09/05/2019

La continuité des rivières ne sera pas apaisée: tolérance zéro pour les casseurs et harceleurs d'ouvrages hydrauliques

Le ministère de la Transition écologique et solidaire vient de publier la circulaire d'application du plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique. Le texte ne répond à aucune de nos requêtes élémentaires, et il comporte des reculs pour les rivières classées liste 1 ou grands migrateurs. Mais peu nous importe ces ratiocinations de hauts fonctionnaires refusant d'admettre la faillite de leur réforme, peu nous importe leurs manipulations incessantes, il faut désormais aller à l'essentiel : la loi n'a jamais prévu ni couvert les dérives visant à casser des moulins, à empêcher leur équipement énergétique ou à soi-disant "renaturer" des rivières à la pelleteuse. L'association Hydrauxois appelle donc à développer la seule réponse efficace : tolérance zéro pour les casseurs et les harceleurs d'ouvrages hydrauliques, plainte systématique contre tout acte administratif qui s'écarte de la loi. Protégeons, équipons, transmettons les ouvrages des rivières ; mobilisons-nous ensemble sur chacun de ces ouvrages contre ceux qui voudraient nous en empêcher. 




Rappelons en préambule les convictions ayant présidé à la naissance de notre association : le harcèlement en vue de la destruction systématique des moulins, des étangs, des canaux, des biefs et du patrimoine hydraulique des rivières françaises est une dérive grave de l'administration de l'Etat français. Nous y voyons un scandale politique, une erreur écologique, une faute morale. Nous n'y accordons en conséquence aucune espèce de légitimité quand cette politique est le fait d'une administration centrale non élue et s'arrogeant des pouvoirs exorbitants. 

Alors que les députés et sénateurs, seuls représentants élus de la volonté générale, ont demandé d'aménager certains ouvrages impactant les poissons migrateurs et les sédiments tout en respectant le patrimoine, une fraction des fonctionnaires de l'administration centrale du ministère de l'écologie, de certaines administrations territoriales et de certains établissement publics administratifs a estimé au cours des années 2000 qu'elle avait l'opportunité d'imposer par la pression réglementaire son idéologie de la "renaturation" des rivières impliquant la destruction de divers héritages et paysages, dont les moulins, forges, étangs. Or non seulement cette vision de l'écologie aquatique est contestable et contestée, mais ce coup de force interne de l'administration n'a pas de réelle base légale : il ne tient qu'à l'interprétation abusive et excessive des lois dans la réglementation d'une part, à l'intimidation des personnes et des élus locaux par les services des préfectures d'autre part. 

Les deux dérives les plus couramment observées sont les suivantes :
  • des pressions et financements en vue de casser les ouvrages au lieu de les gérer, équiper, entretenir,
  • des pressions et harcèlements en vue d'empêcher la relance hydro-électrique des ouvrages par des demandes disproportionnées.
Face aux innombrables critiques de cette continuité écologique agressive et punitive depuis le classement des rivières de 2011-2012, Ségolène Royal avait demandé aux préfets en 2015 de cesser toute destruction de site. Le ministère de l'écologie a été obligé de réagir suite au 2e rapport du CGEDD en 2017, qui pointait (comme le premier en 2012) de graves dysfonctionnements de la réforme. Nicolas Hulot puis François de Rugy ont tenté de calmer ces critiques par une session spéciale de discussion au sein du programme du Comité national de l'eau.

L'association Hydrauxois, non invitée au Comité national de l'eau, avait posé dans un courrier trois conditions simples pour une continuité apaisée :
  • l'administration de l'eau est tenue de reconnaître la pleine légitimité des ouvrages autorisés,
  • l'administration de l'eau est tenue de chercher des solutions de gestion, équipement, entretien prévues dans la loi,
  • les financements publics doivent être dirigés vers l'exécution de la loi, et non vers des solutions que la loi ne prévoit pas, comme les destructions et les "renaturations".
C'est le respect de l'esprit et de la lettre des lois, sans même avoir à débattre de nos nombreux désaccords de fond sur l'état et sur l'avenir des rivières françaises.

Ces conditions, simples et claires, ne sont pas remplies dans le plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique ni surtout dans la circulaire d'application (NOR : TREL1904749N) du 30 avril 2019 venant de paraître.

La lecture de la circulaire permet en effet de constater que :
  • l'administration de l'eau a ajouté de la complexité et non de la clarté,
  • l'administration de l'eau a nié tout problème de fond, se contentant de se plaindre de quelques retards d'exécution,
  • l'administration de l'eau persiste dans l'idéologie dogmatique de la "renaturation" des rivières reposant sur des présupposés non partagés par les citoyens et sur une rationalité écologique plus que douteuse,
  • l'administration de l'eau veut toujours écarter et contraindre les propriétaires d'ouvrage hydraulique au lieu de fonder la politique de continuité sur la base de leur consentement et de leur consultation dans toutes les instances où l'on parle des ouvrages,
  • l'administration  de l'eau veut toujours ignorer les riverains, car elle sait combien sa politique coûteuse d'élimination des canaux, des retenues, des plans d'eau et du petit patrimoine manque de soutien chez les citoyens,  
  • l'administration  de l'eau refuse la révision du classement opaque et non scientifique des rivières fait en 2011-2012 (alors que la loi prévoit cette révision),
  • l'administration de l'eau est incapable de définir une base scientifique, objective, partagée de priorisation des ouvrages hydrauliques qui poseraient des problèmes de continuité, renvoyant cela aux mêmes acteurs qui ont déjà failli dans le classement de 2011-2012,
  • l'administration de l'eau persiste à accorder un poids démesuré à des lobbies en marge de l'appareil administratif central et territorial, en particulier le lobby de la pêche qui poursuit à travers la continuité les intérêts d'une partie de ses pratiquants,
  • l'administration de l'eau entend sinon interdire (ce qui est illégal) du moins compliquer au maximum toute relance énergétique d'ouvrages existants en rivière liste 1 et en rivière à grands migrateurs en général,
  • l'administration de l'eau refuse de donner priorité à la lutte contre les pollutions de l'eau et des bassins versants comme à la baisse des émissions carbone en prévention du changement climatique.
En conséquence, l'association Hydrauxois ne reconnaît aucune valeur, aucune légitimité, aucune autorité à cette circulaire d'exécution  du plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique. 

Les fonctionnaires de l'eau feront ce qu'ils veulent de ce texte : cela ne nous concerne plus vraiment. Nous engagerons en revanche des contentieux systématiques contre ces fonctionnaires dans les conditions précisées ci-dessous. Et nous demandons à chaque propriétaire, à chaque association, de bien comprendre que ce recours en justice doit désormais devenir la norme, et plus l'exception.


Il existait une opportunité pour réviser la réforme complètement ratée de continuité écologique et restaurer la confiance. Cette opportunité a été manquée car l'administration de l'eau et de la biodiversité persiste dans ses dogmes sans écouter ce que disent les citoyens depuis 10 ans. Les fédérations de moulins et riverains ayant participé aux échanges ont pu constater comment ils se déroulaient: aucune écoute des objections, aucune reprise des propositions essentielles, ajout incessant de nouvelles dispositions quand le but officiel était de simplifier, modérer et apaiser les dispositions existantes.

Nous ne sommes pas surpris : l'action publique en France est en pleine crise d'un centralisme autoritaire de plus en plus rejeté dans les territoires ; l'action publique en écologie est tout particulièrement confuse, coûteuse et souvent inefficace.

Cela étant dit, derrière ses montagnes de bavardages dilatoires n'intéressant plus qu'elle, la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de l'écologie essaie toujours de nier trois évidences:
  • aucune loi n'a exigé la destruction d'un ouvrage hydraulique, 
  • aucune loi n'a interdit l'équipement hydro-électrique d'un ouvrage,
  • aucune loi n'a demandé que les rivières redeviennent "sauvages" ou conformes à un état antérieur et disparu de la nature.
Tout au contraire, les lois françaises, les directives européennes, les jurisprudences supérieures des cours de justice font de l'énergie hydro-électrique un enjeu d'intérêt général, elles posent le respect de la propriété comme droit fondamental, elles considèrent les ouvrages autorisés comme des aménagements à l'existence légitime, elles intègrent ces ouvrages dans la gestion équilibrée et durable de l'eau. L'administration du ministère de l'écologie a été régulièrement condamnée pour ses abus de pouvoir face aux moulins et autres ouvrages hydrauliques, encore deux fois récemment par le conseil d'Etat, en l'espace d'un mois (voir moulin du Boeuf, voir commune de Berdoues). Quand la plus haute juridiction du droit administratif condamne les agissements du gouvernement, c'est qu'il y a un problème manifeste dans la conduite des politiques publiques.

Partant de ce que disent réellement les lois françaises et les directives européennes, il convient de cesser désormais de tourner autour du pot et d'aller à l'essentiel :
  • tout fonctionnaire qui vous propose de détruire un ouvrage autorisé commet un abus de pouvoir, cela doit être dénoncé à la justice, nous vous y aiderons ;
  • tout fonctionnaire qui entrave l'équipement hydro-électrique de votre ouvrage autorisé par des procédures disproportionnées (débit minimum biologique irréaliste, infranchissabilité supposée du seuil, demandes techniques insolvables, etc.) commet un abus de pouvoir, cela doit être dénoncé à la justice, nous vous y aiderons ;
  • tout fonctionnaire qui promulgue un texte opposable visant à encourager sans discernement la destruction d'ouvrage ou à décourager son équipement hydro-électrique commet un abus de pouvoir, cela doit être dénoncé à la justice, nous vous y aiderons.
Il en va de même pour des représentants du lobby pêche quand ils s'expriment par la voie d'associations ou fédérations d'agrément public, à ce titre tenues à certaines obligations, comme pour des représentants de syndicats de rivière.

Pour l'avenir, nous appelons les fédérations nationales moulins-riverains-étangs à acter cet échec de la "continuité apaisée", de manière unitaire et forte, afin que le gouvernement ne puisse indûment prétendre que les problèmes ont été résolus, et endormir ainsi la vigilance parlementaire ou judiciaire dans le contrôle de l'action publique.

Nous appelons par ailleurs l'ensemble des propriétaires et riverains, de leurs associations et de leurs collectifs à accomplir leurs devoirs et à protéger leurs droits :
  • en attaquant en justice l'administration partout où c'est nécessaire pour rétablir la loi ou pour obtenir des jurisprudences favorables,
  • en saisissant très régulièrement les parlementaires pour leur faire constater les troubles, pour leur demander d'interpeller le ministre de l'écologie, pour faire évoluer les lois afin de couper court à leur travestissement permanent par l'administration de l'eau et de la biodiversité,
  • en continuant à entretenir leurs biens, à veiller aux équilibres locaux du vivant, à équiper leurs ouvrages en énergie propre et bas carbone.
Nous présenterons à l'occasion de nos prochaines rencontres annuelles (27-28 juillet, château Sully, Saône-et-Loire) ce programme de tolérance zéro pour les casseurs et les harceleurs.

Nous invitons bien sûr tous les cadres associatifs à venir échanger à cette occasion. Nous décomposerons chaque cas de figure d'oppression administrative et chaque moyen d'y répondre. Il est clair à nos yeux que le défaut d'information, d'efficacité et de "systématicité" dans la réponse à l'administration (ou aux lobbies que cette administration soutient) explique le retard de l'abandon définitif des dérives actuelles de restauration de continuité écologique. Il faut donc y pallier ensemble afin que chaque abus de pouvoir donne désormais lieu à une réponse rapide, efficace et homogène sur tous les bassins.

En bientôt dix ans d'expérience associative, nous avons appris une chose : la peur, le renoncement, l'isolement sont nos vrais adversaires ; l'unité, l'engagement et la solidarité sont les seules réponses.

Quelque menace qu'adressent des administrations à la dérive, quelque hargne que propagent des lobbies sectaires et intolérants, quelque manipulation que diffusent des "sachants" payés à savoir comme l'ordonnent ceux qui les paient, et quoiqu'il nous en coûte, nous ne reculerons pas. Nous défendrons, valoriserons et transmettrons aux générations futures les ouvrages de nos rivières. Le reste est accessoire.

26 commentaires:

  1. Et ce brave Claude Miqueu qui a fait ce qu'il pouvait pour répondre aux voeux de ses amis hydro-électriciens... on ne peut pas dire qu'il soit payé de retour avec le courrier envoyé par les amis des moulins ! que le voilà mal récompensé !

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    1. L'hydro-électricité n'a pas besoin de M. Miqueu pour être défendue, sa promotion est inscrite dans la loi française et dans la loi européenne. Notamment la nouvelle directive UE 2018 qui fait obligation aux administrations des Etats-membres d'en accélérer les procédures, y compris en autoconsommation, y compris en petite puissance.

      Toutes les nations européennes mobilisent l'énergie hydraulique, petite et grande, pour satisfaire leurs obligations nées de l'Accord de Paris et des objectifs carbone posés par l'Union. Le retard de leurs gouvernements vaut des contentieux "climat" en nombre croissant. Il en va de même pour les retards sur les pollutions de l'eau, premier objectif de la DCE 2000.

      Les textes de la DEB ne changent pas les données de fond, ne transforment pas une impasse en succès et ne tiendront pas éternellement face aux réalités.

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  2. "nous demandons à chaque propriétaire, à chaque association, de bien comprendre que ce recours en justice doit désormais devenir la norme, et plus l'exception."

    Enfin ce qui doit être fait est exprimé clairement : plainte au pénal en direction des fonctionnaires et des hauts fonctionnaires de la Direction de l'eau pour prévarication et harcèlement systématique des propriétaires de moulins et de centrales hydroélectriques sans base légale. La LEMA et en particulier son article 6 créant les articles L 214-17 et L 214-18 du code de l'environnement n'ont pas de base légale. Ce qui est exprimé différemment ci-dessus.
    IL faut en plus souligner que la DCE s'applique et s'impose à tous les états de la Communauté européenne pour tous les cours d'eau situés en dehors de frontières de la France. Un même cours d'eau est ainsi traité différemment en Espagne et en France, en Allemagne et en Italie !

    CYRANO DE BERGERAC

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    1. Au pénal cela reste difficile, si néanmoins vous pouvez caractériser une situation de harcèlement, cela se tente. Idem pour un dol (perte de droit d'eau arrachée avec mauvaise information viciant le consentement par tromperie volontaire, par exemple).

      Rendez-vous les 27-28 juillet pour faire le point juridique et définir chaque occasion / mécanisme de plainte.

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  3. Déjà que vous ne faisiez plus peur à grand monde à part quelques DDT frileuses ou e sous effectif, encore un peu et vous ne ferez plus peur à personne.

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    1. Nous invitons les associations de moulins et riverains à venir assister à nos rencontres des 27-28 juillet : très peu d'effacements sur des rivières où l'agence de l'eau débloquait pourtant des millions €, des procès en cours aux casseurs indélicats, une réputation déplorable pour les petits chefs opportunistes qui déblatèrent n'importe quoi sur l'état des rivières et les bienfaits de la continuité, plusieurs projets hydro-électriques en cours.

      Quant aux DDT-M en sous-effectif, Rugy fait de belles déclarations mais sa générosité ne va pas jusqu'à démultiplier le personnel en charge de l'eau et de la biodiversité. Dommage pour eux, avec une tutelle aussi déplorable, leur boulot ne va devenir ni plus agréable ni plus simple. Mais Rugy devrait avoir d'autres soucis que ses cadeaux à votre lobby pêche (et chasse) : l'état chimique DCE des rivières qui n'est pas bon, l'engagement carbone de la France qui n'est pas bon, les mesures énergie qui mettent le feu aux territoires, les promesses mirobolantes qu'il ne sait pas financer...

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  4. Bonjour

    Il y a des points positifs dans cette circulaire.

    Il est dit noir sur blanc que les seuils doivent servir à la production d'hydro-électricité, notamment en rivière non classée et en liste 2 : déjà encourager l'équipement sur ces rivières.

    Sur les listes 1, ils ne sont pas chauds pour la production : mais ils ne peuvent pas l'empêcher donc en effet, quelques procès contre des services qui font du zèle, le conseil d'état dira qu'il ne faut pas abuser, et cela ira bien mieux ensuite.

    600 ouvrages traités par an, c'est moins de 10 par départements, là dedans ils mettent les buses et les petits barrages agricoles des années 1960 : autant dire qu'ils sont bien minables, et qu'ils n'arriveront jamais à leurs objectifs. Leur réforme ne marche pas.

    La destruction, ils ont eu des gens par surprise, mais c'est de plus en plus dur depuis que l'info circule et que les cas faciles ont été traités. Donc ils préfèrent ne plus employer le mot et la circulaire peut être interprétée comme ça : on va mettre en avant d'autres options. Bah ouais, mettez d'autres options et allongez le pognon les cocos, sinon ciao.

    Quant à leur pages et leurs pages de mots imbittables, c'est pour dire que les fonctionnaires vont faire plein de réunions. Ils ne savent déjà faire que ça, qu'ils réunionnent donc.

    Leur classement de priorité sera annulé s'il crée une inégalité devant la loi en finançant Paul sans financer Pierre alors que la loi ne le prévoit pas. Déjà aujourd'hui, ils ont payé des passes pour certains, va falloir qu'ils paient pour tous.

    Face à ce bon gros bordel géré comme savent le faire nos énarques, députés et sénateurs ne vont pas rester inactifs.

    Je vais d'ailleurs écrire de ce pas aux miens, faites tous de même. Nos élus, c'est eux. Les lois, c'est eux. Les autres, c'est des exécutants, ils ont même le devoir de la boucler en exécutant.

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    1. "fonctionnaire" n'est pas un métier, mais un statut (que vous souhaiteriez peut-être voire disparaître à en croire le mépris que vous manifestez). Le métier des personnes que vous évoquez, qu'ils travaillent au sein des services de l'Etat ou des établissements publics, n'est pas celui d'"exécutant". Ils ont un rôle d'interprétation des normes nécessitant en principe des compétences techniques et juridiques, ils ont un rôle de médiation entre les mondes politique, industriel, associatif, particulier, etc. Cette position de médiation laisse théoriquement une marge de manoeuvre, qui peut conduire à des dérives. Elle me semble assez mince étant donné la reprise en main très forte des préfets sur les services déconcentrés (ou celles des chefs de service au profil de manager). Et le contentieux est là pour le rappeler bien sûr, Hydrauxois en sait quelquechose. Il n'échappe à personne que le droit de l'environnement est très peu appliqué en France. Vos amis, et peut-être vous-mêmes, qui êtes propriétaires de moulins sur des rivières anciennement classées (L. 432-6) le savez bien. Cela est vrai aussi dans tous les autres domaines. L'instrument réglementaire s'efface au profit d'instrument de régulation "économique" (comme par exemple les redevances modulées en fonction des types de solution technique pour "restaurer la continuité écologique"). Beaucoup de "fonctionnaires" censés mettre en œuvre la réglementation voient ainsi leur métier se vider de sa substance, car il devient une simple formalité administrative. Ces fonctionnaires que vous méprisez sont aussi mis en grande difficulté, voire connaissent des situations de souffrance au travail pour un nombre non négligeable.

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    2. L'expression est libre ici, restons tous courtois autant que possible et ne blessons pas inutilement les lecteurs.

      Juste deux remarques rapides.

      Sur le droit de l'environnement : ceux qui veulent imposer son caractère dit "non régressif" nous enferment dans l'impasse. Tout droit peut évoluer dans une démocratie (c'est un principe général), si une mesure provoque des troubles manifestes ou des échecs patents, elle ne saurait être sacralisée et elle doit être révisée. Nous avons besoin de faire évoluer ces questions dans un sens moins conflictuel et moins fétichiste. Si vous dites que le droit de l'environnement est mal appliqué, il ne faut donc pas forcément en déduire que l'administré est mauvais, il faut aussi poser l'hypothèse que le droit est mal conçu, et doit être revu. Quand on a par exemple 150 ans de difficultés à faire poser des échelles à poissons (car la loi de 1865 a eu des problèmes d'exécution avant celle de 1984), il faut se poser des questions sur l'opportunité de répéter encore et toujours la même chose. Surtout quand la même observation se répète de 1866 à 2019, et qu'elle a une solution très simple (c'est cher, c'est d'intérêt général, la collectivité paie). On refuse cette évolution à la DEB car on veut en réalité autre chose que faire passer un peu mieux un poisson, mais cette autre chose n'a aucune base démocratique réelle (allez faire voter aux parlementaires une loi explicite de destruction des moulins, et on en reparle).

      Sur la difficulté d'application du droit et sur les fonctionnaires : la taille du journal officiel est en croissance régulière depuis 40 ans, il y a des dizaines de milliers de lois et davantage encore de réglements, le droit de l'environnement en particulier ne cesse de s'enrichir car chaque législature veut y apporter des choses et l'Europe n'est pas en reste. Il est inévitable que cette manie normative produise des blocages et des surmenages. Ce problème de fond de nos institutions doit être apuré, car les citoyens finiront par ne plus respecter le droit si ce droit en vient à enserrer chaque détail de leur vie personnelle et professionnelle dans une multitude de préceptes (parfois contradictoires) qu'aucun être normalement constitué ne peut raisonnablement connaître. Par ailleurs, cette bureaucratisation de la vie renforce en général l'animosité contre les pouvoirs bureaucratiques, il y a eu une abondante littérature (et des expériences grandeur nature...) sur cela. De fait, le fonctionnaire est transformé en exécutant de dispositions sans cesse plus nombreuses qu'il na pas le temps d'analyser, d'expliquer, d'adapter au terrain etc. Cette gouvernance-là est en crise majeure en France.

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    3. Anonyme du 09/05/2019 à 22h1710 mai 2019 à 08:08

      Bonjour,

      je vous rejoins en grande partie, en particulier sur le phénomène de bureaucratisation. Je pense que le personnel des services de l'Etat est pris dans un étau intenable sur le sujet de la continuité. D'un côté, on vide leur métier de leur compétence en interne, on réduit toujours plus leur possibilité d'aller sur le terrain et dans les archives (tout cela est externalisé), et de fait, ils sont dépossédés de la dimension technico-juridique de leur métier, qui se réduit toujours plus à sa dimension purement bureaucratique. Pour les plus convaincus d'entre eux, les "fonctionnaires militants" comme vous les appelez, ils se heurtent aux arbitrages préfectoraux défavorables, choc d'autant plus "violent" que la révision de classement de cours d'eau et le très (trop) important linéaire classé en liste 2 leur a fait croire qu'ils étaient en position de force, et soutenu par le pouvoir politique.

      D'un autre côté, les opposants à la politique de restauration de la continuité écologique cherchent à les disqualifier, en les taxant de "bureaucrates", "technocrates", faisant ainsi écho à la rhétorique néolibérale ayant mis en pièce ce qu'il est convenu d'appeler l'Etat providence, etc. Et force est de constater que c'est bien le chemin qu'ils prennent irréversiblement, s'ils ne s'élèvent pas contre les réformes de l'Etat.

      Pourtant, que je parcours le forum de la petite hydroélectricité, quand je vois les questions que se posent les contributeurs (question de nature technique, juridique, etc.), je me dis que les services de l'Etat et propriétaires de moulins pourraient rentrer dans un dialogue extrêmement intéressant et stimulant pour les deux parties. Le font-ils dans certains départements? Peut-être.

      Il y a malgré tout le problème des "effets cumulés", particulièrement problématique sur les cours d'eau à amphi-halins. Là, je peine à imaginer un chemin "apaisé", car d'un côté la volonté est forte de faire baisser le nombre de seuils mais la réglementation ne l'autorise pas, de l'autre les propriétaires de moulins ont des droits, apprennent toujours plus à les défendre, et revendiquent légitimement un autre modèle de rivière.

      Pour revenir à l'objet principal de ce post, je pense que la circulaire va exaspérer bon nombre de personnes dans les services de l'Etat. Encore une énième priorisation, avec tous les écueils que cela comporte et que vous soulignez. Encore cette idée naïve qu'en justifiant toujours plus techniquement les choix, les conflits trouveront une issue. Et toujours ces phrases alambiquées, où d'un côté on gonfle les muscles et on fait croire à son adversaire qu'on est déterminé, armé, et qu'on va cibler cette puissance pour en découpler les effets. Et de l'autre, les phrases tout aussi alambiquées où on est bien obligé d'admettre que le droit ne peut pas tout, et que sur la liste 1, si vraiment des porteurs de projets veulent produire de l'hydroélectricité, ils le pourront... mais attention hein, on sera très exigent! Le juge de paix sera économique et politique.

      Votre site internet a des beaux jours devant lui... mais je ne suis pas certain que cela est de nature à vous réjouir.

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    4. Nous somme en effet d'accord sur pas mal de points.

      En général quand nous ciblons le "bureaucrate", il faudrait lire en mode complet quelque chose comme (si le bureaucrate est public, car il y a aussi des bureaucrates privés) : le fonctionnaire jacobin persuadé que la société est naturellement faite pour être guidée par son Etat et que la bonne gouvernance est en mode vertical-autoritaire avec des "éclairés" qui décident entre eux et qui appliquent ensuite sur le terrain, par la contrainte si nécessaire. Mais... c'est un peu long ! Nous apprécions l'autonomie sociale et démocratique, ce qui n'est pas trop compatible avec des modes étatiques centralisés. Ni avec des organes administratifs représentant mal les citoyens (comme les comités de bassin). Mais la démocratie locale et participative commence à devenir un enjeu, ne désespérons pas.

      Le "fonctionnaire militant", c'est à rapprocher du livre de Christian Lévêque, il y a l'écologie comme science, comme gestion, comme idéologie, certains sautent d'un registre à l'autre sans bien réfléchir à la frontière.

      Inversement, qu'il existe des services publics au sens de personnes payées par la société pour accomplir des tâches d'intérêt général et pour gérer des biens communs, c'est tout à fait normal dans une société moderne (même ancienne déjà). Il peut y avoir débat sur le statut, le périmètre, le budget de ces services publics, bien sûr. Pour l'eau, on devrait pouvoir s'accorder sur un bassin... mais si possible en partant depuis le bassin comme primo-réflexion, pas depuis la DCE qui dit à la loi quoi faire qui dit au SDAGE quoi faire qui dit au syndicat quoi faire avec son budget et ses interventions fléchés !

      Faire passer les amphihalins sur des axes ne pose pas problème en soi : c'est la méthode qui est en jeu.

      Si l'objectif est "en faire passer un certain nombre pour a minima éviter l'extinction", pas de problème particulier, quasi-consensus même chez les moulins ou probablement hydro-électriciens. Si l'objectif est "en faire passer le maximum en revenant à des conditions les plus proches de la naturalité", il y a problème. A quoi bon se raidir pour la "victoire" d'une idée sur une autre, quand on pourrait admettre le compromis? De notre point de vue, les partisans de la "naturalité" ont tort quand ils font la promotion d'une sorte de nature retrouvée en cachant au public ou en se cachant à eux-mêmes (par filtre d'informations dissonantes cognitivement) que la nature de l'Anthropocène est déjà complètement bouleversée, que c'est peu réversible et que e n'est que le début (climat, exotiques et invasives rebattant les cartes, pression démographique encore en hausse sur au moins un demi-siècle, etc.)

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  5. Depuis 1964, les aides octroyées par les agence de l'eau l'ont été par un mécanisme de mutuelle : tous ceux qui bénéficiaient d'aides pour se mettre en conformité avec la loi étaient aussi des assujettis à une redevance de l'agence de l'eau. Vous faites grand cas des rapports du CGEDD. Dans le 2ième rapport du CGEDD la généralisation et l'extension de la redevance obstacle étaient préconisés de façon à intégrer les maitres d'ouvrages faisant obstacles à la continuité dans le mécanisme des agences de l'eau... Or, pendant que le groupe de travail Miqueu Saillant du CNE officiait, vos amis ont suggéré à nos parlementaires de supprimer la redevance obstacle ... et Bercy a probablement renchéri sur votre demande ce qui fait qu'aujourd'hui et suite à la disparition de cette redevance, vous n'avez plus de légitimité à avoir accès à des financements auxquels vous ne contribuez pas contrairement à tous les autres catégories d'usagers des cours d'eau Agriculteurs, Industriels, collectivités locales... sans oublier les pêcheurs. Comment justifiez vous un tel privilège ? Pourquoi voulez vous que les autres usagers des cours d'eau payent pour vous ?

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    1. Concernant la continuité écologique, il y a méprise :
      - si le moulin doit gérer ses vannes, la collectivité n'a rien à payer, c'est l'obligation du propriétaire d'avoir des vannes fonctionnelles,
      - si le moulin doit faire une passe à poissons, la collectivité doit la payer, le moulin n'a aucun intérêt dans cette passe qui représente pour lui un coût d'impôt foncier et une charge d'entretien à vie, servitud transmissible (une passe à poissons n'est pas un cadeau mais un fardeau imposé par la société, n'inversez pas ici le sens des obligations!)

      Aussi vaut-il mieux se contenter de gérer les vannes, ce qui ne coûte pas un centime au contribuable.

      Notre préférence est d'éviter les coûts et les taxes inutiles, pour les moulins comme pour les autres usagers et les riverains en général. Nous avons indiqué que nombre d'opérations de restauration physique (10 à 20% des dépenses AE selon les programmes) peuvent être évitées pour le moment, vu le caractère très expérimental de ces travaux et les résultats négatifs souvent rencontrés dans la littérature scientifique. Il faut se contenter de choses plus ponctuelles et précises avec réel suivi scientifique pour examiner si cela vaut la peine de dépenser l'argent public avant de généraliser au petit bonheur la chance et le plus souvent sans suivi sérieux (ie biologique et chimique), comme aujourd'hui

      PS : sur la fiscalité, les moulins producteurs d'énergie sont tenus de faire une déclaration à partir du volume annuel turbiné. Sur la redevance obstacle, nous ignorons quelle disposition ont été votées. Avez-vous le texte de loi?

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  6. L'assujettissement à la redevance hydroélectricité (ou plutôt la redevance pour prélèvement hydroélectrique qui est un impôt à emploi finalisé mais pas une taxe) exonère ou plutôt exonérait ses assujettis de la redevance obstacle. La redevance obstacle était perçu dans des conditions très limitative ( par exemple hauteur d'obstacle supérieure à 5 m) ce qui en limitait fortement le nombre de redevables et organisait la faiblesse de son rendement et c'est ce motif qui a justifié sa suppression sous la pression de Bercy. Le rapport Brandeis Michel préconisait au contraire l'élargissement de son assiette et sa généralisation avec comme contrepartie l'intégration de vos amis dans une politique de l'eau qu'ils ignorent superbement depuis des lustres et cette ignorance conduit d'ailleurs aujourd'hui à leur réveil difficile. Quant à votre justification de votre exonération de toute redevance par le peu d'intérêt de vos amis à la restauration de la continuité, allez demander aux irrigants ou aux industriels s'ils payent leur redevance le sourire aux lèvres ... par contre vous en trouverez peu qui contestent les objectifs même de cette politique de l'eau même si leur intérêt immédiat les conduiraient à l'ignorer : cela s'appelle tout simplement la solidarité entre les utilisateurs d'un cours d'eau

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    1. Ce n'est pas très clair : si la "redevance obstacle" a été supprimée par Bercy pour son faible rendement (par rapport à la complexité et au coût de son recouvrement suppose-t-on), quelle rationalité y aurait-il à la rétablir et quel rapport précis avec les moulins?

      Nous ne relions pas la taxe à la continuité écologique : une charge d'intérêt général de nature spéciale et exorbitante (exemple passe à poisson) doit être payée par la collectivité, c'est d'ailleurs inscrit dans la loi (au grand dam de vos amis, qui ne peuvent pas encore réécrire les lois à leur guise, il y a ce maudit parlement élu). Vous ne venez pas chez un particulier en lui imposant une dépense qui représente plusieurs années de salaire, vous ne venez pas dans une entreprise en lui demandant une dépense qui demande plusieurs années de chiffre d'affaires, etc. Si vous comprenez pas ce genre d'évidence, c'est probablement que vous êtes un(e) bureaucrate au sens précisée ci-dessus.

      Après, on peut très bien avoir un débat sur la taxation des moulins, il faut préciser quelles règles justifieraient les propositions (en proportion de quel dommage supposément causé à la qualité de l'eau et des milieux), quels assiette et montant aurait la taxe, quelle conséquence elle emporterait. Si le ministère ouvre la discussion en posant expressément que bien entendu les moulins sont respectés, bien entendu leur effacement n'est ni souhaité ni souhaitable, bien entendu les fonctionnaires militants qui harcèlent les propriétaires en ce se sens auront désormais des blâmes, il est probable qu'un terrain propice à la discussion serait ouvert.

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    2. Bonjour, je comprends pleinement le caractère inacceptable (voire violent) que représente la charge financière d'une passe à poissons exigée par l'administration sur un seuil dont on est le propriétaire (ou symboliquement l'injonction à entreprendre des travaux sur un seuil préexistant à la réglementation).

      Mais je ne comprends pas en quoi la collectivité locale aurait à financer un équipement sur un seuil appartenant à un propriétaire privé bénéficiant d'un droit d'eau fondé en titre. N'y a-t-il pas quand même une ambiguïté fondamentale dans ces droits d'eau ? Si je ne me trompe pas, ils accordent un droit à exploiter la force de l'eau sans contrainte d'échéance: ce droit est donc effectif ou potentiel. L'existence physique du seuil tient ainsi fondamentalement à une activité utilisant la force de l'eau, qu'elle soit industrielle ou domestique.

      Pourquoi donc, la collectivité aurait à payer la réduction d'impact de ces activités en cours ou à venir, alors que les autres catégories d'usagers contribuent au système agence de l'eau?

      Au cœur de votre argumentation, il y a la contestation de l'impact des seuils (vous acceptez que certains seuils de grande taille ont des impacts significatifs, mais cela semble plutôt des cas isolés), et vous semblez le justifier en remettant en cause le modèle de rivière qui sous-tendrait la politique de restauration de la continuité écologique (en gros la notion d'impact serait directement liée à une certaine conception de la nature sans l'homme).

      On peut débattre de cela, mais je crois que cela nous détourne d'un des sujets de fond : les droits fondé en titre. Il semble que protéger l'existence de ces droits fondés en titre est une des choses qui vous tient le plus à cœur, et il transparaît également que vous avez particulièrement la DEB dans le collimateur car vous les suspectez de vouloir les voir « abrogés ».

      Je pense que le débat démocratique (qui apparaît clairement dans vote site comme l'un de vos chevaux de bataille), mériterait que les acteurs de l'eau, le grand public, saisissent bien les enjeux que soulèvent les droits fondés en titre au regard d'une gestion collective de l'eau.

      A titre personnel, je ne maîtrise pas bien le sujet. Mais on sent bien qu'il n'est pas ouvertement débattu : les uns prennent les droits fondés en titre comme des « privilèges » qu'il faudrait abolir au plus vite, les autres les brandissent comme un passe-droit.

      Ce sujet devrait-il être débattu ? Comment le mettre en débat, quels en seraient les grands enjeux ?

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    3. Pour compléter mon questionnement, il me semble que les droits fondés en titre sont un héritage de l'histoire juridique des cours d'eau, avec son lot de débats plus ou moins féroces (à qui appartiennent les cours d'eau, le fond du lit, les rives, l'eau...)? Comment résoudre les conflits induits par l'usage de l'eau? Par le code civil? Par le droit public? Etc... Défendre les droits fondés en titre revient à défendre un certain modèle de rivière, non pas dans son rapport à la nature, mais en lien avec la question de la propriété et de la régulation des usages. C'est pour cette raison que ce sujet mériterait débat me semble-t-il (par exemple, à l'heure ou revient en force le thème des "communs").
      Certains pourraient penser que les droits fondés en titre ont permis, et permettront dans le futur de défendre les seuils face aux dérives du pouvoir administratif. Avec les enjeux émergents du changement climatique, si on pense que l'hydroélectricité a une place déterminante à jouer, alors la société doit une fière chandelle à ces droits fondés en titre. D'autres pourraient penser que ces droits fondés en titre sont une anomalie aujourd'hui, et qu'ils protègent avant tout des intérêts privés, au détriment des intérêts publics construits par la collectivité.

      Je pense que les débats sur la conception de la nature sont très intéressants et déterminants. Mais il me semble qu'on ne peut s'affranchir d'une réflexion de fond sur les questions évoquées rapidement ci-dessus pour établir une réelle démocratie locale et participative.

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    4. Bonjour

      Plusieurs points.

      a) Nous parlons en effet du débat démocratique, mais vous observerez que nous critiquons également les dérives jacobines de cette démocratie. Un pays où, en permanence, une majorité "nationale" devrait prendre des décisions face à une minorité ou des minorités, cela sur tout et n'importe quoi dans la vie des gens, ne serait pas un pays très apaisé ni très gouvernable... comme le montre l'évolution assez chaotique de la France. Nous sommes favorables à une démocratie bien plus décentralisée et davantage fondée sur le principe de subsidiarité, où les acteurs apprennent à discuter depuis la base de chaque sujet, donc déjà sur chaque rivière et bassin.

      b) La même démocratie moderne repose dans la plupart des pays dont le nôtre sur la constitution comme loi fondamentale, avec le respect des personnes et des biens, dont le droit de propriété, au coeur de cette constitution depuis 1789. Le sujet de la propriété semblait apaisé depuis longtemps mais le fait est que l'écologie l'a réveillé : cette écologie entend réguler les questions d'eau, de sol, d'air, de faune, de flore, de pollution, etc. Donc du coup, elle entend parfois dicter ce que des gens peuvent ou ne peuvent pas faire de leur propriété privée, cela dans une profondeur plus importante qu'avant (avant il fallait juste respecter des tiers, d'autres humains ; maintenant, il faut respecter davantage le non-humain, dont le statut juridique reste celui de "non-sujet" cependant). Vous parlez ainsi de "gestion collective de l'eau", mais il faut d'abord rappeler que les berges, les lits, les ouvrages sont des propriétés privées en rivière non domaniale. A ce titre, une gestion collective du non domanial devrait être fondée au premier chef sur la concertation et l'accord des propriétaires sur ce qu'ils ont envie ou pas envie de faire, en discussion avec des usagers de l'eau (qui, elle, est bien commun) ou des protecteurs de la nature, et bien sûr services de l'Etat. Nous en sommes très loin car de facto et de jure, le riverain propriétaire n'est pas représenté ou n'a pas droit de vote dans les CLE, les CB, les instances de concertation diverses, pourtant il faut revenir vers cela. Cela rejoint le point précédent : non seulement il n'y a pas d raison qu'une même norme homogène s'applique partout depuis Paris, mais il y a aussi des périmètres à repréciser entre sphère publique, sphère privée et entre-deux formé de biens communs à gestion partagée.

      c) Le fondé en titre (DFT) est simplement l'état du droit positif et de la jurisprudence sur des moulins, étangs et ouvrages d'irrigation. C'est un point important aujourd'hui car une sous-administration de l'Etat jacobin veut détruire les moulins ou étangs et dans ce contexte, les DFT se révèlent une bonne protection face à cette volonté arbitraire. Derrière la critique du "privilège", le haut fonctionnaire jacobin est agacé par une résistance à ce qu'il estime la conduite normale des choses : gérer depuis son bureau le vie de la société (ou l'état de la nature) comme il l'entend. Mais dans une démocratie apaisée et décentralisée, où le citoyens sont sensibles au contrôle de l'action publique et à la protection de leurs droits, où il n'y a pas de tels hauts fonctionnaires jacobins qui entreprennent de persécuter une partie de leur population au nom de leurs croyances, il n'y aurait pas matière à donner tant d'importance à ces DFT. Les autorisations administratives ne poseraient pas de problème modulo des bonnes pratiques à définir.

      Donc difficile de vous répondre simplement, ce sont des rapports assez fondamentaux à la démocratie, à l'Etat, au droit et à la nature qui nous paraissent en jeu.

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    5. Ps : nous avions répondu avant votre ajout de 10:35. Mais en effet, votre précision converge avec le contenu de notre réponse sur la manière de poser les choses (à défaut des réponses à apporter). La collectivité peut imposer des choses à des individus - c'est le principe de toute régulation sans laquelle la vie commune serait impossible -, mais dans le même temps, on convient aussi qu'un régime où la collectivité définirait tout dans la vie des individus, sans limite d'intervention, est un régime totalitaire (c'est même à peu près sa définition, un régime où le tout s'impose à chaque partie et où le public n'est plus distingué du privé). Il faut avoir des réflexions là-dessus, hélas absentes nous semble-t-il .

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    6. Pps : si vous lisez les travaux d'Elinor Ostrom (le Nobel sur les "communs"), vous vous apercevez qu'elle passe pas mal de temps à définir quand cela marche mais aussi quand cela ne marche pas. Vous vous apercevez également que les régulations des communs passent souvent par l'autonomie des usagers à définir leurs règles : pas du tout un modèle normatif jacobin où tout le monde - y compris des personnes sans rapport aux biens communs concrets - pourrait co-définir la norme à partir de généralités et d'abstractions. Ainsi le commun n'est pas le privé (le marché), mais il n'est pas le public non plus (au sens de l'Etat représentant le groupe entier).

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    7. A "Anonyme du 14 mai 2019 à 10h35", en 2016 le CGEDD a fait des propositions dans le sens d'une suppression des DFT au-delà d'une certaine échéance, dans une logique d'incitation des propriétaires à mettre en place des projets de production hydroélectrique.

      Extrait du rapport de 2016 sur la conciliation entre continuité et autres usages:

      « compte-tenu du caractère devenu anachronique des droits fondes en titre, de leur complexité et des moyens publics que leur mise en œuvre mobilise au détriment d'autres missions d'intérêt général, une réforme a minima de simplification s'impose, ainsi d'ailleurs que plusieurs départements l'ont proposé à l'occasion de l'enquête auprès des préfets.

      En dehors de l'hydroélectricité ces droits, attachés aux ouvrages, n'ont plus d'intérêt aujourd'hui pour leur propriétaire. Pourtant ils restent peu utilisés alors que leur absence de mise en œuvre ne peut pas être opposée par l'administration à leurs détenteurs afin de les annuler.

      C'est pourquoi la mission propose de mettre à profit la transition énergétique pour :

      • inciter les propriétaires à mettre en oeuvre leurs droits avant une échéance a fixer, en accordant un délai raisonnable cohérent avec le temps de montage et d'instruction des projets (par exemple, le second délai de cinq ans après publication des classements des cours d'eau qui vient d'être fixé par la loi biodiversité) ;

      • rendre ensuite ces droits non transmissibles en cas de cession des ouvrages, l'exploitation hydroélectrique continuant cependant à être autorisable dans le régime de droit commun (aujourd'hui cette autorisation est de toute façon nécessaire au-delà de la puissance correspondant au droit fonde en titre)

      • rendre caducs les droits fondés en titre qui n'auraient pas été utilisés à cette échéance.

      Une telle réforme, de nature législative, aurait l'intérêt d'inciter les propriétaires indécis à s'engager dans un projet de petite hydroélectricité, que ce soit pour la revente sur le réseau ou en autoconsommation. Rien n'empêcherait de continuer à prendre en considération les usages "induits" des seuils de moulins comme la mission le propose aux points 2.1.4 et 3.5, puisqu'ils ne sont pas juridiquement attachés à ces droits. » (sous partie 7.4, page 54/86)

      Je ne sais pas ce qu'est devenue cette proposition, si elle est débattue.

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    8. Cette proposition du CGEDD n'a pas notre aval. Les rapporteurs ont pourtant visité beaucoup de sites non producteurs d'énergie, où ils auraient pu constater (avec un peu d'objectivité) que les sites de moulin ont des intérêts patrimoniaux, paysagers, récréatifs et que l'énergie ne constitue plus depuis longtemps leur unique raison d'être. Au demeurant des chercheurs en SHS ont déjà travaillé sur ces évolutions de la patrimonialisation à travers les époques, ainsi que sur la perception riveraine de "la nature" comme n'étant pas la nature-objet des écologues (ni la nature "sauvage" de certaines naturalistes). Même chose pour de nombreux étangs fondés en titre qui à l'origine servaient de pisculture vivrière, mais qui peuvent très bien avoir acquis d'autres usages depuis, ou simplement former des zones humides en voie de renaturation.

      Le CGEDD exprime la vision utilitariste de l'Etat. Le rapport du conseil d'Etat sur "l'eau et son droit" avait déjà fait observer que la gestion des DFT n'est pas un problème si complexe que le dit (régulièrement) la haute administration. Et quand on voit l'argent public dilapidé dans la continuité écologique, dont beaucoup pour des BE privés dont les rapports finissent dans des tiroirs et pour des opérations de restauration morphologique sans aucun suivi sérieux de résultat, c'est quand même un peu spécieux d'argumenter sur le bon usage des moyens...

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  7. sous effectif des D D T En trente ans doublement avec en adossement creation de l ONEMA 16000 AGENTS A la sante du contribuable

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    1. Je confirme... un scandale quand on sait que ces fonctionnaires reçoivent des primes de fin d'année proportionnelles au nombre de barrages détruits pondérée par leur hauteur cumulée!

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    2. l'AFB est payé par les redevables des agences de l'eau dont les buveurs d'eau à 65-70% ... comme l'électricité produites par les petites centrales hydroélectriques l'est par les abonnés aux réseaux publics de distribution électrique (CSPE)...

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    3. IL faudrait quand même se retenir d'affirmer de telles bêtises !

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