02/02/2018

La définition juridique des zones humides

Deux critères permettent de définir une zone humide : la présence temporaire ou permanente d'eau, la présence de végétation hygrophile (plantes spécialisées de milieu aquatique ou humide). Le Conseil d'Etat a précisé que ces critères doivent être cumulatifs. Explications. [MAJ 2019 : voir cet article sur la modification de la loi]


Les zones humides sont définies en droit français dans l'article L 211-1 du code de l'environnement, qui entend assurer
"La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année"
Deux critères sont donc requis :
  • l'hydromorphie du sol, les terrains devant être "inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire";
  • la présence de végétation hygrophile. 
Dans un arrêt récent (n° 386325, 22 février 2017), le Conseil d'Etat a précisé que "une zone humide ne peut être caractérisée, lorsque de la végétation y existe, que par la présence simultanée de sols habituellement inondés ou gorgés d'eau et, pendant au moins une partie de l'année, de plantes hygrophiles", c'est-à-dire que "ces deux critères sont cumulatifs" et non alternatifs. [MAJ 2019 : la loi a restauré la notion de critères alternatifs]

Le caractère partiellement ou totalement inondé est assez évident à observer.

Le critère botanique doit être par ailleurs caractérisé. Comme le précise cet article du site "zones humides" de l'administration de l'environnement:
"On désigne par le terme d’hygrophytes toutes les plantes qui poussent en milieux humides mais, selon leur niveau d’adaptation, celles-ci se distribuent selon des gradients d’humidité et/ou de salinité. En France, on distingue ainsi les hydrophytes, toujours immergées ou affleurant à la surface de l’eau (cératophylles, potamots, nénuphars, élodées, lentilles d’eau…) et les amphiphytes qui poussent à la limite terre-eau et sont adaptées aux deux environnements ; ce groupe inclut les hélophytes qui sont enracinées au fond de l’eau et dont les parties aériennes sont émergentes (roseaux, Typha, Baldingère, carex…)"
Des plantes hygrophiles indicatrices des zones humides sont répertoriées dans des listes établies par région biogéographique (article R-211-108 code de l'environnement, à noter que le 2 aliéna de cet article n'est plus conforme à la loi).

L'annexe II A l'arrêté du 24 juin 2008 précisant les critères de définition et de délimitation des zones humides en application des articles L. 214-7-1 et R. 211-108 code de l'environnement  définit une première liste de 775 espèces et 26 sous-espèces permettant de qualifier une zone humide sur le critère végétal.

Malgré leur intérêt pour la biodiversité, les zones humides naturelles sont aujourd'hui menacées par l'extension de l'artificialisation des sols et des milieux (construction, drainage, etc.). Les zones humides anthropiques (étangs, lacs, plans d'eau, biefs) sont mises en danger par certaines destructions d'ouvrages dans le cadre de la restauration de continuité en long (souvent pour des motifs halieutiques). Divers outils juridiques existent pour protéger les zones humides, même si le droit se montre encore contradictoire en ce domaine (voir Cizel 2017).

Illustration : marges et queue de l'étang de Bussières (89), dont on observe qu'elles réunissent les deux critères de définition de la zone humide. Ce site en ZNIEFF de type II est aujourd'hui menacé par des travaux de démolition de la digue et mise à sec des milieux humides d'intérêt par la fédération de pêche de l'Yonne, sans que notre association ait obtenu l'étude d'impact environnemental.

01/02/2018

Transporter des sédiments... mais lesquels? Le problème des sédiments fins (Mathers et al 2017)

On parle beaucoup en France du "transport des sédiments" comme d'une fonction vertueuse pour la santé des rivières et de leurs milieux. Mais l'invocation de ce mécanisme naturel de transport de la charge solide par les cours d'eau doit s'interroger au préalable sur la qualité et la quantité de sédiments que le bassin versant peut produire. En particulier, comme vient de le rappeler un numéro spécial de la revue River Research and Application, la question des sédiments fins (moins de 2 mm de diamètre), de leur évaluation et de leur impact biologique reste encore largement sous-traitée dans la recherche, et plus encore dans son application à la gestion écologique de la rivière. 


Un colloque national de la British Hydrological Society s'est tenu en 2016, à l'Université de Loughborough (Royaume-Uni), et un numéro de River Research Applications vient d'en publier les actes. Trois thèmes principaux sont associés à la gestion du problème des sédiments fins: caractériser les sources primaires dans les systèmes fluviaux; définir des approches physiques et biologiques de l'évaluation des pressions des sédiments fins sur les écosystèmes aquatiques; évaluer les conséquences écologiques des sédiments fins en excès, par des mesures empiriques et des modélisations.

Comme l'observent K.L. Mathers et ses 4 collègues dans l'article introductif de synthèse, "l'érosion, le transport et le stockage des sédiments fins dans les bassins fluviaux sont largement reconnus comme une cause mondiale de dégradation de l'habitat et de l'environnement. Ces sédiments sont une composante essentielle d'un fonctionnement normal de la rivière. Cependant, les charges sédimentaires de nombreux cours d'eau dépassent actuellement les niveaux usuels en raison du changement de la couverture végétale, de l'utilisation des terres et des pratiques de gestion." Certains modèles prévoient que les pressions des sédiments fins augmenteront à l'avenir en raison des changements de régimes de précipitations et de ruissellement. Il paraît donc essentiel aux chercheurs de développer une meilleure compréhension de la dynamique des sédiments fins : leurs sources, leurs voies d'exportation, leurs dépôts et infiltrations dans les substrats riverains, leurs implications pour les habitats aquatiques et l'écologie.

On considère en général comme sédiment fin une particule de moins de 2 mm de diamètre. Mais la taille n'entre pas seule en considération :  "il est important de noter que la prédiction de l'effet des surcharges sur les organismes dépend fortement d'un certain nombre de facteurs critiques, notamment la granulométrie, la composition chimique, la durée d'exposition et la concentration", soulignent les chercheurs.

Un premier enjeu est de savoir le potentiel de mobilisation du bassin versant et de la rivière. La méthode la plus communément utilisée pour identifier les sources est le "fingerprinting" qui va quantifier les contributions relatives des classes de sédiments dans des échantillons ciblés, recueillis dans le lit ou la charge en suspension. Les sources minérales et organiques sont alors estimées (sols supérieurs agricoles, berges, bordures et talus, fosses septiques et fumiers, végétation en cours de décomposition, etc.).

La mesure des matières en suspension de l'eau (ce qui définit sa turbidité) est souvent effectuée sur les rivières au titre du contrôle pour la directive-cadre européenne sur l'eau. Mais "les effets délétères des niveaux de sédiments fins sur l'écologie des cours d'eau sont associés à leur composante déposée plutôt que suspendue, car les caractéristiques du substrat exercent un contrôle important sur la disponibilité de l'habitat, particulièrement aux stades critiques de la vie", rappellent les chercheurs. Il y a donc un enjeu dans la capacité de quantifier avec précision la teneur en sédiments fins d'un lit de rivière soit directement (analyse physique), soit indirectement (présence ou absence de communautés d'organismes tolérantes des sédiments).

Enfin, comme le soulignent les scientifiques, "une meilleure compréhension des effets négatifs de l'excès de sédiments fins sur le fonctionnement des écosystèmes demeure un domaine où la recherche fondamentale est toujours requise. Malgré la richesse de la littérature et l'intérêt historique pour les conséquences écologiques de la sédimentation, de nombreux processus fondamentaux entourant les effets restent non étudiés". Les chercheurs observent que les implications des dépôts de sédiments fins sur les embryons de salmonidés ont été très étudiées, en raison de l'intérêt économique ou social donné à ces espèces. Mais bien d'autres aspects restent méconnus.

Référence : Mathers KL et al (2017), The fine sediment conundrum; quantifying, mitigating and managing the issues, River Res Applic, 33, 10, 1535-1467

29/01/2018

Dégradation volontaire de la digue de l'étang de Bussières

L'association Hydrauxois a constaté la destruction partielle et volontaire de la digue de l'étang de Bussières, étang d'Ancien régime sous la maîtrise d'ouvrage de la fédération de pêche de l'Yonne, situé dans une ZNIEFF où les étangs et queues marécageuses sont expressément désignés comme habitats d'intérêt. Aucune information n'est disponible sur site et aucune précaution de chantier (accès, information) n'est respectée. Aucune étude d'impact n'a été publiée. La préfecture a été contactée afin de connaître la justification réglementaire de cette dégradation : les pièces avancées par la DDT 89 jusqu'à présent faisaient état d'une déclaration de "vidange", non d'une modification complète et définitive du site, de son profil d'écoulement et de peuplement, des conditions de stabilité de la route longeant l'étang. L'action de la fédération de pêche revient pour le moment à faire disparaître 5 hectares de zones humides sans aucune autorisation ni étude d'impact. Une situation proprement aberrante, à l'heure où la moindre action en rivière et berge fait l'objet d'exigences très scrupuleuses de l'administration. Le dossier est en cours d'étude par l'avocat de l'association, qui déterminera les opportunités de plaintes devant les instances pénales et administratives.

26/01/2018

Après Notre-Dame-des-Landes, Edouard Philippe doit stopper le projet contesté de destruction des barrages et lacs de la Sélune

Edouard Philippe a déclaré à tous les Français qu'un projet d'aménagement ne pouvait se poursuivre s'il est contesté et divise la population concernée. Le gouvernement doit être cohérent et demander au ministre de l'écologie Nicolas Hulot de stopper immédiatement son projet annoncé de destruction de deux barrages et lacs de la Sélune, projet contre lequel les 20 000 riverains se sont exprimés massivement en consultation locale. Ce chantier a un rapport coût-bénéfice déplorable (50 millions € minimum pour 1300 saumons maximum), il détruit des outils de production bas carbone pour la transition énergétique, il anéantit les activités et le cadre de vie de la population locale, il met en danger les zones aval et la baie du Mont-Saint-Michel. L'enquête publique a été réalisée alors que l'on ne disposait pas de tous les éléments d'information. Ségolène Royal avait eu la sagesse de stopper le projet au regard de son coût et de la forte opposition locale. Il existe aujourd'hui un plan alternatif déjà communiqué au ministère de l'écologie, sans que Nicolas Hulot daigne recevoir son porteur. Les riverains et le collectif national de défense des lacs et barrages de la Sélune s'opposeront à cette caricature de concertation et de démocratie.


Dans sa déclaration du 17 janvier 2018 justifiant l'abandon du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, Edouard Philippe a affirmé :
"les conditions ne sont pas réunies pour mener à bien le projet (…) un tel projet d'aménagement, qui structure un territoire pour un siècle, ne peut se faire dans un contexte d'opposition exacerbée entre deux parties presque égales de la population. Les grands projets qui ont réussi dans les années récentes (…) se sont tous réalisés (…) parce qu'ils étaient largement portés et acceptés par la population".
Cette déclaration vaut condamnation du projet de destruction des barrages de la Sélune, annoncé de manière brutale et non concertée par Nicolas Hulot le 14 novembre 2017.

Ce projet consiste à détruire deux barrages et leurs lacs sur le fleuve normand de la Sélune, cela afin d'augmenter de 1300 individus la population locale de saumon. Les barrages sont en état de fonctionnement et capables de produire de l'énergie. C'est la plus grande destruction de barrage en Europe, et non un chantier mineur.

Les barrages de la Sélune appartiennent à l'Etat après la fin de la concession EDF, donc le choix revient entièrement à la puissance publique en fonction de l'intérêt général.

La consultation locale de 2016, contrôlée par huissier, a recueilli 19 276 participations avec 98,89% de voix contre la suppression des barrages. La vallée refuse massivement le choix de destruction.

La recherche en sciences sociales a montré que ce projet a été construit de manière très critiquable, avec une faible implication des acteurs locaux et une forte contestation dès la première annonce de destruction en 2010 (voir Germaine et Lespez 2017).

Les 200 hectares de lacs et zones humides en marge des plans d'eau risquent de disparaître, avec la biodiversité lacustre qu'ils hébergent.

Une alternative à la destruction est possible : reprise de la production hydro-électrique, transfert des saumons de l'aval à l'amont comme EDF le fait déjà sur plusieurs sites en France.

Le coût minimum de la destruction a été estimé à plus de 50 millions €, le coût réel global n'est pas sérieusement déterminé à ce jour.

Nous sommes donc dans une situation tout à fait comparable à Notre-Dame-des-Landes :
  • ce projet est conflictuel et rejeté par la population,
  • ce projet a un coût public important et évitable,
  • ce projet contredit la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement,
  • ce projet a des bénéfices modestes et disproportionnés à ses coûts,
  • ce projet a une alternative viable.
L'Etat doit stopper immédiatement le projet de destruction des barrages de la Sélune, poursuivre l'inspection technique engagée en 2016 et relancer la production sur le site si l'inspection confirme que les barrages ne présentent pas de problème de sécurité.

Toute position contraire serait perçue comme un double langage du gouvernement et un mépris des citoyens avec des arbitrages à géométrie variable. Il produirait donc une farouche résistance, devant les tribunaux comme sur le terrain.

Edouard Philippe a dit qu'il ne voulait plus créer en France les conditions d'un nouveau Notre-Dame-des-Landes : sur la Sélune, ce souhait passe par l'abandon du projet contesté de destruction des barrages et des lacs.

25/01/2018

Barrages de castors et d'humains: quels effets sur les rivières? (Ecke et al 2017)

Après avoir été quasiment éliminés par l'homme du Moyen Âge au XIXe siècle, les castors sont de retour sur les rivières eurasiennes et nord-américaines, parfois même au-delà de leur aire connue de répartition ancienne. Ces grands constructeurs de barrages modifient les écosystèmes où ils s'installent, notamment par la création de zones lentiques (stagnantes) en milieu lotique (courant). Une équipe suédoise a procédé à une méta-analyse des effets connus des castors sur les écosystèmes. La comparaison avec les barrages artificiels créés par l'homme montre une assez nette convergence pour les effets biologiques (insectes, poissons) et biochimiques. L'analyse des effets des barrages de castors sur les salmonidés et migrateurs suggère qu'il n'y a pas d'impact réel, même si nombre d'études en ont fait l'hypothèse.


Les castors sont ingénieurs des écosystèmes reconnus pour leur capacité à construire des barrages et à créer des retenues. Ils colonisent des sites à travers l'Holarctique (hémisphère Nord) après une extirpation quasi-généralisée à partir du Moyen Âge en Europe et au XIXe siècle ailleurs. Les castors recolonisent aujourd'hui les eaux, y compris des zones en dehors de leur aire de répartition historique.

Frauke Ecke et dix collègues des universités suédoises d'Uppsala et Umea ont souhaité analyser les conséquences possibles de ce retour du castor, dont ils observent qu'il "a le potentiel d'altérer profondément l'hydrologie, l'hydrochimie et l'écologie aquatique dans les zones nouvellement colonisées et recolonisées".

Pour approfondir la connaissance des effets des barrages de castors sur les milieux aquatiques, les chercheurs ont extrait 1366 tailles d'effets de 89 études sur les retenues en cours d'eau et lacs. Les effets ont été évalués pour 16 facteurs liés à l'hydrogéomorphologie, à la biogéochimie, au fonctionnement de l'écosystème et à la biodiversité.

Principales conclusions de ce travail: "Les barrages de castors ont affecté les concentrations de carbone organique dans l'eau, le mercure dans l'eau et le biote, les conditions sédimentaires et les propriétés hydrologiques. Aucun effet négatif global n'est causé par les barrages ou les étangs de castors sur les salmonidés. L'âge du barrage est un déterminant important de la magnitude de l'effet. Alors que les jeunes retenues sont une source de phosphore, il y a une tendance à la rétention du phosphore dans les systèmes plus anciens. Les jeunes retenues sont une source de méthylmercure dans l'eau, mais les anciennes ne le sont pas."

Les chercheurs ont également évalué les similitudes et les différences entre les effets environnementaux des barrages construits par les castors et ceux construits par l'homme (767 tailles d'effet provenant de 75 études). Les dimensions des barrages ne sont malheureusement pas précisées (alors la catégorie "barrage" peut désigner des systèmes de dimensions très différentes, donc d'effets très variables).



Comparaison des effets des barrages artificiels (triangles) et de castors (cercles) sur différents paramètres, intervalle de confiance à 95% (cliquer pour agrandir) : poissons et invertébrés (diversité, abondance), mercure dans l'eau et le biote, fonctionnement de l'écosystème (CHl-a, biomasse fongique, turnover carbone, décomposition foliaire). On observe des effets souvent similaires, notamment des diversités et abondances de poissons et invertébrés plus fortes à l'aval qu'à l'amont. Source: art cit, droit de courte citation.

Voici leurs commentaires : "Les bassins artificiels ont montré une rétention de phosphore, tandis que les étangs de castors ont généralement libéré ce phosphore (…). Les bassins artificiels et les digues de castor présentaient des concentrations de Hg plus élevées dans l'eau et le biote dans les sites en aval que dans les sites en amont (…). L'effet moyen sur le mercure dans le biote était plus de deux fois plus élevé dans les systèmes artificiels que dans les systèmes à castors. Les valeurs pour le fonctionnement de l'écosystème [matière organique] étaient plus élevées dans les bassins de retenue artificiels et de castors que dans les sites en amont. Les valeurs étaient également plus élevées dans les bassins de retenue que dans les sites en aval, mais seulement pour les systèmes de castors. En se concentrant sur Chl-a seule [chlorophylle a], qui était le seul indicateur fonctionnel avec des tailles d'échantillon adéquates dans les deux types de systèmes, on a observé une augmentation nette des concentrations dans les systèmes artificiels, mais pas des systèmes de castors en aval (…). Les effets de la construction des barrages sur les macro-invertébrés différaient entre les types de systèmes, les systèmes artificiels ayant généralement une plus grande diversité et / ou abondance dans les sites en amont que les sites en aval. Pour le poisson, il n'y avait pas de différences globales entre les systèmes artificiels et les systèmes de castors."

Discussion
Les systèmes naturels sont loin d'être toujours continus : ils présentent aussi des discontinuités thermiques, géologiques, rhéologiques plus ou moins marquées. Les barrages de castors sont un exemple classique de discontinuités d'origine animale : elles devaient être beaucoup plus répandues dans les rivières avant l'expansion humaine et l'élimination progressive des rongeurs semi-aquatiques pour leur fourrure, leur chair ou la concurrence dans l'occupation du même espace.

Concernant les poissons migrateurs en particulier, les chercheurs observent : "Il a été suggéré que les poissons migrateurs, en particulier les salmonidés, sont les plus affectés négativement par la construction de barrages artificiels (revue in Quiñones et al 2015). Pour les systèmes de castors, cependant, il a été démontré que la plupart des effets négatifs rapportés (78% de toutes les études) sur les poissons migrateurs en raison de la construction de barrages sont uniquement spéculatifs (Kemp et al 2012). Contrairement aux barrages artificiels activement gérés, les barrages de castors sont a) régulièrement inondés et l'eau excédentaire contourne les barrages en traversant la zone riveraine pendant les périodes de fortes précipitations, b) perturbés (partiellement ou même complètement) par de fortes inondations (Hillman 1998, Butler et Malanson 2005), c) maintenu à des degrés divers (examiné dans Gurnell 1998) ou d) potentiellement perforé par des loutres (Reid et al 1988). Par conséquent, comme le soutient notre étude, nous ne prévoyons pas que des effets significatifs sur les espèces de poissons migrateurs soient causés par les barrages de castors."

On observera que certaines causes de moindre impact (notamment le fait que les barrages de castors sont inondés, contournés et surversés en crue) sont valables pour beaucoup de petits ouvrages de moulins, comme les chaussées anciennes. Cela converge avec le constat que les anguilles et saumons n'ont réellement déserté les têtes de bassin versant qu'avec l'apparition des grands barrages de navigation et irrigation ainsi qu'avec les rehausses de certaines usines hydrauliques à compter du milieu du XIXe siècle (voir les saumons dans le bassin de la Loire ou les anguilles dans la zone ibérique, voir aussi cependant cette discussion sur Lenders et al 2016).

Le retour des castors sur les rivières européennes ne manquera donc pas de modifier leur profil d'écoulement et de sédimentation, ainsi que les peuplements locaux. L'espèce étant désormais protégée, et les prédateurs naturels (loup, lynx, ours) en forte régression (par rapport aux siècles et millénaires antérieurs), la recolonisation sera peut-être rapide au cours des prochaines décennies. Au début des années 2010, on notait sa présence dans 52 départements de la métropole et dans 60% des cours d'eau prospectés (source).

Référence : Ecke F et al (2017), Meta-analysis of environmental effects of beaver in relation to artificial dams, Environ Res Lett, 12, 113002

Image (haut)
 : barrage de Castor fiber, par Athanasius Soter (travail personnel, domaine public)

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