23/08/2025

Entretien des rivières, la mission oubliée et négligée par le gestionnaire public

L’entretien courant des cours d’eau – autrefois mission importante des syndicats de bassin – est désormais abandonné au profit de politiques centrées sur la faune, la flore et les continuités écologiques. Ce basculement idéologique et financier laisse les riverains seuls face aux embâcles et aux arbres malades ou frappés par le changement climatique, sans moyens ni coordination. Les conséquences sont lourdes : risques accrus pour la sécurité publique lors des crues et tempêtes, dégradation du paysage, perte d’agrément pour les habitants et usagers des rives.


Un lecteur nous transmet cette position d'un syndicat local de rivière, concernant la gestion des embâcles et ripisylves. 

Ce cas particulier reflète les situations que nous observons un peu partout.

« Entretien - Lors des années passées, le SMYB réalisait principalement de l’entretien de cours d’eau. Celui-ci était effectué pour palier à l’absence d’intervention de la part des propriétaires riverains. Ces interventions étaient et sont possibles grâce à une déclaration d’intérêt générale (arrêté 58-2021-11-26-00001, délivré en date du 26/11/21 par le préfet de la Nièvre et le 01/12/21 par le préfet de l’Yonne). Dans le cadre du 12ème programme de l’agence de l’eau seine Normandie, il n’y aura plus de financement sur la thématique « entretien » comprenant la gestion des embâcles et des berges.

Il est rappelé que le propriétaire riverain reste propriétaire de sa berge ainsi que du fond du lit jusqu’à une ligne imaginaire tracé au milieu de la rivière. Il est donc de son devoir d’entretenir la végétation présente sur la berge lui appartenant et reste responsable des dégâts que celle-ci pourrait occasionner. Cependant, à ce jour, il n’existe aucune règlementation l’obligeant de le faire.

Toutefois, le maire de la commune peut appliquer son pouvoir de police dans le cas où la végétation engendrerait un risque pour les biens et les personnes.

Concernant la gestion des embâcles dans les ouvrages :

 Pour les ouvrages routiers :
§ Pour une route départementale – la gestion revient au département,
§ Pour une route communale – la gestion revient à la commune,
§ Pour un ouvrage privé – la gestion revient au propriétaire de l’ouvrage.

 Pour les moulins : le propriétaire doit pouvoir gérer et/ou manœuvrer son ouvrage en tout temps. De plus, le bief de moulin est souvent considéré comme une surface bâtie ; de fait, il se doit également d’en assurer le bon fonctionnement et l’entretien. Les interventions sur l’entretien des biefs ne relèvent pas de l’intérêt général, donc le SMYB ne peut pas intervenir sauf pour de l’accompagnement technique.

Ceci dit, les agents du SMYB apporteront toujours un accompagnement technique et administratif (marquage des arbres, réalisation de demande de devis, rédaction des documents administratifs et règlementaires et suivi de chantier…) sur ce volet.

En 2024, l’agence de l’eau seine Normandie avait débloqué des fonds exceptionnels (financement à 60 %) pour la gestion des embâcles liés aux crues juin 2024 sur les communes déclarées en catastrophe naturelle. Il est possible que ces fonds soient renouvelés, avec toutes les incertitudes que cela comporte.

Pour rappel :
 2013-2018 : 10ème programme de l’agence de l’eau - 80% de subvention pour l’entretien,
 2019-2024 : 11ème programme de l’agence de l’eau – 40% de subvention pour l’entretien,
 2025-2030 : 12ème programme de l’agence de l’eau – fin des subventions.

Le seul entretien réalisé par le SMYB est celui concernant les travaux préparatoires avant la réalisation des aménagements sur la ou les parcelles concernées. Mais aussi des travaux d’optimisation sur les projets déjà réalisés visant à assurer leur pérennité et leurs fonctionnalités. »


L’entretien des rivières, une mission en déshérence

Jusqu’aux années 1990, l’entretien des cours d’eau constituait une mission prioritaire pour les syndicats de bassin et leurs partenaires publics. Les chantiers concernaient la gestion des embâcles, la maîtrise de la végétation sur les berges, le suivi de certains ouvrages (retenues et biefs). Ils répondaient à une double exigence : la sécurité des biens et des personnes, la qualité paysagère et hydraulique des territoires.

À partir des années 1990, un changement de paradigme s’est imposé. Portée par l’idée (ou l'utopie) d’un «retour heureux à la nature sauvage», la politique de l’eau a progressivement déplacé ses priorités. Les agences de l’eau et les syndicats ont concentré leurs moyens sur les continuités écologiques et la restauration d’habitats pour la faune et la flore. Les attentes humaines et riveraines – sécurité, usages locaux, cadre de vie, entretien courant – ont été reléguées au second plan.

Ce basculement s’est accompagné d’un désengagement financier. Les subventions pour l’entretien ont d’abord été réduites, puis supprimées, laissant toute cette charge aux propriétaires riverains. Or, ceux-ci ne disposent ni des équipements lourds nécessaires pour dégager les arbres tombés, ni des compétences techniques ou de la coordination indispensable pour agir à l’échelle d’un linéaire. D'autant que les chantiers sont devenus terriblement complexes en raison des obligations et procédures environnementales, conçues justement pour décourager et non encourager l'intervention humaine en milieu naturel ! Même les communes, syndicats ou parcs qui veulent encore agir passent plus de temps à remplir des dossiers qu'à réaliser des chantiers...

Le résultat est un vide juridique et opérationnel : les embâcles se multiplient, les crues et tempêtes emportent des troncs malades ou affaiblis, les risques pour les infrastructures et les personnes augmentent.

Les étangs et moulins, retenues et biefs, qui jouent encore un rôle de filtre et de régulation, sont ignorés, voire considérés comme des obstacles à supprimer, alors qu’ils pourraient être des partenaires utiles si leur contribution était reconnue et appuyée.

L’entretien des rivières se trouve donc aujourd’hui dans une impasse. L’autogestion collective des riverains, souvent évoquée comme solution, reste théorique : elle se heurte au coût des chantiers et à la complexité croissante des règles, ainsi qu'à la difficulté de coordination d'un parcellaire riverain très morcelé. Faute d’une réaffirmation claire de l’entretien des rives et des rivières comme mission d’intérêt général, soutenue par des financements et une ingénierie publique, les territoires restent exposés à une défaillance généralisée.

En ce domaine comme en d’autres, il devient nécessaire de réviser certains choix publics opérés depuis trente ans dans les lois sur l'eau. Le souci légitime de l’écologie ne saurait signifier l’abandon des habitants et usagers humains des rives : la protection de la faune et de la flore doit aller de pair avec la sécurité publique et la qualité de vie des riverains.

Photos et source : Yves Mercier, Associations des moulins de la Nièvre et du Morvan. 

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