17/06/2021

Le parlement vote l'interdiction de détruire les moulins au nom de la continuité écologique

Ce jour, le Sénat a choisi après un long débat de confirmer l'article de la Loi Climat et résilience qui interdit d'imposer la casse des ouvrages de moulin comme option de restauration de continuité écologique. Barbara Pompili aura tenté jusqu'au bout de défendre la politique décriée de son administration, et des lobbies que subventionne cette administration. Sans succès : elle paie aujourd'hui le silence honteux de son ministère face à des dérives inacceptables qui ont empoisonné la vie des riverains tout au long des années 2010 et qui ont déjà été condamnées par les cours de justice. Il est temps de tourner la page de la continuité écologique destructrice et d'engager les ouvrages dans la transition écologique. 


Les représentants élus des citoyens ont décidé de mettre un frein à la politique aberrante de casse des ouvrages hydrauliques, hélas encore défendue par Barbara Pompili.

En mai dernier, l'Assemblée nationale avait adopté un amendement à la Loi climat et résilience visant à dire expressément que la restauration de continuité écologique devait se faire par d'autres moyens que la destruction des ouvrages anciens, et en particulier des moulins.

Barbara Pompili et ses alliés politiques avaient longuement lutté contre cet amendement, énonçant de nombreuses contre-vérités que nous avions dénonçées et corrigées ici-même. N'ayant pas réussi à l'Assemblée nationale, la ministre de l'écologie a tenté la même lutte au Sénat : elle vient d'essuyer le même échec. Les sénateurs ont décidé de confirmer en toute connaissance de cause le choix des députés, en votant l'amendement du sénateur Guillaume Chevrollier qui allait en ce sens. 

Que nos parlementaires en soient ici remerciés, et félicités.

A demi-mots, de manière allusive, quelques menaces ont été proférées lors des échanges : cet amendement allait empêcher l'apaisement de la continuité écologique et les bons rapports avec l'administration (sous-entendu: la loi des parlementaires élus serait refusée par des instances non élues), les propriétaires devraient payer tout aménagement de leur poche (sous-entendu: seule la destruction peut être subventionnée, soit le contraire de ce que dit la loi de 2006), certaines associations et certains lobbies ne l'accepteraient pas  (sous-entendu: les promoteurs intégristes d'une rivière sauvage sans humain s'estimeront au-dessus des lois), les cours européennes n'entendraient pas la légalité de ce choix (sous-entendu: nous allons faire bâillonner la voix des élus des citoyens français par d'autres moyens). 

Nous regrettons que certains représentants de la République se permettent de telles insinuations : l'apaisement ne viendra certainement pas en laissant encore des casseurs d'instances et de groupes non élus croire que leur cause est juste et qu'elle est au-dessus de la loi. Il est au contraire temps que les pouvoirs publics admettent sans détour l'échec grave de la mise en oeuvre de la continuité écologique par voie de destruction d'ouvrages et engagent les rivières sur des solutions mieux acceptées, plus intelligentes, plus respectueuses des dimensions multiples de l'eau. Plus bénéfiques aussi à l'écologie lorsque celle-ci n'est pas entendue dans un sens très restreint et peu crédible de retour à d'hypothétiques conditions passées de la nature.

La loi ne sera opposable qu'à sa publication au Journal officiel de la République française, sous réserve d'éventuels recours en annulation devant le conseil constitutionnel. Nous vous informerons à ce moment là de l'ensemble des démarches que notre association engagera et de celles que chaque propriétiare pourra mener.

L'association Hydrauxois, engagée depuis 10 ans avec de nombreuses consoeurs contre la folle destruction des patrimoines des rivières françaises, est évidemment satisfaite de cette évolution du droit, même si les termes choisis par les parlementaires ne sont pas exactement ceux que nous aurions utilisés. Nous regrettons par exemple que la protection concerne seulement les moulins, alors que des canaux, des étangs, des plans d'eau, des barrages apportent aussi bien des services écosystémiques et peuvent être mobilisés pour la transition énergétique.

Le sens de ce vote est important, il rejoint des décisions récentes du conseil d'Etat : la régression intellectuelle, politique, sociale consistant à retourner à des rivières sauvages et à mépriser les usages humains de l'eau n'a pas été acceptée comme une voie de l'écologie en France. Il faudra en tirer les conséquences pour l'ensemble des administrations en charge de ce sujet, que ce soit les services déconcentrés (DDT-M, DREAL) ou les établissements publics (agences de l'eau, OFB). Les acteurs de l'eau doivent désormais intégrer les précisions clairement apportées sur le sens de la loi en France. 

Cesser de diaboliser les ouvrages hydrauliques et leurs milieux sous prétexte qu'ils sont d'origine humaine, engager leur gestion écologique intelligente, concevoir des restaurations écologiques compatibles avec les attentes sociales, lutter contre les pollutions innombrables ou les prélèvements excessifs de l'eau, sécuriser partout la ressource face au risque accru de sécheresse, développer l'énergie bas-carbone pour limiter le réchauffement climatique, inventer une co-existence nouvelle et durable de l'environnement, de la société, de l'économie : il y a et il y aura bien assez de choses à faire pour oublier sans regret la destruction lamentable des patrimoines des rivières au nom de la continuité écologique. En Bourgogne, certains syndicats de bassin ont déjà compris la nouvelle donne et engagé une autre politique de bassin versant: ils doivent être imités partout.

13 commentaires:

  1. Dommage : la commission avait proposée une écriture plus équilibrée du L 214-17-1 2°) susceptible d'arrêter la "jacquerie des moulins jaunes" mais le Sénat a préféré revenir à l'article mal ficelé adopté par l'Assemblée Nationale en première lecture que de courir le risque de la CMP, malgré l'engagement formel de la Ministre (qui n'a pas tenu ses troupes lors du passage à l'Assemblée Nationale). Pendant la suspension de séance finale, il est probable que les ténors du Sénat et en particulier Daniel Gremillet ont tenté de négocier le soutien du gouvernement à l'absurde proposition de loi "Gremillet" (article 22bisB du texte de la Commission) contre le vote de l'amendement de la commission à l'article 19bisC. Le gouvernement a naturellement refusé ce marché de dupe et le Sénat est revenu à un vote conforme qui va maintenir active la "guerre des moulins" dont on ne se lasse décidément pas même au risque du ridicule. La passivité du rapporteur Pascal Martin au retour de la suspension en signe l'épilogue : la suite à la prochaine législature...dans moins d'un an !

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    1. Ô bien avant un an, les arrêtés de SDAGE seront attaqués en justice si les projets actuels ne sont pas révisés et continuent à essayer d'imposer pour 5 ans le dogme du clan non élu de la casse. C'est pour la rentrée. Les députés et sénateurs seront intéressés d'en être informés et d'en parler avec les préfets de bassin et la ministre si cela posait encore problème à l'exécutif de comprendre le sens des débats parlementaires. Quand c'est non, c'est non, même pour Mme Barbara Pompili et ses amis. Il ne serait d'ailleurs pas raisonnable dans une démocratie d'exposer les fonctionnaires de terrain à l'exécution d'ordres de plus en plus manifestement contraires à la loi et à la jurisprudence, en toute connaissance de cause des citoyens.

      Quant à la prochaine législature, elle tiendra compte de 10 ans de conflits sociaux, de contentieux en justice, de rapports parlementaires et administratifs, de retard sur les exigences réelles de la DCE 2000 et sur la baisse obligée des émissions carbone. Toutes choses plus importantes pour le pays que les groupes ciblés faisant une obsession de la continuité. Une certaine vision hors-sol de l'écologie a ici tenté de s'imposer en passant par l'appareil d'Etat et ses clientèles : ce genre de chose passe de moins en moins dans les démocraties où les citoyens sont mieux informés et mieux organisés. Nous sommes sûr que les parlementaires le comprennent et le comprendront. C'est en tout cas de bon pronostic pour repréciser la doctrine publique de l'environnement, un besoin qui se fait sentir partout pour apaiser les tensions. Il s'agit après tout d'une évolution normale des idées en démocratie, on tente des choses, on les révise quand elles ratent. La réforme de continuité écologique fait partie des ratés.

      Enfin le "jaune" a surtout l'air d'être la couleur de votre rire. Car vous savez très bien ce que nous écrivons, vous espérez simplement que cela ne devienne pas la norme des défenses citoyennes face aux abus de pouvoir. A en juger par la forte combativité des fédés d'associations de moulins et de riverains, des syndicats d'étangs et de d'électriciens, des fédération de protection du patrimoine, c'est le contraire qui s'installe, et que l'administration pourra de moins en moins ignorer. En espérant que vous avez mangé votre pain blanc quand il en était temps.

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  2. C'est bien ce que je disais : la guérilla va continuer ....

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    1. Ne soyez pas pessimiste. Les fonctionnaires qui ne veulent pas appliquer la loi quitteront la fonction publique plutôt que mener des "guérillas". On connaît des ex directeurs territoriaux de l'AESN qui sont à FNE, n'est-ce pas? C'est plus sain et plus clair, les opinions privées dans des groupes privés, pas de confusion des croyances personnelles avec l'administration publique.

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  3. Les fins de législatures sont bien connues pour leur démagogie...les députés vont vers ceux qui crient le plus forts quand ils sentent leur siège basculer...les élus passent l'administration reste.

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    1. Sauf que les sénatoriales sont déjà passées en 2020 et ne reviennent qu'en 2023. (Il est curieux d'appeler "démagogique" cette loi Climat et résilience issue de la convention citoyenne sous prétexte qu'elle est enfin de mandature).

      Si vous pensez que l'administration est au-dessus des lois et qu'il lui suffit d'attendre une nouvelle législature pour ignorer celles votées par la précédente, libre à vous d'adopter cette croyance fantaisiste. De toute façon, cette administration de l'eau et de la biodiversité est déjà condamnée par le conseil d'Etat sur divers abus de pouvoir caractérisés dans le cas des ouvrages. Et l'Etat commence aussi à être condamné en première instance pour carence fautive sur le climat : les juges comme l'opinion apprécieront les entraves à l'hydro-électricité, une énergie qui a été renforcée dans le droit français en 2019 et devrait l'être encore d'ici la fin de l'année.

      Bref, les entêtés voudront s'enferrer dans leur impasse conflictuelle, les autres auront envie de changer de disque et de passer à des choses plus constructives.

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  4. Je ne parle pas de la loi "climat et résilience" je parle de l'article 19bisC qui n'a jamais été suggéré par la convention citoyenne mais qui a été inscrit dans la loi par les moyens que vous connaissez bien...
    Par ailleurs le potentiel hydroélectrique ne se vote pas n'en déplaise à Daniel Grémillet : il est fixé par la géographie et les écoulements, écoulements qui ne vont pas en augmentant. Tous ce que l'on peut faire en la matière sera très cher et peu rentable et impossible à réaliser sans une aide publique massive et injustifiée. Aujourd'hui la petite hydraulique nous coute autour de 300 Millions d'€ par an : moins on en fait moins on paye d'impôts... s'il fallait trouver une raison autre que l'environnement aquatique pour arrêter les frais, la voilà ...

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    1. C'est admirable de vouloir faire des économies d'argent public. Combien coûte la continuité écologique en long dans les budgets annuels des agences de l'eau et des administrations ou collectivités qui y dédient du personnel / des fonds? A-t-elle un effet positif et concret sur la prévention du réchauffement climatique qu'à peu près tout le monde désigne comme le problème de premier ordre de l'humanité (et de la nature)? A-t-elle un effet positif et concret sur la pollution des nappes, des cours d'eau, des lacs et des estuaires, pour laquelle la France a déjà été condamnée et le sera en 2027 si elle n'a pas pris les mesures vérifiables pour atteindre 100 % des masses d'eau en bon état chimique et physico-chimique?

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  5. Les commentaires sur l'Hydrauxois montre la mentalité qu'on trouve chez certains fonctionnaires d'administrations et de syndicats, ainsi bien sûr que certains pêcheurs et certains environnementalistes. Persuadés d'avoir raison, la loi comme détail par rapport à leur croisade, déjà à l'esprit de contourner la loi.

    Incidemment, ces gens admettent que la casse des moulins et du reste était bien la seule chose qu'ils avaient vraiment en tête, même quand ils parlaient de la fameuse continuité "apaisée". Sinon ils diraient "pas de problème il y a d'autres moyens, nous allons trouver des solutions qui conviennent à tous". Ils ne veulent pas de ces solutions qui conviennent à tous, ils veulent que leur idée de la rivière soit imposée. C'est d'ailleurs pourquoi ils refusaient déjà de financer la non-casse à même hauteur que la casse, seul moyen de trouver la solution vraiment acceptée, pas imposée. Résultat de leur mauvaise foi : une loi qui leur interdit de dériver come ils ont dérivé. C'est dommage d'en arriver là, mais s'il reste un peu de recul dans leur croisade, qu'ils se posent donc des questions sur le degré de rejet des choix antérieurs qu'il a fallu pour en arriver là.

    Comme dit l'Hydrauxois, il ne faut pas s'arrêter à ces histoires de casse : nos élus doivent réfléchir davantage à ce que cela signifie des vallées partagées avec tous les riverains, usagers et propriétaires. Cela ne peut pas être la rivière des seuls scientifiques et des seuls naturalistes qui la voient comme un fait physique et biologique où l'homme ne doit pas entrer dans l'équation.

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  6. "French vote for river barriers defies biodiversity strategy" par Simon Blanchet & Pablo A. Tedesco
    Un billet dans une revue scientifique dont vous êtes si friands...

    26 | Nature | Vol594 | 3 June2021

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    1. Merci de la référence. C'est une curieuse présentation des choses, ces scientifiques ignorent-ils que la destruction d'un ouvrage n'est pas le seul moyen de restaurer une franchissabilité piscicole? MM. Blanchet et Tedesco ignorent-ils que les analyses de fréquentation des passes ou rivières de contournement montrent que les individus de nombreuses espèces peuvent passer? A moins que MM. Blanchet et Tedesco aient vu dans la législation française ou européenne l'ordre de revenir à des rivières sauvages sans aucun ouvrage, auquel cas ils devraient informer la communauté scientifique (et le monde politique) des articles de loi auxquels ils se référent.

      Il faut qu'ils lisent aussi cet article, concernant leur statut dans le débat public et ses implications démocratiques:
      http://www.hydrauxois.org/2020/06/les-experts-sont-formels-mais-quels.html

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    2. Vous avez leurs adresses mail dans l'article : il ne vous reste plus qu'à expliquer à ces scientifiques comment faire de la science ....à votre goût ...

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    3. Une lette d'opinion à Nature n'est pas un travail de recherche.

      Comprenez bien :
      - il y a "des" sciences, avoir une spécialité dans une discipline n'autorise pas à considérer que sa seule spécialité décrit le réel;
      - au sein de chaque discipline il y a des paradigmes pouvant diverger entre chercheurs, en particulier sur la recherche appliquée (c'est le cas en écologie de la conservation).

      Le débat n'est pas du tout être pour ou contre la science, encore moins pour le citoyen prétendre dire comment on fait de la science.

      En revanche, le citoyen informé de la diversité des travaux scientifiques peut tout à fait demander au politique de multiplier ses sources scientifiques d'information (donc les budgets de recherche à la base pour avoir des bonnes données sur tout, par exemple pas 99% de données sur un système lotique et 1% sur un système lentique ; pas 99% de données sur l'eau comme fait naturel et 1% de données sur l'eau comme fait social).

      Et bien entendu, comme nous ne vivons pas dans une sorte de technocratie scientiste mais dans une démocratie aux choix guidés par le suffrage universel, le politique doit conserver l'autonomie de ses choix à connaissance scientifique établie.

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