11/01/2019

Pêche commerciale et pêche de loisir du saumon dans l'Adour et les Gaves

A l'occasion de "l'année du saumon" en 2019, l'association pyrénéenne Salmo Tierra - Salva Tierra lance une pétition pour interdire sa pêche commerciale aux filets dérivants au niveau des estuaires du bassin Adour-Garonne. Elle rappelle que 50 millions € ont déjà été dépensés pour favoriser la migration des saumons, qui sont donc simultanément protégés et exploités avec l'aval de l'Etat. Ce qui est peu audible pour ceux à qui on demande des efforts coûteux, notamment les propriétaires des barrages et moulins, ou les riverains voyant disparaître certains sites appréciés au nom du saumon. Cette pétition concerne la pêche commerciale, mais pas la pêche de loisir, qui pose pourtant question lorsqu'elle s'exerce sur des espèces menacées, même en "no kill".  



Extraits de la pétition : 

"Le saumon sauvage de l'Atlantique a été décimé par une multitude d'agressions : les barrages, la pollution, la dégradation du lit des rivières, la surpêche en mer et en rivière, l'explosion des parasites liée à l'aquaculture, et maintenant le réchauffement climatique.

Les stocks s'amenuisent, l'espèce est déjà en voie d'extinction comme pour les axes Garonne-Dordogne, Loire-Allier, la Seine, ou encore le bassin Rhin-Meuse ... où la pêche professionnelle aura été interdite trop tard.

Alors que les saumons du bassin de l'Adour et des Gaves sont menacés de disparition prochaine, alors que 50 millions d’euros ont été investis pour faciliter leur remontée, l'Adour est la seule rivière en France et l'une des dernières d’Europe et dans le monde où est encore autorisée leur pêche aux filets dérivants, les empêchant d’atteindre leurs rivières natales pyrénéennes et de s’y reproduire.

Depuis déjà bien longtemps, tous les pays de l’atlantique-nord concernés ont interdit la pêche professionnelle et la commercialisation du saumon sauvage. 

La France s’honorerait en 2019, année internationale du saumon, à s’engager définitivement dans la protection de ce poisson-roi, emblématique de la biodiversité, qui pourrait ainsi pour tous les territoires du bassin de l’Adour, de ses vallées et de ses gaves, en redevenir le héros."

Lien vers la pétition 

Remarques sur la pétition
Le bassin Loire-allier a déjà interdit la pêche de loisir du saumon pour en préserver le stock migrateur et reproducteur : la demande de Salmo Tierra - Salva Tierra ne concerne pas cette prédation-là. Et pour cause, la présentation de cette association précise : "Pour la reconquête de nos rivières, Le saumon sera notre emblème. De l’océan nourricier aux frayères secrètes de nos Pyrénées, nous le voulons rétabli dans son abondance, symbole de gaves qui portent le rire des enfants à la baignade, le vagabondage des canoës au fil de l’eau, les repas de famille sur les berges accueillantes et la passion des pêcheurs pour le poisson roi, pour sa beauté, sa combativité, son insolence, son imprévisibilité."

Chacun est libre de ses positions en démocratie. Mais la confusion entretenue d'un discours halieutique et d'un discours écologique produit une mauvaise information pour les citoyens et le débat. On demande de dépenser de l'argent public pour un enjeu qui répond à des usages : pourquoi pas, il faut l'assumer et l'argumenter, pas juste brandir le mot "écologie" comme sésame. 

Cet extrait d'un forum de passionnés du saumon (adresse de la source) montre que certains sont sensibles au problème :



Moins de 10% des saumons attrapés par les pêcheurs de loisir sont remis à l'eau dans les Gaves, selon les chiffres donnés dans les bulletins internes de ces pêcheurs. Encore cela ne tient-il pas compte du braconnage, des pêches accidentelles, et cela n'intègre pas les problèmes que pose aussi le no-kill (blessures, contaminations, acceptabilité sociale d'une souffrance animale infligée pour le plaisir, sans besoin alimentaire ni vocation économique).

L'écologie des rivières a d'innombrables enjeux et la focalisation avec arrière-pensée sur le saumon comme symbole peut aussi conduire à des choix dont le bilan coût-efficacité est mauvais et l'acceptabilité sociale problématique (cf les réflexions des écologues américains à ce sujet, cf le cas du saumon de Loire-Allier). Il convient donc de mettre à plat les attentes, les positions et les impacts de l'ensemble des acteurs. C'est le rôle de l'Etat, à condition que celui-ci soit impartial, notamment que son agence en charge de la biodiversité coupe ses liens organiques et sa complaisance avec le monde des pêcheurs de salmonidés.

2 commentaires:

  1. "C'est le rôle de l'Etat, à condition que celui-ci soit impartial, notamment que son agence en charge de la biodiversité coupe ses liens organiques et sa complaisance avec le monde des pêcheurs de salmonidés."
    Oui sur le fond mais votre postulat est faux et votre impartialité tout aussi contestable: l'AFB n'a pas de voix décisionnelle au COGEPOMI Adour (cf page 6 et 7 du PLAGEPOMI). La remise en état du milieu devient urgente si on veut obtenir des résultats sensibles et cela ne se mesure pas qu'en millions d'euros mais en efficacité des mesures: actuellement la moitié des juvéniles du bassin sont produits sur quelques kilomètres du Gave d'Ossau, soulignant de graves dysfonctionnements, liés d'abord à la continuité et au transit sédimentaire, que vous le vouliez ou non... Ce volet étant bien sûr étranger au COGEPOMI.

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    1. Quel postulat "faux"? Qu'il existe des liens institutionnels et humains historiques entre l'AFB et la pêche? Cela se lit de manière très claire dans la trajectoire des institutions (CSP->Onema->AFB) tout comme dans l'analyse de la place du poisson (de certains poissons) dans les travaux de ces institutions sur la biodiversité aquatique. Pour le dire autrement, s'il n'existait pas une activité humaine (la pêche), le poisson migrateur et en particulier les salmonidés occuperaient-ils leur place actuelle dans les évaluations écologiques de milieux et dans les financements publics? On peut en douter, pas seulement en France puisque les mêmes causes produisent les mêmes effets aux USA, Canada, nord de l'Europe etc.

      Après, que des rivières exploitées et fragmentées par l'homme soient moins favorables au cycle des poissons migrateurs, c'est assez solidement attesté. Aussi solidement des milieux terrestres exploités et fragmentés par l'homme (pour faire des villes, des champs, des pâtures, des routes, des chemins de fer...) n'auront pas non plus la diversité qu'ils avaient avant ces usages.

      Il n'y a pas de raison a priori que la trame bleue se déploie sous l'angle d'une "renaturation" visant à supprimer les usages humains de l'eau quand la trame verte se déploie sous l'angle d'une co-évolution acceptant que des usages humains modifient les sols. En tout cas, il n'y a pas de raison que cela soit le cas sous l'effet d'un choix essentiellement administratif et non pas de débats publics clairs au niveau du parlement comme des collectivités, des comités de bassin, des commissions locales de l'eau, etc. avec une représentation correcte des riverains et de leurs différentes associations.

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