14/08/2021

Le Conseil constitutionnel valide la loi Climat, dont ses dispositions "continuité écologique"

Plusieurs lobbies ont tenté jusqu'au bout de censurer les nouvelles dispositions sur la continuité écologique contenues dans la loi Climat. Ils ont échoué. Le programme de destruction du patrimoine des rivières françaises sera bientôt illégal. Face au dérèglement climatique reconnu par tous comme l'urgence n°1, la gestion de tous les ouvrages va devenir une priorité, tant pour prévenir les émissions carbone que pour atténuer les sécheresses et les crues résultant du réchauffement.


Le Conseil constitutionnel avait été saisi par 60 députés d'un recours en annulation contre la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite "loi Climat". Dans sa décision du 13 août 2021, le Conseil rejette le recours comme trop général. Par ailleurs, dans l'examen des articles par autosaisine, le Conseil en censure 14 comme sans rapport direct à la loi ("cavaliers législatifs" interdits par l'article 38 de la constitution). Les autres dispositions, et notamment l'article 49bis qui interdit la destruction des moulins, sont conservées et jugées conformes à la constitution. Plus rien ne s'oppose donc à la publication de la loi Climat au journal officiel, ce qui la rendra immédiatement opposable. Nous y reviendrons en détail quand ce sera le cas.

Le recours des 60 députés a été accompagné de "contributions extérieures", comme c'est l'usage. Ces saisines par des tiers visent à appuyer la demande de censure de la loi. 

Dans le cas présent, on observe 3 contributions demandant la censure de l'article 49bis sur la continuité écologique :
  • France Nature Environnement (FNE)
  • Fédération nationale de la pêche (FNPF)
  • André Berne (ancien directeur territorial agence de l'eau Seine-Normandie)
Pêcheurs de salmonidés ou intégristes de la nature sauvage, les lobbies de casseurs auront donc tenté jusqu'au bout de poursuivre leur programme de destruction massive du patrimoine des rivières françaises. En vain. 

Cette décision du Conseil constitutionnel vient après plusieurs autres du conseil d'Etat : toutes indiquent que les casseurs sont désormais hors-la-loi et que le retour à la rivière sauvage n'est ni l'esprit ni la lettre du code de l'environnement. Les propriétaires et riverains d'ouvrages comme leurs associations de protection doivent maintenant veiller à ce que les fonctionnaires centraux et territoriaux appliquent ces dispositions, mais aussi rappellent à l'ordre les lobbies s'égarant dans une dérive extrémiste. 

Source : Conseil constitutionnel, décision n° 2021-825 DC, 13 août 2021

11/08/2021

Manque de suivi et de résultat en restauration écologique des cours d'eau (dos Reis Oliveira et al 2020)

Une équipe de chercheurs néerlandais observe que la restauration écologique des cours d'eau bénéficie de financement en hausse, mais que la rigueur fait défaut lorsqu'il s'agit d'évaluer les résultats dans le temps. Du même coup, il est difficile de hiérarchiser les bonnes pratiques et de vérifier si l'investissement produit les résultats attendus. Ce problème avait déjà été observé aux Etats-Unis, en France et dans d'autres pays. Si une partie du questionnement concerne les méthodes, l'autre interroge les finalités : que voulons-nous au juste restaurer, et est-ce possible?


Depuis deux décennies, on a assisté à une forte augmentation du financement, des actions et de la recherche pour la restauration des cours d'eau. Pourtant, les retours d'expérience sont ambivalents et les taux de réussite sont restés assez faibles. Les pratiques de restauration ne prennent toujours pas suffisamment en compte les échelles appropriées, allant des habitats dans les cours d'eau à des bassins versants entiers, ni la complexité des écosystèmes (facteurs hydrologiques, morphologiques, chimiques et biologiques). Par conséquent, les raisons précises de l'échec des efforts de restauration restent encore peu concluantes. Un groupe de 6 chercheurs a mené aux Pays-Bas une analyse de ce problème à travers le bilan des pratiques de restauration.

Voici le résumé de leur article :

"Les efforts de restauration des cours d'eau se sont accrus, mais le taux de réussite est encore assez faible. Les raisons sous-jacentes de ces efforts de restauration infructueux restent peu concluantes et nécessitent une clarification urgente. Par conséquent, le but de la présente étude était d'évaluer plus de 40 ans de restauration des cours d'eau pour alimenter les perspectives futures. À cette fin, nous avons évalué l'influence des objectifs politiques sur les efforts de restauration des cours d'eau, les objectifs de restauration biophysique, les mesures de restauration appliquées, y compris l'échelle d'application et les efforts de surveillance. Les informations ont été obtenues à partir de cinq enquêtes sur la restauration des cours d'eau menées par les autorités régionales de l'eau aux Pays-Bas au cours des 40 dernières années et à partir d'une analyse des publications scientifiques internationales sur la restauration des cours d'eau couvrant la même période. 

Notre étude a montré qu'il y avait une augmentation considérable des efforts de restauration des cours d'eau, particulièrement motivés par la législation environnementale. Cependant, un contrôle adéquat de l'efficacité des mesures faisait souvent défaut. De plus, un décalage entre les objectifs de restauration et les mesures de restauration a été observé. Les mesures restent majoritairement focalisées sur les techniques hydromorphologiques, alors que les objectifs biologiques restent sous-exposés et doivent donc être mieux ciblés. En outre, les pratiques de restauration se produisent principalement à petite échelle, malgré la pertinence largement reconnue de s'attaquer à de multiples facteurs de stress agissant à grande échelle pour le rétablissement de l'écosystème des cours d'eau. 

Afin d'augmenter le taux de réussite des projets de restauration, il est recommandé d'améliorer la conception des programmes de suivi d'accompagnement, permettant d'évaluer, sur des périodes plus longues, si les mesures prises ont conduit aux résultats souhaités. Deuxièmement, nous conseillons de diagnostiquer les stresseurs dominants et de planifier des mesures de restauration à l'échelle appropriée de ces stresseurs, généralement l'échelle du bassin versant."

Les auteurs précisent notamment dans leur article :

"Alors que dans le passé de nombreux projets visaient à améliorer l'ensemble de l'écosystème fluvial, ils se sont en fait concentrés uniquement sur des conditions morphologiques (amélioration de l'habitat) ou hydrologiques (débit) spécifiques, comme on l'observait déjà il y a deux décennies (Verdonschot et Nijboer, 2002 ; Palmer et al., 2010, 2014). Ceci pouvait et peut encore s'expliquer par une confiance ferme dans l'affirmation selon laquelle « si l'hétérogénéité de l'habitat augmente, la diversité biologique augmente également » (Field of Dreams Hypothesis ; Palmer et al., 1997). Néanmoins, une approche totalement intégrative, s'attaquant à tous les facteurs de stress, mais prenant également en compte des aspects biologiques importants, tels que la colonisation (Westveer et al., 2018), la dispersion (Engström et al., 2009), la distance aux populations sources (Brederveld et al. ., 2011 ; Stoll et al., 2013), la réintroduction d'espèces (Jourdan et al., 2018) et le contrôle des espèces envahissantes (Scott et Helfman, 2001), sont encore rares. De plus, les pratiques de restauration des cours d'eau doivent également être conscientes des risques écologiques qui peuvent survenir après la restauration, tels que les pièges écologiques lorsque les espèces deviennent plus menacées par les nouvelles conditions de l'habitat après la restauration par rapport aux conditions initiales (Robertson et al., 2013; Hale et al., 2015), offrant des opportunités pour les espèces envahissantes (Matsuzaki et al., 2012 ; Franssen et al., 2015 ; Merritt et Poff, 2010), introduisant des conditions hydrologiques non naturelles (Vehanen et al., 2010 ; Jeffres et Moyle, 2012) et augmentant la toxicité des sédiments pour les amphibiens (Snodgrass et al., 2008).

En outre, de nombreux projets de restauration des cours d'eau envisagent encore des mesures et des solutions à petite échelle et négligent le fait que les écosystèmes des cours d'eau sont fortement régis par les processus à l'échelle du bassin versant (Allan, 2004 ; Palmer, 2010 ; Ward, 1998 ; Wiens, 2002 ; Sundermann et Stoll, 2011 ; Kuglerová et al., 2014, Tonkin et al., 2018). Plusieurs auteurs ont déjà montré que la restauration à grande échelle est cruciale pour le rétablissement écologique (Schiff et al., 2011 ; Verdonschot et al., 2012 ; Kail et Hering, 2009 ; Stranko et al., 2012 ; Gabriele et al., 2013). D'autre part, ce n'est pas la petite échelle d'un projet de restauration en soi qui limite le succès de la restauration, mais plutôt l'inadéquation spatiale entre les facteurs de stress et la restauration, en combinaison avec un manque de diagnostic préalable spécifique du facteur de stress limitant réel."

Discussion
Cette recherche néerlandaise confirme des travaux menés en France voici quelques années, qui avaient également observé un déficit de rigueur et de méthode dans les pratiques de restauration de cours d'eau (voir Morandi et al 2014). 

Cette discussion sur la restauration écologique de milieux gagnerait à élargir le champ de sa réflexion. Actuellement, et comme cet article de recherche le rappelle après d'autres, on analyse les performances de certaines actions et, lorsque les performances ne sont pas présentes, on présume que d'autres impacts doivent être traités. La représentation sous-jacente est qu'il existe un état de la nature sans impact, qu'on peut le recréer (ou y tendre) par élimination progressive et simultanée de ces impacts. 

Mais il se trouve que derrière le mot "impact", on désigne essentiellement la présence humaine dans les bassins versants et les usages humains de ces bassins versants, que ce soit les usages de l'eau ou du sol. D'une part, se pose la question des limites de l'élimination des effets de la présence humaine, du coût pour atteindre ces limites et du consentement social à cela. D'autre part, et plus fondamentalement, se pose la question des ontologies de la nature (Linton et Krueger 2020) : y a-t-il un sens à se représenter une nature sans humain comme le modèle (de biodiversité ou de fonctionnalité) alors que dans la réalité, la nature co-évolue avec les humains (la division nature-humain n'a guère de fondement) et ne devrait pas cesser de le faire à horizon prévisible? 

Référence : dos Reis Oliveira et al (2020), Over forty years of lowland stream restoration: Lessons learned?, Journal of Environmental Management, 264, 110417

31/07/2021

Barbara Pompili encourage-t-elle encore son administration à ignorer la loi?

La loi Climat et résilience, adoptée le 20 juillet 2021 par le Parlement mais pas encore parue au Journal officiel, ordonne notamment de cesser la destruction des moulins à eau comme option de continuité écologique. Au détour d'une déclaration au site Actu Environnement, la ministre de l'écologie Barbara Pompili laisse entendre que, par une sorte de rétorsion, son administration demandera en conséquence aux propriétaires de payer tous les frais d'aménagement. Mais ce n'est pas ce que dit la loi. Va-t-on encore continuer longtemps ce combat d'arrière-garde et ces méthodes arbitraires de l'exécutif? 


Le site spécialisé Actu Environnement revient sur les échanges parlementaires autour de la loi Climat et résilience concernant les moulins, la petite hydroélectricité et la continuité des cours d'eau. Cette loi est votée mais elle n'est pas encore publiée au Journal officiel et des recours devant le Conseil constitutionnel ont été déposés. Nous commenterons le texte de cette loi quand elle sera définitive, notamment les dispositions concernant les ouvrages hydrauliques. 

Ce qui nous interpelle aujourd'hui est la réaction de la ministre de l'écologie au vote de ces dispositions sur les moulins. 

Barbari Pompili a déclaré : "Les mesures qui ont été votées à l'Assemblée nationale ne prévoient aucun moyen pour faire les travaux qui s'imposent, en cas de régression environnementale avérée sur un cours d'eau et cela même si personne ne conteste leur nécessité. Les propriétaires devront donc les faire à leurs frais. La médiation est essentielle sur ce point, car certains sujets nécessitent que tous les acteurs puissent échanger".

Ce propos est confus et contraire aux dispositions de la loi.

D'abord, il n'y a aucune "régression environnementale" dans l'existence des moulins et des étangs qui sont là depuis des siècles et qui sont autorisés par la loi en vertu de leur droit d'eau ou de leur règlement d'eau. Le régime écologique des rivières européennes inclut l'ensemble de l'héritage de ces rivières : cessons le contresens qui oppose la nature à la culture, le non-humain à l'humain, le futur au passé. Au plan juridique, la notion de régression environnementale signifie que l'on va à l'encontre des dispositions du code de l'environnement. Or, les lois françaises sur l'environnement assurent la promotion de l'hydro-électricité, le stockage local de l'eau, la préservation des milieux aquatiques et humides, la protetion des patrimoines paysagers et historiques : détruire un ouvrage est davantage une régression environnementale que le gérer, et c'est au demeurant l'objet de divers contentieux portés par les associations.

Ensuite, les première lois sur les passes à poissons datent de 1865, elles ont été réitérées en 1919, en 1984, en 2006. Cette expérience sur plus de 150 ans a montré que le financement des travaux de continuité est le premier obstacle. Voilà pourquoi la loi sur l'eau de 2006 a tiré acte de ce blocage et a prévu dans ses dispositions : "Les obligations résultant du I du présent article n'ouvrent droit à indemnité que si elles font peser sur le propriétaire ou l'exploitant de l'ouvrage une charge spéciale et exorbitante." En d'autres termes, si l'on demande non pas des mesures simples comme la gestion de vannes mais des mesures plus complexes comme des passes à poissons ou rivières de contournement, cette charge publique excède les capacités d'un particulier ou d'un petit exploitant, donc elle ouvre droit à indemnité. C'est à l'Etat d'organiser cette indemnisation et c'est la vocation naturelle des agences de bassin, qui sont des établissements publics en charge de financer les politiques publiques de l'eau. Hélas, par pur dogmatisme, les agences veulent financer au maximum la casse des ouvrages (ce qui sera illégal dans certains cas une fois la loi parue) mais au minimum leur aménagement. Il est impossible d'avoir une continuité apaisée tant que l'Etat ne flèche pas l'indemnisation des travaux, par les agences de l'eau ou par d'autres voies. 

Enfin, aussi bien la loi (réécrite en 2021 pour être précisée) que la jurisprudence récente du conseil d'Etat reconnaissent qu'un moulin ayant un projet de production hydro-électrique est exempté de continuité écologique. Le gestionnaire public a donc plutôt intérêt à proposer des projets de continuité entièrement financés (dans la consistance légale des sites) s'il veut inciter les propriétiares à agir sur le franchissement des poissons. Sans quoi il ne se passera rien du tout et on vérifiera de nouveau l'adage selon lequel "le mieux est l'ennemi du bien". 

Pour résumer :
  • la destruction d'ouvrages hydrauliques est un choix régressif qui sera désormais interdit par la loi dans certains cas,
  • la loi a toujours demandé l'aménagement des ouvrages et prévu l'indemnisation publique des travaux de continuité lorsqu'ils sont conséquents,
  • la ministre de l'écologie doit inciter son administration à accélérer son changement culturel sur le destin des ouvrages en rivière au lieu de mener des combats d'arrière-garde ou d'entretenir la confusion et le conflit dont plus personne ne veut,
  • les politiques publiques d'écologie doivent affronter les défis majeurs de notre temps - pollutions et surexploitations locales de l'eau, changement climatique dangereux, risques des sécheresses et crues, disparition des milieux aquatiques et humides, relocalisation durable de circuits économiques - et les ouvrages bien gérés ont un rôle positif à jouer dans ces objectifs

28/07/2021

Ralentir et diffuser les écoulements pour stocker l'eau

Des chercheurs publient une tribune sur l'enjeu de préservation et stockage de l'eau en situation de changement climatique rapide comme nous le connaissons aujourd'hui. Parmi les options: ralentir et diffuser l'eau dans les bassins versants. C'est un des rôles des ouvrages hydrauliques, dont la gestion écologique doit devenir notre politique publique, en lieu et place de leur absurde destruction. 

Zone humide en contrebas d'un bief de moulin.

Géraldine Picot-Colbeaux (hydrogéologue, BRGM), Marie Pettenati (hydrogéologue, BRGM) et Wolfram Kloppmann (géochimie isotopique, BRGM) publient un intéressant article sur le site d'analyse universitaire de l'actualité The Consersation. Cet article est dédié à la question de la préservation des ressources en eau pour les besoins humains en situation de changement hydroclimatique. "On parle de «gestion intégrée de la ressource en eau», qui vise à préserver le niveau des nappes d’eau souterraine, les débits des cours d’eau et à lutter contre les inondations et la salinisation des eaux en milieu côtier."

Les eaux souterraines sont contenues dans les "aquifères", formations rocheuses ou sédimentaires qui les stockent et qui se renouvellent plus ou moins vite. "Certains aquifères profonds contiennent des eaux de pluies tombées quand l’humanité taillait encore des silex ! D’autres, proches de la surface, contiennent de l’eau qui transite en quelques années. Sous nos latitudes, c’est en hiver, lorsque la végétation prélève moins d’eau, que les précipitations rechargent les aquifères."

Comme en témoignent les difficiles périodes de sécheresses dans certaines régions, impliquant des restrictions d'usage, la gestion de l'eau peut devenir critique quand se conjuguent la hausse des besoins humaines et l'incertitude climatique, avec des événements extrêmes plus probables (parfois de longues sécheresses, parfois des excès de pluie et des inondations, comme récemment en Allemagne, Belgique, Luxembourg et Angleterre). "À la question, «Manquerons-nous d’eau demain ?», la réponse est donc : «Nous en manquons déjà, localement et de plus en plus souvent»."

Les chercheurs rappellent les options de gestion intégrée de l'eau :

"Les solutions existent déjà, dans le monde et en France, depuis de nombreuses années. Mais il s’agit de les mettre en œuvre et de les intégrer dans des stratégies cohérentes de gestion des nappes :
– caractériser, suivre et prévoir sur la base de modèles fiables l’évolution des ressources et des besoins ;
– pratiquer la sobriété ;
– diminuer la pression sur la qualité de l’eau en diminuant la quantité de produits chimiques persistants et mobiles ;
– améliorer le traitement des eaux usées ;
– utiliser et réutiliser des eaux non conventionnelles après traitement ;
– retenir l’eau sur les territoires en ralentissant les écoulements et en stockant l’eau dans les milieux naturels."

On retient en particulier le dernier point : la nécessité de ralentir et diffuser les écoulements sur tous les territoires. Comme notre l'association l'a exposé à de nombreuses reprises, la politique de destruction des ouvrages hydrauliques transversaux au nom de la continuité écologique va à l'encontre de cet objectif. En voici quelques raisons :
Au lieu de détruire les ouvrages, nous devons de toute urgence les préserver et les doter d'une gestion hydro-écologique informée. 


17/07/2021

Victoire en justice pour un moulin harcelé du Nohain

Pendant 5 ans, un propriétaire de moulin de la Nièvre a été harcelé de demandes incessantes de nouvelles pièces et procédures pour la relance de son ouvrage, avant de finalement subir un arrêté préfectoral fin 2019 lui refusant l'autorisation de son projet. La justice vient de condamner le préfet pour excès de pouvoir. Nous rappelons ici aux propriétaires et à leurs associations qu'il faut cesser de perdre du temps à des discussions oiseuses avec l'administration dans les cas où son seul but manifeste est de décourager une relance : si, dès les premiers mois d'échanges, les fonctionnaires en charge de l'instruction manifestent une hostilité et lancent des manoeuvres dilatoires, il faut les assigner en justice pour gagner du temps et clarifier les choses au plan du droit. 


Les cartes anciennes (ici de la rivière Nohain), un outil pour démontrer les droits fondés en titre et analyser l'histoire des lits des rivières. 

Le propriétaire d'un moulin de la Nièvre sur le Nohain commence à voir le bout du tunnel, après des années de procédures kafkaïennes où l'administration l'avait traîné de procédures en procédures pour un dossier de relance du site.

Après ces instructions infructueuses où les services de l'Etat n'avaient cessé de changer de position et de demander des pièces complémentaires, le préfet de la Nièvre avait finalement promulgué un arrêté le 19 décembre 2019 portant rejet de la demande d'autorisation de remise en service du moulin sur le Nohain.

Le propriétaire a eu recours à la justice et c'est Me Jean-François Remy, avocat de l'association, qui a défendu ses droits.

Par décision du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Dijon abroge l'arrêté préfectoral de 2019. Il enjoint au préfet de la Nièvre de reprendre  l'instruction  de  la  demande d'autorisation de remise en service du moulin dans un délai de trois mois.

Le juge observe d'abord que "le  moulin,  qui  existait  en  1644, bénéficie d'un droit fondé en titre pour une puissance maximale brute reconnue à 28,6 kW correspondant  à une hauteur de chute brute de 2,07 mètres etun débit maximum dérivé de 1,4 m 3 /s, et que le projet n'a pas pour effet d'augmenter cette puissance. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que ce droit fondé en titre ait été modifié ou abrogé, ni que la ruine ou le changement d'affectation de l'ouvrage aiLété constaté".

Le juge observe également que l'article R. 214-109 du code de l'environnement (dont la réécriture par le ministère de l'environnement a été abrogée par le Conseil d'Etat suite à la plainte des associations de moulins et étangs, dont Hydrauxois) ne s'oppose pas à la remise en service d'un moulin. 

Ce nouveau jugement rappelle à toutes les parties prenantes la réalité :
Les administrations sous la tutelle de la direction eau et biodiversité du ministère de l'écologie doivent donc faire cesser diverses dérives militantes en leur sein : leur travail est d'appliquer les lois et les décisions des juges, pas de réécrire les normes au nom d'une vision arbitraire de la rivière et de ses ouvrages. 

Leçons à tirer pour les moulins, étangs et autres ouvrages
Notre association voit trop d'ouvrages hydrauliques (moulins, étangs, plans d'eau) qui font face à une administration hostile et qui sont travaillés "à l'usure" par cette administration. La stratégie de certains fonctionnaires de l'eau consiste en effet à ne pas dire franchement leur hostilité à la relance du site (et pour cause, c'est illégal), mais à demander toutes les pièces possibles qui leur passent par l'esprit, y compris des études qui sont ruineuses pour des particuliers et qui ne sont pas exigibles pour un ouvrage déjà autorisé. 

Il ne faut pas s'engager dans ce processus, et les associations doivent être vigilantes : le propriétaire d'un ouvrage autorisé doit déposer un projet simple de relance (sans aucun excès d'études inutiles) et, s'il voit dès les premiers mois de l'instruction des manoeuvres dilatoires et hostiles, il doit faire intervenir un avocat pour une mise en demeure du préfet de faire autoriser les travaux par ses services. 

Ne perdons plus de temps ni d'argent. Assignons en justice les services d'Etat persistant à ne pas comprendre que la loi française refuse la destruction des moulins et encourage leur relance énergétique. Informons les députés et sénateurs si des troubles persistent, afin qu'ils continuent de réécrire la loi et de faire cesser ces harcèlements indignes d'une démocratie.