04/02/2014

Continuité écologique: la goutte d’eau qui fait déborder le bief…

Nous avons reçu Sur le devant de la Seine, le bulletin d’information du Sicec (Syndicat intercommunal des cours d’eau du Châtillonnais) et de Sequana, contrat de rivière Seine Amont sur les bassins de Seine, Ource, Laigne, Aube, Sarce et Arce.

En pages 2 et 3, un article sur le classement des rivières et la continuité écologique. Le bulletin étant (notamment) financé par les fonds versés par l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, et l’Agence de l’Eau Seine-Normandie étant (notoirement) championne dans la politique aveugle de destruction des seuils et barrages, le contenu de l’article est (évidemment) un éloge de l’effacement présenté comme "solution optimum"


Information ou propagande ?
A l’appui de cet «argumentaire», le dessin ci-contre. Qui résume à lui seul la vision totalement biaisée de nos interlocuteurs. On voit la rivière «en présence d’un ouvrage», et c’est évidemment la désolation : des poissons morts, des bouteilles vides, des boites de conserve, un tas de sédiments que l’on imagine à peu près aussi pollués qu’un site Seveso. Tout cela ayant évidemment pour cause le seuil en rivière. Seconde image : la même rivière sans son barrage. Et là, miracle : les poissons nagent dans une eau limpide d’où toute pollution a disparu.

Cette image est un pur exercice de désinformation.

Et un exercice que nous jugeons extrêmement regrettable pour un syndicat de rivière ayant pour mission une information objective des citoyens et des élus.

La réalité des seuils en rivière pour les meuniers et usiniers, ce sont des monceaux de détritus qui sont retirés par eux chaque année de l’eau, car récupérés dans leurs grilles de bief. Cette pollution, c’est nous, c’est vous, c’est la France entière qui prend ses rivières pour des poubelles. Des dizaines, des centaines voire des milliers de kilos de détritus. Demandez par exemple aux petits producteurs de l’Ouche à l’aval de Dijon, qui récupèrent toutes les immondices de la Préfecture et de son si peu écologique lac Kir. (Il est vrai que les anciens biefs de la Capital de Bourgogne furent pour la plupart asséchés par des «modernisateurs» avisés,  donc leurs héritiers et «décideurs» de nos rivières n’ont sans doute plus tellement la culture hydraulique des Navier, Bazin et Darcy).


Même dans les rivières les plus modestes, même à proximité de leurs sources, on trouve de tels déchets. Voilà ci-dessus la vérité des rivières, la vérité que ne veulent apparemment voir ni les syndicats, ni les agences de bassin ni les autorités en charge de l’eau. (Merci à Pascal qui a photographié ces ordures retirées de sa grille).

La réalité est donc à l'opposé du discours du Sicec : des seuils et biefs bien gérés contribuent à la qualité de l'eau.

Répéter 100 fois un mensonge n’en fait jamais une vérité…
Sur le fond, il est inacceptable de continuer à laisser croire que le seuils et barrages forment la première cause de dégradation des rivières. Répéter 100 fois un mensonge n’en fera jamais une vérité.

Il n’existe aucune base scientifique robuste à la désignation des seuils et barrages comme cause principale ou même importante d’altération de la qualité de l’eau. Si les 50.000 à 70.000 moulins de France détérioraient gravement la faune piscicole, il n’y aurait plus un seul poisson dans nos cours d’eau depuis longtemps. Si les 50.000 à 70.000 moulins de France empêchaient le jeu de l’érosion, du transport et de l’alluvion, leurs retenues seraient comblées depuis belle lurette. Car des moulins, il y en avait plus encore voici 150 ans, et ni les truites ni les écrevisses ne manquaient à l’appel.  Quand des impacts existent – et ils peuvent très bien exister –, ce sont des aménagements simples et de bon sens qui doivent les corriger, pas des destructions pseudo-écologiques à la pelleteuse financées par le contribuable sans lui demander son avis.

Le pire est que le Sicec est bien placé pour le savoir : il a réalisé en 2011-2012 un état zéro du bassin de Seine Amont qui concluait que les premiers facteurs d'impact restent les pollutions. Mais alors, pourquoi ce premier numéro de Sur le devant de la Seine n'est-il pas justement consacré à ce problème prioritaire? Pourquoi encore et encore rabâcher le catéchisme de la destruction du patrimoine hydraulique?

L'échec de la politique de l'eau se cherche des boucs émissaires et des écrans de fumée
Mais peu à peu, on commence à comprendre la vérité des rivières et des aquifères : la France a 20 ans de retard sur le traitement des pollutions d’origine agricole, industrielle, ménagère, pharmaceutique. Les seuils et barrages paient l’échec des politiques de l’eau, échec acté par la Cour des Comptes, et encore l’année dernière par le rapport Lesage et par le rapport Levraut, échec qui vaut déjà à la France une nouvelle condamnation pour non-respect de la directive Nitrates de 1991, échec qui lui vaudra soyons-en sûr sa condamnation future pour non-respect de la Directive cadre sur l’eau 2000, de la Directive Pollutions de 2008 et de la Directive Pesticides de 2009.

Ceux-là mêmes qui sont les premiers responsables de ce désastre – les Agences de l’eau créées en 1964, les responsables successifs du Ministère de l’Ecologie et de sa Direction de l’eau, les lobbies ayant l’écoute de Matignon ou de l’Elysée et ayant construit un Grenelle bancal qui ne traite aucun problème de fond mais saupoudre de l'illusion d'action efficace – et qui devraient en rendre des comptes aux citoyens et aux élus essaient depuis quelques années de travestir leur inaction passée par un surcroît stérile d’agitation sur la question des seuils et barrages.

Au fond, ce dessin caricatural promu par le Sicec nous dit une vérité sans bien s’en rendre compte. On ne lutte pas contre la pollution, on se contente de la faire disparaître du regard. De la faire filer au plus vite vers les estuaires et vers les océans. Là où elle ne se voit plus, et permet à chacun de dormir tranquille. Face à cette bonne conscience retrouvée à bon compte, que valent quelques vieilles pierres de nos biefs?

Source : Sicec Sequana (2014), Sur le devant de la Seine, n°1, 8 p.

Pour en savoir plus sur Hydrauxois :
Sur les truites qui ne meurent pas des seuils et barrages
Sur les écrevisses qui ne meurent pas des seuils et barrages
Sur l’Armançon qui n’est pas dégradé au premier chef par les seuils
Sur le Serein qui n’est pas dégradé au premier chef par les seuils
Sur la Seine qui n’est pas dégradée au premier chef par les seuils
Sur les nitrates qui ne reculent guère depuis 20 ans
Sur les mesures de pollution qui sont incomplètes ou inexistantes

Pour en savoir plus sur OCE :
Dossier complet de la Continuité écologique en Côte d'Or
Absence de liens entre seuils et indice de qualité piscicole
Absence de liens entre moulins et qualité de l’eau au XIXe siècle
Corrélation douteuse entre taux d’étagement et qualité piscicole

2 commentaires:

  1. Bonjour,

    « Après la suppression de l’ouvrage », les auteurs à œillères sont incapables d’imaginer la suite de leurs fantasmagoriques conseils sur les « rivières sauvages » :
    https://www.youtube.com/watch?v=C1b82uX08wU

    C’est une option désinvolte. Il vaudrait mieux tout mettre en œuvre pour retenir et capter sur terre nos déchets et sédiments pollués aux fins de les traiter. Le pouvoir auto-épurateur de l’océan serait-il illimité ? qui le prétend ? qui y croit ?
    cordialement
    Cedepa

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    1. si vous consultez www.toncanal-patrimoine.org vous verrez que nous sommes nombreux à refuser l'arasement systématique du seuil des barrages:lutte très forte sur le Cher (Amis du Cher Canalisé) et à Vierzon par l'ARECABE. Concertation et mesure plutôt que destruction stupide et coûteuse...

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