19/10/2019

SDAGE 2022 : il faut s'engager maintenant dans la bataille

Les prochains schémas directeurs d'aménagement et de gestion de l'eau (SDAGE) sont entrés cette année en phase de préparation. Ce sont ces SDAGE qui ont permis de dépenser depuis 2010 des centaines de millions d'euros d'argent public pour détruire des barrages, étangs, moulins et plans d'eau. Ce sont ces SDAGE qui ont permis à des fonctionnaires non élus et des comités de bassin non représentatifs d'imposer arbitrairement une idéologie de la rivière sans consulter les riverains. Mais il ne faut pas seulement s'en plaindre et ne rien faire : le temps est venu de s'engager, de désigner les dérives et ceux qui les portent, d'exiger le changement de cap. L'ensemble du mouvement des ouvrages doit donc se coordonner et se mobiliser pour que les SDAGE 2022 évoluent résolument sur leur doctrine : reconnaissance de la valeur des ouvrages, des écosystèmes anthropisés et des milieux lentiques, prime aux solutions douces de continuité en long, engagement dans la transition bas-carbone, dépollution des eaux par limitation à la source des contaminants. Toutes les associations et tous les collectifs doivent porter leurs attentes et exiger qu'elles soient inscrites dans les textes en 2022. Le plan A est une prise en compte de ces points par le décideur public, actant l'échec manifeste de la mise en oeuvre de la DCE et de la restauration brutale de continuité écologique. Le plan B sera le contentieux contre les SDAGE puis contre leur exécution sur chaque site, comme cela a commencé pour les SDAGE en cours. 


Les schémas directeurs d'aménagement et de gestion de l'eau (SDAGE) sont les principaux outils de la politique publique de l'eau. Engagés pour 6 ans, ces SDAGE sont élaborés au niveau de chaque grand bassin hydrographique (Adour-Garonne, Artois-Picardie, Loire-Bretagne, Rhin-Meuse, Rhône-Méditerranée-Corse, Seine-Normandie et DOM-TOM) par les agences de l'eau.

Les SDAGE sont à la fois des orientations politico-administratives sur les choix en rivière et des instruments financiers (de l'ordre de 2 milliards € par an). Les taxes de l'eau paient les actions sur l'eau. Les SDAGE se déclinent en programmes d'intervention qui financent les collectivités et leurs syndicats.

Un processus aujourd'hui opaque et fermé qui prend des mesure arbitraires sur les ouvrages
Les SDAGE et les pratiques des agences de l'eau sont au coeur de la conflictualité sur la question de la continuité écologique. Mais aussi sur les retards que la France accumule dans la pollution, par  mauvaises allocations des fonds publics. En voici les raisons :

  • les comités de bassin (qui votent formellement les SDAGE) sont nommés par les préfets, donc peu démocratiques dans leur mode désignation, et ils ne sont pas représentatifs de la diversité des points de vue;
  • l'essentiel du travail préparatoire des SDAGE est réalisé par les représentants de l'Etat, dans une logique technocratique où les experts des secrétariats techniques de bassin (agence, DREAL, Onema-OFB) décident en conclaves, sous la direction des hauts fonctionnaires du ministère de l'écologie qui contrôle la conformité;
  • les riverains, les moulins, les étangs et bien d'autres acteurs de la vie des rivières sont exclus des comités de bassin et des commissions techniques, alors que de puissants lobbies y ont leurs représentants;
  • la plupart des agences de l'eau (hors Rhône-Méditerranée) votent des programmes d'intervention qui financent en priorité la destruction des ouvrages hydrauliques, donc bloquent les budgets pour des solutions douces moins conflictuelles;
  • la plupart des agences de l'eau défendent depuis la fin des années 1990 une idéologie de la "renaturation" désignant l'humain et les milieux créés par l'humain comme problème a priori (non sans avoir financé, entre 1960 et 1990, l'excès inverse d'intervention massive sur les bassins), ce qui conduit à des choix néfastes d'assèchements de milieux aquatiques et humides (retenues, plans d'eau, étangs, canaux et biefs etc.);
  • la lutte contre les pollutions accuse des retards, déjà sur l'eutrophisation dans les années 1980-2000 et aujourd'hui sur tous les polluants émergents et ceux issus du ruissellement.  


Aujourd'hui, les agences de l'eau ont lancé le cycle de discussion du SDAGE 2022-2027.

Le mouvement des riverains et des ouvrages doit s'organiser pour que ce SDAGE 2022 cesse une fois par toutes les dérives observées dans les SDADGE 2010 et 2016 en matière de continuité écologique, de "renaturation", de retard sur les pollutions désignées par la directive cadre européenne et d'indifférence aux attentes du terrain.

Le mouvement des ouvrages doit porter ses revendications et restaurer le respect des lois
Les SDAGE sont des constructions bureaucratiques complexes qui, par leur nature même, découragent d'y participer. Pourtant, ces outils sont au coeur des choix publics. Si les SDAGE 2022 continuent de financer la destruction des ouvrages (moulins, étangs, barrages), ce sont encore des centaines de millions € qui seront dépensés pour payer en ce sens des syndicats, des élus, des techniciens. Une gabegie d'argent public alors que d'autres dépenses sont prioritaires et que les ouvrages doivent au contraire être intégrés dans la transition écologique.

Il ne faut donc pas laisser passer cette étape : aucun SDAGE 2022 ne doit persister dans les dérives subies depuis le plan 2009 de restauration de continuité écologique et les choix hors-sol du ministère de l'écologie.

Concrètement, il s'agit de :

  • vérifier que l'état des lieux du bassin (première étape, en cours) est exempt de manipulations non fondées sur la science (comme le prétendu rôle important des ouvrages dans la dégradation de la qualité de l'eau, ce que la recherche scientifique en écologie n'a jamais confirmé, au contraire);
  • exiger que le SDAGE respecte la loi et donc qu'il finance en matière de continuité en long des solutions pour des ouvrages "équipés, gérés, entretenus" (les termes de la loi de 2006);
  • intégrer l'urgence climatique et la transition bas-carbone dans les choix des bassins, en particulier la relance de l'hydro-électricité prévue dans la loi française de 2019 et la directive européenne de 2018, ainsi que la gestion des crues et étiages;
  • reconnaître pleinement la réalité des nouveaux écosystèmes anthropisés (biefs, canaux, étangs, lacs) et travailler de manière positive à améliorer leur gestion écologique; 
  • stopper toute perte de surface en eau, favorise des usages économiques en production locale et circuit court;
  • repenser la lutte actuellement inefficace contre les pollutions chimiques et physico-chimiques qui dégradent plus de la moitié des masses d'eau, en particulier aider le monde agricole à une transition vers des pratiques moins impactantes.
Ces attentes seront portées par un travail d'information et sensibilisation du comité de bassin, par la requête de participation aux commissions techniques ou à tout le moins de droit de regard minimal sur tout document concernant les ouvrages, mais aussi en cas de résistance de l'appareil administratif par la préparation de contentieux systématiques là où certains dogmes persisteraient. Les programmes d'intervention 2019-2024 des agences Seine-Normandie et Loire-Bretagne sont ainsi en contentieux aujourd'hui, il doit désormais en aller de même pour tout texte des agences qui portent des choix délétères pour les riverains et les milieux, mais aussi des dispositions non prévues dans la loi.

Pour mener ce travail de fond (parmi d'autres), il s'est formé une coordination nationale eaux et rivières humaines (CNERH). Hydrauxois l'a rejointe. Un premier courrier a été envoyé aux 6 agences de bassin pour recevoir des précisions sur la construction scientifique des états des lieux (diagnostic de base qui justifie la priorisation des mesures). Nous appelons les associations, syndicats, collectifs, fédérations qui ont envie d'avancer sur les enjeux concrets à se mobiliser et à travailler les dossiers dans chaque bassin. Ensemble, nous améliorerons nos argumentations et nous pèserons sur les choix collectifs dont nous sommes aujourd'hui exclus en phase de concertation et de décision. Les riverains doivent se réapproprier les rivières et se faire entendre dans les SDAGE. Ce combat est essentiel. Chaque association doit en avoir conscience, s'engager et se coordonner dès aujourd'hui pour agir au niveau du bassin. En 2022, il sera trop tard car tout sera finalisé: c'est maintenant que le travail commence.

2 commentaires:

  1. Les C.L.E., les Sages et Cie sont gérés par des gens qui n'acceptent pas le dialogue , ils tolèrent quelque fois les asso. de sauvegarde des rivières et des moulins mais seulement à titre consultatif et se moquent bien de leurs avis ! Tous ces prétendus organismes de protection de l'eau font partie des dogmes animés par des "sociétés secrètes" qui se réunissent en huis clos pour prendre des décisions. Lors des Assemblées Plénières "la messe est dite" et il n'y a rien à rajouter. Bonjour la démocratie ..

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour

      Un problème est la construction des politiques publiques en France et en Europe, on fait tout en top-down, c'est-à-dire du sommet qui diffuse ses ordres vers la base, et non pas en bottom-up, c'est-à-dire du terrain qui fait remonter ses attentes vers le sommet.

      Donc quand vous êtes au niveau d'un SAGE ou d'un contrat rivière quelconque, vous avez déjà 3 échelons normatifs au-dessus de vous (la DCE, la DEB au ministère, le SDAGE), vous avez un financement très contraint et fléché, donc la discussion est une formalité pour faire croire qu'il y a encore des choses à décider. Ce que vous décrivez.

      Nous avons compris cela dès 2011-2012 en voyant comment le syndicat et l'agence de l'eau se comportaient, donc nous avons posé le diagnostic : il faut bloquer cette machine sur ses choix nuisibles tant qu'elle fonctionne ainsi, tout en alertant sur ces dysfonctionnements pour que cela change. La France doit démocratiser le comité national de l'eau, les comités de bassins des agences de l'eau, la mise en oeuvre de la DCE, la France doit redonner de l'autonomie à l'échelon local du bassin versant, à condition bien sûr que cette décision locale soit elle-même démocratique sur ses décisions, informée dans ses réflexions et contrôlée sur le cout-efficacité de ses dépenses.

      Supprimer