18/01/2018

Rapport sur la biodiversité et les fonctionnalités écologiques des ouvrages hydrauliques et de leurs annexes

Le Comité national de l'eau a ouvert un cycle de discussion sur les problèmes rencontrés dans la mise en oeuvre de la continuité écologique et les meilleurs moyens d'y remédier. A cette occasion, notre association et l'Observatoire de la continuité écologique ont publié un rapport sur la question de la biodiversité et des fonctionnalités écologiques négligées des ouvrages hydrauliques et de leurs annexes. Sa diffusion est libre et conseillée, pour informer les élus, les commissaires enquêteurs, les animateurs de syndicats, etc. 

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Introduction
Les ouvrages hydrauliques ont des impacts physiques, chimiques, biologiques sur la rivière, et modifient localement le vivant. Dans certains cas, les modifications excèdent la station et s’observent sur un tronçon de rivière, voire un bassin versant. Des espèces de poissons ayant besoin de grandes migrations sont pénalisées, d’autres ayant une préférence pour les eaux vives voient leurs habitats restreints sur le bassin versant.

Mais les ouvrages hydrauliques, dont beaucoup sont anciens en France, produisent aussi des habitats qui leur sont propres, ils augmentent la surface en eau du bassin versant, ils dessinent des zones humides artificielles.

La politique de continuité écologique aboutit aujourd’hui à la destruction d’ouvrages et de leurs annexes hydrauliques, choix majoritaire dans plusieurs bassins majeurs (Seine-Normandie, Artois-Picardie Loire-Bretagne). Ces ouvrages conditionnent l’existence de divers milieux aquatiques et humides : retenues, réservoirs, lacs, étangs, canaux, biefs, rigoles de déversoir, annexes humides, etc.

Outre la mauvaise prise en compte de certaines dimensions d’intérêt général (paysage, patrimoine, énergie, etc.), les conditions de mise en œuvre de ces destructions sont problématiques :

  • La biodiversité et les fonctionnalités (comme l’épuration) des systèmes hydrauliques concernés ne sont pas étudiées.
  • Le choix de favoriser la biomasse de certains poissons spécialisés (parfois non migrateurs et non amphihalins) ne signifie pas un gain total de biodiversité (ignorance presque totale des oiseaux, amphibiens, mammifères, insectes, végétaux, etc.). Les gains ne sont pas évalués en vérifiant des pertes pour d’autres assemblages biologiques.
  • Les milieux lentiques sont assimilés par construction à des milieux « dégradés » par rapport à des milieux lotiques, alors qu’ils sont aussi des habitats pour des espèces adaptées.
  • Une certaine vision de la nature idéale comme « nature sans l’homme » voire « nature avant l’homme » est mise en avant alors qu’elle est loin d’être consensuelle dans la communauté savante et encore moins chez les riverains (loin aussi d’être avancée de manière aussi brutale dans les autres compartiments des politiques publiques).
  • Les renaturations de rivières ont des coûts conséquents avec des impacts sur les usages ou aménités, sans qu’il soit clairement démontré que les services rendus par les écosystèmes aux citoyens sont modifiés dans un sens favorable.

Des travaux de recherche, y compris français et récents, critiquent désormais certains aspects de cette politique de restauration physiques des rivières, appelant à une approche plus intégrée et plus rigoureuse des choix publics.

Nous proposons pour l’avenir de

  • Séparer plus nettement la gestion halieutique (poisson et pêche) et la gestion écologique (diversité du vivant et des habitats) des rivières
  • Mieux préparer les chantiers en développant une grille d’analyse de biodiversité et de fonctionnalité des sites, préalable à toute destruction
  • Rehausser le niveau d’étude des bassins versants, avec une écologie du terrain et de la donnée évitant d’appliquer de manière trop rigide les orientations trop systématiques des programmations administratives.
  • Solvabiliser ce niveau d’ambition, qui ne peut relever que des politiques publiques d’expertise et non des particuliers ou exploitants.

Chaque rivière a une histoire de vie qui lui est propre, chaque site est un cas particulier. La réalité écologique doit être étudiée sans préjugé avant intervention.

17/01/2018

Après Notre-Dame-des-Landes, les luttes riveraines sont légitimes

Le gouvernement a décidé de l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes. Cette question n'entre pas dans le domaine d'expertise et d'intervention de notre association, hormis sur un point : l'attitude des citoyens vis-à-vis des politiques publiques, et en particulier du pouvoir exécutif et de son administration. Nous recevons ainsi ce message de l'Etat : les luttes pour protéger les cadres de vie menacés par des politiques jugées brutales et inutiles par les riverains sont désormais légitimes en France. L'immense et ruineuse folie de la destruction des patrimoines historique, culturel et naturel des rivières, des étangs, des lacs doit donc être combattue sur le terrain comme devant les tribunaux tant que le gouvernement et son administration n'entendent pas les attentes des citoyens.



Quels que soient ses qualités et ses défauts, le projet de NDDL avait été validé par l'ensemble des votes intermédiaires, des enquêtes publiques, des contentieux judiciaires. Il avait aussi donné lieu à une procédure exceptionnelle de référendum local, avec issue favorable au projet.

Le gouvernement a néanmoins jugé préférable de donner raison aux opposants, incarnés notamment par la "zone à défendre" ayant pris la place de la zone d'aménagement différée dans le bocage de la région nantaise.

L'évacuation de cette "ZAD" et les justifications apportées par le gouvernement sont ici secondaires par rapport au message principal que contient la décision : les citoyens voient reconnaître la légitimité d'une opposition aux choix néfastes de la puissance publique. Et cela au-delà des procédures de concertation ou de contentieux, qui avaient été respectées dans le cas de Notre-Dame-des-Landes.

Ce droit de résistance aux décisions publiques absurdes, nous le revendiquons donc ici, maintenant et partout pour la défense des ouvrages hydrauliques menacés de destruction.

Nous rappelons que la réforme dite de "continuité écologique", initialement conçue pour aider des poissons grands migrateurs à remonter les rivières là où l'intervention avait un bilan coût-bénéfice raisonnable, est devenue une machine administrative folle à détruire les cadres de vie appréciés des riverains et les paysages hérités des vallées françaises.

Le ministre Nicolas Hulot a encore pris le 4 novembre 2017 la décision isolée et autoritaire de programmer la destruction des deux grands barrages de la Sélune, contre l'avis de dizaines de milliers de riverains et en ignorance des discussions en cours. Des centaines de moulins, forges, étangs sont déjà détruits chaque année dans le pays.

Cette réforme dite de continuité écologique :
  • est menée dans le mépris des citoyens avec une concertation minimaliste et des comités de pilotage fermés,
  • coûtera plus de 2 milliards € d'argent public sur les 20 000 ouvrages menacés,
  • détruit à marche forcée le patrimoine hydraulique français,
  • fait disparaître des zones humides et milieux d'intérêt,
  • contredit la lutte contre le changement climatique en sacrifiant des énergies locales et bas-carbone.
La continuité écologique telle qu'elle est aujourd'hui pratiquée par l'administration française a toutes les caractéristiques des "grands projets inutiles et coûteux". Elle relève d'abord de l'abus de pouvoir des bureaucraties autoritaires, et non de la volonté des citoyens comme de leurs représentants élus.

Cela doit cesser.

Les riverains sont fondés à s'engager par tous les moyens démocratiques à leur disposition pour lutter contre la destruction des ouvrages hydrauliques. Après Notre-Dame-des-Landes, le choix des possibles s'est élargi pour cette mobilisation nécessaire, urgente, collective.

15/01/2018

Trois orientations simples pour une politique apaisée des ouvrages hydrauliques

Dans les coursives du ministère de la Transition écologique et solidaire, dans les cénacles du Conseil national de l'eau, dans les bureaux des administrations aquatiques, on discute beaucoup des issues à trouver pour la réforme ratée de continuité écologique, décrite comme une "épine dans le pied" des politiques environnementales par le récent rapport du CGEDD. Hélas, ces discussions tendent toujours à contourner les problèmes principaux. Nous revenons ici à trois idées simples formant la base des attentes des propriétaires et des riverains. Et revenant surtout sur ce que dit la loi française. Nous invitons les associations, syndicats et collectifs à les rappeler aux administrations et gestionnaires, en demandant si, oui non, ils s'engagent à respecter ces trois orientations. Si la réponse est négative, les problèmes ne pourront pas trouver de solutions. Si la réponse est positive, la continuité écologique sera apaisée.


Une continuité écologique privilégiant la gestion, l'équipement, l'entretien des ouvrages
Enjeu : la loi française (article L 214-17 Code de l'environnement) a demandé que chaque ouvrage soit "géré, équipé, entretenu" dans le cadre de la continuité écologique. Ce qui signifie : ouverture des vannes, passes à poissons, rivières de contournement, rampes enrochées. Certains établissements administratifs comme les Agences de l'eau ou l'Agence française pour la biodiversité expriment une préférence pour la destruction des ouvrages, choix qui n'est pas spécifié par les parlementaires. Or, il ne revient pas à l'administration d'interpréter la loi, mais de l'exécuter en conformité à la volonté générale. Des destructions sont possibles dans certains cas, mais elles n'ont aucune légitimité à devenir le choix des pouvoirs publics.
Attente : la politique de continuité doit revenir à son orientation première, cesser les destructions qui posent problème et privilégier les solutions non destructrices.

Une continuité écologique indemnisant les solutions inabordables pour les maîtres d'ouvrage
Enjeu : les aménagements de continuité écologique, visant au bien commun, ont des coûts considérables. Ils ne sont donc pas abordables pour les particuliers et petits exploitants, ces derniers ayant déjà la servitude lourde de surveiller et gérer les dispositifs de franchissement. La loi de 1984 avait programmé le franchissement piscicole sur certaines rivières à migrateurs, mais elle avait été très peu appliquée car elle ne prévoyait justement pas d'indemnisation des travaux, aboutissant à un blocage de terrain. La loi de 2006 a corrigé cette erreur en prévoyant l'indemnisation des travaux représentant une charge spéciale et exorbitante.
Attente : les solutions de continuité écologique doivent faire l'objet d'un financement public, les solutions les moins coûteuses étant privilégiées.

Une continuité écologique respectant la gestion équilibrée et durable des rivières
Enjeu : la continuité écologique n'est qu'un des nombreux éléments définissant dans la loi la "gestion équilibrée et durable" de l'eau (article L 211-1 Code de l'environnement). Sa mise en oeuvre doit donc être compatible avec les autres dimensions de la rivière. Dès 2012, le Conseil général de l'environnement et du développement durable a demandé que les ouvrages soient analysés selon une grille multicritères incluant le patrimoine, le paysage, l'énergie, les usages locaux, la valeur foncière, la biodiversité en dehors des poissons spécialisés, etc.
Attente : les projets de continuité écologique doivent améliorer le franchissement piscicole et le transit sédimentaire en tenant compte des droits établis, des autres attentes d'intérêt général, des différents aspects de l'écologie, sur la base d'analyse coûts-avantages.

14/01/2018

Guide de bonnes pratiques pour les projets d’effacement de seuils et barrages en rivière

Les collectifs ou les associations de riverains sont souvent confrontés au même problème dans le domaine de la continuité écologique: un bureau d'études, un syndicat de rivière ou une fédération de pêche présente un projet d'effacement d'un ouvrage hydraulique qui ne correspond pas à la réalité perçue et vécue de l'ouvrage. La raison en est que dès le départ, le diagnostic du site a été biaisé par des mauvaises pratiques, avec l'oubli de nombreux éléments à étudier. Pour les collectifs et les associations, nous proposons une grille d'élaboration des diagnostics et avant-projets d’effacement de seuils et barrages en rivière (version 1.3, janvier 2018). Il s'agit de l'adresser au début de toute étude à la structure en charge du diagnostic. Si vous rencontrez un interlocuteur fermé et peu disposé à entendre la nécessité d'une approche complète, objective et concertée de l'ouvrage hydraulique, contactez-nous. 


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Introduction du document :

Depuis le vote de la LEMA en 2006, la mise en œuvre de la continuité écologique se traduit par la multiplication des commandes pour les bureaux d’études, le plus souvent des commandes publiques ou financées par argent public.

Mais les dossiers qui en résultent font apparaître un certain nombre de problèmes, le plus souvent fonction du maître d’oeuvre : lacunes, erreurs, improvisations, distorsion des commentaires ou des conclusions par rapport aux résultats de calcul, etc.

Ces travers sont particulièrement marqués dans le cas des effacements d’ouvrages, auxquels cette note est spécifiquement dédiée. Une autre note évoquera la question des aménagements non destructifs.

De manière non exhaustive, on citera :

  • mauvaise information sur les bases juridiques du droit d’eau / règlement d’eau, voire oubli pur et simple de cette dimension ;
  • absence d’évaluation économique de ce droit d’eau (et de compensation afférente en cas de disparition) ;
  • carence d’évaluation des éléments immatériels (histoire, paysage, patrimoine) impliqués dans la valeur foncière du site ;
  • centrage sur les poissons, non prise en compte de la biodiversité ordinaire et des fonctionnalités écologiques des ouvrages hydrauliques et de leurs annexes humides ;
  • absence d’objectifs chiffrés et d’analyse coût-avantage de la restauration écologique envisagée (seule et en comparaison au coût-avantage de mesures compensatoires pour les milieux) ;
  • défaut de concertation élargie à l’ensemble des riverains impactés par la modification du lit suite à l’effacement ;
  • manque d’indépendance vis-à-vis du financeur de l’étude, dévalorisation de la qualité technique des travaux et donc de la signature du bureau.

Pour restaurer la crédibilité des BE, respecter les droits des propriétaires et riverains, produire une réforme de continuité écologique en phase avec les exigences du public, il est donc nécessaire de produire des études de restauration écologique / morphologique plus solides et plus équilibrées.

Ce guide a été réalisé à partir de l’étude de la littérature technique / scientifique et du retour d’expérience d’une cinquantaine d’ouvrages en France ayant fait l’objet d’une étude d’impact / étude de faisabilité en restauration. Distribué aux maîtres d’ouvrages, il sera pour eux la garantie que le BE mandaté par eux-mêmes, l’EPCI-EPTB ou l’Agence de l’eau accomplira un travail complet et objectif sur les différentes dimensions des ouvrages hydrauliques, les enjeux réels des chantiers et de tous leurs impacts.

Chaque volet du guide doit être rempli lors des travaux d’analyse diagnostique et une analyse coût-avantage doit intégrer l’ensemble des volets, afin que la décision d’effacement reflète fidèlement l’ensemble des coûts réels pour le maître d’ouvrage et pour la collectivité.

11/01/2018

La restauration physique de rivière peine à modifier les peuplements aquatiques dans la durée (Lorenz et al 2018)

Une nouvelle étude de chercheurs allemands montre que même après 15 ans, les mesures de restauration morphologique des rivières ne parviennent pas à produire le bon état écologique au sens de la directive cadre européenne sur l'eau (DCE 2000). Les résultats sont plus notables en berge (carabes, végétation riveraine) que dans les peuplements aquatiques (poissons, invertébrés, macrophytes), ces derniers ne permettant pas d'observer des variations significatives dans le temps.  Il paraît donc important que les gestionnaires publics des rivières ré-évaluent la portée de leurs actions : recalage des objectifs de la DCE, rigueur dans le suivi des opérations, évaluation comparée plus fine des différentes mesures de restauration, débat sur le coût des interventions et l'évolution avant-après des services rendus par les écosystèmes aux citoyens.

La recherche en écologie appliquée a montré que la restructuration hydromorphologique des rivières a souvent peu d'effets sur le biote aquatique, même en cas de forte altération de l'habitat. Les scientifiques supposent que la réponse biotique est simplement retardée car les espèces ont besoin de plus de temps pour recoloniser les nouveaux habitats et établir des populations.

Pour identifier et spécifier ce temps de latence supposé entre la restauration et la réponse biotique, Armin W. Lorenz et ses 4 collègues ont étudié 19 tronçons de rivière réaménagés, et cela deux fois (2007-2008, 2012-2013) dans un intervalle de cinq ans. Les sites avaient été restaurés un à dix ans avant le premier échantillonnage, ce qui permet de vérifier si les variations de durée écoulée depuis la restauration se traduisent par des variations biologiques (espèces observées). Ces rivières se situent en plaine ou en basse montagne.

Les chercheurs ont échantillonné trois assemblages d'espèces aquatiques (poissons, invertébrés benthiques, macrophytes) et deux groupes d'organismes riverains (Carabidés, c'est-à-dire des coléoptères terrestres, et végétation riveraine). Ils ont analysé les changements dans la composition des assemblages de ces espèces et dans les paramètres biotiques. Ils ont aussi vérifié si l'état écologique de la rivière tel qu'il est mesuré par la directive cadre européenne sur l'eau (DCE 2000) a changé avant et après la restauration.


Changements dans le nombre de taxons (a), l'abondance (b),le nombre (c) et le % d'abondance (d) des espèces indicatrices. FI = poisson, MIV = macro-invertébrés, MP = macrophytes, RV = végétation riveraine, GB = carabes. La ligne centrale indique la médiane des données, le premier et le troisième quartiles définissent la boîte à moustaches. Cliquer pour agrandir. Source : art cit, droit de courte citation

Les chercheurs résument ainsi leur principaux résultats : "À l'exception des assemblages de carabes, nous n'avons observé aucun changement important dans les paramètres de mesure de la richesse et de l'abondance utilisés pour l'évaluation biologique. Toutefois, les taxons indicateurs des conditions d'habitat quasi naturel dans la zone riveraine (indicateurs d'inondation régulière chez les plantes et de spécialistes des berges chez les carabes) se sont considérablement améliorés au cours de l'intervalle de cinq ans. Contrairement aux attentes générales en matière de planification de la réhabilitation des rivières, nous n'avons pas observé de succession distincte de communautés aquatiques ni de tendance générale vers un 'bon état écologique' au fil du temps. De plus, plusieurs modèles de régression linéaire ont révélé que ni le temps écoulé depuis la restauration ni l'état morphologique n'ont eu d'effet significatif sur les mesures biologiques et les résultats de l'évaluation. Ainsi, la stabilité des assemblages aquatiques est forte, ce qui ralentit les effets de restauration dans la zone aquatique, alors que les assemblages riverains s'améliorent plus rapidement."

Les auteurs rappellent que plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer la relative stabilité des assemblages aquatiques malgré les restaurations morphologiques :
  • longueur insuffisante des tronçons de rivières restaurées,
  • potentiel de recolonisation (populations sources) absentes,
  • influences prédominantes d'autres impacts du bassin versant,
  • durée longue nécessaire au retour de la biodiversité attendue.
Ils concluent en soulignant que des ré-introductions artificielles d'espèces cibles peuvent aider à accélérer le processus de recomposition biologique.

Discussion
Quand le bilan de restauration physique des rivières est réalisé par des scientifiques plutôt que par des associatifs ou des organismes administratifs, la conclusion est généralement plus sévère. Ce point avait été soulevé en France dans un travail montrant que le bénéfice des opérations est inversement proportionnel à la rigueur de l'examen des résultats (Morandi et al 2014). Contrairement à une idée reçue, les discussions des chercheurs en écologie appliquée à la restauration de rivières sont plutôt dominées depuis une dizaine d'années par un constat d'écart entre les attentes et les résultats (voir cette synthèse sur 2005-2015)

Les rivières et leurs bassins versants sont soumis à de multiples pressions, à différentes échelles spatiales et temporelles, avec des effets complexes (additifs, synergistiques, antagonistes). Ces hydrosystèmes sont modifiés, parfois lourdement, et généralement depuis longtemps. Des travaux de modélisation ont souvent montré que les usages des sols sur le bassin versant - pression diffuse et difficile à corriger - exercent un impact plus notable que des altérations locales d'habitats.

Par ailleurs, la restauration physique de rivière concerne des interventions différentes sur le lit mineur, la berge ou le lit majeur - en Allemagne, on pratique plus souvent des interventions stationnelles pour créer des micro-habitats, en France on investit davantage dans la continuité longitudinale. Il faut donc aller dans le détail des types de mesures et des résultats pour vérifier leurs effets relatifs.

Quoiqu'il en soit, ces travaux de recherche sur l'évaluation critique de la restauration devraient conduire les gestionnaires à rappeler plusieurs choses :

  • l'espoir que la restauration physique / morphologique de rivière parvienne à produire le bon état écologique au sens de la DCE dans les délais impartis par l'Europe (en 2015, 2021 ou 2027 au maximum) n'est guère fondé,
  • le caractère multifactoriel, ancien et profond des altérations de bassins versants implique que les coûts d'intervention et de restauration vont être cumulatifs et considérables, ce qui pose la question du consentement à payer des citoyens pour les objectifs que l'on se fixe, pour le délai espéré dans l'atteinte ces objectifs et pour les services réellement rendus par les écosystèmes restaurés.

La DCE 2000 va connaître un cycle de ré-examen sur la période 2019-2021. Il serait utile que les chercheurs, les administratifs et les politiques en profitent pour tenir un discours de vérité, et repenser les objectifs de manière plus réaliste (au plan écologique et biologique, mais aussi économique et social).

Référence : Lorenz AW et al (2018), Revisiting restored river reaches – Assessing change of aquatic and riparian communities after five years, Science of the Total Environment, 613–614,1185–1195