09/04/2018

Sauver le Theusseret sur le Doubs franco-suisse

Le superbe site du Theusseret sur le Doubs franco-suisse est aujourd'hui menacé de destruction au nom de la continuité écologique. Ce scénario est privilégié pour le moment par l'administration française et l'EPTB Saône et Doubs, qui agissent sous pression du lobby des pêcheurs de truite. Mais de nombreux riverains en France comme en Suisse refusent la disparition de ce site d'intérêt historique, paysager, énergétique et environnemental. Les associations Hydrauxois et Sauvons le Theusseret viennent de publier un rapport critique sur le projet de destruction, soulignent les carences dans le diagnostic écologique et appellent les autorités à choisir le scénario alternatif d'un aménagement de continuité avec installation d'une usine hydro-électrique. La casse des ouvrages a trop duré: sur le Doubs comme partout, place à une restauration intelligente de notre patrimoine pluriséculaire.


Le site du Theusseret sur le Doubs franco-suisse a accueilli un moulin sous l’Ancien Régime (minoterie, scierie), électrifié en 1892, devenu par la suite une usine hydro-électrique avec diverses modernisations des turbines de la centrale. La production a cessé en 1972.

Depuis 2014, ce site est en projet d’aménagement au titre de la continuité écologique.

Les signataires du présent dossier constatent que le processus de concertation sur l’avenir du barrage du Theusseret a été défaillant et s’est orienté dès le départ dans une logique de destruction du site, sans avoir les bases factuelles justifiant le choix de cette option.

Ainsi, dans le comité de pilotage amont et au cours des discussions visant à construire le projet (et non seulement à en être informés de manière passive) :

  • Les riverains ne sont pas représentés
  • Toutes les associations ne sont pas représentées
  • Les hypothèses de relance hydro-électrique sont écartées ou ne sont pas étudiées en analyse coût-bénéfice avec le même niveau de rigueur que la destruction
  • Les données essentielles manquent dans le rapport de 2014 (pas d’analyse biologique du site amont-retenue-aval, pas d’analyse des sédiments, pas d’objectifs de biodiversité dont le résultat serait garanti et justifierait la dépense).

Nous dressons ici plusieurs constats sur lesquels nous souhaitons obtenir des informations.

Nous demandons des évolutions substantielles de la concertation.

Nous souhaitons l’examen d’un projet d’aménagement écologique, paysager et énergétique non destructeur du site du Theusseret.

Lire le dossier complet (pdf)

08/04/2018

Quand la nature crée toute seule des obstacles à l'écoulement des rivières

Dans les têtes de bassin versant, souvent présentées comme des enjeux forts pour la continuité écologique — comprendre en général : enjeu halieutique pour la pêche à la truite —, la nature crée spontanément de nombreux obstacles à l'écoulement : chutes, cascades, barrages d'embâcles... Mais que fait la police de l'eau?

Les ruisseaux et rûs du Morvan ont la réputation d'être des "pépinières" pour la reproduction des truites, qui viendraient y frayer pour ensuite grossir dans le cours principal des rivières. Quelques relevés de l'Onema avaient plaidé en ce sens au cours des années 2000, sans que l'on sache vraiment si cette observation est généralisable et confirmée par des mesures stables dans le temps.

En circulant le long de ces ruisseaux et rûs, on est cependant frappé par les nombreux obstacles à la circulation du poisson que la nature y place.



Sur un ruisseau affluent du Cousin (ci-dessus), on a ainsi dénombré pas moins de 15 obstacles sur 200 m, formés soit de roches imposant des petites cascades, soit de barrages d'embâcles, de hauteur supérieure à 20 cm (et atteignant jusqu'à 85 cm). Le ruisseau étant par définition à faible puissance hydraulique, plusieurs de ces obstacles sont dénués de fosse aval profonde (creusée par l'eau au pied d'une chute) qui permettrait d'améliorer la capacité de saut (le poisson prend élan dans cette zone d'appel).

Si l'on en croit l'article R214-109 du code l'environnement, "constitue un obstacle à la continuité écologique, l'ouvrage entrant dans l'un des cas suivants : 1° Il ne permet pas la libre circulation des espèces biologiques, notamment parce qu'il perturbe significativement leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri ; 2° Il empêche le bon déroulement du transport naturel des sédiments ; 3° Il interrompt les connexions latérales avec les réservoirs biologiques ; 4° Il affecte substantiellement l'hydrologie des réservoirs biologiques."

Pour arriver à des règles d'instruction, l'article R214-1 du même code suggère que l'obstacle à la continuité écologique commence à 20 cm de hauteur (cas demandant une déclaration à la préfecture) et s'aggrave au-delà de 50 cm de hauteur (cas demandant une autorisation).

Nous en déduisons que la nature construit par elle-même de nombreux obstacles à l'écoulement, sans demander l'autorisation à la préfecture. Si les écoulements des ruisseaux morvandiaux étaient soumis à instruction des agents de l'AFB-Onema, ils ne seraient probablement pas autorisés... et ne parlons pas du saut du Gouloux!


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07/04/2018

Au préfet de la Manche: désolé d'être "inutiles" et "irréalistes", mais nous refusons la casse de la Sélune

Le préfet de la Manche qualifie d'"inutiles" et "irréalistes" les oppositions à la destruction des barrages et lacs de la Sélune, affirmant que la décision de l'Etat est "définitive" et "irréversible". Pendant ce temps-là, le ministre semble enfermé dans ses bureaux parisiens, avec une inquiétante tendance à l'écologie hors-sol refusant de débattre avec les riverains et usagers. L'Etat-propriétaire adopte la position qu'il veut: encore faut-il qu'il la précise dans un arrêté. Si cette position est la destruction des barrages et des lacs, elle fera l'objet de contentieux judiciaires et, espérons-le, d'une forte opposition parlementaire. Rappelons qu'au prix une dépense estimée à 50 millions € minimum, on détruit deux lacs, un outil de régulation des crues, un outil de production d'énergie propre et bas carbone pour le retour hypothétique de 1300 saumons seulement, un enjeu écologique faible qui pourrait être obtenu par d'autres moyens sur une nouvelle concession de 30 ans. Cela correspond-il aux orientations politiques du gouvernement français sur la rigueur de la dépense publique, l'urgence de la lutte contre le changement climatique, la diversité des écosystèmes, l'écoute des citoyens trop souvent désemparés face à des choix aberrants?


Le préfet de la Manche, Jean-Marc Sabathé, a publié un communiqué le 5 avril 2018 sur la destruction des lacs et barrages de la Sélune. Ce communiqué est introuvable en ligne à l'heure où nous écrivons.

D'après les extraits rapportés par la presse ayant eu le privilège de recevoir l'information officielle de l'Etat français, "la décision de renaturer la vallée de la Sélune après arasement des barrages de Vezins et de la Rochequiboit, est définitive et irréversible (..) Aucun autre projet alternatif ne verra donc le jour. Ni celui porté en son temps par la société Valorem, ni celui de l’association Écologie Normandie qui viserait à construire une usine de production d’hydrogène par électrolyse en lieu et place de l’usine d’EDF de production électrique, qui sera d’ailleurs mise à l’arrêt dans quelques semaines. À la fin de la concession d’EDF, l’État, propriétaire des barrages de Vezins, a clairement décidé de ne pas remettre l’ouvrage en concession et de procéder à son arasement".

Le préfet de la Manche ajoute :

"Il est aujourd’hui inutile de s’accrocher à des projets irréalistes et qui de toute façon ne seront pas mis en oeuvre par l’État propriétaire. Les polémiques sont inutiles et sèment la division. Il convient maintenant d’aller de l’avant, avec un état d’esprit positif, dans la sérénité et le rassemblement de la population autour d’un très beau projet environnemental, innovant et porteur de nouvelles activités de pleine nature pour la vallée de la Sélune".

Le projet de Valorem (que nous avons diffusé en ligne) n'avait rien d'irréaliste à l'heure où de nombreux projets d'énergie renouvelable sont soutenus sur tous les territoires et où des barrages bien moins importants que ceux de la Sélune sont remis en exploitation. L'Etat a fait un choix purement politique, pour satisfaire certains acteurs et lobbies, avec une tentative de rationalisation a posteriori.

L'Etat choisit l'avenir du site dans le cadre de sa propriété de l'ouvrage, mais cette décision doit faire l'objet d'un arrêté préfectoral. Elle a un impact sur les milieux, les tiers, les risques, ce qui ouvre droit à sa contestation devant la justice. Cet arrêté, les élus et associations de la Sélune, comme plusieurs associations nationales dont Hydrauxois, l'attendent. Le préfet de la Manche et le ministère de l'écologie dont il se fait le porte-parole savent très bien que le projet de destruction des barrages se heurtent à une opposition massive, qui aura des conséquences judiciaires. Plus de 100 élus de la Manche ont déjà rappelé à Nicolas Hulot leur attachement au site.

Cette opposition, ainsi que le coût exorbitant de l'opération, avait conduit Ségolène Royal à geler l'hypothèse de la destruction et à chercher d'autres solutions. Nicolas Hulot a annoncé par simple communiqué en novembre 2017 le changement de doctrine de l'Etat. Cette manière de faire est évidemment une provocation de la part d'un ministre que l'on ne voit jamais sur le terrain et qui semble pour le moment prendre ses décisions dans le vase clos des concertations limitées à des technocraties et des ONG parisiennes. Ainsi, 50 élus et associations ont saisi Edouard Philippe pour l'alerter sur ce dossier qui semble géré avec légèreté voire mépris de la part de son ministre d'Etat en charge de la transition écologique et solidaire.

Comme des universitaires l'ont déjà fait observer, le déficit démocratique de ce projet et sa contestation sont des constantes depuis l'origine : le comportement du ministre et du préfet, consistant soit à ignorer purement et simplement les riverains, soit à qualifier de "polémique" leur légitime contestation rendent évidemment impossible une issue apaisée.

Nous disons donc à M. le préfet de la Manche : ce sont les tentatives de diversion ou d'intimidation de l'Etat qui sont inutiles et qui alimentent la division présente depuis 10 ans. Cette division est née d'un projet aberrant, imposé et décrié. Assumez désormais vos positions, publiez votre arrêté et retrouvons-nous devant le juge. Car les citoyens ont peut-être des visions irréalistes et inutiles, mais la République leur donne le droit de saisir la justice et d'interpeller les élus du parlement pour les défendre face aux menées du gouvernement et de son administration.

06/04/2018

Facteurs de variation des invertébrés aquatiques en rivière: poids de la pollution et de la morphologie (Corneil et al 2018)

Une nouvelle étude menée sur plus de 1000 sites de mesure dans les rivières françaises confirme que l'indicateur de qualité fondé sur les invertébrés (I2M2) est davantage impacté par les facteurs de pollution physico-chimique de l'eau que les facteurs hydromorphologiques changeant les débits ou les habitats. Plus de la moitié de ces variations d'insectes n'est cependant pas expliquée par des causes anthropiques, du moins par celles sur lesquelles on dispose de données pour les mettre dans le modèle. Ainsi, l'effet des pesticides et autres micropolluants n'est toujours pas intégré à grande échelle faute d'information en quantité et qualité suffisantes. Ces travaux d'écologie quantitative rappellent la complexité des impacts. Et la nécessité de mener des analyses diagnostiques sur chaque bassin versant quand on définit un programme public visant à atteindre le bon état écologique et chimique au sens de la directive cadre européenne sur l'eau. Des politiques mal informées produisent des choix mal priorisés.

Dans ce travail que vient de publier la revue Hydrobiologia, Delphine Corneil et ses collègues ont utilisé les données de 1015 sites du réseau de surveillance français, avec des prélèvements réalisés au cours de la période 2008-2009. Les sites ont été répartis dans 22 hydro-écorégions et ont couvert toutes les tailles de rivières. Pour décrire les impacts sur les cours d'eau, 21 mesures ont été retenues, concernant à la fois l'usage des sols, la morphologie des lits et berges, la qualité de l'eau. Ces pressions agissent tantôt au niveau de sites et de tronçons (quelques centaines de mètres), tantôt à échelle du bassin versant.

L'indice multimétrique invertébrés (I2M2), mis au point pour la directive cadre européenne sur l'eau (DCE 2000), répond à 20 pressions physico-chimiques et 7 pressions hydromorphologiques. Il est fondé sur la comparaison avec des sites de référence jugés peu impactés par l'homme. Ses données d'échantillonnage sont à la fois structurelles (richesse et diversité taxonomiques) et comportementales (taux d'ovoviviparité et de polyvoltinisme dans l'assemblage d'invertébrés, sensibilité à la pollution par ASPT).

Un modèle statistique a été construit par les chercheurs en vue d'analyser et pondérer les différents facteurs susceptibles de faire varier l'I2M2.

Le tableau ci-dessous (cliquer pour agrandir) indique les facteurs ayant un effet significatif, avec leur coefficient de régression (première colonne gauche) et la variation de ces coefficients selon 13 types de rivière (types définis par une analyse statistique préalable permettant de grouper des clusters cohérents selon leur réponse aux impacts).



Poids des facteurs ayant un impact significatif sur l'I2M2 dans l'ensemble des cours d'eau, in Corneil et al 2018, art cit, droit de courte citation.

On observe notamment dans ce tableau que
  • les facteurs à effet négatif sur le score I2M2 sont la densité de barrages, l'urbanisation, la rectification, l'érosion, les marqueurs de pollution (demande en oxygène DBO5, ammonium, nitrites, nitrates, phosphore total),
  • les facteurs les plus impactants concernent la dégradation de la qualité de l'eau par les nutriments,
  • la densité de barrages vient au même niveau que la rectification du lit,
  • ce modèle n'explique toutefois que 45% de la variance des scores I2M2 (tous facteurs confondus).
Commentaire des auteurs : "Les valeurs I2M2 ont généralement été plus fortement altérées par les pressions physiques et chimiques (concentrations en éléments nutritifs et en matière organique) que par les altérations hydromorphologiques. Dans les cours d'eau de cette étude, les assemblages de macro-invertébrés semblent être plus sensibles aux facteurs de stress liés à l'eutrophisation (concentrations totales d'azote et de phosphore) qu'aux pressions hydromorphologiques agissant sur le débit et la diversité de l'habitat. Cette tendance n'était pas spécifique à une zone géographique donnée. Johnson et Hering (2009), Dahm et al (2013), et Villeneuve et al (2015) ont déjà observé une plus grande sensibilité des indices biotiques aux paramètres physiques et chimiques qu'à l'hydromorphologie, pour les assemblages de macro-invertébrés, de poissons et de diatomées."

Discussion
Ce travail confirme les résultats d'une précédente étude de la même équipe (Villeneuve et al 2015) et vient en complément d'un autre récemment publié, visant à comprendre de manière plus dynamique les interactions entre les impacts (Villeneuve et al 2018).

La densité de barrage a un poids négatif sur les scores I2M2. Les barrages créent des habitats lentiques de dimension importante, à fonds limoneux ou sablo-limoneux, qui sont habituellement absents des rivières (au moins à cette dimension). Comme l'I2M2 est fondé par construction (Mondy et al 2012) sur un calcul d'écart à une rivière "naturelle" (minimum de modification chimique ou morphologique liée à l'homme), un cours d'eau présentant davantage de retenues artificielles aura davantage de déviation de peuplement. Il serait intéressant d'avoir dans ce type de recherche les détails des scores internes de l'I2M2, pour comprendre plus en détail quels traits varient au sein du score selon l'impact concerné. Egalement d'avoir des descripteurs plus fin des barrages (hauteurs, débits dérivés) et des analyses d'éventuels effets de seuil concernant les taux d'étagement ou d'ennoiement. Certains bassins hyrographiques fondent aujourd'hui des choix d'investissement public sur des outils dont la base scientifique est faible, donc le résultat non garanti.

La domination des facteurs de pollution chimique dans la dégradation des macro-invertébrés est confirmée par ce travail après d'autres, et en forme la principale conclusion. Seuls les nutriments étaient pris en considération alors que plusieurs centaines de molécules susceptibles d'avoir des effets sur le vivant circulent dans les eaux (pesticides, médicaments, produits industriels et de consommation, etc.), certains chercheurs estimant que l'impact en est sous-estimé aujourd'hui (Stehle et Schulz 2015). Comme pour la densité de barrages, il serait utile d'avoir des analyses plus détaillées de la réponse des invertébrés aux polluants.

Référence : Corneil D et al (2018), Introducing nested spatial scales in multi-stress models: towards better assessment of human impacts on river ecosystems, Hydrobiologia, 806, 1, 347–361

04/04/2018

Critique du plan de gestion des poissons migrateurs Bretagne 2018-2023

La Bretagne va se doter d'un nouveau plan sur les poissons migrateurs (PLAGEPOMI) pour la période 2018-2023. Le bilan du plan précédent fait apparaître divers résultats décevants malgré les efforts engagés. Le nouveau PLAGEPOMI est en consultation publique jusqu'au 10 avril 2018 et nous invitons les propriétaires riverains, associations et autres acteurs concernés en Bretagne à exprimer leurs remarques. 

Le code de l’environnement (article R436-45) prévoit qu’un plan de gestion des poissons migrateurs (PLAGEPOMI) est établi par bassin, cours d’eau ou groupes de cours d’eau. Un nouveau plan est proposé pour la Bretagne soit l’ensemble des cours d’eau du bassin Loire-Bretagne dont l’embouchure est située dans les départements de la Manche, d’Ille-et-Vilaine, des Côtes-d’Armor, du Finistère et du Morbihan ainsi que leurs affluents.

Les espèces cibles sont le saumon atlantique (Salmo salar), la grande alose (Alosa alosa), l’alose feinte (Alosa fallax), la lamproie marine (Petromyzon marinus), la lamproie fluviatile (Lampetra fluviatilis), l’anguille (Anguilla anguilla), la truite de mer (Salmo trutta), le mulet porc (Liza ramada), le flet commun (Platichthys flesus).

Parmi les rivières concernées :  Rance, Seiche, Vaunoise, Vilaine, Aron, Semmon, Ille, Ise, Chère, Don, Isac, Couesnon, Loisance, Guerge, Aff, Arz, Oust, Trévelo, Claie, Sal, Loch, Liziec, Bilaire, Etel, Evel, Kersalo, Blavet, Scorff, Scaff, Yer, Aer, Stang Hingant, Ellé-Isole-Laïta, Aulne.

Des espèces qui ne semblent pas toujours profiter des choix d'investissement
A cette occasion, un bilan est fait du précédent plan 2013-2017. Celui-ci a engagé "131 actions dont 39 qui concernaient toutes les espèces, 24 uniquement le saumon, 25 uniquement l’anguille, 16 uniquement les aloses, 11 les lamproies marines et fluviatiles et 16 la truite de mer, le flet et le mulet porc".

Les quelques données chiffrées posent question. 

Voici par exemple les résultats des indices d’abondance de juvéniles de saumons de 1997 à 2017.


Il est noté : "Sur les 15 années de suivi, la moyenne régionale pondérée est stable, elle est de 35,8 sur la période 2001-2005, 35,9 sur la période 2006-2011 et 35,4 pour 2012-2017". On se demande donc pourquoi les lourds investissements en faveur du saumon (suppression et aménagement de barrage, restauration d'habitat) ne donnent pas de résultats tangibles sur leur abondance. D'autres causes sont-elles impliquées? A-t-on une explication scientifique à peu près rigoureuse et permettant de faire des prédictions testables?

L'évolution de l’alose sur la Vilaine à la station de vidéocomptage d’Arzal (56) est tout aussi énigmatique.


On voit des abondances très faibles entre 1996 et 2001, une croissance brusque puis un seuil élevé entre 2002 et 2011, enfin un effondrement en 2012 et des années récentes à effectifs réduits. Pourquoi la démographie de l'alose présente-t-elle ce profil? Y a-t-il un rapport entre les actions menées et les résultats mesurés?

Planifier une action sur les grands migrateurs suppose que l'on comprend et évalue correctement le poids des facteurs expliquant leurs variations. Les exemples lacunaires donnés dans le bilan 2013-2017 n'incitent pas à penser que c'est le cas.

Nos réserves sur ce PLAGEPOMI
Les riverains peuvent consulter le PLAGEPOMI Bretagne 2018-2023 à ce lien et donner leur avis. En points critiquables sur ce PLAGEPOMI, nous ferons observer pour notre part :

- aucune analyse coût-bénéfice n'est menée, on continue de programmer des dépenses sans souci de vérifier l'efficacité en terme de conservation ou la solvabilité des mesures proposées,

- aucun bilan critique n'est mené, alors que les données fournies du bilan du PLAGEPOMI 2013-2017 ne montrent pas de changement remarquable par rapport à la décennie précédente

- les préconisations restent très centrées sur la franchissabilité et la morphologie, le plan ne prévoit pas d'action de connaissance ou d'intervention sur les pollutions (des têtes de bassin à l'estuaire), les prélèvements d'eau, etc. au prétexte que d'autres outils y travaillent. Mais cette gestion en silo nuit à l'approche intégrée des enjeux écologiques et à la priorisation objective des mesures

- il est désigné 262 "ouvrages [hydrauliques] à enjeu essentiel" (au sein des liste 2 du 214-17CE ou parfois hors d'elles) mais les critères de franchissabilité en montaison ne sont pas clairs (alors que des travaux de recherche récents ont pu montrer que le saumon atlantique préfère parfois remontrer sur les parements de seuils de moulins anciens qu'utiliser des passes à poissons, cf Newton et al 2017, ce qui pose question sur les coûts imposés dans ce cas)

- les solutions de franchissement (ouvertures de vanne, passes rustiques ou techniques, rivière de contournement) doivent être privilégiées sur les ouvrages d'intérêt patrimonial, paysager, énergétique ou écologique, mais il est indispensable de flécher dès la programmation des financements publics au regard du coût inaccessible pour les particuliers ou petites collectivités

- la pratique de pêche de loisir continue de faire l'objet d'un traitement préférentiel, sans étude scientifique indépendante de son impact, sans pression de contrôle suffisante sur les totaux autorisés de capture et sans expérimentation utile à la conservation (par exemple mise en réserve de cours d'eau entiers sur longue période). Déjà des mesures du PLAGEPOMI 2013-2017 concernant la pêche avaient été non réalisées

- la pratique d'élevage et de repeuplement est insuffisamment encadrée pour ses effets négatifs sur les stocks d'espèces sauvages, pourtant documentés en recherche internationale

- les phases marines et estuariennes de la migration ne font pas l'objet d'études ou de protections suffisantes

- la multiplicité des structures, plans et schémas (PLAGEPOMI, SDAGE, SAGE, DOCOB Natura 2000, PAMM, PDPG, TVB, PARCE, PAOTT, CEPR, PBE, PTE…) induit des complexités inutiles, des dépenses évitables et un manque général de lisibilité de l'action publique. L'environnement est déjà un domaine en carence de financement, c'est dommage de voir ces coûts empilés de gestion et programmation empiéter sur les maigres dotations.

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Pêcheurs-moulins-riverains: définir les conditions de bons rapports
Les COGEPOMI et PLAGEPOMI ont été mis en place en étroite association avec des instances de pêche. Le principal et quasi-unique enjeu social associé aux poissons migrateurs dans leur phase d'eau douce est en effet la pêche de loisir. Les moulins, riverains et pêcheurs gagnent à s'entendre pour une gestion concertée de la continuité écologique, une protection des rivières et plus généralement un respect mutuel des usages. Ce n'est pas toujours le cas : certaines structures de pêche militent parfois pour des positions intolérantes et contestées (pression à la destruction d'ouvrages, demandes exorbitantes par rapport aux enjeux, refus des autres usages de l'eau, indifférence à la biodiversité autre que celle des salmonidés, etc.) de même qu'elles peuvent développer des pratiques contestables. Si des AAPPMA adoptent ces attitudes sur les bassins non domaniaux de Bretagne où vous êtes propriétaires / riverains, nous vous suggérons de contacter Hydrauxois afin d'organiser en réponse une campagne de contrôle et régulation de leurs droits de pêche. Il est désormais important de poser les conditions d'un respect mutuel de l'ensemble des dimensions de la rivière, de favoriser les attitudes tolérantes et de sanctionner les autres, d'actionner tous les leviers disponibles à cette fin.