Malgré l'opposition du gouvernement, le sénat et l'assemblée nationale ont appelé la politique énergétique et climatique de la France à "encourager la production d’énergie hydraulique, notamment la petite hydroélectricité". Ce choix des élus est une avancée pour la transition bas carbone, avec des dizaines de milliers de sites déjà en place qui sont susceptibles d'être relancés, pourvu qu'ils rencontrent désormais le soutien et non le frein de l'administration en charge de l'eau. Le parlement acte par ce texte les avis exprimés par la commission nationale du débat public lors de la discussion de la programmation énergétique avec les citoyens en 2018, la décision récente de 2019 du conseil d'Etat soulignant que la petite hydro-électricité est d'intérêt général aussi bien les directives de l'Union européenne appelant à développer cette hydro-électricité, y compris des puissances modestes en autoconsommation. Ce choix peut être lu comme un désaveu manifeste (venant après plusieurs autres) de l'idéologie de la destruction des ouvrages hydrauliques au nom de la continuité en long, alors que de nombreuses solutions permettent de faire circuler des poissons migrateurs sans altérer le patrimoine hydraulique français. La politique de l'eau ne peut plus se permettre d'opposer stérilement l'énergie, la biodiversité, la patrimoine, mais doit les concilier.
La "
petite loi" énergie et climat avait pour but de traduire dans le droit la
programmation pluri-annuelle de l'énergie de la France, et ses objectifs visant à la neutralité carbone en 2050. Le respect des accords de Paris demande une baisse des émissions carbone de la France dès 2020, cela de manière soutenue et continue pendant 30 ans. Toutes les ressources en énergie du territoire vont devoir être mobilisées pour relever collectivement ce défi.
Dans l'ultime session d'examen et discussion par la commission mixte paritaire de l'assemblée nationale et du sénat, dont les travaux se sont achevés la semaine dernière, un texte de consensus a été adopté par les deux chambres.
Au terme de ce texte, l'article L 100-4 du code de l’énergie sera modifié de la sorte :
"Pour répondre à l’urgence écologique et climatique, la politique nationale a pour objectifs (...) 4° D’encourager la production d’énergie hydraulique, notamment la petite hydroélectricité".
La loi sera définitivement votée à la rentrée de septembre, en conformité obligatoire au texte venant d'être adopté en commission mixte paritaire.
C'est un progrès important, puisque
l'ensemble des arrêtés de programmations politico-administratives relatives à l'eau et à l'énergie (SDAGE, SAGE, SRADDET, PCET, etc..) devra désormais prendre en compte cette orientation.
Nous remercions vivement les nombreux parlementaires qui ont réclamé et soutenu cette évolution. Nous déplorons que
François de Rugy (devant l'Assemblée nationale) et Emmanuelle Wargon (devant le Sénat) aient pris des positions négatives sur cette nécessité de soutenir l'énergie hydraulique, et en particulier la petite hydro-électricité. Il est dommage que le pouvoir exécutif, à nouveau mal conseillé par sa haute administration de l'eau, persiste dans des schémas qui ne sont plus pertinents face à l'évolution des enjeux écologiques et énergétiques.
Ce choix de soutenir l'hydro-électricité est un choix de bon sens :
- il existe 25 000 sites que l'on peut relancer en France,
- l'hydraulique a le meilleur bilan carbone quand elle se produit à partir de sites déjà en place (avec un minimum de génie civil),
- la relance des sites existants (chaussées de moulins et forges, petits barrages, digues, écluses...) ne crée pas de nouveaux impacts sur la rivière, sa morphologie, ses habitats en place,
- l'énergie hydraulique jouit d'une bonne insertion paysagère et d'un soutien social, en particulier dans les communes rurales où les moulins sont nombreux.
Le vote de la commission mixte paritaire est un désaveu supplémentaire de l'idéologie de la destruction des ouvrages hydrauliques, qui se trouve régulièrement contestée, amendée ou contredite par les parlementaires depuis 5 ans, et cela de manière transpartisane à chaque fois. C'est également un désaveu des arbitrages défavorables de l'administration lors des relances de moulins, forges ou autres sites anciens, qui ont été
condamnés par le conseil d'Etat en 2019 dans l'arrêt moulin du Boeuf, mais qui sont aussi condamnés à terme par
la directive européenne sur l'énergie de décembre 2018, appelant tous les Etats-membres à accélérer et simplifier l'hydro-électricité, y compris en autoconsommation (donc en petites puissances).
Notre pays ne veut pas voir disparaître ses ouvrages hydrauliques, mais les ré-engager dans une trajectoire énergétique et écologique : ce message doit être entendu.
La prime actuelle à la destruction des ouvrages hydrauliques susceptibles de produire de l'énergie est désormais anachronique : la direction de l'eau et de la biodiversité au ministère de l'écologie, les services instructeurs de l'Etat, les agences de l'eau, les syndicats et parcs en charge de la GEMAPI ont vocation à intégrer rapidement cette approche et à cesser d'accorder des avantages ou des priorités à des solutions visant à démolir les chaussées et barrages. Cette orientation conflictuelle était non seulement contraire au déploiement rapide de la production bas-carbone sur toutes les rivières françaises, mais elle était aussi contestée pour ses nombreux impacts négatifs sur le patrimoine, le paysage, l'agrément, la disponibilité de l'eau, la régulation des crues et étiages, la préservation des milieux aquatiques et humides installés autour des sites anciens.
Les associations et syndicats devront s'assurer après l'adoption définitive de la loi à la rentrée que ces nouvelles directions énergétiques nationales sont suivies d'effet dans la politique de l'eau, en signalant à leurs préfets comme à leurs parlementaires les éventuels freins à la relance de la petite hydro-électricité.
Illustration :
le moulin de Lugy, Hauts-de-France, DR