne peut pas tout financer. Il y a une solution, procéder comme l'assainissement à l'obligation de se mettre aux normes dans le cadre de la vente. Trop d'acheteur hélas achètent un moulin sans connaître les obligations aux préalable ou alors laisse à l'état de ruine l'ouvrage sans usages et donc sans développer l'hydroélectricité. Ou alors conditionner l'équipement hydroélectricité par le rétablissement de la continuité écologique(; en aidant à l'équipement globale y compris turbines par exemple , les bénéfices pourraient aussi permettre le financement de la continuité écologique). Concernant les barrages des castors heureusement ils sont temporaires

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  3. C'est tout de même bien dommage de ne pas considérer la nature comme "un agent à part entière". Sauf erreur de ma part c'est quand même grâce à elle que nous sommes en vie... lui rendre un peu de liberté ne paraît pas être une mauvaise solution. Nous nous croyons toujours capable de tout contrôler, j'aimerai bien voir où cela va nous mener... Toutefois je ne pense pas non plus que tout doit être rasé mais plutôt réfléchi selon le contexte et les enjeux. Bien évidemment, la production hydroélectrique de certains grands barrages est utile et rentable pour la société face à la crise énergétique. En revanche, si on prend l'exemple de la Normandie, la puissance hydroélectrique équipée correspond à 6 éoliennes de 5 MW alors que son interface avec le littoral lui confère un fort intérêt pour les espèces piscicoles migratrices. En considérant que la majorité des gros ouvrages de cette région sont déjà équipés, attaquer l'effacement de micro-seuils laissés à l'abandon et qui représentent d'importantes contraintes pour les propriétaires est-il vraiment justifié ? Je ne considère pas forcément l'hydroélectricité comme un mal, le déni de la biodiversité et des enjeux écologiques en revanche... Tirer des règles générales d'exemples uniques et n'utiliser des études qui ne vont que dans un sens me semble légèrement contraire au point de vue scientifique. Quant aux autres solutions pour restaurer la continuité je dis pourquoi pas mais vu leur coût et leur efficacité cela me paraît être contre-productif de ne faire que ça. Enfin bref, ce débat est malheureusement interminable et mon premier commentaire portait seulement sur la comparaison des seuils avec les barrages de castors, maintenant libre à chacun de considérer que du béton coulé dans la rivière c'est pareil que des branches coupées par des animaux faisant partis d'un écosystème qui s'équilibre en permanence, ou non.

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    1. La question à se poser c'est : pourquoi on agit ? La continuité écologique en long a pour l'essentiel été promue pour varier des densités de certains poissons à la demande d'un lobby (pêche sportive de salmonidés) avec l'appui d'un autre lobby (naturaliste hostile par principe à la présence humaine dans la nature). Nous ne pensons pas que ces objectifs sont d'intérêt général et nous ne souhaitons pas que les politiques publiques s'en inspirent. Nous préférons des rivières aménagées, des plans d'eau et des canaux qui rendent de nombreux services, qui ont leur propre biodiversité et leurs propres fonctionnalités. Cela n'exclut pas des zones sauvages témoins ou conservatoires, car tous les aménagements (et désaménagements) sont concevables ; mais pas comme axe de pensée de l'Etat et des agences publiques.

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    2. D'où l'interêt comme je disais de concilier rivière et plan d'eau aménagé par des dispositifs de dévalaison et montaison des poissons. Lobby des pêcheurs, naturaliste et hydraulicien enfin d'accord. Effectivement, plus d'argent publique pour détruire les ouvrages mais quand même une aide financière (avec participation des propriétaires) pour les équiper.

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