21/05/2022

Attention, 10 000 moulins et étangs sont menacés d’illégalité dans quelques mois !

S'il est heureux que les hautes cours de justice rappellent et protègent l'intérêt général des moulins et autres ouvrages hydrauliques, ne perdons pas de vue le droit : la continuité écologique est toujours une obligation légale exigible pour les ouvrages non producteurs en rivières classées liste 2 au titre de l'article L 214-17 du code de l'environnement. Or, la loi a prévu un délai de 5 ans prorogé de 5 ans, mais ce délai prorogé arrive à échéance cette année ou en 2023 selon les bassins. Il est impératif que les propriétaires n'étant ni producteurs ni aux normes de continuité écologique écrivent au préfet pour faire constater la carence de l'Etat à proposer la seule solution légale, à savoir un dispositif de franchissement indemnisé sur fonds publics. Si vous ne faites pas les démarches, un tiers pourra vous attaquer en justice pour non-conformité, l'administration pourra vous infliger des mises en demeure et sanctions pénales. Or, c'est cette administration qui est le plus souvent en tort, car elle a refusé d'appliquer la loi en essayant uniquement de détruire depuis 10 ans et en refusant de dédier ses solutions 100% financées à l'équipement des sites. Nous publions ici des modèles de lettres au préfet (pour association et pour maître d'ouvrage), à envoyer avant l'échéance légale.



Rappel du droit
La loi sur l’eau de 2006 a créé des rivières classées au titre de la continuité écologique, dites "en liste 2", dans lesquelles tout ouvrage doit être en conformité pour assurer un transit suffisant des sédiments et une circulation de poissons migrateurs. 

En 2012 et 2013, les préfets de bassin ont classé une liste de rivières et tronçons de rivière dans cette  liste 2. 

Le délai de mise en conformité prévu par la loi est de 5 ans à compter de la publication des arrêtés de préfet de bassin, soit 2017 ou 2018. Face à l’impossibilité de traiter les chantiers bien trop nombreux en raison de classements bien trop étendus, la loi a accordé un délai de 5 ans supplémentaires. Désormais, la date légale de mise en conformité est fin 2022 ou fin 2023 selon le bassin.

Date des arrêtés de classement liste 2 en métropole
Ces arrêtés font courir le délai initial de 5 ans prorogé de 5 ans. 
Bassin Loire Bretagne : 10 juillet 2012 (2022)
Bassin Seine Normandie : 18 décembre 2012 (2022)
Bassin Artois Picardie : 20 décembre 2012 (2022)
Bassin Rhin Meuse : 28 décembre 2012 (2022)
Bassin Rhône Méditerranée Corse : 19 juillet 2013 (2023)
Bassin Adour Garonne : 7 octobre 2013 (2023)

Confusion non légale créée par la continuité "apaisée" et les sites "prioritaires"
Pour essayer d’étouffer la contestation vigoureuse de sa politique, l’administration eau & biodiversité a produit un « plan de continuité apaisée » et demandé au comité national de l’eau de travailler dessus. Comme nous l’avions dénoncé rapidement, c’est une diversion, sinon un enfumage. Le ministère de l’écologie a créé un statut sans aucune base légale de «rivière prioritaire» et «site prioritaire». Les fonctionnaires laissent entendre qu’ils seront « coulants » si l’on n’est pas en site / rivière prioritaire. Mais ces mesures de bricolage administratif sont contraires à la loi, qui donne un délai de mise en conformité et rien d’autre. Les promesses de mansuétude administrative n'engagent que ceux qui y croient et sont de toute façon du pur arbitraire. Elles n'empêcheront pas un site d'être hors de la légalité. La vérité est que l'administration a classé bien trop de rivières en liste 2, qu'elle a développé une idéologie aberrante et sans base juridique de casse des ouvrages, qu'elle n'a pas provisionné assez d'argent public des agences de l'eau pour mettre en oeuvre la loi dans des conditions correctes et respectueuses des droits établis. Mais c'est le problème de l'administration, pas celui du propriétaire! 

Que risque le propriétaire ?
Si vous ne faites rien et que votre site n’est pas mis en conformité en rivière liste 2, vous êtes dans l’illégalité. Un tiers (par exemple une fédération de pêche ou une association intégriste de nature sauvage) peut porter plainte. L’administration peut de son côté produire un rapport de manquement administratif et un constat de non-conformité avec sanctions pénales à la clé. Elle considérera que l’ouvrage n’est pas «régulièrement installé», ce qui est de nature à nuire au droit d’eau.

Nota : si votre moulin est déjà producteur d'électricité, s'il a été équipé d'un dispositif de franchissement piscicole ou d'un protocole d'ouverture des vannages aux dates de migrations piscicoles, vous n'êtes pas concerné car soit exempté, soit en conformité. Inutile alors d'écrire au préfet.

Que faire ?
Le retard pris dans la continuité écologique est entièrement imputable à la responsabilité de l’Etat, dont l'administration a refusé pendant des années d’appliquer la loi. Cette loi prévoit en effet :
  • un ouvrage géré, équipé, entretenu et non détruit (la destruction est explicitement interdite désormais, elle n’a de toute façon jamais été prévue dans le texte de 2006)
  • un chantier indemnisé par fonds publics s’il représente une charge spéciale et exorbitante pour un particulier ou un petit exploitant (cas de quasiment tous les chantiers, sauf les industriels dont le revenu net permet de payer une partie des frais sans mettre en danger la survie de l'entreprise).
Depuis 2012, les fonctionnaires militants ont refusé d'appliquer la loi en proposant de détruire les sites (ce qui n'était pas légal) et en ne promettant de payer intégralement la note de chantier qu'en cas de destruction (ce qui n'est pas légal non plus). Ces attitudes ont désormais été condamnées par la loi et la jurisprudence. 

Les associations départementales de moulin et les propriétaires à titre individuel doivent dresser dès à présent un constat de carence de l’Etat à proposer des solutions légales dans les délais prévus par la loi. Et exiger soit que l’ouvrage soit expressément reconnu par l'administration comme conforme à la loi, soit que le chantier de mise en conformité soit planifié par l’administration dans les conditions prévues par la loi.

Option alternative : relancer la production énergétique
Les propriétaires de moulins à eau peuvent aussi engager  un projet de production énergétique. Ce projet vaut exemption de continuité écologique en liste 2. En ce cas, une lettre de porté à connaissance du projet hydro-électrique doit être adressée au préfet.

Modèles de lettres au préfet

Les courriers ci-dessous doivent être adressés en recommandé avec accusé de réception au préfet de département. Au besoin, la copie sera présentée au juge comme preuve de la bonne foi des propriétaires, démontrant la nature administrative des erreurs et carences ayant mené à la non-application de la loi.

Modèle de lettre Association

Objets
Constat de carence
Demande de reconnaissance de conformité au L 214-17 CE

Monsieur le Préfet, Madame la Préfète,

La loi sur l’eau de 2006 a créé des rivières classées au titre de la continuité écologique, dite «en liste2», dans lesquelles tout ouvrage doit être en conformité pour assurer un transit suffisant des sédiments et une circulation de poissons migrateurs. 

Le délai de mise en conformité échoit dans quelques mois.

Sur ces rivières, l’administration (vos services DDT-M, l’agence de l’eau, l’office français de la biodiversité, le gestionnaire GEMAPI) doit proposer des solutions de continuité écologique conforme à la loi, à savoir :
  • un ouvrage géré, équipé, entretenu et non détruit (la destruction est explicitement interdite désormais, elle l'était implicitement auparavant)
  • un chantier indemnisé par fonds publics s’il représente une charge spéciale et exorbitante pour un particulier ou un petit exploitant.
Nous sommes au regret de porter par la présente un constat de carence de l’action de l’Etat dans la mise en œuvre de cette loi au droit des ouvrages de nos adhérents.

En effet :
  • vos services et les prestataires travaillant sous la coordination de vos services ont proposé à nos adhérents moulins, forges, étangs  ou autres ouvrages des solutions illégales de destruction des ouvrages hydrauliques en lit mineur,
  • le financeur public (agence de l’eau, gestionnaire GEMAPI) a proposé un financement d’indemnisation complète pour les seules solutions illégales de destruction, au lieu de dédier ces mêmes fonds à l’indemnisation totale des travaux d’équipement, de gestion et d’entretien de continuité écologique.
La situation est donc bloquée alors que l’échéance du délai prévu par la loi approche.

Nous ne pouvons accepter que nos adhérents en rivière classée liste 2 au titre du L 214-17 CE se trouvent dans cette insécurité juridique du fait d'une carence administrative à proposer des solutions conformes à la loi.

Nous vous prions en conséquence d’envisager une des trois mesures alternatives qui seraient conformes à l’article L 214-17 CE:
  • Soit vos services adressent au propriétaire un certificat de conformité du site à la continuité écologique, ce qui évitera tout contentieux avec des tiers ou un autre service administratif,
  • Soit vos services s’assurent qu’une solution conforme à la loi est proposée au propriétaire et exécutée (donc une solution de gestion, équipement, entretien indemnisée au plein taux de subvention agence de l’eau / GEMAPI)
  • Soit encore, en coordination avec le préfet de bassin, les rivières ne pouvant manifestement pas être traitées dans le délai légal sont retirées par arrêté du classement en liste 2 au titre du L 214-17 CE, comme le législateur en a prévu la possibilité. 
Nous vous remercions par avance de votre action. 

Le conseil constitutionnel, dans sa décision QPC 2022-991 du 13 mi 2022, vient de rappeler que le patrimoine hydraulique et la production hydro-électrique sont d’intérêt général et conformes à un environnement équilibré tel que protégé par notre constitution. Il nous paraît absolument nécessaire d’en finir avec les incompréhensions et confusions autour de la continuité écologique et des ouvrages hydrauliques, afin de retrouver une situation claire et apaisée pour toutes les parties prenantes. Et une situation conforme à l’Etat de droit. 

[Politesse]

Copie envoyée à chacun de nos adhérents et à notre conseil juridique
Copie envoyée aux parlementaires du département

Modèle de lettre propriétaire 1
Option : vous ne relancez pas l’énergie

Monsieur le Préfet, Madame la Préfète,

Je suis propriétaire de l’ouvrage [compléter] situé sur la rivière [compléter] qui a été classée en liste 2 de continuité écologique au titre de l’article L 214-17 du code de l’environnement. 

A ce jour, d’après le conseil juridique de mon association, je n’ai reçu aucune proposition légale d’aménagement de mon site. En effet, la loi pose deux conditions :
  • Une solution de gestion, équipement, entretien excluant toute mesure de destruction (arasement, dérasement) du site et de son droit d’eau
  • Une solution indemnisée quand elle représente une charge exorbitante pour le propriétaire.
Or, rien de ce qui m’a été proposé par vos services, l’agence de l’eau, le gestionnaire de bassin ne répond à ces deux exigences cumulatives de la loi.

Je suis donc en attente soit d’une proposition intégralement financée d’équipement de continuité écologique, soit d’une reconnaissance explicite de conformité de mon site en l'état à la loi. Je vous en remercie par avance.

[Politesse.]

Modèle de lettre propriétaire 2
Option : vous relancez l’énergie (moulin)

Monsieur le Préfet, Madame la Préfète,

Je suis propriétaire de l’ouvrage [compléter] situé sur la rivière [compléter] qui a été classée en liste 2 de continuité écologique au titre de l’article L 214-17 du code de l’environnement. 

A ce jour, d’après le conseil juridique de mon association, je n’ai reçu aucune proposition légale d’aménagement de mon site. En effet, la loi pose deux conditions :
  • Une solution de gestion, équipement, entretien excluant toute mesure de destruction (arasement, dérasement) du site et de son droit d’eau
  • Une solution indemnisée quand elle représente une charge exorbitante pour le propriétaire.
Or, rien de ce qui m’a été proposé par vos services, l’agence de l’eau, le gestionnaire administratif de bassin ne répond à ces deux exigences de la loi.

En tout état de cause, j’ai décidé de relancer l’énergie au droit du moulin en conformité à son droit d’eau, ce que je porte à votre connaissance.

La loi, confirmée par le conseil d’Etat en 2021 et le conseil constitutionnel en 2022, a posé que ce choix d'équipement hydro-électrique est exonératoire des mesures de continuité écologique. Je vous prie de me le confirmer en retour de courrier. Je vous ferai parvenir la preuve de mon droit d’eau, la mesure de la hauteur et débit (consistance légale) du site ainsi que l’information sur le dispositif de production énergétique qui sera installé. 

[Politesse.]

4 commentaires:

  1. Il appartient au propriétaire de proposer une solution et non pas à l'administration. Cette dernière peut donner des conseils, ainsi que l'OFB, mais c'est bien sous la responsabilité du propriétaire que la solution doit être réalisée, le propriétaire étant soumis à une obligation de résultat qui ne peut être partagée avec l'administration. Dans ces conditions je vois mal l'administration être accusée de carence en la matière ...sauf peut-être à ne pas avoir donner de mise en demeure à partir du constat de carence du propriétaire vis à vis de son obligation de résultat. Vous prenez une grave responsabilité en accréditant pareille thèse auprès de ceux qui auront le malheur de vous croire.

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    1. Vous nous faites rire, anonyme. Depuis 10 ans, des fonctionnaires ou des associatifs subventionnés commentent ici pour dire que Hydrauxois raconte n'importe quoi et que les propriétaires prennent de gros risques. Mais nos lecteurs voient que lesdits fonctionnaires se font aligner en justice, que les propriétaires ayant cédé aux abus de pouvoir ont perdu ouvrage et droit d'eau. Nos lecteurs voient aussi que les décideurs comprennent la bêtise de la destruction des sites et de la position intégriste en ce domaine.

      La loi dit : "Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant". Si l'autorité administrative définit des règles illégales, c'est un problème évident. Mais continuez donc à nier la loi, c'est un plaisir de vous traîner en justice et de faire votre réputation méritée dans les médias.

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    2. Qui vous parle de destruction ? Les propriétaires d'ouvrages ont été aujourd'hui informés par l'administration par voie de courrier de leurs obligations et ils ont eu à faire des propositions avant réalisation. Ceux qui préfèrent araser ou déraser leur ouvrage peuvent évidemment choisir cette solution, et ceux qui ne le souhaitent pas ont eu tout loisir depuis 10 ans de proposer la solution qui leur convient de façon à satisfaire leur obligation. Ils ont eu pour cela un délai supplémentaire de 5 ans qui vient à échéance dans les mois qui viennent. Où lisez-vous que les fonctionnaires se font aligner en justice alors qu'aujourd'hui il n'y a pas, encore pour quelques mois, de délit et encore moins de contentieux, la situation ouverte par l’échéance qui approche ne s’étant jamais présentée ? Par contre après l’échéance qui, comme vous le signalez, va intervenir dans les mois qui viennent, les préfets pourront mettre en demeure ceux qui ne sont pas en règle, les parquets pourront poursuivre les délinquants et les tiers faire valoir leur préjudice devant la législation civile.

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    3. Qui parle de destruction? C'est très simple : les propositions faites aux propriétaires par les agences de l'eau, les syndicats de bassin, les bureaux d'étude promouvant le destruction des ouvrages, c'est même la proposition mise en valeur. Vous pouvez mentir ici ou dans des réunions avec des gens connaissant mal le sujet, mais vous avez des milliers de preuves contre vous, à savoir les milliers d'études et propositions de continuité dont disposent les propriétaires concernés et qui les incitent à détruire. Tout cela est nul et non avenu.

      La seule solution légale est (désormais explicitement, avant implicitement) celle d'un équipement, entretien et gestion du site (termes de la loi), à condition qu'elle soit indemnisée quand elle représente une charge spéciale et exorbitante (termes de la loi). Donc les agences de l'eau et les syndicats de rivière doivent faire ce qu'ils refusent depuis 10 ans, provisionner les indemnisations des chantiers de continuité. Le rôle du préfet est de leur rappeler. Le rôle du juge est de condamner l'administration si elle ne respecte pas la loi. C'est le sens très précis de notre courrier : la loi, rien que la loi, toute la loi.

      Les fonctionnaires plus ou moins factieux qui essaient encore de contourner la loi vont produire les mêmes effets qu'ils produisent depuis 10 ans : un blocage du dossier, des rapports déplorables au bord des rivières, des contentieux perdus en justice, des interpellations incessantes des préfets et des ministres, etc.

      Le patrimoine hydraulique est d'intérêt général et les fonctionnaires doivent accompagner son aménagement : soit vous faites cette mission publique avec un esprit positif respectant la loi et la jurisprudence, soit vous allez rejoindre une association privée militant pour une vision intégriste de la nature sauvage. Bon vent.

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