25/02/2019

Nouvelle directive européenne sur l'énergie renouvelable : vers la fin du matraquage de l'énergie hydraulique par l'administration française

La France est déjà en retard sur ses objectifs de transition énergétique, et elle se permettait le luxe de dépenser un argent public rare à décourager l'hydro-électricité, voire à détruire son potentiel et ses outils de production.  Mais les temps changent. L'Union européenne vient d'adopter la directive 2018/2001 sur la promotion de l'énergie renouvelable. Ce texte, de transposition obligatoire d'ici 2021, comporte des avancées majeures qui devraient permettre de faire cesser certaines dérives de l'Etat français dans le domaine de l'hydro-électricité. Il exige en effet de chaque Etat la simplification et l'accélération des procédures (un an maximum pour le permis de produire d'une petite puissance), la non-discrimination des sources d'énergie, la proportionnalité des coûts de projet, le soutien massif à l'autoconsommation et aux petites installations disséminées dans les territoires, en particulier ruraux. L'Etat français avait entamé voici 10 ans une politique décriée de destruction des barrages, moulins, forges et autres sites à potentiel hydro-électrique, ainsi que d'imposition de mesures volontairement disproportionnées à l'impact et à la production. Nous reproduisons ici des extraits importants de cette directive européenne. Nous enjoignons les porteurs de projets hydro-électriques de les opposer d'ores et déjà aux services de l'administration en charge de l'eau, mais aussi de les signaler à leurs parlementaires. Il s'agit d'exiger que les services du ministère de l'écologie anticipent la transposition cette directive, changent clairement leurs arbitrages et aident désormais les projets hydro-électriques au lieu de les entraver.


La directive européenne du 11 décembre 2018 concerne l'énergie renouvelable définie comme une "énergie produite à partir de sources non fossiles renouvelables, à savoir l'énergie éolienne, l'énergie solaire (solaire thermique et solaire photovol­ taïque) et géothermique, l'énergie ambiante, l'énergie marémotrice, houlomotrice et d'autres énergies marines, l'énergie hydroélectrique, la biomasse, les gaz de décharge, les gaz des stations d'épuration d'eaux usées et le biogaz."

Ce texte, supérieur à la loi et la réglementation dans l'ordre normatif, donc s'imposant à l'Etat français, entend donner un coup d'accélérateur à la transition énergétique. Celle-ci est en retard sur ses objectifs 2020 dans plusieurs Etats-membres dont la France, et les nouveaux objectifs 2030 fixent un cap ambitieux. Le parlement européen a entendu libérer l'énergie renouvelable, notamment de certaines contraintes administratives.

Dans les considérants de la directive, on retient les points suivants.

Le développement des énergies renouvelables est une obligation des Etats-membres
Conformément à l'article 194, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la promotion des énergies renouvelable est l'un des objectifs de la politique énergétique de l'Union. Cet objectif est visé par la présente directive. L'augmentation de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, ou «énergie renouvelable», constitue un élément important du paquet de mesures requises afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de se conformer aux engagements pris par l'Union au titre de l'accord de Paris de 2015 sur le changement climatique, adopté lors de la 21e conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (ci-après dénommé «accord de Paris»), ainsi qu'au cadre d'action de l'Union en matière de climat et d'énergie à l'horizon 2030, notamment l'objectif contraignant de réduction des émissions de l'Union d'au moins 40 % d'ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990.

Les zones rurales et régions à faible densité ont un enjeu fort à la transition
L'augmentation de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables a également un rôle fondamental à jouer dans la promotion de la sécurité des approvisionnements en énergie, d'une énergie durable à des prix abordables, du développement technologique et de l'innovation, ainsi que de l'excellence technologique et industrielle, tout en procurant des avantages au niveau environnemental, social et sanitaire ainsi que d'impor­tantes perspectives d'emplois et le développement régional, en particulier dans les zones rurales, les zones isolées, les régions ou les territoires à faible densité de population ou en cours de désindustrialisation partielle.

Les petites installations renforcent la transition locale et doivent être soutenues
Les petites installations peuvent largement contribuer à renforcer l'acceptation par le public et à assurer le déploiement de projets en matière d'énergie renouvelable, en particulier au niveau local. Pour s'assurer de la participation des petites installations, des conditions spécifiques, notamment des tarifs de rachat, pourraient dès lors encore s'avérer nécessaires afin de garantir un rapport coûts-avantages positif, conformément au droit de l'Union applicable au marché de l'électricité. Il importe de définir les petites installations aux fins de l'obtention d'une telle aide, afin d'assurer la sécurité juridique pour les investisseurs. Les règles relatives aux aides d'État contiennent des définitions des petites installations.

La stabilité et la prévisibilité des politiques publiques sont nécessaires
Sans préjudice des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, il convient que les politiques de soutien aux énergies renouvelables soient prévisibles et stables et ne fassent pas l'objet de modifications fréquentes ou rétroactives. L'imprévisibilité et l'instabilité des politiques ont une incidence directe sur les coûts de financement du capital, sur les coûts de développement des projets et donc sur le coût global du déploiement des énergies renouvelables dans l'Union. Les États membres devraient empêcher que le réexamen des aides allouées à des projets en matière d'énergie renouvelable influence négativement la viabilité économique de ceux-ci. Dans ce contexte, les États membres devraient promouvoir des politiques d'aide efficaces au regard des coûts et garantir leur viabilité financière. 

L'autoconsommation d'électricité doit être reconnue et favorisée sans charges disproportionnées
Avec l'importance croissante de l'autoconsommation d'électricité produite à partir de sources renouvelables, il est nécessaire de définir les autoconsommateurs d'énergies renouvelables et les autoconsommateurs d'énergies renouvelables agissant de manière collective. Il est également nécessaire d'établir un cadre réglementaire qui autoriserait les autoconsommateurs d'énergies renouvelables à produire, consommer, stocker et vendre de l'élec­tricité sans devoir supporter de charges disproportionnées. 

Dans les articles de la directive, on retient notamment les points suivants :

Article 3 : objectif global contraignant de l'Union à l'horizon 2030
1. Les États membres veillent collectivement à ce que la part d'énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d'énergie de l'Union en 2030 soit d'au moins 32 %. La Commission évalue cet objectif, en vue de présenter d'ici à 2023 une proposition législative destinée à l'augmenter en cas de nouvelle baisse sensible des coûts de la production d'énergie renouvelable, si cela est nécessaire afin de respecter les engagements internationaux pris par l'Union en matière de décarbonisation, ou si une diminution importante de la consommation d'énergie dans l'Union justifie cette augmentation.

Article 4 : aide non discriminatoire aux énergies renouvelables
4. Les États membres garantissent que les aides sont accordées pour l'électricité produite à partir de sources renouve­lables de manière ouverte, transparente, concurrentielle, non discriminatoire et efficace au regard des coûts.

Article 15 : exigence de simplification, accélération et proportionnalité des procédures administratives
1. (...) Les États membres prennent notamment les mesures appropriées pour veiller à ce que:
a) les procédures administratives soient simplifiées et accélérées au niveau administratif approprié et des délais prévisibles soient fixés pour les procédures visées au premier alinéa;
b) les règles relatives à l'autorisation, la certification et l'octroi des licences soient objectives, transparentes et propor­tionnées, ne créent aucune discrimination entre les demandeurs et tiennent pleinement compte des spécificités de chaque technologie en matière d'énergie renouvelable;
c) les frais administratifs acquittés par les consommateurs, les aménageurs, les architectes, les entrepreneurs et les instal­lateurs et fournisseurs d'équipements et de systèmes soient transparents et calculés en fonction des coûts; et
d) des procédures d'autorisation simplifiées et moins contraignantes, y compris une procédure de notification simple, soient mises en place pour les dispositifs décentralisés et pour la production et le stockage d'énergie à partir de sources renouvelables.
(...)
8. Les États membres évaluent les barrières administratives et réglementaires aux contrats d'achat de long terme d'élec­tricité renouvelable et suppriment les barrières injustifiées, et ils facilitent le recours à de tels accords. Ils veillent à ce que ces contrats ne soient pas soumis à des procédures ou des frais discriminatoires ou disproportionnés.

Article 16 : un seul point de contact pour les procédures, délai d'un an (petites puissances) ou deux ans pour aboutir au permis de produire
1. Les États membres mettent en place ou désignent un ou plusieurs points de contact. Ces points de contact, sur demande du demandeur, guident et facilitent l'ensemble de la procédure administrative de demande et d'octroi de permis. Le demandeur n'est pas tenu de contacter plus d'un point de contact pour l'ensemble de la procédure.
(...)
4. Sans préjudice du paragraphe 7, la procédure d'octroi de permis visée au paragraphe 1 n'excède pas deux ans pour les centrales électriques, y compris l'ensemble des procédures pertinentes des autorités compétentes. Dans des circons­ tances extraordinaires dûment justifiées, ce délai de deux ans peut être prolongé au maximum d'un an.
5. Sans préjudice du paragraphe 7, la procédure d'octroi de permis n'excède pas un an pour les installations d'une capacité électrique inférieure à 150 kW. Dans des circonstances extraordinaires dûment justifiées, ce délai d'un an peut être prolongé au maximum d'un an.
6. Les États membres facilitent le rééquipement des installations existantes utilisant des sources d'énergie renouvelables en garantissant une procédure d'octroi de permis simplifiée et rapide. La durée de cette procédure n'excède pas un an.

Article 21 : autoconsommation favorisée et simplifiée
2. Les États membres garantissent que les autoconsommateurs d'énergies renouvelables, à titre individuel ou par l'intermédiaire d'agrégateurs, sont autorisés à:
a) produire de l'énergie renouvelable, y compris pour leur propre consommation, stocker et vendre leur production excédentaire d'électricité renouvelable, y compris par des contrats d'achat d'électricité renouvelable, via des fournisseurs d'électricité et des arrangements portant sur des échanges de pair à pair, sans être soumis:
i) en ce qui concerne l'électricité qu'ils prélèvent ou injectent dans le réseau, à des procédures et à des frais discrimi­ natoires ou disproportionnés et à des frais d'accès au réseau qui ne reflètent pas les coûts;
ii) en ce qui concerne l'électricité produite à partir de sources renouvelables qu'ils ont eux-mêmes produite et qui reste dans leurs locaux, à des procédures discriminatoires ou disproportionnées et à des frais ou redevances quelconques;

3. Les États membres peuvent imposer des frais non discriminatoires et proportionnés aux autoconsommateurs d'énergies renouvelables pour l'électricité renouvelable qu'ils ont eux-mêmes produite et qui reste dans leurs locaux, dans l'un ou plusieurs des cas suivants: (...)
c) si l'électricité renouvelable produite par les autoconsommateurs est produite dans des installations d'une capacité électrique installée totale supérieure à 30 kW.

6. Les États membres mettent en place un cadre favorable visant à promouvoir et à favoriser le développement de l'autoconsommation d'énergies renouvelables, sur la base d'une évaluation des obstacles injustifiés existants et du potentiel d'autoconsommation d'énergies renouvelables sur leur territoire et compte tenu de leurs réseaux énergétiques. Ce cadre favorable porte entre autres sur les points suivants:
a) l'accessibilité de l'autoconsommation d'énergies renouvelables pour l'ensemble des consommateurs finals, y compris les ménages à faibles revenus ou vulnérables;
b) les obstacles injustifiés au financement de projets par le marché et les mesures destinées à faciliter l'accès au financement;
c) d'éventuels autres obstacles réglementaires injustifiés à l'autoconsommation d'énergies renouvelables, y compris pour les locataires;
d) des incitations pour encourager les propriétaires d'immeubles à créer des possibilités d'autoconsommation d'énergies renouvelables, y compris pour les locataires;
e) l'accès non discriminatoire des autoconsommateurs d'énergies renouvelables, pour l'électricité renouvelable qu'ils ont eux-mêmes produite et qu'ils injectent dans le réseau, aux régimes d'aide qui existent, ainsi qu'à tous les segments du marché de l'électricité;
f) la nécessité de s'assurer que les autoconsommateurs d'énergies renouvelables contribuent de manière adéquate et équilibrée au partage du coût global du système lorsque de l'électricité est injectée dans le réseau.

Article 36 : transposition en 2021 au plus tard
1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux articles 2 à 13, aux articles 15 à 31, à l'article 37 et aux annexes II, III et V à IX au plus tard le 30 juin 2021. 

Référence juridique à rappeler dans les courriers et contentieux:
Directive (UE) 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables

A lire sur ce thème
Première évaluation européenne du potentiel énergétique des moulins à eau et autres ouvrages anciens 
Les moulins à eau et la transition énergétique: faits et chiffres 
La Commission européenne vise l'atténuation des impacts d'ouvrages hydrauliques, pas leur destruction
La place de l'hydro-électricité dans la nouvelle stratégie énergie-climat de la France (PPE 2019)

8 commentaires:

  1. Une lueur d'espoir à l'horizon ?
    La sagesse prendrait elle le pas sur la stupidité ?
    Mais il est bien tard, que de temps perdu !

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  2. Oui bien sûr lueur d'espoir !Il faut y croire Mais combien de temps encore faut -il pour que tout ceci soit appliqué sur le terrain et dans nos zones rurales trop soumises aux dictats d'une administration dogmatique, intransigeante et peu disposée -bien souvent- à appliquer véritablement les lois plutôt que de les interpréter à sa guise? Effectivement nous attendons plus de sagesse et de bon sens et que tous les dégâts stoppent.

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  3. Faire en sorte que cette directive soit diffusée par nous, administrés, à tous les niveaux administratifs: commune; CDC, etc...L'énergie hydraulique est la plus menacée des énergies renouvelables en France: faisons en sorte que la directive soit connue, reconnue, et appliquée, telle qu'elle est énoncée: " l'accessibilité de l'autoconsommation d'énergies renouvelables pour l'ensemble des consommateurs finals, y compris les ménages à faibles revenus ou vulnérables".

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  4. La génération des + de 60 ans ont vraiment détruit notre planète. Les 40-50 ans formatés n'ont guère évolué, mais se posent quand même de bonnes questions, très opposés entre eux entre ceux qui veulent continuer de produire, consommer et ceux qui veulent préserver.
    il est temps que les 20-30 ans prennent le pouvoir....
    Mais il est bien tard, que de temps perdu (comme dit + haut) et que de rivières détruites pour quelques euros...
    La sagesse et le bon sens ne sont pas sur ce site... :-(

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    1. Les 15-20 ans manifestent en ce moment pour le climat et l'accélération de la transition bas-carbone.

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  5. Qui en France mais aussi dans les autres états de l'Union Européenne, connait l'article 24 de la Directive Cadre sur l'Eau DCE 2000/60/CE, page L 327:21 ?

    Plus grave, même question aux avocats connus tant dans les barreaux de France que devant les cours suprêmes : CE et Cassation ?

    Qui a enfin compris que le texte des états de la CE traduisant la directive en droit du pays concerné, dont la France en particulier, doit mentionner clairement la dénomination de la directive 2000/60/CE et ceci "au plus tard le 22 décembre 2003". Or, la LEMA est datée du 30 décembre 2006. Par contre la loi française 2004-338 contient en clair et développée la mention de la DCE 2000/60/CE et elle date du 21 avril 2004, soit avec un retard de moins de 4 mois mais pas de 3 ans.

    La LEMA ou Loi sur l'eau et les milieux aquatiques n 2006-1772 du 30 décembre 2006 et tout ce qu'elle contient n'a pas de base légale par rapport à un texte européen comme la DCE.

    Le principe de la restauration de la continuité écologique des cours d'eau et tout ce qui en découle n'a pas de base légale et doit donc être dénoncé devant une cour française et si nécessaire devant une Cour européenne.

    Mais quand on sait, qu'avec un bel ensemble et une constance indéfectible, les 6 associations ou fédérations nationales ne cherchent depuis des années qu'à "s'arranger" avec la Direction de l'eau du ministère de l'environnement qui change de nom périodiquement mais pas d'attitude avec les propriétaires de moulins et de centrales, on peut penser que ce n'est pas pour demain qu'une action de fonds va être engagée faute de moyens intellectuels des dirigeants que tout le monde connaît et encore ceci quand il n'y a pas carrément une collaboration active venant de l'intérieur même des CA de ces associations.

    Sans aller jusque là, le seul fait de diffuser les informations qu'un tout petit groupe de "sachants" a mis à jour ces derniers mois, conforté par les révélations des études scientifiques sur le sujet de la transition des sédiments et de la faune piscicole, suffit à clouer le bec des préfets qui reçoivent des ordres pour "oublier" les récalcitrants trop bien informés parce qu'ils connaissent l'état de délabrement avancé de l'organisation de propriétaires qui ne veulent pas s'informer ni s'organiser en force de combat rapproché. Imaginez ce que nous pourrions faire si chaque propriétaire versait 1 000 € pour entreprendre des actions judiciaires prévues et structurées de longue date ? 1 000 € pour sauver son moulin, ce n'est pas bien cher payé. Avec 100 000 € on pourrait aller jusque devant la CEDH à Strasbourg ou la CEJ.

    Le très gros ennui, c'est que les gens connus pour leur habileté juridique, ne peuvent pas dire à coup sûr qu'ils vont vivre et rester en bonne santé physique, mentale et intellectuelle dans les 15 ans qui viennent.

    Au fait, qui connait les articles 55 et 88-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 qui régit les institutions de la République Française ?

    Un des fondateurs de la Veille Juridique des Riverains issue du CA de l'ARF avant 2005(que nous avons du dissoudre) a dit récemment qu'il fallait stocker ces armes juridiques pour que celles et ceux qui reprendraient le combat et qu'ils puissent disposer des moyens de poursuivre la lutte.

    En fait, ce qu'on peut reprocher à Monsieur et Madame HYDRAUXOIS...c'est de na pas avoir eu d'enfants pour continuer le combat !

    MARC NICAUDIE 24100 SAINT LAURENT DES VIGNES, 26/02/2019

    P.S. : La protection de l'environnement et de nos eaux ? On s'en fout ! Tout pourvu que je puisse imposer mes vues tant au siège de FNE qu'au ministère ! Les propriétaires de moulins ? Ils sont trop bêtes, qu'ils crèvent !

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  6. Bonjour,

    cette directive est une bonne nouvelle pour le développement des énergies renouvelables.

    En ce qui concerne "le matraquage" par l'Administration, ou plus sobrement la régulation de l'activité de production hydroélectrique, il me semble fondamental que les services de l'Etat soient de plus en plus vigilants sur le contenu des études d'impacts afin qu'elles ne se transforment pas en de simples documents administratifs visant avant tout à légitimer ladite production hydroélectrique.

    Il semble aussi fondamental que la séquence éviter-réduire-compenser soit réellement appliquée. L'existence d'un ouvrage, d'un potentiel énergétique et la viabilité économique ne devraient pas suffire à justifier un projet hydroélectrique.

    Personnellement, entendre des élus brandir l'argument de l'énergie renouvelable, alors qu'en même temps leur village s'étend sur les terres agricoles pour accueillir les travailleurs des villes en manque de nature et se déplaçant en voiture me fait mal au coeur.

    Dire ça n'avance pas à grand chose certes... et personne n'est individuellement à blâmer. Mais il faut bien comprendre que sur CERTAINS cours d'eau un ouvrage équipé de dispositifs de franchissement et produisant de l'énergie a des impacts résiduels très importants sur les migrateurs amphi-halins. Les "meilleures techniques disponibles" restent limitées.

    Au-delà de ces débats techniques, il y a des débats politiques de fond à avoir. On entend souvent la question "quelle(s) nature(s) voulons-nous?" pour déconstruire la vision d'une nature sauvage idéalisée. On peut aussi poser la question "quelles campagnes ou quelles bourgades voulons-nous?". Avant de rentrer à plein pied dans les énergies renouvelables, qui représentent aussi un marché économique, le citoyen pourrait exiger un débat de fond sur l'aménagement du territoire, sur la péri-urbanisation, sur la place de la voiture électrique...

    De l'énergie renouvelable oui, mais pour quoi? Pour qui?

    Je n'ai qu'une compréhension limitée de la problématique énergétique à ce jour, mais il me semble que de nombreuses questions se posent au moment où le tournant pour la transition énergétique semble enfin amorcé. Il ne faudrait pas que ce virage se fasse sur le dos de l'écologie et de la préservation de certaines espèces, qui semble-t-il, répondent aussi à une aspiration de nos sociétés.

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    1. Bonjour

      Il ne fait aucun doute qu'un ouvrage a modifié la rivière. Partant de là, c'est cette réalité de la rivière modifiée - depuis plusieurs siècles dans le cas des moulins et étangs d'Ancien Régime - qui forme le cadre de la réflexion démocratique : les riverains sont-ils satisfaits ou non des modifications? Les usages actuels ou futurs ont-ils des coûts et des bénéfices, lesquels ? La variation de grandeurs biologiques est-elle d'intérêt général, dans quel cas, de quel point de vue ? Etc.

      Vous avez entièrement raison de poser aussi la question de l'impact des énergies renouvelables et de l'opinion sur elles : le climat pas plus que la biodiversité n'est un "dogme" (les chercheurs disent des faits et des causes, mais ce sont les sociétés qui choisissent en dernier ressort le climat ou la biodiversité qu'elles ont envie de co-construire), et au sein des options de transition bas carbone, le choix de telle ou telle technologie se discute en fonction de ses impacts écologiques et paysagers, son acceptabilité sociale, son coût économique, sa réponse aux besoins du marché de l'énergie.

      Si nous posons correctement ces débats, il n'y a pas de raison que l'on ne parvienne pas à des orientations recueillant un soutien majoritaire dans les populations, tout en ayant une information scientifique correcte sur ce qui est à l'oeuvre en terme d'effets physiques, chimiques, biologiques prévisibles pour les choix que l'on fait.

      La politique actuelle des ouvrages hydrauliques est déconnectée de cette assise démocratique fondée sur une réflexion ouverte.

      Elle a souffert d'abord du caractère autoritaire et vertical des administrations jacobines (on décide la doctrine à Paris, on applique partout). Elle a souffert ensuite du manque de représentation des premiers concernés - les propriétaires d'ouvrages et les riverains-, à toutes les échelles de concertation et délibération (CLE, comité bassin, CNE, cabinet ministériel). Elle a souffert enfin (du moins là, c'est davantage notre interprétation) d'une mauvaise et curieuse manière de poser l'écologie, comme une sorte de doctrine biocentriste à laquelle toutes les autres représentations doivent céder. Alors que l'idée de "sauvage" n'est pas un attendu culturel pré-existant dans les représentations européennes, et que le développement durable est la recherche d'un équilibre entre environnement, économie, société, non l'idée que l'économie et la société seraient soumises du jour au lendemain à telle ou telle interprétation normative de l'environnement.

      Nous pensons que les problématiques que nous soulevons ici sur les questions de l'eau vont apparaître à terme un peu partout dans nos pratiques sociales et débats politiques, et créer des débats sur l'écologie que nous voulons, au-delà du caractère un peu simpliste de la bannière "verte" dont tout le monde se réclame mais sans y réfléchir vraiment, souvent sans s'informer réellement de ce qui est en jeu.

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