20/10/2020

Participez à l'inventaire du patrimoine industriel de l'eau en Auxois-Morvan

Le pays d'Auxois-Morvan mène une mission d'inventaire du patrimoine industriel de son territoire, ce qui inclut le patrimoine hydraulique (moulins, forges, usines à eau). Vous pouvez participer à ce travail qui permettra de connaître et valoriser la longue histoire de nos rivières.

Les limites géographiques de la mission sont celles du pays d'Auxois-Morvan, avec 6 communautés de communes (Montbardois, Saulieu Pays d’Alésia et de la Seine, Pays d’Arnay-Liernais, d’Ouche et Montagne, Terres d’Auxois). Cela concerne donc les rivières à l'Ouest de la Côte d'Or : bassins d'Armançon, Brenne, Oze, Ozerain, Serein, Tournesac, Argentelet, etc. 

Voici la carte du territoire concerné :


Notre association vous propose de participer à cet inventaire en envoyant au chargé de mission du Pays les informations dont vous disposez, soit sur votre ouvrage, soit sur d'autres si vous avez étudié certains sites.

Il vous suffit de remplir la fiche ci-après, même de manière incomplète (un ouvrage = une fiche). Tout document jugé utile peut aussi être joint. N'hésitez pas à diffuser à des voisins propriétaires d'ouvrage dans la zone.

Fiche patrimoine hydraulique Auxois-Morvan

Illustration en haut : le barrage de l'ancienne usine hydro-électrique de Semur-en-Auxois, sur l'Armançon. Ce site fut à l'origine un moulin foulon, créé au 15e siècle. Il a connu cinq siècle de production d'énergie sous différentes techniques et pour différents enjeux économiques locaux, avant de devenir un site de promenade et détente. La commune porte un projet de relance d'une production d'énergie bas-carbone. 

18/10/2020

Comment la conservation de la biodiversité et l'éloge de la nature sauvage justifient des persécutions de populations: le réquisitoire de Guillaume Blanc

Dans son livre sur le "colonialisme vert", le chercheur Guillaume Blanc montre comment l'invention coloniale d'une nature sauvage africaine a justifié la création de parcs nationaux de chasse, puis de conservation écologique, avec à la clé l'expulsion des paysans qui vivaient sur ces terres, parfois des persécutions plus brutales. Le cas n'est pas isolé à l'Afrique, les "réfugiés de la conservation" se comptent par millions partout où l'on a décrété que l'humain devait disparaître d'espaces quasi-entièrement dédiés à une nature restituée à la vie sauvage... et au tourisme international surtout venu des pays (et citoyens) très pollueurs! Ce problème appartient à l'histoire sombre du colonialisme et post-colonialisme, mais il se pose partout là où des pouvoirs publics décident de réprimer ou exclure des personnes au nom d'une certaine vision de la nature sauvage sans l'homme. Sous une forme certes bien plus pacifique, du moins pour le moment, nous avons par exemple constaté en France que l'écologie de la rivière sauvage sans humain commence à exercer des pressions pour faire disparaître des biens et des usages. A l'heure où certains intellectuels et certaines ONG appellent à renforcer cette tendance pour reconnaître des droits à la nature qui permettraient de supprimer des droits humains, nous demandons donc à nos élus d'engager un débat démocratique de fond. Si l'horizon était de faire des campagnes des zoos pour éco-touristes urbains, la situation ne serait pas plus apaisée en France qu'en Afrique...


Guillaume Blanc est maître de conférences à l'université Rennes 2, chercheur associé au Centre Alexandre Koyré et à LAM (Les Afriques dans le Monde, Sciences po Bordeaux), Université Bordeaux Montaigne. Dans son livre venant de paraître, L'invention du colonialisme vert, le chercheur met en avant une dimension très sombre de l'histoire, mais aussi de l'actualité de la conservation de la biodiversité dans certaines régions du monde.

Le livre noir du colonialisme vert

Le livre de Guillaume Blanc explore particulièrement l'histoire de la conservation en Ethiopie et en Afrique. Il montre divers aspects de cette problématique, dont voici quelques éléments essentiels :

- les administrateurs coloniaux ont créé de toutes pièces dans la première partie du 20e siècle le mythe d'une vaste nature sauvage en Afrique (alors que les paysages rencontrés par ces colons étaient déjà le fait de transformations humaines), puis ils ont rapidement mis en avant le spectre malthusien d'une Afrique qui menace cette nature sauvage en la surexploitant (alors que les paysans africains ne diffèrent guère des paysans de toutes les régions du monde, y compris ce que firent les paysans européens depuis le néolithique);

-  toute une culture occidentale a véhiculé le mythe d'un continent presqu'exclusivement naturel (romans comme Les racines du ciel de Romain Gary jusqu’à Out of Africa ; magazines et guides tels que le National Geographic ou le Lonely Planet ; films comme le Roi Lion, etc.).

- la création de réserves sauvages sur le modèle des parcs nationaux des Etats-Unis (ayant pour certains entraîné des confiscations de terre et expulsions d'Indiens ne collant pas dans le décor "sauvage") a été choisie, avec un double processus d'exclusion des populations locales en agriculture vivrière et de valorisation internationale, y compris par la chasse pour de riches touristes;

- les instances de conservation écologique et gestion durable (WWF, UICN, FAO, Unesco) sont nées dans la phase coloniale comme une réflexion occidentale sur la manière de conserver la nature en Afrique (et ailleurs), elles ont validé et parfois même repris la critique de la dégradation africaine des milieux, parfois sur des bases factuelles médiocres, incomplètes voire trompeuses;

- même dans des pays non colonisés (cas de l'Ethiopie étudiée par l'auteur), les régimes nationaux mis en place après-guerre ont cherché à valoriser leurs territoires en lien avec les ONG et instances internationales de la conservation, tout en mettant au pas (souvent par des gouvernances brutales et autoritaires) les populations récalcitrantes. La nationalisation de la protection de la nature comme patrimoine est l'occasion de mettre la pression sur les minorités. Les montagnes éthiopiennes du Simien, très étudiées par l'auteur, ont été le théâtre d'expulsion à répétition;

- le cas éthiopien n’est pas une exception. "L’Afrique compte environ 350 parcs nationaux et au 20e siècle, on estime que plus d’un million de personnes en ont été expulsées pour faire place à l’animal, à la forêt ou à la savane" (les "réfugiés de la conservation");

- le ton a changé à compter des années 1980 et l'on parle d'une "gestion communautaire" de la nature sauvage, mais dans la réalité la présence humaine devient très vite contradictoire avec l'objectif de naturalité maximale. En 2016 encore, l’Éthiopie a accepté d’expulser 2 500 cultivateurs et bergers qui vivaient au cœur du parc national du Simien. Parfois dans d'autres parcs africains, les éco-gardes organisés en milices privées et financées par des ONG occidentales abattent les habitants coupables de pénétrer dans un parc pour chasser du petit gibier en temps de disette;

- tout au long du processus dans le Simien, les experts couvrent le discours néo-colonial. L'argument-massue en Ethiopie est la disparition imminente du Walia ibex, bouquetin grâce auquel le Simien est connu. En 1963, Leslie Brown compte 150 walia dans le parc. Depuis ce premier recensement, la population d’ibex augmente de façon constante, sauf lors des famines meurtrières (1973 et 1985), où cet animal au goût médiocre et difficile à attraper est chassé pour survivre. Pourtant, à chaque rapport et malgré la hausse démographique, les experts en conservation affirment que la situation est grave et demandent une intensification des efforts. "En Afrique comme en Asie du Sud-Est et en Amérique latine, le discours expert est uniforme : la protection de tous (l’humanité) nécessite parfois le sacrifice de certains (les habitants)" souligne l'auteur.

Guillaume Blanc fait observer le paradoxe : le même Occident dont la société de consommation et de croissance est à l'origine de dégradations innombrables des milieux fait la leçon aux autochtones d'Afrique et d'ailleurs qui vivent d'une économie extensive plutôt sobre. La "nature sauvage" a aussi été un alibi de ce double discours : préserver des vitrines d'espaces naturels tout en intensifiant des extractions de matières premières.  

L'éloge de la vie sauvage et des droits de la nature est aussi créateur de conflits sociaux et de rapports de coercition, y compris en France

Le livre de Guillaume Blanc est rédigé comme un réquisitoire, à charge. Son lecteur ne doit pas penser que toute la conservation de la biodiversité se résume à des épisodes sanglants: il existe fort heureusement des réussites plus pacifiques. Pour autant, ce livre pose des questions dans lesquelles nous nous reconnaissons. On voit aujourd'hui fleurir en France un discours qui chante les éloges du retour de la vie sauvage, qui demande de consacrer des fonds publics importants à la "renaturation", qui appelle à reconnaître des droits de la nature, voire une personnalité juridique à des éléments de la nature. Tout cela est accepté de manière souvent a-critique comme témoignage de la nouvelle sensibilité écologiste. 

Or, ne soyons pas naïfs ni ignorants: l'écologie comme toute autre idéologie peut nourrir des extrémismes et des intégrismes; les croyances politiques finissent toujours par des rapports de pouvoir et de coercition quand elles veulent passer des idées aux actes et des lois aux réalités.

En France aussi, l'écologie du ré-ensauvagement commence à créer des conflits

Nous recensons ce livre car nous avons été confrontés, avec heureusement moins de brutalité, à la même problématique : des groupes sociaux dont des ONG, bénéficiant éventuellement du pouvoir de contrainte de l'Etat et de la conviction d'une partie des fonctionnaires en charge de l'écologie, véhiculent une vision particulière de l'écologie où la "bonne" nature (rivière dans notre cas) serait la nature sans l'homme, livrée à sa seule naturalité, ne devant plus être impactée, modifiée, transformée par l'action humaine. 

Il se trouve qu'une cible choisie au cours de la dernière décennie par cette vision radicale de l'écologie a été l'ouvrage hydraulique (moulins, étangs etc.) : le détruire revenait à libérer la rivière et à la restituer dans l'état qu'elle aurait dû toujours avoir et qu'elle devrait pour toujours avoir. Si cette vision est cohérente avec elle-même, tous les ouvrages et activités en lit mineur doivent disparaître, mais aussi peu à peu tous les ouvrages et activités en lit majeur, puisque l'espace de liberté de la rivière laissée à elle-même concerne l'ensemble de sa mobilité potentielle, notamment son expansion latérale lors des crues.

Tout cela n'est pas que théorique, des milliers d'ouvrages ont été détruits. Quand 20.000 riverains des lacs de la Sélune ont dit leur attachement à leurs barrages, ils ont été ignorés, les ouvrages ont été démolis par ordre de l'Etat, avec l'approbation et le soutien du WWF et d'autres groupes de conservation. Cela ressemble fortement aux pratiques autoritaires et ignorantes des protestations locales que Guillaume Blanc décrit sur d'autres terrains...

De manière similaire à ce que narre également Guillaume Blanc, les partisans de l'écologie du sauvage et de la naturalité montrent peu d'intérêt pour les riverains (on ignore leur objection quand ils défendent un cadre de vie, une ressource, une autre biodiversité, on leur propose de déplacer ce qu'ils font et ce qu'ils ont), mais aussi peu d'intérêt pour d'autres problèmes comme les pollutions et le réchauffement climatique. Ou s'ils disent montrer de l'intérêt, ces écologistes-là ne font pas le lien entre les modes de vie de l'ensemble du système socio-économique (qui entraînent ces pollutions) et leur vision de la rivière (qui serait bizarrement un écrin possible de naturalité quand toutes les conditions bio-géo-chimiques changent, ainsi que les peuplements biologiques par transport incessant de nouvelles espèces exotiques). On le voit sur les cours d'eau : un élu local, les techniciens de son syndicat de rivière et les fonctionnaires de l'eau peuvent fièrement montrer à la presse un ouvrage détruit, puis monter dans leurs voitures qui vont émettre du carbone dans l'atmosphère et des polluants HAP dans la rivière. L'ordre des priorités de cette écologie-là semble surtout de sauvegarder l'apparence de la naturalité...

Peut-on sortir de la conflictualité? Y a-t-il un terrain d'entente entre les citoyens partisans du ré-ensauvagement et les citoyens attachés à une nature façonnée par les humains? Sans doute, mais il faut de toute urgence sortir de la langue de bois et de la paresse intellectuelle qui entourent l'écologie en France. Nous devons débattre des fins — quelle(s) nature(s) voulons-nous? — et nous devons débattre des moyens — comment la protection de la biodiversité se rend compatible avec les normes juridiques et politique qui fondent la démocratie, notamment son pluralisme, son respect des droits humains et des minorités. Aussi une certaine paix civile, dont l'histoire nous apprend qu'elle n'est pas garantie. 

Référence : Blanc G (2020), L'invention du colonialisme vert. Pour en finir avec le mythe de l'Eden africain, Paris, Flammarion, 352 p.

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Le mouvement de la nouvelle conservation veut changer les politiques de biodiversité

16/10/2020

Biefs et canaux historiques sont d'intérêt pour conserver la biodiversité (Lin et al 2020)

Une équipe de chercheurs a passé en revue 500 études internationales sur la biodiversité des canaux historiques créés par les humains. Ils concluent que si ces milieux ne peuvent généralement égaler les fonctions et services de cours d'eau naturels (sauf en zone très dégradée où les canaux ont parfois de meilleures conditions), ils représentent néanmoins des opportunités de conservation pour la faune et la flore. La gestion écologique de ces canaux — même ceux en activité — serait susceptible de renforcer leur intérêt et leur valeur. Cela confirme le point de vue de notre association : le patrimoine naturel, et pas seulement culturel ou historique, est en jeu dans tous les milieux en eau créés par les humains. Les chercheurs soulignent que les canaux les plus anciens et ayant perdu une gestion active sont souvent ceux qui ont le plus fort potentiel de richesse biologique — comme justement certains biefs et étangs d'ancien régime que l'administration détruit et assèche dans notre pays . Plus que jamais, il est manifeste que la politique française de continuité écologique a été bâclée sur son volet de gestion des ouvrages. Nous devons demander sa révision immédiate, ainsi que l'étude scientifique des nouveaux écosystèmes aquatiques créés par les humains dans l'histoire des derniers siècles. 

Confluence de deux sous-biefs de moulin (à droite) avec la rivière (Ource). Les canaux humains, en particulier anciens, créent de nouveaux milieux qui hébergent faune et flore.

Hsien-Yung Lin et quatre collègues ont passé en revue la littérature scientifique internationale consacrée aux canaux artificiels créés dans l'histoire, en lien à leur biodiversité. Ils ont trouvé 504 publications, 48% réalisées dans des pays européens, 31% dans les Amériques (la plupart aux États-Unis et au Canada, 26%), 17% en Asie (la plupart au Japon et en Chine, 10%), 3% en Afrique et l'Océanie, et 2% sont des évaluations à travers les continents. Presque toutes les études (503) recueillent des données sur les canaux et / ou les fossés (mais sans définition claire pour différencier ces structures) tandis qu'une seule étude analyse les espèces aquatiques dans les douves. 

Soixante-six pour cent des études se concentrent sur les espèces endémiques (43% endémiques et 23% endémiques avec des préoccupations de conservation), 19% sur les espèces exotiques et 14% incluent des espèces exotiques, endémiques et / ou endémiques avec des préoccupations de conservation. Cependant, notent les chercheurs, "la plupart des études se concentrent sur la composition, l'abondance, la distribution ou le comportement des espèces dans les cours d'eau anthropiques sans examiner ni quantifier clairement les effets sur la biodiversité".

Voici le résumé de leur article :

"Alors que la fragmentation et la perte d'habitat due aux infrastructures menacent la biodiversité d'eau douce dans le monde entier, les canaux historiques ont le potentiel de contribuer à la fois à la conservation du patrimoine culturel et de la biodiversité. Le déplacement des objectifs de gestion de ces canaux historiques du développement vers les loisirs et la conservation offre des opportunités pour atteindre des objectifs de conservation dans ces systèmes anthropiques. Cependant, la gestion des canaux historiques implique souvent de multiples objectifs (par exemple, conservation de la nature vs préservation historique). 

Nous avons passé en revue les études écologiques dans divers types de réseaux de canaux, examiné le potentiel des canaux historiques à contribuer à la conservation de la biodiversité et fourni des suggestions pour promouvoir la conservation de la biodiversité compte tenu des opportunités et des défis de la gestion des canaux. Les caractéristiques des canaux (par exemple, la taille, l'utilisation principale, l'environnement immédiat, les propriétés physiques et hydrologiques) peuvent être utilisées pour qualifier ou quantifier leur valeur et leurs risques potentiels pour la conservation. Changer les régimes de gestion pour imiter l'écoulement naturel, accroître la complexité de l'habitat et modifier la connectivité pourrait améliorer les fonctions et les services des écosystèmes dans les canaux. 

Pour réaliser le potentiel de conservation des canaux historiques, des études sont nécessaires pour combler les lacunes dans les connaissances et pour comprendre les compromis entre des objectifs souvent concurrents. L'utilisation de l'analyse décisionnelle permet aux gestionnaires d'incorporer plusieurs objectifs, d'évaluer les compromis et de résoudre les incertitudes dans la gestion des canaux historiques."

Ce schéma montre un exemple d'analyse décisionnelle.


Extraits de Lin et al 2020, art cit

Voici la conclusion de ce travail: 

"Malgré la contribution potentielle des cours d'eau anthropiques à la conservation de la biodiversité, ces habitats sont peu susceptibles de fournir les fonctions et services écologiques des masses d'eau naturelles (Carlson et al 2019; Chester et Robson 2013; Harvolk et al 2014). Par conséquent, les gestionnaires devraient envisager de conserver ou de restaurer les masses d'eau naturelles dans la mesure du possible. 

Néanmoins, dans les endroits où les masses d'eau naturelles sont fortement dégradés et où les mesures de restauration ne sont pas réalisables en raison de contraintes écologiques, socio-économiques, culturelles et politiques, la conservation ou la restauration de l'écosystème dans les cours d'eau anthropiques pourrait être une alternative intéressante. Des compromis devraient être examinés si le canal ou son fonctionnement peut être l'une des causes de la dégradation des masses d'eau naturelles (par exemple, modifier le régime d'écoulement naturel). Alors que la reconnaissance de la valeur patrimoniale de certains canaux anciens augmente avec le temps, ces chenaux anthropiques s'intègrent également davantage dans l'écosystème environnant. Par conséquent, l'amélioration et la protection de l'état écologique des canaux historiques pourraient renforcer les fonctions et les services des écosystèmes culturels et naturels qu'ils fournissent. Par exemple, les plans de gestion du canal Rideau (Walker et al 2010) et du Grand Canal (Guo et al 2016) comprennent des objectifs traitant des enjeux culturels et naturels. En Europe, l'obligation d'amélioration de l'environnement a été explicitement étendue par la directive-cadre sur l'eau (DCE, 2000/60 / CE) aux plans d'eau fortement modifiés et artificiels (Clifford et Heffernan 2018).

En conclusion, alors que de nombreuses masses d'eau naturelles sont fragmentés par des barrières artificielles dans les rivières et les ruisseaux, la transition des fonctions et des services fournis par les canaux historiques au fil du temps ouvre des fenêtres pour intégrer la conservation de la biodiversité dans la gestion des canaux. L'amélioration de la biodiversité pourrait également attirer des ressources supplémentaires, qui en même temps contribueraient à mettre un terme à l'abandon et à protéger le patrimoine culturel. L'intégration des canaux historiques dans les paysages naturels et culturels peut poser des problèmes de gestion en raison des lacunes dans les connaissances en matière de réponse écologique, et des conflits et contraintes potentiels dans les contextes socio-économiques et politiques. L'utilisation de processus de prise de décision structurés offre aux décideurs et aux parties prenantes l'occasion d'intégrer plusieurs objectifs et d'évaluer les compromis. Nous soutenons que même dans les canaux pour lesquels les objectifs de gestion excluent le patrimoine naturel, il existe des possibilités de gains de conservation."

Les auteurs soulignent en particulier à propos des canaux n'ayant plus leur usage d'origine : "pour les canaux abandonnés, le manque d'entretien au cours des siècles peut permettre le développement d'étapes de succession matures de haute valeur de conservation, en particulier pour la végétation riveraine et aquatique ainsi que pour les poissons limnophiles et les oiseaux semi-aquatiques, les mammifères et les invertébrés. Par exemple, en Slovaquie, la diversité des macrophytes aquatiques est comparable ou même plus élevée dans certains canaux que dans les eaux naturelles car une faible intensité de gestion permet une succession naturelle et une faible dynamique hydrologique (Dorotovičová, 2013). Néanmoins, des mesures de gestion telles que le maintien du niveau d'eau pendant la sécheresse ou l'élimination d'espèces non indigènes pourraient être nécessaires en fonction du besoin d'espèces d'intérêt pour la conservation (Chester et Robson 2013; Sousa et al 2019a)".

Discussion

Cette analyse confirme ce que de nombreux travaux ont trouvé depuis deux décennies, à mesure que les écologues commencent à s'intéresser aux "nouveaux écosystèmes", c'est-à-dire des milieux créés par des humains mais qui ont été progressivement colonisés par la faune et la flore. Il est remarquable (et nullement étonnant pour les observateurs de terrain) que les ouvrages les plus anciens soient aussi ceux qui hébergent la biodiversité la plus intéressante. C'est précisément ce que notre association explique aux gestionnaires quand des biefs et des étangs sont remis en question voire menacés de destruction, sans même faire une étude de leurs fonctions hydro-écologiques et de leurs peuplements biologiques. 

Nous considérons que les biefs de moulin sont les grands oubliés de la recherche, alors même que les rarissimes travaux les concernant ont pu trouver une haute valeur de conservation (par exemple Sousa et al 2019 sur la moule perlière). Il est indispensable d'élargir les connaissances à leur sujet, au lieu de la politique française aberrante et simpliste qui consiste à assécher ces milieux sans même s'interroger sur leur valeur. Nous avions publié un rapport complet ce sujet, et demandé à l'OFB comme aux conseils scientifiques des agences de l'eau d'intégrer ces points dans les analyses des milieux aquatiques. Jamais nous n'avons eu de réponse. Nous constatons que les chercheurs en écologie considèrent pourtant ces sujets comme d'intérêt. Faut-il penser que l'expertise au service de l'administration française manifeste des biais selon les choix politiques défendus par cette administration? 

Référence : Lin HY et al (2020), On the conservation value of historic canals for aquatic ecosystems, Biological Conservation, 251, 108764

13/10/2020

Les associations de moulins et autres ouvrages hydrauliques doivent évoluer dans leurs missions

La réforme de continuité dite "écologique" a engagé le processus délirant et délétère de destruction massive du maximum d'ouvrages des rivières, au nom d'une vision de la nature sauvage adoptée par certaines administrations hors contrôle démocratique. Derrière la vitrine utile de la "renaturation", il y a aussi la volonté moins avouée de détruire des droits d'eau et usages sociaux pour faire place nette à des acteurs de gestion de l'environnement choisis par la technocratie. Mais si des ouvrages hydrauliques se sont laissés détruire, c'est aussi parce que leurs propriétaires et riverains n'étaient pas assez informés, organisés ni impliqués dans la vie de la rivière. L'administration est forte quand nous sommes faibles. Le moulin, la forge, l'étang, le plan d'eau et tous ces milieux créés dans l'histoire sur le bassin versant doivent répondre à l'évolution importante du droit de l'environnement depuis 30 ans, ainsi qu'aux enjeux et aux pouvoirs de leur temps. On ne peut pas vouloir et vanter la rivière aménagée par l'humain au fil des générations sans s'engager pour défendre et promouvoir cette rivière, ce qui va au delà désormais de la défense d'un patrimoine historique à titre individuel. Les maîtres d'ouvrages hydrauliques sont appelés à devenir des co-gérants de l'eau et de la rivière: c'est ainsi que leurs associations doivent peu à peu redéfinir leurs missions et interventions. 

Les ouvrages de rivières sont souvent des moulins à eau, parfois des forges, des étangs, des plans d'eau, des canaux, des barrages (eau potable, énergie, irrigation, régulation) et tout un petit patrimoine rural témoignant de la valorisation de l'eau par les générations précédentes. La réforme de continuité dite "écologique" a montré que ces ouvrages ne disposent pas, à échelle des bassins versants, d'associations capables de les représenter tous.

Le patrimoine historique défendu au titre de la propriété individuelle ne suffit plus à représenter tous les enjeux

Les associations les plus dynamiques, anciennes et nombreuses sont celles dédiées aux moulins. Beaucoup ont été conçues dans les années 1980-1990 autour du moulin comme patrimoine historique et propriété privée. 

Or, dans les cas où il est trop exclusif, ce centrage est devenu inadapté pour répondre aux enjeux émergents:

- d'une part, les conditions de l'action publique ont changé. Les lois sur l'eau de 1992 et de 2006 ont opéré de profondes réformes dans le droit de l'environnement, en particulier le droit de l'eau. Des dispositions législatives et surtout règlementaires ont renforcé le pouvoir du ministère de l'écologie, des agences de l'eau et des syndicats de rivière. La redéfinition de l'eau comme patrimoine commun a induit de nouvelles dynamiques publiques. Des réalités qui étaient tolérées ou négligées pendant la période de relâchement voire de laxisme des trente glorieuses sont l'objet d'une attention croissante, et cela ne cessera pas vu que l'eau (dans toutes ses dimensions) est considérée par tous comme un enjeu majeur de ce siècle;

- d'autre part, le moulin comme patrimoine historique et propriété privée ne suffit plus à cerner tous les enjeux. Le moulin lui-même définit aussi des milieux au sens écologique (retenue, bief, zones humides) et la gestion du moulin a des effets sur l'eau, ses espèces de lit ou de rive, son régime hydrologique. Au-delà, le moulin est devenu le symbole d'un clivage bien plus large qui est en train de se cristalliser dans la société, savoir si nous voulons le retour d'une rivière sauvage selon l'idéologie naturaliste ayant saisi les administrations de l'eau, ou si nous préférons une rivière aménagée faisant co-exister de manière plus complexe des enjeux écologiques, économiques et sociaux. Dans cet horizon du débat essentiel, le moulin est un ouvrage parmi d'autres aménagements qui, nombreux, témoignent du caractère hybride des milieux aquatiques et humides, formés à la rencontre de la nature, de l'histoire et la société. Il faut penser aussi cette réalité plus globale de la rivière aménagée, et agir en conséquence.

Entendons-nous bien : il ne s'agit pas de nier la valeur éminente du patrimoine hydraulique et le droit (le devoir même) des propriétaires privés de le défendre. Mais ce patrimoine est vivant, il lui faut se projeter dans son siècle. Par ailleurs, la direction de l'eau et de la biodiversité pousse à définir les moulins, forges et autres comme un simple fait culturel et un vestige du passé, déconnectés de l'existence de l'ouvrage en rivière, afin de masquer la réalité : tout ce que ces sites apportent au-delà du patrimoine, et tout ce que l'on peut en faire pour l'avenir... à condition précisément de conserver les ouvrages!

La réforme de continuité dite "écologique", avec son projet inouï de détruire le maximum d'ouvrages devenus de simples "obstacles à l'écoulement" dans le jargon administratif des technocrates, a agi pour beaucoup comme un révélateur brutal de ces évolutions. Elle a aussi montré la grande faiblesse des propriétaires (particuliers, communes) qui ne s'inscrivent pas dans une logique collective, à échelle de chaque site comme de chaque bassin versant. 

Beaucoup d'ouvrages détruits l'ont été car ils étaient isolés, ignorant le droit, ne percevant pas la vision globale des évolutions en cours, alors que les casseurs d'ouvrages étaient évidemment organisés. Et pour cause, ces casseurs ne sont pas des lobbies intégristes de pêcheurs à la mouche ou d'écologistes radicaux, mais des services de l'Etat et de l'administration qui ont adopté dans le domaine des ouvrages les éléments de langage de ces lobbies (ainsi que des arrière-pensées de liquidation des droits d'eau privés et communaux pour faire place nette à des clientèles choisies par l'Etat): DDT-M répercutant les ordres de la direction eau et biodiversité du ministère de l'écologie, experts de l'office français de la biodiversité, fonctionnaires des agences de l'eau et syndicats.

Nous sommes le passé, le présent et le futur de la rivière vivante

Mais la résistance à la réforme ratée de la continuité dite "écologique" a été aussi un déclencheur. Des associations de moulins (pas toutes encore hélas) ont su se transformer pour aller au-delà du patrimoine historique et s'engager pleinement dans le débat démocratique. Des collectifs citoyens et riverains ont émergé spontanément un peu partout pour défendre des sites, voire se les ré-approprier. Des communes ont opposé une fin de non-recevoir à la liquidation de leur cadre de vie. Des associations nouvelles (comme Hydrauxois) sont nées pour adopter une démarche plus transversale de critique des politiques publiques et de redéfinition d'une vision à long terme de la rivière qui ne soit ni le laxisme anti-écologique des trente glorieuses, ni l'approche radicale et parfois sectaire d'un retour à la "nature sauvage". 

Nous ne savons pas comment se terminera la réforme ratée de continuité dite "écologique". Mais nous savons une chose: ce n'est pas uniquement un épiphénomène tenant à quelques hauts fonctionnaires faillis qui ont confondu leur conviction militante avec la conduite de l'Etat (même si cette dérive est une réalité que nous travaillons à mettre demain à l'ordre du jour du débat démocratique...). Il n'y aura pas de "retour en arrière" à la gestion des cours d'eau telle qu'elle se pratiquait voici une ou deux générations — et il faut bien dire que vu la dégradation accélérée de l'eau entre les années 1940 et les années 1980, un tel retour n'est pas souhaitable! 

Pour les associations existantes et celles à naître, cela a plusieurs conséquences. 

Les associations de moulins (quand elles existent) ont vocation à s'étendre à l'ensemble du patrimoine hydraulique (soit directement, soit par des coordinations avec d'autres acteurs), mais surtout à se penser comme des actrices de la rivière, de l'écologie et plus largement du débat démocratique. Cette évolution est indispensable. Tous les propriétaires ne la comprendront pas immédiatement, mais elle est pourtant nécessaire, y compris pour assurer une meilleure protection et une meilleure gestion de chaque site.

Parmi les obligations nouvelles des associations engagées pour co-gérer les rivières, assez différentes de la simple conservation patrimoniale à titre individuel, il y a notamment:

- s'organiser rivière par rivière (au moins les bassins majeurs avec leurs affluents) afin d'avoir le maximum d'adhérents dans les particuliers et communes qui possèdent des ouvrages; chaque rivière a sa cohérence et dans le cas des patrimoines anciens, il existe aussi une cohérence d'implantation qu'il faut redécouvrir;

- se tenir informé des enjeux locaux de l'eau, en particulier les actions du syndicat "GEMAPI" et de l'agence de l'eau, mais aussi de l'histoire locale de l'eau, qui a souvent les clés de son avenir;

- demander à être représenté dans les instances locales de discussion sur l'eau et dans les réunions préfectorales traitant directement ou indirectement de tous les sujets "ouvrages",

- mettre en avant ce que les ouvrages (moulins, forges, étangs, autres) peuvent apporter aux biens communs que sont l'atténuation du changement climatique, la gestion des crues et assecs, la protection de la biodiversité, le développement de l'énergie bas-carbone, l'économie locale et les circuits courts, la valorisation territoriale par le paysage, le patrimoine, la culture, les loisirs,

- informer les élus locaux et parlementaires de la réalité des rivières aménagées,

- travailler à ce que chaque territoire retrouve une autonomie de décision sur ses cadres de vie, à l'encontre de la confiscation par des bureaux lointains à Paris ou Bruxelles. 

Tout cela représente une certaine "révolution culturelle". Et beaucoup de travail. Mais il faut commencer modestement, déjà par la première étape consistant à réunir en association ou en coordination d'associations le plus grand nombre de sites par rivière, pour apprendre à se connaître, expliquer les nouveaux enjeux, échanger sur les besoins, partager les bonnes pratiques... et distribuer les tâches. 

Nous aimons des rivières avec des moulins, des forges, des étangs, des plans d'eau et tant d'autres singularités, nous aimons tous ces héritages mêlés de la nature et de la culture. Mais ce que nous aimons, il nous faut le protéger, le valoriser et le transmettre aux générations futures. Cela passe par un travail collectif ainsi que par une mise en cohérence de nos aspirations et de nos actions. 

11/10/2020

Echec de la réduction des pollutions diffuses en bassin de Seine depuis l'adoption de la DCE 2000 (Bouleau et al 2020)

Une équipe de chercheurs montre que si les nitrates et phosphates ont régressé dans les années 1980 et 1990, les progrès semblent avoir ralenti depuis les années 2000 dans le bassin de Seine. La cause est de moins en moins des pollutions ponctuelles ou l'élevage, mais des sources diffuses, notamment en lien à certaines pratiques de l'agriculture intensive. Par ailleurs, la meilleure prise en compte des pesticides montre qu'ils dégradent la qualité d'au moins 25% des eaux de surface et 61% des eaux souterraines en Seine-Normandie. Un sujet qui préoccupe de plus en plus les citoyens, et qui peut devenir plus problématique pour l'eau potable avec les vagues de sécheresse entraînant une moindre dilution des polluants.

Gabrielle Bouleau et cinq co-auteurs, membres passés ou présents du comité scientifique de l'agence de l'eau Seine-Normandie, analysent dans un numéro spécial de la revue Water Alternatives l'échec de la réduction des pollutions diffuses après l'adoption de la directive cadre sur l'eau (DCE 2000).

Voici le résumé de leur travail :

"Les parties prenantes européennes engagées dans la lutte contre l'eutrophisation de la mer du Nord ont salué trois innovations de la directive-cadre sur l'eau: une approche plus holistique de la qualité, le caractère contraignant des objectifs de la DCE et une plus grande participation du public. Vingt ans plus tard, cependant, il y a eu des progrès décevants dans la réduction de la pollution diffuse. Dans le bassin de la Seine, la présence de l'élevage est faible; pourtant le bassin est soumis à une pollution diffuse importante due à l'agriculture. Cet article rapporte notre étude de ce cas; nous examinons la littérature sur la politique de mise en œuvre de la DCE afin d'identifier les causes physiques et sociales de cette incapacité à réduire la pollution diffuse. Nous montrons que les nitrates, le phosphore et les pesticides qui affectent les eaux souterraines, de surface et marines sont attribuables à des changements structurels dans la production agricole plutôt qu'à des pratiques agricoles inefficaces. Nous décrivons comment une série d'instruments conçus pour lutter contre les origines agricoles diffuses des polluants ont eu peu d'effet. Nous identifions les principaux obstacles à l'amélioration comme étant la dispersion du public ciblé et la dispersion des bénéfices, compte tenu de la nature actuelle de la légitimité dans l'Union européenne. Ce cas illustre le fait que la production agricole intensive a un impact sur la qualité de l'eau bien au-delà du problème de l'excès de fumier provenant de l'élevage."

Le constat est d'abord fait qu'après la régression des nitrates et des phosphates dans les années 1980 et 1990, les progrès ont été ralentis et non accélérés après l'adoption de la directive cadre européenne sur l'eau en 2000. Concernant la charge en phosphates et nitrates, on l'estime à 1000-2000 tonnes par an pour les phosphates, 93 000 tonnes par an pour les nitrates. Dans 82% des cas, la source des nitrates est diffuse et non ponctuelle (dans 50% des cas pour les phosphates). 

Par ailleurs, les pollutions par pesticides sont davantage prises en compte.

Cette image montre par exemple la pollution des captages AEP par les pesticides. La dégradation des aquifères par les pesticides concernent 61% des sites du bassin Seine-Normandie (25% des eaux de surface).


A paramètres constants, l'état chimique des masses d'eau (toutes confondues) avait progressé de 38 à 41% entre 2004 et 2019, ce qui est modeste, mais en incluant la nouvelle obligation de prendre en considération 14 pesticides, le chiffre a chuté à 32%, donc une régression en réalité, quand on affine les mesures. Encore cette estimation est-elle conservatrice : la DCE obligeait à suivre 5 pesticides jusqu'en 2012, puis 14 pesticides, mais il y a plusieurs centaines de principes actifs à effets toxiques qui circulent dans les eaux. Pas uniquement issus de l'agriculture au demeurant (polluants médicamenteux, industriels, domestiques).

La conclusion des auteurs :

"Le bassin de la Seine a bénéficié d'objectifs ambitieux au niveau national, d'une réduction réussie de la pollution ponctuelle et d'une compréhension scientifique de la dynamique du bassin. Des mécanismes de contrôle plus stricts pour l'utilisation d'engrais sont mis en œuvre au niveau des exploitations en vertu de la directive sur les nitrates et de la politique agricole commune (Commission européenne, 2019d: 148). Les condamnations pendantes de la France pour non-respect de la directive sur les nitrates ont conduit les experts gouvernementaux à suggérer le transfert du système wallon Nitrawal, qui rend obligatoire la mesure des résidus d'azote dans le sol et prévoit des sanctions en cas d'excédents (Barthod et al. ., 2019); grâce à ce système, l'administration agricole deviendrait responsable des nitrates. Une telle mise en œuvre réussie de la directive sur les nitrates marquerait néanmoins un retour à une approche plus sectorielle et moins holistique; il est également trompeur de se concentrer uniquement sur les rejets existants de nitrates. L'abandon de l'élevage extensif dans les prairies ouvre une voie à l'urbanisation et à l'intensification agricole; cela entraînerait la régression des zones humides et des prairies, qui représentent une grande partie des nitrates évités du bassin. De plus, si seul le problème des nitrates était résolu, la pollution par les pesticides et les phosphates continuerait. Compte tenu du temps de séjour de ces substances toxiques dans les eaux souterraines, la tolérance politique actuelle de ces rejets est susceptible d'entraîner des coûts supplémentaires pour la production d'eau potable et la protection des écosystèmes à l'avenir. Cependant, la préoccupation du public pour la qualité des eaux souterraines est restée faible jusqu'à présent. Avec le changement climatique, de plus en plus de communes de France sont confrontées à des pénuries estivales d'eau potable. Si la concentration de pesticides ou de nitrates augmente alors que la dilution devient plus difficile, on peut s'attendre à une plus grande implication du public dans la question. Eau de Paris, le service public d'eau qui approvisionne la région parisienne en eau potable, a récemment commencé à tenter de répondre à ces problèmes en proposant des contrats préférentiels aux agriculteurs qui se convertissent à l'agriculture biologique".

Référence : Bouleau G et al (2020), Despite great expectations in the Seine River Basin, the WFD did not reduce diffuse pollution, Water Alternatives, 13, 3, 534-555