27/11/2017

L'introuvable étude sur le potentiel saumon de la Sélune

Depuis un an et demi, l'association Hydrauxois tente sans succès d'obtenir l'étude scientifique ayant estimé le potentiel de retour du saumon sur la Sélune, citée dans le rapport d'expertise CGEDD-CGE sur lequel s'appuie le ministère de la Transition écologique et solidaire. Pourquoi cette entrave dans l'accès aux informations, alors que le retour du saumon est censé être le premier intérêt de la destruction des barrages et que le débat démocratique a été confisqué depuis 2005 sur ce dossier? Au regard de l'échec relatif des travaux de restauration sur les autres fleuves à saumons de la baie du Mont Saint-Michel et du coût majeur du chantier de la Sélune, quels sont exactement les bénéfices écologiques attendus?

[edit 29-11_2017 : suite à la parution de cet article, nous avons enfin reçu l'étude... 18 mois après la première demande! Nous la rendons accessible à tous à ce lien]

Le 7 avril 2016, dans le cadre de la rédaction de ses premiers articles sur le dossier de la Sélune, l'association Hydrauxois a écrit le message suivant au laboratoire ayant étudié le potentiel salmonicole de la rivière.
"Votre laboratoire a publié en 2014 une étude sur le potentiel salmonicole de la Sélune, mais, sauf erreur, cette étude est impossible à télécharger sur le site INRA et n'a pas été versée sur les portails eaufrance.fr. 
Référence :FORGET, G. NEVOUX, M. RICHARD, A. MARCHAND, F. BAGLINIERE, J.-L., 2014. Estimation des capacités de production en saumon du Bassin de la Sélune après la suppression des deux barrages de Vezins et de La Roche-Qui-Boit. Projet Sélune - Pôle Gest-Aqua 
Serait-il possible d'en avoir copie ou lien d'accès ?"
Notre interlocuteur nous explique que la publication est en diffusion restreinte, que ses données ne sont pas complètement validées et qu'une publication scientifique dans une revue internationale indexée est attendue pour les prochains mois.

Nous prenons acte. Le temps passe, aucune publication ne paraît, et Nicolas Hulot annonce brutalement la prochaine destruction des barrages de la Sélune. Nous relançons donc les auteurs pour avoir des nouvelles : il nous est répondu que la publication est non disponible et ne le sera pas dans un proche avenir.

Nous demandons donc de nouveau à recevoir l'étude de 2014, qui est après tout la seule citée dans les documents publics. Sans succès à ce jour.



Pourquoi cette étude est-elle importante ? 

D'une part, dans le rapport d'expertise CGEDD-CGE 2015 sollicité par le ministère de l'écologie, ce travail de 2014 est la seule référence citée en appui de l'intérêt salmonicole des effacements, (p. 92). Il est étonnant que l'Etat s'appuie sur des données non disponibles au public.

D'autre part, et nous y reviendrons de manière plus détaillée, le public ignore qu'il y a en réalité 4 rivières à saumon se jetant dans la baie du Mont-Michel: la Sienne (92,6 km), la Sée (78,1 km), le Couesnon (97,8 km) et la Sélune (84,7 km). Non seulement la Sélune n'est pas le fleuve le plus long, mais d'autres rivières ont fait l'objet de tentatives de restauration pour le saumon qui ont donné des résultats mitigés, malgré des alevinages massifs des pêcheurs. Il est donc important de comprendre les raisons pour lesquelles la Sélune aurait un intérêt particulier et un potentiel important.

Enfin, ces études sont réalisées sur fonds publics et tout citoyen devrait y avoir accès, même si les résultats sont provisoires.

Il apparaît donc urgent que l'on dispose de toutes les pièces pour juger de l'intérêt du projet. Nous constatons pour le moment que les établissements de recherche et les services publics ne permettent pas l'accès à l'information, ce qui déroge aux conditions démocratiques normales du débat sur l'environnement.

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18 commentaires:

  1. Bien vu tous vos arguments ; j’y souscris
    Il y en a un qui n’est pas évoqué : celui des travaux dans la baie du Mont St Michel. Ségolène ROYAL a exprimé son avis, clair et judicieux : les barrages seront conservés(1). La suite semble moins tranchée : dire oui aux parties et ne rien faire (2) car en filigrane, il semble y avoir une grosse incohérence. Comme on dit dans le jargon de l’entreprise (qui facture les travaux) « faire et défaire, c’est notre affaire ». On cure la baie et on la comble tout de suite après ?
    (1) ce n’est pas parce qu’un sujet est évoqué depuis des décennies (Notre Dame des Landes, Chambonchard et d’autres) que cela lui confère une once de pertinence.
    (2) On attend toujours que Nicolas Hulot clarifie sa position sur l’hydroélectricité : y est-il favorable ou privilégie-t-il le nucléaire ?

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  2. Le rapport du CGEDD est clair : l'exploitation des ouvrages serait un gouffre financier et c'est pour cela qu'EDF s'en est désengagé et qu'aucun repreneur sérieux ne s'est présenté...les fonds amenés par l'Agence de l'eau pour restaurer le cour d'eau sont une chance à saisir...s'il n'y avait pas cette alternative la retenue devrait être vidangée et laissée en l'état car plus personne ne souhaite assurer sa sécurité surtout pas les collectivités locales ou les "amis des barrages" quant à l'hydroélectricité comme alternative au nucléaire, même les scénarios les plus audacieux sur les sources d'électricité renouvelables comme négawatt et ENR 100% en 2050 de l'ADEME n'en font pas état : c'est dire !

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    1. Sauf que c'est faux. Un projet de reprise a été déposé et nous allons expliquer en détail dans quelles conditions le ministère l'a traité. Hulot et son cabinet ont pris une décision purement politique, précipitée : cela sera démontré.

      Quant au bilan carbone du chantier de destruction de deux barrages hydro-électriques pouvant produire (le CGEDD l'a fait?), il faudrait des kilotonnes de mauvaise foi pour prétendre qu'il est bon. Idem pour l'adaptation au changement hydroclimatique, alors que les études indiquent la nécessité pour les sociétés humaines de conserver voire déployer des moyens de régulation / stockage pour une ressource (eau) de plus en plus incertaine. Là encore, la sécheresse 2017 est dans les esprits, et il y en eut d'autres, et de plus en plus rapprochées.

      Enfin, quand on voit l'état de l'éolien en mer ou de l'hydrolien en France par rapport aux promesses qui furent faites, ou encore la difficulté de l'Allemagne à baisser son bilan d'émission CO2 malgré des centaines de milliards € investis depuis 15 ans et surtout 5 ans, vous nous permettrez de douter de tout scénario 2050 ! La transition, c'est du cas par cas au présent. Et le cas de la Sélune plaide pour le maintien.

      Mais patience, patience, on aura beaucoup de choses à dire et à dévoiler sur ce dossier :-). Cet article parle du saumon, et du refus de communiquer une étude citée en document public. Vous en pensez quoi?

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  3. Avez vous pensé à saisir la CADA? Cette commission pourra peut-être vous aider à récupérer cette étude ?

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    1. Sauf qu'il ne s'agit pas d'un document administratif ... mais rassurez-vous je ne connais pas de chercheurs qui ne soient pas fiers de diffuser leur production : le document sera bientôt entre vos mains soyez en certain. Ne vous laissez pas aller à votre penchant naturel pour la théorie du complot ...

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    2. Nous avons finalement reçu l'étude ce matin, voir l'édit en début d'article.

      Sinon oui, quand nous constatons un blocage nous saisissons la CADA et nous nous apprêtions à le faire ici. Mais la procédure est longue et pénible, un recommandé au préfet ou à l'établissement, deux mois de délai légal d'attente, une saisine CADA, deux à quatre mois pour avoir un avis... tout cela pour un simple fichier électronique! Il est impératif que la totalité des études (de projet ou définitives) faisant l'objet d'un financement public soient versées par l'administration dans des répertoires accessibles aux citoyens. La France manque d'une culture de la transparence de l'action publique par rapport à des démocraties plus avancées.

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    3. @ anonyme 28 novembre 2017 : oui enfin tellement "fiers" que, comme le démontrent nos échanges mail, il a fallu cet article pour avoir le document après un an et demi ! Nous sommes habitués au déni de réalité, mais essayer de la réécrire en dépit des évidences est un peu fort. Il n'y a pas "théorie du complot", il y a opacité excessive des acteurs sur ces questions.

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  4. J'attends beaucoup de vos justificatifs notamment économiques de la candidature VALOREM, juste renvoi d’ascenseur bien instrumenté par notre ex Ministre. VALOREM reprenait l'exploitation avec une subvention publique de la CSPE pour écouler sa production et après que les buveurs d'eau aient assuré la sécurisation des barrages ... Les couts auraient été à la charge du public et les bénéfices pour VALOREM qui d'ailleurs ne dispose que de peu d'expérience en hydroélectricité.

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    1. Quand l'argent public sert à casser des barrages et construire des parcours pour les pêcheurs, certains ne s'en offusquent pas spécialement. Quand il aide à préserver des barrages qui ont de multiples usages (pas que l'énergie) et qui sont fortement défendus par la population riveraine, cela devient mystérieusement une mesure contraire à "l'intérêt général". Cet enfumage rhétorique ne convainc que les convaincus, vous en avez conscience?

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  5. Construire des parcours pour les pêcheurs...rien que ça.
    Je pratique pas mal et j'ai pas vu beaucoup de parcours subventionnés par l'agence. N'ayant pas votre savoir je ne doute pas que vous les diffusiez, si ils sont riches j'irais à la belle saison. A moins que cela soit des parcours à migrateurs revenus après un heureux aménagement. Casser des barrages, vu le nombre ça a du faire un gros trou au budget des agences car à regarder votre carte évolutive, on est loin du black friday.

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    1. Lisez par exemple ceci :
      http://www.hydrauxois.org/2016/12/touques-comment-le-lobby-de-la-peche-la.html

      Mais enfin sur la Sélune, ce sera forcément différent. En cas de poursuite du projet de destruction, personne n'aurait l'idée d'autoriser la pêche d'une espèce menacée comme le saumon, pour laquelle on demande tant de sacrifices, et surtout pas pour un loisir archaïque qui perturbe les milieux. N'est-ce pas?

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  6. Y a t'il une association locale à laquelle je pourrais apporter mon soutien ? Où en sont les procédures sur la Sélune ? N'est t'il pas trop tard pour enrayer ce processus de destruction ?

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    1. Les amis du barrage :
      http://lesamisdubarrage.over-blog.fr/

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  7. Cette espèce n'a jamais été menacé pour cause de surpêche à la ligne, mais plutôt pour cause de suréquipement de barrages infranchissables. Les pêcheurs de saumons et autres bouffeurs de truites subissent la présence d'ouvrages qui impactent les cours d'eau, les heureux propriétaires de ce patrimoine séculaire que sont les moulins ne subissent pas trop les pêcheurs, parfois ils leur louent même leur droit de pêche pour faire encore un peu de soussous dans la popoche.
    Anonyme 21:12 adhérez à FNE ou ANPER TOS, ils font du bon boulot

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    1. La pêche "à la ligne", peut-être pas, mais la pêche tout court fait partie des pressions historiques reconnues sur les migrateurs en général et le saumon en particulier.

      Une activité (pêche à la ligne) non liée à un déclin ancien reste problématique si elle s'exerce sur une espèce ayant décliné. C'est un peu comme si un promoteur d'éolienne hachant menu des faucons crécerellettes disait : "oh mais les éoliennes n'ont pas mis cette espèce en danger, vos savez, c'est les autres, c'était avant".

      En fait, c'est dommage de mettre "des sousous dans la popoche" en tuant des animaux pour le seul plaisir de la pêche, la jouissance individuelle du pêcheur qui attrape son saumon n'étant pas franchement un motif d'intérêt général. A moins que vous nous expliquiez en quoi cette action est justifiée sur le plan de la protection de espèces, bien sûr.

      Ne faut-il pas demander à chacun de faire des efforts? N'est-il pas temps d'envisager l'interdiction de la pêche au saumon en France? Qu'en pensent FNE et ANPER-TOS? Il y a beaucoup de pêcheurs de "blancs" qui sont paisibles et qui ne mettent pas en danger des espèces rares et spécialisées, n'est-ce pas préférable de valoriser ces pratiques-là?

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  8. En tuant des animaux comme ceux qui finissent haché menu dans une bonne vieille Pelton, là aussi une action justifiée sur le plan de la protection. Soyez pardonné c'est pour une énergie très verte.

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    1. La production d'hydro-électricité ne relève certainement pas de la protection des milieux aquatiques, et d'ailleurs à notre connaissance, les syndicats de producteurs ne demandent pas cette reconnaissance. En revanche, des fédérations de pêche prétendent protéger des milieux aquatiques en France et demandent un agrément public en ce sens: est-ce compatible avec la prédation d'espèces menacées? c'est tellement contre-intuitif qu'il paraît nécessaire de poser la question à la puissance publique accordant l'agrément au nom de la société tout entière.

      Par ailleurs, une turbine n'a pas pour fonction première de tuer, blesser, stresser un poisson, même si c'est hélas un effet secondaire indésirable qu'il faut essayer de réduire au maximum. En revanche, le but même de la pêche est d'attraper un poisson, au minimum le stresser, et souvent le blesser ou le tuer. Ce n'est donc pas la même chose sur le plan de la philosophie morale, une action volontaire de dommage sur un animal n'est pas la même chose qu'une action involontaire.

      Enfin comme vous le rappelez, l'hydro-électricité contribue à l'économie bas carbone ayant été désignée comme l'enjeu majeur de ce demi-siècle par les gouvernements. On peut d'ailleurs en discuter, il serait dommage d'oublier la biodiversité au nom du climat, beaucoup de sources d'énergie posant problème de ce point de vue. Mais sur cet angle-là le loisir pêche, en particulier le loisir de pêche au saumon très mobile à échelle nationale voire internationale, ne peut pas se prévaloir d'un bon bilan carbone.

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  9. https://www.kmae-journal.org/articles/kmae/pdf/1989/01/kmae198931231301.pdf

    Un petit rappel sur la réalité des tronçonneuses à poissons

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