22/06/2016

Agence de l'eau Seine-Normandie : l'insupportable dogmatisme de l'effacement

En réunion de concertation pour l'avenir du plan d'eau de Bessy-sur-Cure, nous nous sommes heurtés une nouvelle fois au dogmatisme de l'Agence de l'eau Seine-Normandie: financement des effacements à 80 voire 100 %, refus de financement des aménagements de franchissement dès lors que l'ouvrage n'a pas d'usage ou que son effacement est jugé possible. Le contentieux sur les ouvrages en rivières classées L2 sera la seule issue si l'Agence persiste dans cet intolérable chantage à la casse. Vous pouvez nous aider à nourrir le dossier de ce contentieux en nous communiquant des exemples de financement public de passes à poissons par des Agences de l'eau. Car l'arbitraire des choix opaques de chaque Agence a ses limites : face à la loi commune, les citoyens français n'ont pas à subir des inégalités de traitement devant des charges publiques.

On peut lire sur le site de l'Agence de l'eau Seine-Normandie la grille d'attribution des aides publiques dans le domaine de la restauration des rivières, et en particulier de la continuité écologique. Voici le barème :
Suppression d'obstacles à la libre circulation : subvention de 80%, subvention de 100% si actions PTAP
Dispositifs de franchissement : le financement de dispositif de franchissement est limité aux ouvrages avec usage dont l'effacement est impossible dans des délais raisonnables. En outre la mise en conformité d'un ouvrage à usage économique n'est pas éligible s'il fait l'objet d'une mise en demeure. Subvention de 40%, subvention de 60% et avance de 20% si actions PTAP.
En d'autres termes, dès lors qu'un effacement est possible et dès lors que l'ouvrage est jugé sans "usage", il n'y a pas d'aide pour des passes à poissons. Dans le cas de Bessy-sur-Cure, l'Agence considère que l'on peut remplacer la baignade par des points d'eau de petite profondeur, que l'on peut modifier les captages de la retenue, donc que l'effacement est possible. C'est ainsi la seule solution financée. Notons qu'à Bessy-sur-Cure, l'AESN maintient que le coût ridiculement faible de 50 k€ pour le dérasement d'un ouvrage de 120 m de long, avec de forts enjeux de riveraineté, de stabilité berge-bâti et de compensation d'usages lui paraît réaliste. Cette prétention fantaisiste est la condition pour dire que l'effacement a le meilleur coût-avantage quand, dans le même temps, on demande des passes à poisson pharaoniques pour des espèces n'en ayant guère besoin au regard de la qualité piscicole excellente de la masse d'eau.

Notre association va évidemment se plaindre de cette position dogmatique auprès des inspecteurs du CGEDD et de la direction administrative de l'AESN, qu'elle rencontre dans les prochains jours, ainsi qu'auprès du président du Comité de bassin Seine-Normandie dont la tolérance vis-à-vis de ces pratiques discriminatoires et destructrices est incompréhensible. François Sauvadet a déjà pris des positions publiques en faveur de la sauvegarde des seuils et barrages : nous lui demanderons de mettre ses actes en conformité avec ses convictions et de saisir l'instance délibérative de Seine-Normandie en vue de modifier ces arbitrages délétères.

En comparaison de cette incroyable pression à la destruction que subissent les riverains et propriétaires, rappelons la manière trompeuse dont le Ministère de l'environnement expose la question aux parlementaires inquiets de ces dérives :
"Le classement de cours d'eau en liste 2 nécessite que les ouvrages en place (seuils, barrages) soient adaptés, transformés ou parfois déconstruits, pour assurer le rétablissement des fonctionnalités écologiques (épuration, tampon de crues, habitats diversifiés support de biodiversité, etc.). Les ouvrages concernés font l'objet d'informations, de concertations, d'études multicritères, afin de rechercher la meilleure solution technique et financière."
Le cas de Bessy-sur-Cure montre que c'est du vent : les enjeux écologiques sont très faibles, le tronçon de rivière est en bon état DCE (excellent état piscicole), le plan d'eau a des usages sociaux, et malgré tous les éléments reconnus de cette "étude multicritères", le seul discours tenu par l'administration est : nous préférons déraser et vous serez fortement aidés en ce sens ; sinon débrouillez-vous, mais sachez que le dossier d'instruction sera sévère et le dispositif exigé coûteux.

Comment la parole publique peut-elle être crédible quand on dissimule aux parlementaires la réalité du terrain et le parti-pris en faveur de la destruction du patrimoine hydraulique? Qu'espère l'administration avec cette attitude brutale, sinon des rapports de plus en plus tendus sur les rivières classées?

Une base de données pour démontrer l'arbitraire au juge : vous pouvez nous aider
Nous avons ouvert une base de données des aménagements avec passes à poissons financés en Seine-Normandie et sur les autres bassins français. Nous demandons à nos lecteurs de nous envoyer leurs propres données s'ils ont bénéficié de subventions pour des aménagements de continuité écologique (construction d'un dispositif de franchissement sans usage industriel ou commercial du moulin).

S'il n'est pas mis fin à la prime actuelle à la casse, nous demanderons en effet au juge de constater et de condamner les inégalités devant les charges publiques sur le territoire national : face aux obligations nées d'une loi commune, certains bénéficient de l'aide publique et d'autres non, dans des cas parfaitement similaires. C'est évidemment inacceptable.  Merci par avance de nous aider à motiver cette future démarche en nous contactant pour recevoir notre formulaire standardisé d'information sur les chantiers de continuité financés par Agence de l'eau, quel que soit le bassin.

A lire (et faire lire à vos élus) en complément
Idée reçue #01 : "Le propriétaire n'est pas obligé d'effacer son barrage, il est entièrement libre de son choix"
Idée reçue #05 : "l'Etat n'a jamais donné priorité aux effacements des ouvrages hydrauliques en rivière"
Idée reçue #06 : "C'est l'Europe qui nous demande d'effacer nos seuils et barrages en rivière"

7 commentaires:

  1. l'on nous dit /... l'administration est : nous préférons déraser et vous serez fortement aidés en ce sens ; sinon débrouillez-vous, mais sachez que le dossier d'instruction sera sévère et le dispositif exigé coûteux."
    DANS UN PREMIER TEMPS AS T'ON VERIFIE DANS CE DOSSIER QUE LES APPELS D'OFFRES POUR LE CHOIX DU BUREAU D'ETUDE A ETE FAIT DANS LES CONDITIONS ADEQUATES ,
    Il faut pouvoir prendre connaissance des pièces contractuelles concernant les offres remises, notamment : le détail des offres, le compte rendu et le PV de la CAO (Commission d’Appel d’Offres) ainsi que les pièces marché de l’entreprise adjudicataire.

    Le CCTP (Cahier des Clauses Techniques particulières) du DCE et ses annexes mentionnent explicitement un certain nombre d’actions essentielles à réaliser par l’entreprise adjudicataire .
    Ne devons nous pas vérifier tout cela avant que les pelles se mentent en route ? D'autant plus que beaucoup d'irrégularités se cachent entre les lignes ...
    "Les Amis des moulins 61"

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  2. Si nous en arrivons à un contentieux sur un site (ce que nous ne souhaitons pas, mais ferons au besoin), l'avocat sera bien sûr chargé de vérifier dans un premier temps toutes les procédures antérieures ayant servi à l'administration pour justifier sa position.

    Mais patience, patience : les effaceurs ont mangé leur pain blanc sur des sites "faciles" (appartenant à des collectivités, des syndicats, des fédés de pêche ou des propriétaires isolés mal informés). Pour la suite et sans changement de doctrine imposé par le Ministère à ses services, on est prêt à la bataille et les premières escarmouches associées au déploiement du moratoire ne sont qu'un aimable début !

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  3. Les masques tombent ... votre action apparait maintenant pour ce qu'elle est : la défense d'intérêts particuliers face à l'intérêt général. Il faut savoir que l'effacement est en général moins couteux et toujours plus efficace que l'équipement des seuils quel que soit cet équipement. Vous ne seriez pas acculé à cette ridicule défensive si vos mandants avaient respectés les prescriptions de l'article L236-2 du Code Rural sur lequel vous êtes joyeusement assis pendant des décennies. Vous refusiez les rivières réservés institués par la loi de 1980 ... vous avez obtenus les classements contre lesquels vous êtes vent debout ... si vous obtenez encore une fois le report des actions de rétablissement de la continuité gageons que ce qui vous sera imposé plus tard vous conviendra encore moins ... Le temps fait son oeuvre et il emportera vos ouvrages si les crues du changement climatique ne s'en occupent pas

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    1. Les moulins et leurs systèmes hydrauliques sont d'intérêt général et au demeurant, la loi française va enfin le reconnaître et l'inscrire dans le Code de l'environnement, pour la dimension patrimoniale. Dans le cas de Bessy-sur-Cure, outre le patrimoine, vous avez toutes les caractéristiques de cet intérêt général : le plan d'eau sert à divers usages et les citoyens le défendent pour cette raison. Nous attendons avec impatience une "contre-pétition" de gens qui réclament à cor et à cri sa destruction… mais il est vrai que se réclamer de l'intérêt général sans être capable de démontrer une adhésion citoyenne réelle, c'est la spécialité de certains groupes d'influence.

      L'association Hydrauxois ayant émergé en 2011 dans la défense d'un ouvrage communal, elle peut difficilement être accusée d'avoir eu des positions dans les années 1980. Nous constatons simplement une chose : de la loi de 1865 sur les échelles à poissons au classement de 2012-2013 en passant par l'ancien L 432-6 CE, les prescriptions de continuité ont le plus grand mal à être suivies d'effets. Il y a matière à réflexion : s'il était à ce point évident que des rivières sans seuil ni barrage répondent à "l'intérêt général", pourquoi donc ces mesures ne sont pas mises en oeuvre? Se peut-il que leurs coûts soient disproportionnés à leurs bénéfices? Se peut-il que les citoyens n'aient pas particulièrement envie de vivre au bord de rivières "renaturées" ou "sauvages", mais attendent d'autres priorités? Se peut-il que les "services rendus par les écosystèmes" soient mieux assurés avec des ouvrages et des retenues que sans eux?

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  4. Merci de votre réponse et ... QU'ON SE LE DISE !!!

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  5. L'argent public pour casser le patrimoine au lieu de l'aménager, ce n'est pas de l'intérêt général ni du bien commun. C'est juste une disposition intégriste que des élus surmenés du comité de bassin ont voté sans bien comprendre toutes les conséquences, car le dispositif est formulé en termes abstraits. Ils commencent à comprendre. On va revenir à des choix plus modestes, plus modérés et plus équilibrés.

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  6. Les élus ont voté le 10e PI de l'Agence, qui expose : "Le financement de dispositifs de franchissement est limité aux ouvrages structurants ayant un usage, entretenus et en bon état, ou dont l’effacement est socialement ou économiquement impossible dans des délais raisonnables"

    http://www.eau-seine-normandie.fr/fileadmin/mediatheque/Dossier_partage/INSTITUTIONNEL/10_eme_programme/10eme_Programme_revise_23032016.pdf

    Donc, c'est de l'interprétation très subjective : on peut très bien dire que l'effacement de Bessy-sur-Cure est "socialement impossible" et que l'ouvrage est "structurant". Nous demanderons le désaveu de l'interprétation qui a été faite sur ce site.

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