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01/03/2016

Armançon : on efface des seuils malgré un état piscicole excellent de la masse d'eau

Le Sirtava et la commune de Tonnerre s'apprêtent à ouvrir une enquête publique pour l'effacement de deux seuils de la ville. Nous avons déjà montré pourquoi ce projet – qui coûterait 130 k€ de chantier et plus de 200 k€ en incluant les études – n'a quasiment aucun intérêt. En analysant les données de qualité DCE 2000, on s'aperçoit que la masse d'eau concernée (Armançon intermédiaire) est en état piscicole bon ou excellent dans les 3 derniers relevés, avec des scores qui tendent à s'améliorer. Cela malgré la présence de dizaines de seuils à l'amont comme à l'aval du point de contrôle, selon le Référentiel des obstacles à l'écoulement (ROE) de l'Onema. La gabegie d'argent public au nom de la continuité écologique continue de plus belle. Il faut cesser cette dérive. 

Rappelons pour commencer les principes généraux de l'analyse de qualité des rivières. La France doit répondre à l'Union européenne de la qualité écologique et chimique de ses masses d'eau demandée par la Directive cadre européenne de 2000 (DCE), avec une soixantaine d'indicateurs à surveiller (dans 3 compartiments, biologique, physico-chimique et chimique). Une masse d'eau est une rivière ou une partie de rivière ayant une cohérence hydrologique. Le linéaire de l'Armançon est donc divisé en plusieurs masses d'eau de la source à la confluence. Celle qui intéresse Tonnerre a pour code européen FR HR65, et pour nom technique "L'Armançon du confluent du ruisseau de Baon (exclu) au confluent de l'Armance (exclu)", soit le cours intermédiaire de la rivière entre Tanlay et Saint-Florentin

Comme le savent ceux qui essaient de les consulter, les données de qualité de l'eau (gérées par les Agences en France) sont un véritable maquis. On devrait avoir une base nationale homogène avec, sur chaque masse d'eau, toutes les données détaillées et classées par année. Il n'en est rien. Certains bassins ont des interfaces assez accessibles, d'autre non. Les fichiers que l'on parvient à télécharger proviennent de toute sortes de sources publiques disséminées – on en trouve pas exemple sur data.eaufrance.fr, rapportage.eaufrance.fr, surveillance.eaufrance.fr, sans parler des agences qui ont ou non leur base… pourquoi faire simple et transparent quand on peut faire opaque et compliqué?

Dans le fichier de l'état des lieux 2013 fournis par l'Agence de l'eau Seine-Normandie, l'Armançon moyenne (FR HR65) est donnée en état biologique moyen, en état physico-chimique moyen, en état chimique "inconnu". Les causes exactes de dégradation écologique sont réputées "inconnues" (comme sur la plupart des masses d'eau de ce fichier). Dans les données disponibles cette fois sur le site du rapportage DCE à l'Union européenne, on observe une dégradation de l'état chimique de masse d'eau, due à la pollution diffuse aux hydrocarbures aromatiques polycycliques ou HAP (ici deux molécules, Benzo(g,h,i)perylene et Indeno(1,2,3-cd)pyrene).

La mesure spécifique nous intéressant est la qualité piscicole – qui, bien sûr, est encore hébergée à une autre adresse internet (ce serait trop simple), image.eaufrance.fr. Elle est disponible quant à elle de manière détaillée (score inclus) de 2001 à 2013, mais il n'y a pas un relevé chaque année sur chaque masse d'eau. Sur le tronçon concerné de l'Armançon, nous avons trouvé trois relevés de l'indicateur de qualité (indice poisson rivière IPR) pour les années 2003, 2008 et 2012. La station de contrôle de la qualité piscicole est située à Tronchoy, à l'aval de Tonnerre. Les résultats sont ci-dessous.


On observe que la qualité piscicole de la masse d'eau est considérée comme bonne (vert, entre 7 et 16) ou excellente (bleu, < 7) dans les 3 derniers relevés, avec une tendance à l'amélioration du score (plus le score est faible, meilleure est la classe de qualité). Cela signifie qu'au regard des critères européens, il n'y a aucun besoin d'effacer des ouvrages pour ce compartiment piscicole, qui est déjà dans la meilleure classe de qualité.

Ci-dessous, nous publions la carte ROE-IGN du tronçon de la masse d'eau FR HR65. Les flèches noires indiquent les ouvrages de Tonnerre (en bas) et la station de contrôle piscicole de Tronchoy (au-dessus). Surtout, les points rouges innombrables signalent les seuils en rivière.


Cela signifie que malgré la présence de nombreux ouvrages hydrauliques à l'amont comme à l'aval, la rivière parvient à un bon score pour ses peuplements piscicoles tels qu'ils sont évalués pour la directive européenne. Ces données infirment la fable selon laquelle les ouvrages supprimeraient tellement les habitats naturels que les espèces d'intérêt pour la masse d'eau auraient quasiment disparu. Ces données expliquent aussi peut-être la raison pour laquelle les bureaux d'études et le syndicat n'ont pas cru bon donner aux élus et aux citoyens une analyse complète de l'état de la masse d'eau et de ses causes exactes de dégradation.

Notons au passage que même si l'état piscicole avait été moyen ou mauvais, il aurait encore fallu démontrer un lien causal avec la continuité longitudinale, sachant que l'écart au bon état sur une rivière peut avoir de nombreuses raisons, les seuils de moulin étant l'une des moins probables si l'on en croit la faible variance associée dans les travaux scientifiques (cf par exemple Van Looy 2014 et Villeneuve 2015 sur des rivières françaises, et d'autres recherches internationales en hydro-écologie quantitative ou en histoire de l'environnement sur l'impact modéré de la morphologie pour la qualité biologique du cours d'eau). Inversement, ce n'est pas parce que l'état piscicole est bon qu'on peut en attribuer la cause aux seuils, on peut simplement constater que ceux-ci ne sont pas associés à une dégradation du linéaire sur ce compartiment.

Conclusion : le Sirtava à Tonnerre agit exactement comme le Sicec à Nod-sur-Seine, et comme tant d'autres syndicats de rivière ou fédés de pêche en France, en détruisant des seuils au prétexte de sauver des poissons qui n'en ont manifestement pas besoin au regard des mesures officielles de qualité des masses d'eau que nous envoyons à Bruxelles. Le tout avec la bénédiction de l'Agence de l'eau Seine-Normandie, qui signe généreusement des chèques avec notre argent. Combien de dizaines de millions d'euros gâche-t-on ainsi chaque année à détruire le patrimoine hydraulique de notre pays, alors que certains besoins autrement plus importants des collectivités, et des rivières, ne peuvent plus être assurés correctement? C'est absurde, et obscène.

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25/02/2016

Arasement des ouvrages de Tonnerre: un projet inutile, coûteux et potentiellement dangereux

Le Sirtava (syndicat du bassin versant de l'Armançon) a engagé avec la commune de Tonnerre un projet de dérasement de deux ouvrages sur le territoire communal : ouvrage dit des services techniques, ouvrage dit de Saint-Nicolas. Notre association émettra en avis négatif sur ce projet lors de l'enquête publique, fera de requêtes complémentaires à la Préfecture de l’Yonne sur certaines dimensions négligées dans les études et demande dès à présent à la commune ainsi qu’à l’ensemble des parties prenantes de reconsidérer l’intérêt du chantier. En voici les raisons.




Contexte réglementaire, légal et politique

L'effacement des ouvrages n'est inscrit dans aucune loi - Aucune loi française n'indique qu'il faut effacer, araser ou déraser les ouvrages, et il en va de même pour la réglementation européenne (DCE 2000). La LEMA 2006 et l'article L 214-17 du Code de l'environnement demandent que les ouvrages soient "gérés, entretenus et équipés" selon des règles définis par l'autorité administrative. Il n’est pas question dans la loi de détruire le patrimoine hydraulique.

Le Ministère de l’Ecologie et le Ministère de la Culture ont demandé de cesser les effacements – Les nombreux problèmes liés aux effacements d'ouvrage ont été reconnus par la Ministre de l'Ecologie (qui a missionné une enquête du CGEDD et écrit aux Préfets en décembre 2015) et par la Ministre de la Culture, l'une et l'autre ayant appelé devant le Parlement à cesser les destructions de moulins. L'article L 214-17 CE est en train de recevoir plusieurs modifications dans le cadre de l'examen des lois Patrimoine et Biodiversité. Le rapport parlementaire Dubois-Vigier (février 2016) a demandé une évolution substantielle de la continuité écologique sur plusieurs points, dont le financement et la priorisation sur le vrai enjeu des grands migrateurs. Une demande de moratoire sur la mise en œuvre de la continuité écologique est actuellement soutenue par plus de 1100 élus et de 270 institutions en France, dont les principaux usagers de la rivière (fédérations, fondations ou syndicats des moulins, des gestionnaires d’étangs, des forestiers, des hydro-électriciens, des protecteurs du patrimoine et du paysage, des agriculteurs, des riverains). Il faut donc éviter toute précipitation sur ce dossier reconnu comme très problématique.

Aucun effet démontré du chantier sur nos obligations européennes en matière de qualité de l’eau (DCE 2000) - Les dossiers des bureaux d'études sur le cas de Tonnerre (Cariçaie 2012, Segi 2015) n'apportent aucun élément réel d'information sur l'état écologique et chimique du tronçon au sens de la DCE 2000 (environ 60 mesures obligatoires de qualité de l’eau dans 3 compartiments), ni sur l'effet prévu des aménagements sur cet état. En d'autres termes, il n'est pas démontré que les ouvrages (modestes) de Tonnerre sont à l'origine d'une quelconque dégradation des paramètres biologiques, physico-chimiques et chimiques définissant le bon état de la masse d'eau. La priorité de la France, de la Bourgogne Franche-Comté et des collectivités locales en terme de qualité de l’eau n'est pas de faire des opérations cosmétiques sur les habitats de minuscules tronçons, mais de respecter leurs engagements européens : Directives Nitrates et Eaux usées (1991), DCE 2000, Directive Pesticides (2009). Ce n'est pas le cas sur l'ensemble du bassin de l'Armançon, donc le Sirtava et les collectivités gagneraient à cibler les dépenses sur des enjeux utiles et prioritaires.



Absence d’intérêt écologique tangible des aménagements proposés,
dépense mal avisée d’argent public

Effet quasi-nul des ouvrages au plan sédimentaire - Au plan hydromorphologique, il a été reconnu par la mission Hydratec 2006 (JR Malavoi) que le bassin de l'Armançon ne pose pas de problèmes sédimentaires majeurs et que l'essentiel de sa dynamique fluviale est préservée. Les ouvrages très modestes proposés au dérasement à Tonnerre ne représentent pas des obstacles significatifs au transit des limons, sables et graviers. Au demeurant, leurs retenues ne sont pas comblées malgré l'absence d'entretien apparent, ce qui suggère que les crues curent régulièrement et naturellement les amas sédimentaires amont. Ce phénomène s’observe sur tous les petits ouvrages de types chaussées ou seuils du bassin de l'Armançon. Rappelons que la littérature scientifique sur la continuité écologique est née dans les années 1980 sur la base de l’étude des très grands ouvrages (plus de 10 ou 20 m) qui bloquent effectivement et massivement la dynamique sédimentaire des bassins. L’effet physique de la très petite hydraulique est localisé et quasi-nul au regard des volumes solides charriés annuellement sur les bassins.

Effet quasi-nul des ouvrages au plan du franchissement des espèces migratrices d’intérêt sur l’Armançon - La faible hauteur des ouvrages (0,97 m et 1,65 m au module), la conformation en pente de leur parement et l'existence d'échancrures latérales les rendent franchissables aux espèces migratrices (ici anguilles) qui sont la cible première du classement des rivières (classement Seine-Normandie de 2012, Armançon en liste 2 sur le tronçon tonnerrois, au titre du L 214-17 CE). La Direction de l'eau et de la biodiversité du Ministre de l'Ecologie a précisé dans la Circulaire d'application du classement des rivières (janvier 2013) que ce classement ne consiste pas à restaurer de l'habitat (objectif mis en avant par le BE Segi), mais simplement à rétablir des fonctionnalités de franchissement. En d'autres termes, l'idée qu'il faudrait (soi-disant) "renaturer la rivière" en créant des "habitats différenciés" n'est en rien une obligation légale et réglementaire, mais une certaine vision de la rivière, non partagée par tous. Quand ce choix concerne à peine quelques centaines de mètres de linéaire, pour des espèces qui ne sont pas menacées d'extinction sur le bassin (chabot, lamproie de Planer), au détriment d'autres espèces qui apprécient les eaux lentiques, on peut considérer que le bénéfice écologique est très faible, voire nul quand on intègre les autres compartiments d'intérêt. Du même coup, cette dépense d'argent public est à questionner avec plus de vigilance, tant les besoins pour la qualité de l'eau sont importants sur le bassin. Nous souhaitons un vrai débat démocratique et informé sur l'opportunité de dépenser pour des gains écologiques si faibles.

Absence de cohérence avec les ouvrages les plus impactants (à Tonnerre et sur le bassin Armançon) sans projet d’aménagement - Le caractère inutile des aménagements est renforcé par le fait que les deux ouvrages amont (déversoir et ouvrage répartiteur de la Cascade) sont sans projet connu d’aménagement à fin de transit sédimentaire et de franchissement piscicole. Il ne paraît pas cohérent de traiter la moitié seulement des ouvrages de la ville, alors que tous sont soumis aux mêmes obligations réglementaires et alors que la continuité, comme son nom l'indique, ne concerne pas des sites fragmentés, mais bien l'ensemble du cours fluvial. Au demeurant, nous rappelons ici que les principaux obstacles à la continuité écologique du bassin de l'Armançon, qui sont les grands ouvrages de soutien du canal de Bourgogne appartenant à VNF, ne font l'objet d'aucun projet d'aménagement. Peut-on sérieusement faire croire aux citoyens qu'il s'agit là de choix rationnels inspirés par le seul souci des milieux? Où est la "continuité" quand on tronçonne ainsi les basins en évitant leurs principales discontinuités? Ce n'est pas sérieux.

Absence d’objectifs écologiques chiffrés et d’analyse coûts-avantages (services rendus par les écosystèmes aménagés) – Enfin, nous ne comprenons pas que le projet engage plus de 130 k€ d’argent public sans avancer d’analyse coûts-avantages et d’objectifs chiffrés sur les progrès des milieux. Il paraît indispensable que des indicateurs chiffrés permettent de contrôler avant / après les gains réels et garantissent qu’il ne s’agit pas d’une dépense somptuaire. Nous ne pouvons pas nous contenter d'une description sommaire sur la "diversification des faciès" de la rivière: il faut que la dépense soit évaluée selon des gains, tout particulièrement selon les gains permettant le respect de la DCE 2000 et des autre directives européenne de qualité des milieux aquatiques.



Risque sur les ouvrages d’art à l’amont, risques sur les milieux

Risque sur les piles et culées des ponts à l’amont, nécessité de clarifier les responsabilités futures - Il est reconnu par l'étude géotechnique du BE Fondasol que les deux ponts à l'amont des ouvrages sont en mauvais état pour leurs piles et leurs culées, sans fondation profonde en premier examen, ce qui a exclu la solution de l'effacement. Cela a plusieurs conséquences : le simple arasement (au lieu du dérasement complet initialement prévu) limite encore l'intérêt écologique (déjà très faible) du chantier ; le BE Fondasol s'en remet à la simulation hydraulique du BE Segi pour garantir qu'il n'y aura pas d'affouillements des fondations des ponts. Mais cette simulation a-t-elle le niveau de réalisme et de robustesse requis? Il importe que chacun prenne de manière formelle ses responsabilités sur ce sujet précis : si la simulation était défaillante et que les ouvrages se trouvaient à terme fragilisés par des marnages sur certains de leurs éléments, le coût des travaux correctifs devra être attribués au(x) responsable(s) de cet état de fait.

Dépenses mal avisées au vu des besoins d’investissement sur les ouvrages d’art et les ouvrages de répartition de l'Armançon tonnerroise - En lien au point précédent, on se demande pourquoi le syndicat de rivière et la commune engagent une dépense publique supérieure à 130 k€ (200 k€ en incluant les coûts des diverses études) pour un chantier à peu près inutile de continuité écologique alors que les ouvrages d'art ont besoin de confortement. De précédents rapports de 2008 et 2009 (Pont de la scierie) et de 2013 (Pont Saint-Nicolas) avaient déjà signalé le mauvais état de ces ouvrages d'art. Leur réfection ne serait-elle pas un investissement plus profitable aux Tonnerrois et au patrimoine de leur ville ? De la même manière, les organes mobiles de l'ouvrage de répartition amont semblent défectueux, n'est-il pas plus important d'investir dans leur réparation et leur automatisation pour garantir la bonne gestion des écoulements et la sécurité des citoyens en période de crue ? Nous sommes en pleine crise économique, les dotations des collectivités sont en baisse, les crédits manquent pour nombre de projets: il ne paraît pas raisonnable dans un tel contexte d'engager des dépenses éloignées du véritable intérêt général des riverains.

Evolution du bras de décharge, fonctionnalité en crue – Un bras de décharge (env. 500 m) a été créé par la ville de Tonnerre entre les 2 ouvrages du projet, afin de limiter les phénomènes d’inondation des zones urbanisées. Il apparaît que l'hydrologie de ce bras de décharge va changer, notamment qu'il ne sera plus fonctionnel pour les crues les plus fréquentes (annuelles), alors qu'usuellement il dérive 7,8 m3/s à ces niveaux de crue. Cela pose la question de l'effet sur les tiers, de la persistance de sa fonctionnalité dans le temps (risque de reprise végétative et de comblement progressif) et des coûts afférents à son entretien dans l'hypothèse où les ouvrages seraient arasés. Il importe de garantir avec toute certitude que les habitations en zone inondable ne seront pas impactées par les conséquences des travaux (nouveaux écoulements), si possible que leur situation sera améliorée par rapport à la situation présente. La gestion des crues et inondations est la première priorité des communes et des syndicats: mettant en péril les biens et personnes,  elle doit primer sur des considérations environnementales, particulièrement en milieu urbanisé.

Absence de prise en compte de certains risques pour les milieux – Comme c’est souvent le cas, nous observons que les bureaux d’études n’ont pas pris en compte plusieurs risques écologiques liés aux opérations d’arasement et de dérasement. Ainsi, il convient de vérifier avant tout chantier dans le lit mineur de la rivière que les sédiments remobilisés ne sont pas pollués (s’ils le sont, préciser le régime de responsabilité et les coûts de leur extraction-transport-dépôt) ; que des espèces invasives à l’aval (dont le silure, le pseudorasbora porteur d’un pathogène virulent, les écrevisses américaines, etc. ) ne risquent pas de coloniser le bassin amont (le cas échéant, prévoir un régime de responsabilité et des mesures de compensation).



Caractère partial et incomplet de la prise en compte des différents intérêts des ouvrages hydrauliques

Absence de prise en compte des autres intérêts / dimensions des ouvrages – Nous constatons que les intérêts des ouvrages hydrauliques ne sont pas réellement pris en considération :
  • intérêt culturel et historique pour ce qui forme le 3e patrimoine de France et le témoignage très ancien de la présence humaine en rivière, ayant structuré l’implantation humaine à Tonnerre (le fonctionnement actuel en 3 bras est déjà présent sur la carte de Cassini) ;
  • intérêt paysager pour des biefs qui sont toujours en eau même à l'étiage, ce qui contribue à l'agrément de la ville ;
  • intérêt énergétique pour une source renouvelable et bas-carbone, alors que la France est engagée dans la transition et que le Ministère de l'Ecologie vient de publier un appel d'offres ouvert à la très petite hydro-électricité 36-150 kW (les ouvrages actuels ont au module une puissance brute comprise entre 100 et 200 kW, ce qui n'est pas négligeable en production hydro-électrique)  ;
  • intérêt hydrologique, car les retenues contribuent à la recharge et au soutien des nappes, alors que les incertitudes liées au changement climatique sont nombreuses et que nous souffrons de sécheresses à répétition ;
  • intérêt physico-chimique, car il est largement démontré par la recherche scientifique que les retenues des ouvrages contribuent, par leur cinétique lente, à l'auto-épuration azote, phosphore et carbone de l'eau ;
  • intérêt halieutique, car les pêcheurs apprécient pour beaucoup d’entre eux les points agréables que forment les ouvrages, leurs chutes et leurs retenues.
Comme nous l’avons écrit plus haut, nous attendons une vraie analyse coûts-avantages sur les services rendus par les écosystèmes (libres ou aménagés). Le rôle d’un syndicat de rivière et d’une commune est d’apporter une information complète, impartiale, non biaisée, afin de permettre à la collectivité prendre les meilleures décisions en toute connaissance de cause.



Pour l'ensemble de ces raisons, nous considérons qu'il ne faut pas donner suite au projet actuel de dérasement des ouvrages des services techniques et de Saint-Nicolas à Tonnerre, et plutôt poursuivre la réflexion vers des choix moins coûteux et moins destructifs, relevant d'une approche plus riche des différentes dimensions de la rivière et de son patrimoine bâti. Les ouvrages actuels ont un impact piscicole et sédimentaire très faible : il n'y a pas lieu d'engager de chantiers coûteux à leur sujet, alors que la ville a des problématiques hydrauliques plus importantes et plus conformes à l'intérêt général (entretien de ses ponts, de ses berges, des ouvrages de répartition amont, de son plan d'eau). Nous demanderons au commissaire enquêteur de donner un avis défavorable au projet actuellement porté par le Sirtava et la commune de Tonnerre, et nous demanderons à la Préfecture de l’Yonne de veiller au respect de l’ensemble des lois relatives aux travaux en rivières, y compris celles qui ne semblent pas prises en compte par le projet en l’état.

Illustrations : les ouvrages hydrauliques de Tonnerre (déversoir et ouvrage répartiteur de la Cascade, Saint-Nicolas, services techniques), le pont en amont de l'ouvrage des services techniques (dont on observe les piles érodées aux pierres en partie déjointées et déjà emportées).

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21/10/2015

Continuité écologique sur l'Armançon (21) : un mémoire expose les visions (et les doutes) des parties prenantes

Dans une remarquable enquête de terrain réalisée sur l'Armançon cote-dorienne à l'occasion d'un stage de Master, Nicolas Defarge a travaillé à comprendre les perceptions de la continuité écologique au bord de la rivière. Pour la quasi-totalité des propriétaires et pour la majorité des élus / associations interviewés, la continuité écologique n'est pas acceptée si elle implique l'effacement comme solution préférentielle. Principaux noeuds de conflictualité : la crainte d'une modification non maîtrisée des écoulements et du bord de rivière ; l'absence de consentement à payer des aménagements jugés non prioritaires pour la rivière par rapport aux pollutions ; la perception d'une inégalité de traitement entre les ouvrages (certains grands barrages du cours d'eau n'ont pas d'obligation d'aménagement). Les dimensions juridique (droit d'eau) ou énergétique sont moins citées. Ce travail suggère qu'il sera difficile de réussir la politique de continuité écologique sans une prise en compte des attentes, des craintes et des besoins des propriétaires comme des riverains. Télécharger le document intégral.

Tout au long du premier semestre 2015, l'association Hydrauxois en coordination avec la FFAM (maître de stage) a assisté sur le terrain Nicolas Defarge, étudiant en Master professionnel "Ingénierie et gestion de l’eau et de l’environnement" à la Faculté des sciences de Limoges. Le mémoire de Nicolas (présenté avec succès en septembre) a pour thème : Analyse des conflits d'usage et d’image de la rivière dans le cadre des réformes de continuité écologique. Le cas du tronçon côte-dorien de l'Armançon classé en liste 2 au titre de l’article L-214-17 C env. L'enquête a distingué trois collèges : les propriétaires de moulin (premier collège), les associations, les élus, les parties prenantes locales (deuxième collège), les représentants des syndicats et de l'administration (troisième collège). Ils ont fait l'objet d'interviews selon des questionnaires standardisés. Nous publions ci-après quelques extraits du mémoire. Nota : par "parties prenantes" dans cet extrait, il faut entendre le collège des élus et associations.


Situation des ouvrages hydrauliques : non dégradés, mais non réellement gérés (en majorité)
La présence d’ouvrages en état dégradé (15 %) est minoritaire, en revanche la majorité des ouvrages sont sans usages actuels (70 %), les passes à poissons installées sont non fonctionnelles et le tiers des moulins constituent des résidences secondaires. On ne peut pas considérer qu'il y a des négligences graves de la part des propriétaires, mais la majorité d'entre eux, ne semble pas correctement informée de l'ensemble des obligations de gestion des ouvrages hydrauliques en rivières. La bonne gestion peut être rendue difficile par la non-présence permanente au moulin. Inversement, un usage du moulin tend à favoriser une implication dans la bonne tenue du site, voire la régulation attentive des niveaux (si production électrique).

Niveau de connaissance et d'information : pas toujours suffisant…
Le niveau de connaissance des contenus et enjeux des réformes de continuité écologique est plutôt mauvais chez les maîtres d'ouvrage, meilleur chez les parties prenantes. Beaucoup se plaignent de l'absence d'information et ont perdu le souvenir d'une éventuelle visite du syndicat de rivière ou des autorités. La recherche d'information se fait de façon plutôt spontanée (Internet) ou déconnectée des autorités et gestionnaires (par des associations, des contacts locaux). Les questions de continuité écologique sont perçues comme complexes, avec un vocabulaire spécialisé peu compréhensible et des connaissances peu accessibles. Les autorités et gestionnaires ont plutôt le sentiment de délivrer une information correcte : il y a donc un décalage entre les perceptions sur ce point, ou entre le niveau des attentes des uns et des autres. Le niveau d’information des acteurs locaux (parties prenantes, en particulier les élus) est aussi important car ils sont en contact plus ou moins direct avec les maîtres d’ouvrages, qui expriment pour certains le besoin de se faire aider. 

…mais pas toujours déterminant non plus 
On observe cependant que nombre de remarques faites par les maîtres d'ouvrage ou les parties prenantes (élus, associations) sont indépendantes du niveau de connaissance réel de la continuité écologique : elles ne témoignent pas d'erreur factuelle ou intellectuelle sur la continuité, mais plus simplement d'une approche de la rivière différente de l'idéal de renaturation implicitement porté par les réformes écologiques. Par exemple quand on craint des niveaux d'eau faibles à l'étiage (disparition du plan d'eau) ou une remise en question du patrimoine bâti, quand on observe la politique différentielle d'aménagement des ouvrages sur un même linéaire (grand barrage VNF sans projet de continuité), on est en présence d'objections qui ne relèvent pas d'une bonne ou mauvaise connaissance de l'hydromorphologie et de l’hydrobiologie, mais d'une appréciation de la politique locale (ou générale) de l'eau. La simple information ne sera pas susceptible de diluer ces sources potentielles de conflictualité : des débats incluant toutes les positions en présence sont nécessaires.

Continuité écologique : un niveau moyen d'acceptation, mais très faible dès qu'il s'agit de destruction
En ce qui concerne l’acceptation des réformes de la continuité écologique il ressort de l’étude que la majorité des maîtres d’ouvrages lui est défavorable (60%), proportion qui s'inverse chez les parties prenantes (72% favorables). Le manque d'adhésion des maîtres d'ouvrage est clairement un frein à la mise en œuvre des réformes, mise en œuvre qui est reconnue comme difficile par les autorités et gestionnaires de l’eau. Au-delà, la quasi-totalité des répondants à l'enquête se déclare défavorable à la solution de disparition des ouvrages hydrauliques, tous collèges confondus hors autorités et gestionnaires. Dans la mesure où l'arasement partiel / total est par ailleurs la solution considérée par ces derniers comme la plus efficace pour l'environnement (et en cela la plus subventionnée), il existe un noyau manifeste de conflictualité.

Objections à la continuité écologique : sur ses effets...
Les craintes les plus fortes sur l’effacement des ouvrages ne concernent pas la valeur patrimoniale et foncière (en 3ème position seulement), mais plutôt le changement de régime des eaux (inondations et problèmes possibles à l’étiage). Un argument spécifique au tronçon est la présence d’un grand barrage VNF sans obligation de continuité écologique en amont, ce qui donne un sentiment d'injustice ou d'incohérence. Il existe de manière générale, chez la majorité des répondants, une préférence pour la conservation des écoulements et du patrimoine en état. Ce peut être un effet conservateur de l'habitude, une crainte du changement perçu comme risqué ou une adhésion volontaire à l'esthétique des retenues d'eau. 

… et sur sa priorité comme dépense, par rapport à la pollution
La continuité écologique n'est majoritairement pas jugée pour ses vertus propres, mais en comparaison des autres besoins sur la rivière. En particulier, elle est presque toujours mise en parallèle avec la lutte contre la pollution, jugée insuffisante. L’AESN, l’Onema, le Sirtava et Artelia estiment qu'il faut agir sur tous les leviers en même temps pour atteindre un bon état des eaux, mais les actions menées (ou envisagées) sur la défragmentation physique ont manifestement plus d’impacts sur la population que les autres actions menées sur les pollutions chimiques. En ce domaine, une meilleure communication sur les dépenses réellement menées pourrait désamorcer des malentendus.

Une absence de vision positive sur la continuité : peu de motifs perçus d’adhésion
Il est remarquable que les répondants n’aient presque jamais de vision positive de ce qu'apporte réellement la continuité écologique : celle-ci est vécue comme une réforme décidée par des autorités, mais pas en soi comme un atout pour la rivière. Le plan sédimentaire est ignoré – ce qui peut se justifier localement par le niveau assez équilibré du bassin sur ce plan, comme l'a montré l'étude de J.R. Malavoi menée dans les années 2000 à l'initiative du syndicat de rivière (cf. Hydratec Malavoi 2007). Au plan piscicole, le fait que l'Armançon ne soit pas une rivière salmonicole joue un rôle dans la relative indifférence à l'enjeu. Le seul poisson cité (anguille) n'est pas perçu comme menacé par les riverains, bien qu’il le soit au regard de son classement en espèce protégée. La notion de restauration de micro-habitats diversifiés n'est jamais abordée. L'absence de visée emblématique ou symbolique (comme le retour du saumon sur certains bassins) n'aide manifestement pas à l'appropriation des enjeux proprement écologiques.

Objections aux aménagements : leur coût
Les aménagements non destructifs (dispositifs de franchissement) sont mieux acceptés par les différents collèges. Mais de manière assez unanime, leur mise en œuvre est conditionnée à leur coût et à la prise en charge publique. Le niveau de subvention attendu est de 100% – ce qui signifie que les maîtres d'ouvrage ne perçoivent par la continuité écologique comme une obligation leur incombant, mais plutôt comme un choix public pour la rivière. La diversité des modes de financement des dispositifs de franchissement selon les Agences de bassin et les Régions est mal perçue, synonyme d’inégalité entre citoyens / territoires ou d’opacité. Il existe là un autre nœud important de conflictualité, dans la mesure où le niveau de subvention des passes à poissons par le principal financeur du bassin (AESN) est de l'ordre de 50%, et à la condition qu'il existe un usage avéré ou un intérêt remarquable. Peu d'ouvrages hydrauliques du tronçon étudié semblent éligibles à ces subventions.

Illustrations : ouvrages du tronçon étudié. A gauche, l’ancien barrage hydro-électrique de Semur-en-Auxois, le plus haut des obstacles sur la rivière pour le tronçon classé. A droite, les seuils des forges de Buffon (petite forge en haut et grande forge en bas). © Nicolas Defarge.

11/07/2015

Doit-on détruire des ouvrages hydrauliques pour le chabot? Chroniques de l'extrémisme ordinaire en gestion des rivières

La question peut paraître curieuse, mais elle mérite d'être posée. Un citoyen inquiet nous a alerté sur le programme de destruction de deux ouvrages hydrauliques de Tonnerre, porté par le Sirtava et financé par l'argent public. Dans le projet d'assistance à maîtrise d'oeuvre publié en juin 2015 par le bureau d'études SEGI, nous lisons que l'espèce piscicole "repère " retenue pour le niveau d'ambition des aménagements est le chabot.


Le chabot, espèce sédentaire, piètre nageur et sauteur
Retenir ainsi le chabot comme espèce repère de la continuité longitudinale nous surprend à plus d'un titre. Voici quelques raisons (pour des revues générales, voir OFEPP 2004, Tomlinson et Perrow 2003) :

- le chabot (Cottus gobio) est considéré comme espèce d'eaux vives caractéristique des zones à truites (zonation de Huet), ce qui n'est pas le cas de l'Armançon aval où l'on doit plutôt être dans la zone à barbeau ;

- le chabot vit de façon sédentaire en habitat benthique (sur le fond), il n'a pas de capacité morphologique importante de nage ni de saut, en aucun cas il ne peut être assimilé à un migrateur présentant des besoins vitaux en montaison dans son cycle de vie ;

- de simples débris de bois en zones forestières (Langford et Hawkins 1997) ou des obstacles de 18-20 cm (Utzinger et al 1998) suffisent à dissuader sa circulation et changer la fréquence relative de ses populations, sans que la densité totale d'individus sur l'ensemble du linéaire des rivières aménagées paraisse notablement affectée ;

- le chabot a de fortes capacités d'adaptation et n'est pas limité aux eaux vives, il a été documenté dans des eaux stagnantes (lac) et jusqu'à 50 m de profondeur, il supporte des températures de l'eau élevées (plus de 20-24°C pendant 2 mois, voire jusqu'à 27°C), la présence d'un bief ne représente donc pas une dégradation grave de son habitat (et laisse de toute façon d'autres zones à écoulement plus naturel dans la rivière) ;

- le chabot commun n'est pas sur la liste rouge des espèces menacées en France, sa répartition est relativement ubiquiste sur le territoire et si les petits seuils des moulins devaient le faire disparaître, cela aurait été le cas depuis bien longtemps ;

- l'Armançon en particulier a un peuplement piscicole stable depuis un siècle, et certaines chercheurs pensent que c'est le cas depuis plusieurs siècles d'aménagements pour le flottage, la navigation et l'énergie (voir Beslagic et al 2013) ;

- dans le cas particulier de Tonnerre, le seuil amont de la Cascade ne sera pas effacé, donc le gain de linéaire sans obstacle est modeste et sans enjeu réel (sauf à considérer que quelques centaines de mètres sans retenue d'eau représentent un triomphe écologique décisif pour la rivière, ce qu'il convient de démontrer par des preuves) ;

- le véritable et seul enjeu migrateur de l'Armançon est l'anguille, mais comme sa colonisation des têtes de bassin n'a jamais été historiquement entravée par des seuils modestes (1,10 et 1,50 m de hauteur de chute à Tonnerre), on préfère parler du chabot qui satisfait le besoin apparemment compulsif de détruire tout obstacle de plus de 20 cm.

L'extrémisme ordinaire: quand des décisions radicales et antidémocratiques deviennent routine
La destruction d'un ouvrage hydraulique est un acte grave, qui altère le patrimoine historique, réduit à néant le potentiel énergétique, efface le droit d'eau, change le paysage, remobilise des sédiments, modifie les écoulements et les risques associés, coûte de l'argent public (financement à 95%). En aucun cas cette destruction ne devrait être envisagée pour des motifs futiles ou mineurs. Et, systématiquement, cette destruction devrait être associée à des objectifs clairs de résultats, avec un suivi scientifiquement validé permettant de garantir aux citoyens que des enjeux environnementaux importants ont bel et bien été satisfaits.

Mais cela ne se passe pas ainsi. Nous vivons dans le règne antidémocratique de l'extrémisme ordinaire : quelques décideurs (services techniques et administratifs des syndicats, des Agences de l'eau, des DDT et Onema, de la Direction de l'eau au Ministère) et quelques lobbies aussi minoritaires que subventionnés défendent une idéologie irréaliste et radicale de la rivière "renaturée", assomment le citoyen d'études complexes aux résultats généralement creux dès qu'on sait les lire, engagent des dépenses d'argent public pour satisfaire des fantasmes de pseudo-naturalité des écoulements n'ayant rien à voir avec les besoins prioritaires pour la qualité chimique et écologique des rivières françaises.

Il est anormal que les ouvrages hydrauliques de Bourgogne et de France soient ainsi victimes d'une idéologie radicale, punitive et destructive, sans base scientifique consensuelle, sans engagement de  responsabilité sur des résultats tangibles. Alors que la plupart des pressions sur les rivières jouissent d'une large mansuétude de la part de l'autorité publique, le cas particulier de la morphologie exacerbe une approche extrémiste et décalée de la conservation pour la conservation, sans aucune réflexion de contexte. Ainsi, "on se lâche" sur la continuité longitudinale en prétendant casser le maximum d'ouvrages pour "naturaliser" le cours d'eau à la pelleteuse, tout en admettant par ailleurs que les bassins versants resteront artificialisés, que les pollutions chimiques (plus de 450 substances) seront mal mesurées et ne reculeront que très lentement, que le réchauffement climatique changera les biotopes d'ici quelques décennies, que les peuplements piscicoles ont de toute façon évolué localement depuis des siècles, etc. Tout cela n'a aucun sens. Nous n'avons pas des milliards d'euros à dépenser pour satisfaire quelques apprentis sorciers des technocraties et quelques lobbies des comités de bassin : la gabegie et la folie des destructions d'ouvrages doivent cesser.

Références citées
Beslagic S et al (2013), Évolution à long terme des peuplements piscicoles sur le bassin de la Seine, PIREN-Seine, phase 6, rapport
Langford TE, Hawkins J (1997), The distribution and abundance of three fish species in relation to timber debris and mesohabitats in a lowland forest stream during autumn and winter, Limnetica, 13, 2, 93-102
Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) (2004), Biologie, menaces et protection du chabot (Cottus gobio) en Suisse, Informations concernant la pêche, 77
Tomlinson ML, Perrow MR (2003), Ecology of the Bullhead Cottus gobio, Conserving Natura 2000 Rivers Ecology Series, 4
Utzinger J et al (1998), Effects of environmental parameters on the distribution of bullhead Cottus gobio with particular consideration of the effects of obstructions, Journal of Applied Ecology, 35, 6, 882–892

Illustration : © Hans Hillewaert, Wikimedia Commons

Associations, élus, personnalités et acteur de la société civile : avec nous, exigez un moratoire à effet immédiat sur les réformes destructrices et inefficaces de continuité écologique.

21/05/2015

Vidange du lac de Pont et décharge sédimentaire dans l'Armançon

Paysage lunaire de la retenue du barrage de Pont-et-Massène, où l'Armançon recreuse son lit primitif dans les sédiments accumulés au fond du lac. On note une forte turbidité de la rivière sur l'aval du barrage, jusqu'à la confluence avec la Brenne. L'association Hydrauxois avait demandé lors de l'enquête publique la pose d'une sonde pour estimer l'importance de cette décharge de matières fines en suspension... qu'en est-il?





04/02/2015

SAGE de l'Armançon: le potentiel hydro-électrique aurait été estimé à 15% de sa valeur réelle!

Selon l'analyse de notre association, le SAGE de l'Armançon adopté en 2013 comportait une erreur grave dans ses annexes dédiées au potentiel hydro-électrique du bassin versant. Compte-tenu de la portée réglementaire du SAGE, de l'importance des travaux actuels sur les seuils et barrages, de la vigilance bien connue que met l'Administration à faire strictement respecter le droit de l'environnement sur les rivières, nous demandons à M. le Préfet de statuer sur ce point. Nous communiquons également le dossier au SIRTAVA, porteur du SAGE, afin qu'il s'exprime sur cette question du potentiel hydro-électrique de la rivière.

L’Annexe n°5 du SAGE, adoptée par la Commission locale de l’eau le 5 mai 2010 et approuvée par arrêté interpréfectoral du 6 mai 2013, évalue le potentiel hydroélectrique du bassin versant de l’Armançon, en conformité avec l’article R-212-36 du Code de l’Environnement.

La partie la plus importante du productible du bassin versant (72,6 GWh) est réputée « non mobilisable » (cliquer sur image ci-dessous, voir colonne de gauche). Notre association considère que c'est un erreur, et une erreur grave car elle a été de nature à tromper les parties prenantes du SAGE lors de son adoption. Deux requêtes sont formées auprès du Préfet.


Première requête : confirmer l'erreur de droit

Le SAGE de l’Armançon répute les rivières Armançon, Brenne, Ozerain, Oze et affluents comme des « cours d’eau réservés » au titre de l’article 2 de la loi de 1919, à ce titre non exploitables du point de vue hydro-électrique.

Or, sur ce point :

  • nous n’avons aucune connaissance d’un classement de ces rivières au titre de « cours d’eau réservés » et le SAGE ne produit aucune référence sur ce point ;
  • le classement comme « cours d’eau réservé » interdirait la construction de nouvelles centrales hydro-électriques mais n’interdirait pas l’équipement des 51 ouvrages existants, qui sont présentés par le SAGE comme la source du potentiel énergétique (cf Ministère de l’Ecologie 2010, Guide pratique relatif à la police des droits fondés en titre, page 17) ;
  • le nouveau classement des rivières au titre des alinéas 1 et 2 de l’art. 214-17 du Code de l’Environnement n’empêche pas davantage l’équipement de ces ouvrages, et ce classement était effectif lorsque les préfets de l’Yonne, de la Côte d’Or et de l’Aube ont approuvé le SAGE de l’Armançon ;
  • lors de l’adoption du SAGE en 2013, le classement des cours d’eau de Seine-Normandie au titre de l’article 214-17 C env. était déjà paru depuis plusieurs mois, et ce classement annulait toute disposition anétrieure relative au droit des installations hydro-électriques au regard de la continuité écologique.

En conséquence, nous demandons à M. le Préfet de statuer sur l’exactitude de l’évaluation du potentiel hydro-électrique mobilisable de la rivière Armançon et de ses affluents inscrite dans le SAGE approuvé par arrêté interpréfectoral du 6 mai 2013. 

Seconde requête : modifier l'annexe du SAGE, informer les parties prenantes

Si, comme nous le pensons, il était inexact de se référer à la notion de « cours d’eau réservé » et s’il est au contraire avéré que le potentiel hydro-électrique des ouvrages hydrauliques de l’Armançon et de son bassin versant reste mobilisable, nous estimons que l’erreur commise dans l’Annexe n°5 du SAGE doit être corrigée et toute publicité apportée à cette correction.

Cette requête s’appuie sur les éléments de fait et de droit suivant :

  • le tarif moyen d’achat du kWh en contrat EDF-OA couramment utilisé dans les études d’opportunité hydro-électriques est de 10 c€, ce qui signifie que l’erreur du SAGE de l’Armançon représente un équivalent revenu de 7 millions d’euros annuels, somme évidemment considérable qui est de nature à infléchir la perception de l’énergie hydro-électrique par l’ensemble des parties prenantes du SAGE ;
  • en introduisant une perception biaisée des usages de l’eau, l’erreur du SAGE a contredit le principe général de « gestion durable et équilibrée de la ressource en eau » énoncé dans l’article L-211-1 du Code de l’Environnement, principe dont le même article précise explicitement qu’il vise à assurer « la valorisation de l'eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource » ;
  • les articles R-212-41 et  R-212-44 prévoient que le Préfet peut modifier un SAGE, la modification étant soumise à avis de la Commission locale de l’eau ; rien ne s’oppose à la correction d’une erreur de droit manifeste dans un SAGE, et cette correction est bien sûr nécessaire en l’espèce puisqu’un SAGE ne saurait fonder sa propre autorité règlementaire s’il conforte des erreurs manifestes de droit et s’il contrevient aux dispositions règlementaires et législatives applicables aux cours d’eau.

En conséquence, nous demandons à M. le Préfet de modifier l’Annexe 5 du SAGE de l’Armançon, d’en informer la Commission locale de l’eau, et d’exiger que cette modification, si elle est adoptée par la CLE, soit transmise aux parties prenantes citées dans l’article R 212-42 C env : maires des communes intéressés, présidents des conseils généraux, des conseils régionaux, des chambres de commerce et d'industrie territoriales, chambres d'agriculture, comité de bassin, préfet coordonnateur de bassin.

08/12/2014

De Sivens en Sélune… la GEMAPI et l'introuvable démocratie des rivières

Gestion de l'eau, des milieux aquatiques et prévention des inondations : sous le label très administratif de la GEMAPI se tient une importante mutation en cours. L'Etat transfère à compter de 2016 la gestion des rivières au bloc communal, soit le plus petit échelon des collectivités locales (voir par exemple ici). Quelles vont être les conséquences?

D'abord, si les métropoles et les grandes agglomérations disposent de compétences techniques  et de moyens financiers, ce n'est pas le cas des collectivités rurales, très majoritaires en nombre comme en linéaire de rivières. Donc concrètement, ce sont les syndicats de gestion des rivières (EPAGE, EPTB) qui vont prendre de l'importance dans les années à venir (voir ici le peu d'appétit des communes pour ce cadeau empoisonné).

Ensuite, pour gérer une rivière, il faut justement des moyens. Et des moyens d'autant plus importants que l'eau a connu une explosion réglementaire depuis 15 ans, avec d'innombrables obligations de qualité, de contrôle et de surveillance, qui ont toutes des coûts. Comme l'Etat transfère la compétence mais réduit dans le même temps la dotation aux collectivités, la GEMAPI devrait donc se traduire par une nouvelle taxe locale. Cette nouvelle taxe est supposée être plafonnée à un montant annuel de 40 € par habitant, elle est encadrée par l'article L. 211-7-2 du Code de l’environnement
.

Enfin, et en conséquence des points précédents, la GEMAPI va exiger une révolution démocratique dans la gestion de la rivière. Actuellement règnent l'opacité et le formalisme : la composition des commissions locales de l'eau (quand elles existent grâce à un SAGE) est rigide et fixée par le Préfet, les vraies décisions se prennent en tout petit comité fermé (direction des EPAGE / EPTB, Agence de l'eau, Misen, DDT, Onema, Dreal), la complexité apparente des sujets et de leur jargon produit l'indifférence des élus et des citoyens, les réunions d'information et de concertation du public sont minimalistes voire inexistantes, les consultations donnent des résultats désespérément faibles en participation tout comme les enquêtes publiques sont devenues des formalités peu suivies, car peu susceptibles de modifier des projets soumis à enquête. Continuer sur cette voie, alors qu'on va lever un nouvel impôt et que la pertinence des dépenses des syndicats est déjà fortement remise en question, c'est la garantie d'une conflictualité croissante sur les rivières.

Du barrage de Sivens dans le Tarn aux barrages de la Sélune en Normandie en passant par le Center Parcs de Roybon en zone humide, on observe déjà des premiers exemples de cette insurrection latente. A plus petite échelle, nos associations sont engagées dans de vifs débats sur les choix des syndicats et de l'Etat sur le Cousin, sur l'Armançon, sur la Seine, sur la Bèze… et la liste ne cesse de s'allonger à mesure que les riverains et leurs élus découvrent, effarés, le manque de réalisme de la politique de l'eau et son éloignement des préoccupations essentielles.

Les positions contradictoires et imprévisibles de l'Etat sur le dossier eau (noyer des zones humides sous le béton à Sivens pendant qu'on détruit des moulins centenaires, engager la destruction des barrages normands de la Sélune puis reconnaître que la dépense est absurdement élevée, sortir du chapeau le serpent de mer de la promesse jamais tenue du referendum local, etc.) indiquent assez que, même au sommet – surtout au sommet –, on ne sait plus trop comment gérer un dossier que l'on a soi-même rendu explosif.

Plus elles gagnent en pouvoir de décision et d'action sur nos cadres de vie, plus les technocraties gestionnaires de rivières devront rendre des comptes et s'ouvrir au débat démocratique. Si elles ne le font pas, elles en paieront le prix : désaffection de certaines collectivités n'ayant plus d'intérêt à adhérer à un syndicat qui détruit leur paysage de vallée  ou de capacité à assumer des obligations bien trop lourdes, multiplication des contentieux judiciaires, blocage des projets par voie de manifestation ou par voie procédurale, actions de rue parfois violentes comme ultimes moyens de se faire entendre pour certains usagers désespérés comme pour les protecteurs de l'environnement.

Les rivières débordent souvent. Les riverains parfois…

Illustrations : crues 2013 de l'Armançon, une rivière gérée par un Syndicat (SIRTAVA) manifestant peu d'intérêt pour la concertation démocratique, un franc mépris pour les associations ne pensant pas comme lui et dont bon nombre de réunions sont annulées... faute de quorum.

14/11/2014

Faites ce que je dis, ne dites pas ce que je fais: le mauvais exemple de l'Etat au barrage de Pont-et-Massène

A l’occasion des travaux de vidange, de confortement et d’adaptation aux hypothèses de crues exceptionnelles du barrage de Pont-et-Massène, une enquête publique est menée. L’association HYDRAUXOIS émet les 3 observations suivantes.

Nous mettons en garde contre toute dégradation de l’Armançon aval par relargages intempestifs des sédiments lors des travaux et nous souhaitons que des contrôles de turbidité (mesure de matières en suspension) soient régulièrement effectués par les services instructeurs de police et surveillance de l’eau. Par exemple, mise en place d’une station de mesure automatique haute fréquence à l’aval du barrage.

Nous regrettons que le maître d’ouvrage (VNF) ne profite pas des travaux pour installer une unité de production énergétique. Le potentiel hydroélectrique du barrage est de l’ordre de 200 kW en puissance, 1.000.000 kWh en productible, soit l’équivalent consommation de 200 foyers. Le temps de retour sur investissement serait très court, l’énergie produite aurait un très bas taux carbone, l’impact sur les milieux ne serait pas aggravé par rapport à la situation actuelle. En pleine transition énergétique, la non-installation d’une centrale hydroélectrique nous paraît en conséquence un choix anti-économique et anti-écologique.

Nous regrettons que le maître d’ouvrage (VNF) ne profite pas des travaux pour assurer la continuité écologique (franchissement piscicole) au droit du barrage de Pont-et-Massène. Celui-ci constitue le plus important obstacle au franchissement de tout le bassin versant de l’Armançon, empêchant notamment toute circulation des cyprinidés rhéophiles et des anguilles vers la tête de bassin. Nous ne comprenons pas que l’État exige d’aménager des moulins modestes et souvent franchissables, alors qu’il ne montre pas l’exemple sur les barrages dont il est gestionnaire.

Image : projet d'évolution de l'évacuateur de crue du barrage de Pont-et-Massène, vue de l'aval, ©VNF.

06/11/2014

Protéger l'anguille pour mieux la pêcher... l'incohérence du Ministère de l'Ecologie a-t-elle une limite?

Le Ministère de l'Ecologie a décidé de doubler le quota de civelles (juvéniles des anguilles) destinées à la commercialisation, cela alors même que l'anguille est considérée comme une espèce menacée dans les cours d'eau français et européens, à la suite de sa raréfaction brutale depuis le début des années 1980 (voir la fiche INPN de cette espèce).

Dans un communiqué (pdf), la FNPF exprime son désaccord sur ce choix gouvernemental, tout en soulignant qu'il n'existe toujours aucun retour d'évaluation sur le Plan de gestion de l'anguille.

En Yonne et Côte d'Or, la rivière Armançon a été classée en liste 2 au titre de la continuité écologique (art 214-17 C env.) avec l'anguille comme principal enjeu migrateur amphihalin. Le Ministère de l'Ecologie et l'Agence de l'eau imposent donc des effacements d'ouvrages ou des aménagements coûteux sur le bassin de Seine Amont pendant qu'ils délivrent un blanc-seing de prédation sur le bassin de Seine Aval et autres zones estuariennes.

Cette incohérence, où seul surnage le poids de plus en plus manifeste des lobbies dans la politique de l'eau, serait risible si ses conséquences n'étaient pas aussi graves pour le patrimoine hydraulique de nos territoires, et pour les propriétaires désemparés des ouvrages menacés.  Et également pour l'anguille, bien sûr, espèce dont le recrutement reste très faible dans les rivières malgré une petite amélioration récente. Rappelons que les ouvrages hydrauliques de l'Armançon étant présents depuis un à huit siècles, il est peu probable qu'ils soient la cause d'un déclin essentiellement documenté depuis 30 ans.  Rappelons aussi que les pêcheurs avaient autorisation de traquer l'anguille comme espèce "nuisible" dans les rivières de première catégorie jusque dans les années 1980, de sorte que leurs fédérations à la mémoire courte ne sont pas toujours les mieux placées pour donner des leçons de bonnes pratiques...

Photo : Wikimedia, CC

A lire sur le sujet : l'excellent ouvrage d'Eric Feunteun (2012), Le rêve de l'anguille, Buchet-Castel. Un des meilleurs spécialistes internationaux de l'anguille expose de manière précise et vivante nos connaissances sur l'espèce, ainsi que les enjeux de sa protection.

20/01/2014

Obstacles à l'écoulement?

Senailly, Quincy-le-Vicomte, Rougemont, Aisy-sur-Armançon… il est difficile de voir les seuils en rivière cette journée du 20 janvier 2014 (cliquer l'image ci-dessous pour agrandir). A peine des remous de surface traduisent-ils un ressaut hydraulique. Et pour cause : la brusque montée des eaux suite au passage d'un épisode pluvieux soutenu a noyé les ouvrages. Et inondé les prés riverains. De toute évidence, ces variations hydrologiques naturelles rétablissent à intervalles réguliers la libre circulation des poissons, notamment des migrateurs comme l'anguille. Nous conseillons à tous les maîtres d'ouvrage de réaliser des photos et vidéos de leurs seuils ainsi noyés. Car l'autorité en charge de l'eau (DDT, Onema) doit justifier la nécessité des passes sur chaque ouvrage, dans le cadre d'une procédure contradictoire où il s'agit d'estimer la gravité de l'impact environnemental et la proportionnalité de la réponse à cet impact. Un certain nombre d'experts considèrent que les seuils de moulin ne forment pas des altérations telles qu'elles justifient des effacements ou des aménagements coûteux, surtout en tête de bassin versant.

03/07/2013

Etude d'opportunité sur l'aménagement du Foulon de la Laume

Hydrauxois vient d'achever l'étude d'opportunité que lui avait demandée la Commune de Semur-en-Auxois pour l'aménagement du barrage du Foulon de la Laume. Le document est téléchargeable en cliquant ce lien. C'est maintenant à la DDT 21 de juger la qualité et l'intérêt du projet, au regard des ambitions affichées par le maître d'ouvrage. Dans l'hypothèse où l'autorité en charge de l'eau reconnaît la capacité de la Commune à utiliser la puissance hydraulique au droit de l'ouvrage – condition sine qua non pour produire de l'énergie, et donc pour financer l'ensemble des aménagements souhaités –, une étude de faisabilité et un avant-projet détaillé pourront être sollicités auprès d'un bureau d'études.

Notre association se tient à disposition de tous ses adhérents pour les aider à formaliser ainsi leurs projets dans le cadre des obligations afférentes à la continuité écologique (nouveau classement des rivières) comme dans la perspective d'un équipement hydroélectrique, à fin d'autoconsommation ou de vente au réseau.

14/05/2013

Les crues du printemps 2013

La Côte d'Or a connu, au début du mois de mai 2013, un épisode de crue remarquable. Il a concerné le bassin de l'Yonne et de la Saône, avant de se déplacer en Champagne vers le bassin de Seine supérieure. Voici quelques informations à ce sujet.

Les débits enregistrés
Selon les rivières, la crue a atteint un niveau quinquennal, vicennal, cinquantennal voire au-delà (pour l'Ouche). Nous donnons ci-après les débits maxima enregistrés par la Banque Hydro et Vigicrues sur plusieurs rivières du département.

On indique successivement la rivière, la date, le débit (en m3/s) et par la suite la valeur de référence la plus proche en loi de Gumbel (QJ signifie débit quotidien, QIX débit instantané maximal). La loi de Gumbel est une distribution statistique des épisodes extrêmes et de leur temps de retour ― une valeur vicennale signifie par exemple une probabilité de temps de retour de 20 ans pour un épisode.

Tille    04/05/2013 04:00    54
Gumbel quinquenale : QJ=QIX =53

Armançon    03/05/2013 22:00    111
Gumbel cinquantennale : QJ=90, QIX=100

Brenne    04/05/2013 11:00    133
Gumbel vicennale : QJ=120, QIX=130

Serein    04/05/2013 12:00    123
Gumbel vicennale : QJ=110, QIX=130

Vingeanne    05/05/2013 15:00    72
Gumbel vicennale : QJ=72, QIX=81

Ouche     05/05/2013 07:00    175
Gumbel cinquantennale : QJ=140, QIX=160

On observe que les rivières du département ont réagi différemment aux pluies : la Tille n'est montée qu'à son niveau de crue quinquenal (temps de retour 5 ans) tandis que l'Ouche a largement dépassé son niveau de crue cinquantennal.

Le contexte de la crue de mai 2013
Un épisode de crue de cette ampleur n'est généralement pas dû un seul événement pluvieux, fut-il intense. De tels phénomènes (appelés des crues éclairs) existent, mais ils surviennent généralement dans les terrains à pente forte et à épisodes convectifs. Les crues bourguignonnes et champenoises du printemps 2013 ont été plutôt préparées par un contexte hydrométéorologique dont le prévisionniste Joël Marceaux a donné quelques éléments (in Bien Public 2013, voir aussi Meteo France 2013).

Depuis le début de l'année hydrologique (septembre 2012), la région est excédentaire de 10 à 25% pour la pluviométrie, comme une bonne partie du territoire national. En particulier, la Bourgogne se retrouve en avril 2013 avec un taux d'humidité des sols largement excédentaire, les nappes étant remplies et les sols superficiels gorgés d'eau (carte MF ci-dessous). La très faible insolation de l'hiver et du début du printemps a limité l'évaporation. Les températures plus fraîches que la normale ont retardé le signal de la croissance végétale printanière ― croissance qui consomme une bonne part des excédents d'eau accumulés en automne et hiver.

Trois épisodes pluvieux importants ont aggravé cette situation : un premier du 8 au 12 avril, mais suivi d'une brève phase chaude des températures ; un deuxième du 26 au 27 avril, qui a provoqué de premiers débordements de rivière avec un cumul de 50-60 mm ; et un troisième qui a provoqué les crues, à partir du 2 mai. Les météorologues ont observé la formation d'une «goutte froide» sur la Bourgogne : il s'agit d'une poche d'air froid, située vers 5000 m d'altitude, amenée de la région polaire par courant-jet stratosphérique. Cette poche crée un miniblocage et, lorsque des courants chauds et humides de plus basse altitude viennent du Sud-Ouest, il se déclenche des épisodes convectifs plus ou moins intenses. On a pu enregistrer des précipitations de 30 mm/heure les 2 et 3 mai sur la Côte d'Or. Des quantités exceptionnelles de 70 à 100 mm par épisode ont été enregistrées dans les hautes côtes et la montagne dijonnaise.

Les crues du printemps 2013 sont donc nées à la confluence des remontées de nappes et d'une succession d'épisodes pluvieux, dans un contexte de températures fraîches ayant ralenti la croissance végétale.

Voici 400 ans (1613), la grande crue de l'Armançon
Les bassins de la Seine supérieure et de l'Yonne ont connu plusieurs épisodes historiques de référence en matière de crues et inondations, notamment pour les archives modernes : 24-28 septembre 1866, janvier 1910, janvier 1955, janvier 1982, avril-mai 1998, mars 2001, 9-13 mars 2006. Dans son ouvrage classique sur l'histoire des inondations, Maurice Champion note à propos de la grande crue de 1613, survenue voici exactement 400 ans :

«En mai, juin et juillet 1613, on ne vit, dit Sauval (Antiquités de Paris, t. I, p. 205), que grêles et pluies qui gâtèrent tous les fruits et les biens de la terre ; la Cure et l'Yonne se joignirent, et il y eut grande perte de bois flotté à Cravant, Vermanton et autres lieux circonvoisins, où se faisoit le trafic de bois. A vingt lieues de là, on trouva au milieu des blés et dans les vignes quantité de bois que l'eau y avoit porté. Plusieurs maisons de Semur furent abattues, et tant de monde noyé, que la ville envoya sur les lieux des échevins avec le procureur du roi et le greffier, afin de pourvoir sur leur rapport, à tant de dommage ». Les faubourgs de cette ville, que côtoie l'Armançon, furent submergés ; le pont Pinard, bien que d'une construction solide, fut entraîné ; «  cinquante maisons furent renversées et quinze personnes noyées, dit un historien de Semur (Louis Bocquin, Esquisse sur la ville de Semur, in-8, p. 123) ; l'Armançon s'éleva de douze pieds au-dessus de son niveau ordinaire, plusieurs moulins furent détruits et les meules en furent emportées à cinq lieues. Cet événement fut constaté par deux inscriptions dont l'une est à la mairie, et l'autre existait encore en 1786, dans la rue des Vaux. Celle-ci était beaucoup plus exagérée que l'autre ; elle portait à cinquante le nombre des personnes noyées, et il y a lieu de croire qu'elle était aussi la moins exacte. Le couvent des Minimes eut beaucoup à souffrir ; ils ne purent conserver leur infirmerie dans le bas, parce qu'elle était devenue trop malsaine pour les malades ; ils furent obligés de la transporter dans le haut, à l'extrémité du dortoir, et de faire pour cela des dépenses considérables pour eux, car ils étaient pauvres.

Le cours terrible de l'Armançon a été considérablement assagi par la construction du barrage de Pont-et-Massène qui, outre sa fonction d'alimentation en eau du canal de Bourgogne, permet de réguler les crues et étiages de la rivière. (Image : l'échelle limnimétrique du barrage de Pont atteignant sa cote limite de 20,8 m et le déversoir de crue relâchant ses eaux.)

Reprofilages sédimentaires
Si les crues du printemps 2013 ont occasionné des dommages aux biens, elles n'ont heureusement fait aucune victime humaine. Il faut rappeler que ces épisodes hydrologiques extrêmes sont naturels dans la vie d'une rivière. Ils provoquent notamment, par un phénomène d'érosion intense et de transport conséquent de charge solide, un reprofilage morphologique des cours d'eau. La rivière sculpte elle-même son lit. On notera que les seuils de rivière deviennent pour la plupart transparents lors de tels épisodes (photos ci-dessous : la digue du barrage de Semur surversée ; au pied du seuil de Flameney, après la décrue, dépôts de sables et graviers emportés depuis l'amont).

Maurice Champion (op.cit.) se faisait déjà l'écho de ces reprofilages sédimentaires, par exemple sur l'Armançon : «Coulon, en 1644, disait de cette rivière (Rivières de France, t. I, p. 74) : 'L’Armançon étoit autrefois navigable jusqu’à Tonnerre, mais depuis 30 ou 40 ans, il a cessé de porter bateau. Les gens du pays, qui savent combien cette rivière est dangereuse, à cause des fosses et des escueils, ont coutume de dire : Armanson, Mauvaise rivière, et bon poisson.' ― Il y eut délibération aux États de Bourgogne en 1581, pour faire visiter son cours et chercher les moyens de la rendre navigable. En 1669, les officiers municipaux s’occupèrent du même projet. Le P. Claude, carme, bon géomètre, prit les niveaux et reçut 200 livres. (Courtepéc, Ouvrag. cit., t. III, p. 477.) Voici ce que dit à ce sujet l’intendant Phelipeaux dans son Mémoire sur la Généralité de Paris: 'On a essayé autrefois de rendre l’Armançon navigable ; cette entreprise n’a pas réussi, parce que cette rivière, dans les crues d’eau, charie beaucoup de sables qui proviennent des montagnes, comble son lit, et elle s’en forme un nouveau, ce qui arrive fréquemment.»

Gestion des obstacles à l'écoulement : pour un principe de précaution
Coïncidence : au moment même où la Bourgogne et la Champagne souffraient de ces crues remarquables, notre association participait à la publication d'un nouveau dossier de l'Observatoire de la continuité écologique, précisément consacré à la question.

La loi sur l’eau de 2006 et le classement des rivières de 2012-2013 imposent dans les 5 ans à venir des modifications importantes du régime des rivières par effacement ou aménagement des "obstacles à l’écoulement" (seuils, glacis, digues, barrages, etc.). Comme leur nom l’indique, ces ouvrages hydrauliques modifient l’écoulement de la rivière. Leur suppression est susceptible d’avoir des effets dans deux situations extrêmes : les crues et les étiages.

En période de crue, les obstacles à l’écoulement longitudinal contribuent à dissiper l’énergie cinétique en turbulence et à retenir une partie de la charge solide charriée par les rivières. En période d’étiage, les obstacles à l’écoulement assurent des réserves d’eau offrant refuge à la faune et flore aquatiques. Alors que des milliers d’ouvrages sont concernés sur une période très courte (2013-2018), aucune simulation des effets cumulés de leur modification sur les crues et étiages n’a été effectuée. Des exemples montrent pourtant qu’un chantier de restauration hydromorphologique peut avoir des effets négatifs imprévus.

Cette absence de prise en compte du risque pour l’environnement, l’économie, la santé et le patrimoine paraît contraire au principe de précaution inscrit dans la Constitution depuis 2004, comme à l’obligation de réduire les risques de tout type d’inondation résultant de la directive européenne de 2007.

Références
Bien Public (2013), Inondations : comment a-t-on pu en arriver là ?, 13 mai.
Champion M. (1859), Les inondations en France depuis le VIe siècle jusqu'à nos jours. Recherches et documents, Dalmont et Dunod.
Meteo France (2013), Bilan hydrologique, Alimentation du BSH national, avril 2013 (pdf).
OCE (2013), Crues, inondations, étiages. Pour une évaluation du risque lié à la modification des obstacles à l’écoulement, 10 p.

26/10/2012

Armançon : un bilan écologique et hydrologique

Le schéma d'aménagement et des gestion des eaux (SAGE), porté par le syndicat de rivière Sirtava, a dressé un Rapport environnemental (2010) du bassin de l'Armançon, dont la version définitive a été publiée cette année après consultation administrative et enquête publique (voir le Rapport d'enquête).

Ce rapport est l'occasion de rappeler les faits essentiels sur l'état de l'Armançon, principal cours d'eau de l'Auxois, notamment sur la qualité physique, chimique et biologique de son eau. Nous focaliserons ici plus volontiers sur l'Armançon cote-dorien, sachant que la rivière coule aussi dans l'Yonne et l'Aube.

Un bassin versant allongé
Le bassin versant de l'Armançon occupe au total 3100 km2, en forme de bande orientée Sud-Est / Nord-Ouest. L'ensemble des cours d'eau y occupe 1255 km de linéaire. La partie amont en Auxois est très dense en rus et ruisseau, formant un « chevelu » de cours d'eau alimentant l'Armançon et ses grands affluents. Les masses d'eau souterraines en Auxois, appelées aquifères, se développent dans un socle géologique à dominante marnes et calcaires, avec des affleurements plus compacts et plus imperméables du socle cristallin du Morvan.

Du point de vue hydromorphologique, le bassin versant de l'Armançon présente « un certain équilibre sédimentaire », comme l'avait établi la mission Hydratec 2007. Les érosions de berges fournissent une charge alluviale assez importante (transport de particules fines, sables, graviers, voire galets), avec des faciès d'écoulement variés. Il existe donc ce que l'on nomme des « espaces de mobilité fonctionnelle » où les rivières conservent un équilibre physique.

Pour la végétation (ripisylve, nom donné aux arbres en bordures de rivière), on observe que 46% du linéaire des cours d'eau sont dépourvus de végétation, 36% possède une végétation discontinue et 18% des formations boisées épaisses. Il existe deux principales espèces végétales invasives : la renouée du Japon et le faux acacia, contre lesquels on ne connaît pas de moyen de lutte eficace à ce jour.

Concernant les poissons, le Rapport note que « le bassin de l'Armançon est globalement caractérisé par une richesse piscicole en lien avec la diversité de ses habitats (ruisseaux, rivières, lacs, canal). 32 espèces ont été recensées ». L'Armançon est une rivière cyprinicole (dominante de « blancs », 2e catégorie de pêche), mais ses petits affluents sont généralement salmonicoles (truites et ombres, 1re catégorie). Il existe trois espèces invasives reconnues chez les Crustacés : les écrevisse américaines, écrevisses de Floride et écrevisses de Louisiane. Elles sont surtout présentes en amont (Auxois) et menacent l'espèce patrimoniale (écrevisse à pieds blancs) par concurrence de territoires ou charge pathogène. (Le Rapport ne mentionne pas le cas des silures, sur lequel des témoignages négatifs ont été rapportés, y compris en bassin Amont).

Les pollutions d'origine anthropique
Le territoire est à dominante rurale : 67 % d'occupation agricole, 30% de forêts et seulement 2% de sols artificialisés (villes, zones d'activité). On compte 105.138 habitants dont 38% en Côte d'Or.

Premier problème : la pollution domestique, avec 56% des raccordements collectifs en bon fonctionnement, mais 44% en état insatisfaisant pour l'ensemble du bassin. S'y ajoutent les assainissements autonomes, en état plus néfaste encore puisque 90% sont non conformes et 75% de la charge polluante y est rejetée après usage. Conséquence : rejet de matières organiques et oxydables (DBO, DCO, NH4), de nitrates, de matières azotées et phosphorées.

La pollution agricole représente un autre enjeu pour la qualité biologique et chimique de l'eau. Le territoire est rural, dominé par l'élevage en Auxois et par la culture céréalière vers l'aval. Cela représente une forte ponction d'eau en irrigation (215.000m3/an) et abreuvage (515.000m3/an). Le Rapport environnemental note que la qualité physico-chimique est « passable » sur le bassin, avec trois « altérations déclassantes » : les nitrates, en tête de bassin et à l'aval ; les produits phytosanitaires sur presque tout le bassin ; les matières azotées et phopshorées, également rejetées sur l'ensemble des eaux superficielles. Il en résulte que « la qualité des peuplements piscicoles connaît une nette dégradation d'amont en aval ».

A cette pollution agricole et domestique s'ajoute enfin la pollution industrielle, qui est localisée à quelques sites (par exemple Montbard pour l'Auxois) : rejets de métaux, hydrocarbures et pesticides, formant autant de « substances toxiques prioritaires ». Il existe aussi une « pollution artisanale » car les très petites entreprises déversent ce que l'on appelle des « déchets toxiques en quantité dispersée » : solvants, encres, colles, vernis, huiles, liquide de refroidissement, batteries etc.

La question des seuils et barrages
La question des « obstacles à l'écoulement » est bien sûr abordée dans le Rapport environnemental. Elle concerne les ouvrages hydrauliques placés sur le lit mineur (seuils et glacis de moulins, barrages) ou sur les berges (enrochements, digues). La mission Hydratec 2007 avait évalué à 140 le nombre de seuils présents sur le linéaire de l'Armançon, sans données pour les affluents (Brenne, Armance, Créanton, Cernant, Brionne, Prée et les nombreux ruisseaux).

Les obstacles dits longitudinaux sont ceux qui modifient l'écoulement de l'amont à l'aval. Avec deux effets : un blocage partiel du transport solide, accumulant les sédiments à l'amont et provoquant un déficit à l'aval ; l'entrave à la circulation des poissons, principalement à la montaison (remontée vers l'amont).

Les obstacles dits latéraux (en bord de rivière) empêchent quant à eux la formation spontanée de zones humides présentant des alternances saisonnières (marnage). Ces zones humides sont propices à la biodiversité. Les obstacles latéraux peuvent également empêcher la connexion de milieux différents.

Le dernier effet jugé néfaste pour les obstacles à l'écoulement est l'affaiblissement des capacités d'auto-épuration des cours d'eau, en raison de l'accumulation et stagnation dans les retenues amont des biefs.

En conclusion : quelques orientations nécessaires
L'association Hydrauxois défend le patrimoine et l'énergie hydraulique sur nos rivières, mais elle est évidement concernée par l'environnement aquatique. Et tous les amoureux de l'eau le sont, quelle que soit la dimension de l'eau qu'ils préfèrent. Le Rapport environnemental du SAGE nous paraît appeler les remarques suivantes.

• Ce Rapport manque de précision dans le domaine biologique et écologique, par rapport à d'autres travaux sur des rivières de la région. Nous parlerons prochainement d'un travail mené en Haute Seine, qui est très approfondi de ce point de vue. Ainsi, sur l'Armançon, il existe peu d'informations sur la macrofaune benthique, sur l'avifaune, globalement peu de détails sur le peuplement piscicole par rivières et tronçon de rivière dans le cas de l'Armançon.

• Il en va de même pour les questions de pollution chimique. Les différents effluents à problème sont certes énumérés, mais on ne dispose pas de profondeur historique pour mesurer l'évolution de la qualité des eaux et de la quantité des rejets. Par ailleurs, on ne dispose pas non plus des critères de qualité posés par la directive-cadre européenne sur l'eau, de sorte que l'on évalue mal l'état réel des rivières. Rappelons qu'en 2011, une analyse approfondie sur les micropolluants, menée par le service observation et statistique du Commissariat au développement durable sur 91% des rivières, a révélé la présence de 413 micropolluants (sur 950 étudiés) dont un certain nombre affecte la santé et l'environnement, même à faible dose (source, pdf).

•Les données rassemblées indiquent que par rapport aux pollutions persistantes, au premier rang desquelles la pollution agricole par rejet d'effluents culture-élevage et la pollution domestique par défaut d'assainissement, les obstacles à l'écoulement ne représentent pas un problème prioritaire. Malgré leur présence multiséculaire dans la plupart des cas, l'état sédimentaire est jugé à l'équilibre sur le bassin versant, et la biodiversité piscicole reste de bonne tenue sur le bassin.

• Certains résultats sur les obstacles à l'écoulement demandent approfondissement. Par exemple, les relevés sédimentaires opérés par le Sirtava sur la retenue du barrage de Semur ne montraient pas de niveaux de pollution anormaux. Or le barrage étant sans usage depuis plusieurs décennies (non vanné), et situé non loin d'une ancienne décharge municipale, cela pose question sur l'auto-épuration jugée défaillante à l'amont immédiat d'un obstacle. Ce point serait à vérifier empiriquement, en procédant à des mesures de sols et sédiments plus approfondies. Il en va de même pour l'érosion de la biodiversité piscicole de l'amont vers l'aval, observée dans le Rapport : ce devrait être l'inverse, puisque l'effet des obstacles est de plus en plus marqué vers l'amont (non-franchissements successifs en montaison, la dévalaison n'étant pas entravée).

• Tout cela ne signifie pas que l'inaction est de mise pour les seuils ou barrages, mais nous serons vigilants sur la hiérarchie des actions en terme de qualité de l'eau. Les investissements des collectivités, du syndicat de rivière comme de l'Agence de l'eau n'étant pas extensibles à l'infini, il faut mettre comme priorité la qualité chimique et biologique des eaux, par lutte contre les pollutions directes. Et en ce qui concerne les restaurations de continuité écologique, il convient de cibler d'abord les « points noirs »... et de le faire avec une certaine honnêteté intellectuelle. Un grand barrage VNF de 20 mètres de hauteur est un obstacle autrement paralysant pour la circulation du poisson qu'un glacis de moulin médiéval. Néanmoins, si le syndicat de rivière, l'Onema et l'Agence de l'eau apportent leur contribution technique et financière, il sera tout à fait possible d'améliorer la continuité morphologique et biologique en construisant des passes à poissons et en modernisant les vannages. Voire en arasant ou dérasant certains obstacles, une fois vérifié que l'opération est compatible avec l'intérêt patrimonial et qu'elle ne prive pas l'Auxois d'une ressource énergétique facilement exploitable.