08/04/2018

Quand la nature crée toute seule des obstacles à l'écoulement des rivières

Dans les têtes de bassin versant, souvent présentées comme des enjeux forts pour la continuité écologique — comprendre en général : enjeu halieutique pour la pêche à la truite —, la nature crée spontanément de nombreux obstacles à l'écoulement : chutes, cascades, barrages d'embâcles... Mais que fait la police de l'eau?

Les ruisseaux et rûs du Morvan ont la réputation d'être des "pépinières" pour la reproduction des truites, qui viendraient y frayer pour ensuite grossir dans le cours principal des rivières. Quelques relevés de l'Onema avaient plaidé en ce sens au cours des années 2000, sans que l'on sache vraiment si cette observation est généralisable et confirmée par des mesures stables dans le temps.

En circulant le long de ces ruisseaux et rûs, on est cependant frappé par les nombreux obstacles à la circulation du poisson que la nature y place.



Sur un ruisseau affluent du Cousin (ci-dessus), on a ainsi dénombré pas moins de 15 obstacles sur 200 m, formés soit de roches imposant des petites cascades, soit de barrages d'embâcles, de hauteur supérieure à 20 cm (et atteignant jusqu'à 85 cm). Le ruisseau étant par définition à faible puissance hydraulique, plusieurs de ces obstacles sont dénués de fosse aval profonde (creusée par l'eau au pied d'une chute) qui permettrait d'améliorer la capacité de saut (le poisson prend élan dans cette zone d'appel).

Si l'on en croit l'article R214-109 du code l'environnement, "constitue un obstacle à la continuité écologique, l'ouvrage entrant dans l'un des cas suivants : 1° Il ne permet pas la libre circulation des espèces biologiques, notamment parce qu'il perturbe significativement leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri ; 2° Il empêche le bon déroulement du transport naturel des sédiments ; 3° Il interrompt les connexions latérales avec les réservoirs biologiques ; 4° Il affecte substantiellement l'hydrologie des réservoirs biologiques."

Pour arriver à des règles d'instruction, l'article R214-1 du même code suggère que l'obstacle à la continuité écologique commence à 20 cm de hauteur (cas demandant une déclaration à la préfecture) et s'aggrave au-delà de 50 cm de hauteur (cas demandant une autorisation).

Nous en déduisons que la nature construit par elle-même de nombreux obstacles à l'écoulement, sans demander l'autorisation à la préfecture. Si les écoulements des ruisseaux morvandiaux étaient soumis à instruction des agents de l'AFB-Onema, ils ne seraient probablement pas autorisés... et ne parlons pas du saut du Gouloux!


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11 commentaires:

  1. Nous en déduisons que la nature construit par elle-même de nombreux obstacles à l'écoulement, sans demander l'autorisation à la préfecture. Les canulars c'est le premier avril pas le 8 sinon on va penser que êtes sérieux.

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    1. Mais non, c'est très sérieux. On nous rapporte qu'au comité national de l'eau, des associatifs expliquaient doctement qu'un obstacle de 30 cm est déjà un problème grave pour les milieux. D'évidence, il faut faire une pédagogie de la nature à ceux qui ne vivent plus que dans des bureaux.

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  2. On vous a connu plus inspiré, mais ce petit article nous a bien fait rire! Un obstacle de 30 cm peut parfois être un problème grave pour les milieux. Ca dépend de l'obstacle, ça dépend des milieux. Et un obstacle de 0 cm de chute peut parfois être un problème grave pour les poissons...

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  3. Sûr. On a aussi un scoop : un commentaire peut être utile ou inutile.

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    1. Ohhhh, si on n'a plus le droit de rire...! J'ai quand même appris plein de choses grâce à votre article : quand il y a naturellement de la pente, il y a naturellement des chutes. Donc les chutes sont naturelles. Donc toutes les chutes sont bonnes. Donc vouloir réduire les chutes c'est mal. J'ai bon?

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    2. Hmmm non, désolé, zéro pointé. L'article observe l'omniprésence de discontinuités naturelles (formant "obstacles à l'écoulement" au sens réglementaire de cette notion) dans des zones présentées par ailleurs comme d'intérêt pour la biodiversité, signalant simplement que la réglementation est le fruit d'une bureaucratie bornée - bureaucratie à laquelle vous êtes fortement soupçonné(e) d'appartenir.

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    3. En plus d'être un bureaucrate borné, il s'avère que je suis par ailleurs (mais rassurez-vous, pas concomitamment) un pêcheur amateur qui trouve son plaisir, non pas dans la consommation de masse de poisson, mais dans la tranquillité, le mystère, la fraicheur et la beauté des abords de certains cours d'eau, notamment dans le Massif Central. Et que lorsqu'on connait les cours d'eau (pas que d'un point de vue scientifique), on sait, on sent, on voit, que tous les obstacles, qu'ils soient naturels ou artificiels, n'ont pas les mêmes effets. Mais on sait, on sent, on voit aussi que certains obstacles et certains cumuls d'obstacles, ont des effets négatifs sur les cours d'eau et leur fonctionnement.
      Et par ailleurs, bien que borné, je suis prêt à convenir que si quelqu'un a dit que tous les obstacles de 30 cm causaient des problèmes graves aux milieux, il a raconté n'importe quoi. Mais aussi que si quelqu'un dit qu'aucun obstacle de 30 cm n'a d'impact négatif sur les milieux aquatiques, il raconte n'importe quoi.

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    4. Voyez-vous, vous "savez", "sentez", "voyez" ce que vous voulez. Nous "savons, sentons, voyons" pour notre part que les ouvrages de l'hydraulique ancienne créent souvent plein de nouveaux habitats favorables au vivant ; nous "savons, sentons, voyons" que les pêcheurs sont parfois obsédés par quelques espèces de poissons auxquelles ils sont disposés à sacrifier tout le reste. Etc, etc.

      Raison pour laquelle on ne se contente pas sur ce blog de parler du ressenti des uns et des autres car il est fort différent, et peu susceptible à lui seul de faire consensus.

      Ce ruisseau décrit dans l'article, il a effectivement 15 obstacles qui correspondent à la définition réglementaire donnée par des bureaucraties, et qui ne sont pas franchissables pour la plupart à une truite selon le protocole ICE. Cela, c'est juste un fait.

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    5. En matière d'obsession, celle des propriétaires de moulins pour le « patrimoine » pourrait aussi donner lieu à quelques discussions (et on pourrait aussi, si on cherchait, trouver des exemples qui démontrent que certains propriétaires de sites hydrauliques sont moins soucieux des vieilles pierres et de l'esprit séculaires des lieux quand cela les arrange...). Bref.

      Effectivement vous énoncez un fait : il y a sur le ruisseau que vous décrivez, 15 obstacles parfaitement naturels qui correspondent à la définition réglementaire d'un obstacle à la continuité écologique. Dont acte. Ce que je ne comprends pas, c'est le message que vous voulez faire passer.

      Est-ce un raisonnement par l'absurde (et j'en reviens à un de mes commentaires précédents) ? La bureaucratie dit que ce qui est naturel est bon. Il existe des chutes naturelles. Donc les chutes sont bonnes. Donc la bureaucratie est stupide est bornée.

      Ou alors c'est le protocole ICE que vous critiquez ? Il n'est sans doute pas parfait (et en aucun cas adapté à des obstacles naturels, mais passons), mais on aimerait voir le détail de la manière dont vous l'avez appliqué, et ce qu'il montre réellement de la franchissabilité des obstacles.

      Ou alors ce sont les seuils de la nomenclature loi sur l'eau que vous contestez ? Ce sont des seuils de procédure. Pas des seuils d'impact. Cela dit qu'à partir d'une certaine limite, certains projets doivent faire l'objet de telle ou telle procédure. Il y a aussi des plans d'eau naturels. Cela veut-il dire donc qu'aucun plan d'eau ne doit être soumis à encadrement administratif ?

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    6. Le message : il n'y a pas de sens à statuer a priori sur la valeur d'une continuité ou une discontinuité en tant que telle. Il y a des discontinuités naturelles ou artificielles, augmentant ou baissant la biodiversité locale, favorisant certaines espèces ou défavorisant d'autres espèces, augmentant ou baissant la réserve trophique locale, etc.

      Donc ce concept "continuité" n'aurait pas vocation à apparaître seul dans le droit d'un pays "pas stupide et pas borné", comme s'il s'agissait d'une propriété à la fois bien définie et désirable en soi, en dehors d'une appréciation de son contexte et de ses effets.

      Si vous en convenez, relisez (par exemple) l'article L 211-1 du code de l'environnement et trouvez l'aliéna dont il faut réécrire les termes.

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  4. La pseudoscience de la continuité est très simple dans sa construction en France: un "obstacle" pose problème quand les représentants de la fédération de pêche et de l'Onema le prétendent. Et ils le prétendent quand ils rentrent trop souvent bredouilles le dimanche.

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