04/09/2018

Ministère de l'écologie : le besoin d'une politique pragmatique et durable

Ce jour a vu la nomination du 6e ministre de l'écologie depuis la création de l'association Hydrauxois. Quelques réflexions sur la difficulté de ce ministère à définir un cadre stable et partagé pour les politiques de l'environnement. 


François de Rugy, nouveau ministre de l'écologie (source CC SA-BY-4.0).

Depuis sa création en 2012, notre association a connu 6 ministres de l'écologie (N. Bricq, D. Batho, P Martin, S. Royal, N. Hulot, F. de Rugy), pour seulement deux présidents et deux législatures. Nous regrettons cette instabilité politique, à plusieurs titres.`

D'abord, l'écologie est le domaine du temps long et des choix structurants dans de nombreux domaines : eau, énergie, agriculture, transport, logement, territoire, etc. Il est déplacé d'en faire un symbole de l'inconstance politique. Ensuite, il est forcément inefficace pour l'action publique d'avoir une valse trop rapide de ministres qui doivent s'installer avec leurs cabinets dans les lieux, prendre connaissance de dossiers généralement très techniques, identifier les acteurs, poser leurs visions, etc. Enfin, la volatilité de la direction politique laisse le champ libre à la haute administration comme seul élément stable pour définir les directions des choix publics. Or, comme nous l'avons analysé en détail sur le cas particulier des ouvrages en rivières, ces hauts fonctionnaires (qui ne sont pas élus) ont tendance à imposer leur propre idéologie sur les sujets qu'ils administrent, cela sans avoir à en répondre directement devant les représentants des citoyens. C'est très insatisfaisant au plan démocratique.

En quittant son poste après seulement 15 mois d'exercice, Nicolas Hulot a délivré un message assez désespérant, brossant le tableau d'un pouvoir qui serait soumis aux lobbies et qui ne pourrait prendre aucune des décisions nécessaires pour l'écologie, accusant les citoyens d'être trop indifférents aux questions de climat, de biodiversité et de pollution.

Ce diagnostic très sombre doit être pour le moins nuancé.

Concernant les lobbies, leur existence est indéniable, mais elle n'est pas anormale dans une démocratie contemporaine où, au-delà de l'élection définissant les grandes orientations publiques, les élus comme les fonctionnaires ont vocation à entendre le message des groupes organisés qui défendent des intérêts, des valeurs, des causes, des professions etc. Il faut d'ailleurs y intégrer aussi bien les lobbies qui soutenaient l'ancien ministre (ONG écologistes, industriels du renouvelable, du bio, de l'apiculture, etc.) et qui expriment soit les intérêts de secteurs économiques de la transition écologique, soit les avis de citoyens. Ce qui n'est pas acceptable, c'est le manque de transparence sur le rôle des lobbies et le manque de rationalité dans les choix publics. Nous l'avons par exemple souligné dans la politique de l'eau : le poids des lobbies agricoles explique le retard sur le traitement de certaines pollutions chimiques comme le poids du lobby pêcheur et de certains lobbies conservationnistes explique le choix aberrant de détruire un grand nombre de moulins et barrages. Dans l'un et l'autre cas, c'est la grande masse des riverains qui n'est pas entendue, c'est-à-dire que les pouvoirs publics écoutent certains lobbies au lieu d'entendre tous les groupes pertinents pour co-construire des politiques publiques.

Au regard des enjeux écologiques, Nicolas Hulot s'est plaint de la politique des "petits pas" et de la grande difficulté de son ministère à gagner des arbitrages face à ses collègues, notamment l'économie et les finances. En 1974, le premier ministre de l'environnement de l'histoire politique française, Robert Poujade, avait déjà décrit son poste comme le "ministère de l'impossible".

On peut se demander si Nicolas Hulot était réellement à sa place à la tête du ministère, ses multiples confessions aux médias de doutes et de déchirements depuis 15 mois suggérant que ce n'était pas le cas. L'écologie de gouvernement et de terrain est soumise à la contrainte du réalisme, contrairement à l'écologie de contestation qui peut se permettre d'avancer des idéaux sans avoir à vérifier leur partage par tous les citoyens, leur impact sur des secteurs économiques ou leur compatibilité avec les finances publiques. En devenant l'affaire de tous et non plus le combat d'une minorité, ce qui est une bonne nouvelle, l'écologie affronte forcément la complexité des sociétés, où tous les choix humains ne sont pas dictés par les seuls paramètres environnementaux. Il ne faut pas y raisonner en termes de victoires ou de défaites d'un "camp" contre un autre, mais plutôt en recherche des meilleurs compromis provisoires.

Notre expérience associative montre que les Français sont réellement intéressés par l'amélioration de leur cadre de vie, la défense de leur paysage, la promotion d'énergies nouvelles, la préservation de la biodiversité, la protection de la santé. Mais, assez logiquement, ils sont aussi soucieux d'enjeux comme la vitalité économique des territoires ou la préservation d'un pouvoir d'achat. Comme l'argent public est rare, les citoyens souhaitent aussi qu'il soit employé à bon escient : à la fois pour ne pas altérer davantage l'environnement et, quand cet argent public finance des projets écologiques, pour choisir les meilleures options.

La France souffre aussi d'un travers peu souligné par les commentateurs de la démission de Nicolas Hulot : la centralisation du pouvoir, le fonctionnement très vertical de l'administration, la concentration de l'attention médiatique sur des personnalités très en vue à Paris, la faible autonomie fiscale et décisionnnelle des collectivités tendent à dévitaliser la démocratie (qui devient une technocratie lointaine) et à augmenter la "conflictualité idéologique" dans les politiques publiques. Ce problème est particulièrement manifeste dans l'environnement : si certains défis sont globaux, les réponses et les actions sont toujours locales. On étudie la biodiversité, on lutte contre des pollutions et on cherche des sources d'énergie renouvelable dans des lieux donnés, pour une population donnée. Redéployer les politiques écologiques en faisant monter les compétences des régions et des intercommunalités, en donnant du jeu local à l'interprétation des directives et des lois, en assurant la participation accrue des citoyens aux décisions ultimes irait dans un sens plus favorable à l'appropriation des enjeux environnementaux.

François de Rugy, nouveau ministre, a défendu une "écologie pragmatique et concrète". Il a par ailleurs appelé dans le passé à une manière plus concertée et ouverte de gouverner. Il a enfin porté l'idée d'une France à l'énergie 100% renouvelables en 2050.  Nous aurons donc à coeur de lui soumettre dès ce mois de septembre la question de la continuité écologique et de la destruction des ouvrages hydrauliques, qui a donné lieu à toutes les dérives d'une (soi-disant) écologie dogmatique, autoritaire et irréaliste depuis 10 ans.

3 commentaires:

  1. Assez désabusé par la nomination de François de Rugy, qui a déjà retourné sa veste plusieurs fois, au Ministère de l'Environnement. Je pense que, tant que Macron sera président de la République, n'importe qui ferait l'affaire. Rien n'avancera et nous prendrons encore du retard dans la transition écologique.

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  2. Barnérias Pierre6 septembre 2018 à 00:21

    Personne ne sait aujourd'hui, après X ministres, quelle sera la position de Monsieur de Rugy. Si cela se trouve, il habite dans un moulin...
    Ce qui reste sûr, c'est que nos moulin existaient avant 1900, il semble peu probable qu'ils puissent être mis en cause dans les problématiques actuelles. Ils ne peuvent être notamment mis en cause par rapport aux questions de biodiversité, voire de pollution...

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