10/02/2017

Etats-Unis: le suivi des effacements de barrage est défaillant (Brewitt 2016)

Peter K. Brewitt, un chercheur californien, a étudié les effacements de barrage dans les trois états côtiers contigus du Pacifique aux Etats-Unis. Son objectif : vérifier le sérieux des suivis piscicoles accompagnant ces chantiers et la qualité des résultats sur le retour des salmonidés. Il en ressort que les effacements des plus grands barrages ont apporté des gains mesurés dans 56% des cas (des gains probables dans 25%, pas de gains dans 19%). En revanche, sur les petits barrages, le gain vérifié plonge à 7% seulement des chantiers (autant de chantiers n'ont pas d'effet observé) et 85% n'ont pas de résultats réellement exploitables. Le chercheur souligne l'urgente nécessité d'accompagner ces travaux d'un contrôle rigoureux, notamment en raison de leur coût et du scepticisme de l'opinion sur leur intérêt. Quand on sait que la France a classé plus de 20.000 ouvrages hydrauliques (de taille modeste pour la plupart) à fin de mise en conformité à la continuité écologique, on comprend le besoin immédiat d'imposer à tout gestionnaire de rivière un contrôle de qualité de son action. Et déjà de proposer aux citoyens et à leurs élus un bilan quantifié des résultats obtenus sur les premières opérations, bilan devant montrer aussi bien la réponse exacte des espèces cibles que celle des autres habitants de la rivière, dont on ne sait pas à ce jour s'ils profitent ou souffrent de la destruction des ouvrages. 



"Les hypothèses de base sur les effets écologiques de l'effacement des barrages demeurent des hypothèses non testées", observe en introduction de son article Peter K. Brewitt (Département des études environnementales, Université de Californie Santa Cruz). Aux Etats-Unis, 716 barrages ont été effacés depuis 1999 et 417 sur l'ensemble du XXe siècle. Les états côtiers du Pacifique (Californie, Oregon et Washington) abritent 4% de l'ensemble des barrages, mais représentent 11% de l'ensemble des effacements. La principale motivation écologique réside dans le retour des poissons migrateurs anadromes, en particulier les salmonidés du Pacifique du genre Oncorhynchus (une dizaine d'espèces de saumons et de truites). Ces salmonidés ont été privés de 44% de leur habitat historique par les barrières à la migration et 60% des lignées (evolutionarily significant units) ont été considérés comme en danger, menacées ou à intérêt en conservation.

L'effacement de barrage a été une solution choisie par les gestionnaires états-uniens de rivière dès le XXe siècle, et la tendance a plutôt connu une accélération au début du XXIe siècle. Mais, comme le remarque Brewitt, "les effacements de barrages continuent sans beaucoup d'information sur la réponse des poissons après. En un sens, la disette d'information sur la réponse des salmonidés après destruction de barrage n'est pas remarquable; l'écologie de la restauration est souvent mise en question pour un manque de suivi systématique (Ruiz-Jaen and Aide 2005, Wortley et al. 2013), particulièrement pour les rivières (Bash and Ryan 2002; Roni et al. 2005, 2008; Kondolf et al. 2007; Bernhardt et al. 2007; Lindenmayer and Likens 2010)." On retrouve ici une critique désormais très répandue sur le manque de données fiables concernant les effets de la restauration.

Qu'a fait le chercheur ? Une recherche systématique des effacements de barrage a été menée sur les états de Californie, Oregon et Washington depuis 1999. En absence de données quantitatives publiées dans de nombreux cas, Brewitt a contacté les gestionnaires en charge de l'opération afin de collecter les informations disponibles. Les ouvrages ont été divisés en 2 catégories : totalement infranchissables, partiellement infranchissables (moins de 2 m ou présence d'un dispositif de franchissement). Ces deux cas de figure répondent à deux impacts différents (soit extirpation soit raréfaction de l'espèce à l'amont) et à deux objectifs eux aussi différents (retour des salmonidés disparus ou simple hausse de leur population).


Analyse du passage des salmonidés après effacement des barrages qui formaient des obstacles partiels à la migration. 85% des sites n'ont soit aucune information, soit des informations anecdotiques. Extrait de Brewitt 2016, art cit, droit de courte citation

Voici les principaux résultats de l'étude:
  • 40 chantiers d'effacement de barrage ont été retrouvés;
  • 13 étaient des barrières totales, 24 des barrières partielles, 3 des barrières mixtes (totales ou partielles selon espèces);
  • la hauteur des ouvrages variait de 1 à 38 m;
  • 56% des effacements de barrière totale (9/16) ont permis d'observer un retour des poissons à l'amont, 19% n'ont pas donné de résultats et 25% des résultats incertains;
  • 52% des barrières partielles (14/27) n'ont pas produit d'information exploitable, 33% (9/27) ont donné des preuves seulement anecdotiques de succès, les chantiers avec contrôle rigoureux donnant autant (2/27 à chaque fois) de hausse des populations que d'absence de changement. 
Peter K. Brewitt observe que les effacements de barrage obtiennent bel et bien des résultats en matière de migration de salmonidés, mais que la rigueur de leur suivi n'est pas à la hauteur des attentes que l'on y place ou des doutes que certains émettent : "Les effacements de barrages devraient recevoir un meilleur contrôle. Les effacements sont des investissements significatifs –ils coûtent souvent des centaines de milliers de dollars (AR 2013) – et il est important de s'assurer que les investissements dans ces projets, comme dans d'autres à l'avenir, sont efficaces". Il ajoute : "Le succès de la restauration écologique est souvent jugé à travers l'opinion publique (Bernhardt et al. 2007) et l'effacement de barrage en particulier est remise en question par le scepticisme populaire et par des préoccupations sur ses coûts (Buchal 1998, Crane 2011)". Pour mémoire, il y a un total estimé de 2,5 millions de barrages aux Etats-Unis.

Parmi les recommandations du chercheur, on retiendra : dresser un état des paramètres biotiques et abiotiques de la rivière avec inventaire des populations d'intérêt avant tout chantier ; définir un protocole de bilan avant-après (before-after-control-impact) aux bonnes échelles spatiales et temporelles.

Discussion
Que la destruction de barrage permette à certains poissons de migrer vers l'amont après suppression de la barrière physique est une évidence, et ce type de chantier est devenu un outil de l'écologie de la restauration depuis plusieurs décennies. Le questionnement s'est déplacé depuis le milieu des années 2000 vers la nécessité d'un bilan critique beaucoup plus précis de ces travaux, comme de l'ensemble des investissements consentis pour restaurer des cours d'eau.

Le problème de la mauvaise qualité du suivi des effacements de barrages aux Etats-Unis a déjà été souligné l'an passé par J. Ryan Bellmore et ses collègues, dans une publication montrant que 9% seulement des destructions ont donné lieu à une étude scientifique ; un bilan là aussi pointé comme médiocre pour les chantiers sur les ouvrages modestes, pourtant les plus nombreux (Bellmore et al 2016). Le constat est plutôt inquiétant, d'autant que les Etats-Unis sont parfois cités de ce côté-ci de l'Atlantique comme un modèle ayant entrepris assez tôt le désaménagement de ses rivières. En fait, les Etats-Unis effacent relativement peu par rapport à leur parc installé et, là-bas aussi, les chantiers rencontrent des oppositions locales fortes (voir le travail de Cox et al 2016 sur la Nouvelle-Angleterre).

En France, le référentiel des obstacles à l'écoulement recense environ 80.000 ouvrages à date, avec une estimation d'un chiffre possible de 120.000 à la fin de l'inventaire. Plus des deux-tiers de ces obstacles sont formés par des vannes, écluses, seuils ou barrages (dont un patrimoine historique et paysager beaucoup plus ancien qu'aux Etats-Unis, soit une problématique un peu différente dans ce cas). Une très large majorité de ces ouvrages entre dans la catégorie des barrières partielles en raison de leurs dimensions modestes (ennoiement ou contournement en crue), mais cette notion de barrière est bien sûr dépendante des espèces considérées comme d'intérêt pour leur migration ou leur mobilité. Le classement des rivières à fin de continuité écologique a engagé l'obligation de traiter environ 20.000  de ces ouvrages (initialement d'ici 2017-2018, délai désormais porté à 2022-2023).

Au regard du coût global important que représentent ces chantiers en très grand nombre (20 fois ce que les Etats-Unis ont réalisé en plusieurs décennies…), la nécessité d'un protocole national rigoureux d'évaluation paraît évidente. Chaque rivière classée à fin de continuité écologique doit procéder à un état initial de ses populations de poissons-cibles (présence / absence, densité, biomasse) et des autres espèces (pour faire un bilan de richesse spécifique), ainsi que de l'ensemble des données de contrôle de qualité déjà exigibles par la directive cadre européenne sur l'eau. Cela n'a pas été fait avec rigueur à ce jour, les recueils d'expérience étant largement subjectifs et incomplets (voir cette critique du recueil Onema, voir cette analyse de Morandi et el 2014 sur la restauration en général). Un certain nombre de chercheurs français ont déjà observé le caractère ambivalent des politiques de restauration écologique, du point de vue de leur motivation, de leur perception ou de leurs résultats (voir par exemple en publications récentes Lespez et al 2016Lespez et Germaine 2016, Le Calvez 2015)

Les pratiques doivent donc évoluer de toute urgence si la restauration française de continuité écologique veut répondre aux exigences de rigueur rappelées à de multiples reprises par la littérature scientifique en écologie comme aux nombreuses critiques sur la disproportion entre les résultats espérés et les désagréments causés par les chantiers sur les ouvrages (coût public, perte d'aménités, manque de transparence, gouvernance fermée).

Référence : Brewitt PK (2016), Do the Fish Return? A Qualitative Assessment of Anadromous Pacific Salmonids' Upstream Movement After Dam Removal, Northwest Science, 90, 4, 433-449

Illustration (en haut) : le sockeye ou saumon rouge (Oncorhynchus nerka), un salmonidé du Pacifique Nord. Image by Cacophony CC BY 2.5

07/02/2017

La continuité écologique en temps de post-vérité et faits alternatifs…

La prise de parole de scientifiques exprimant des doutes et des critiques sur la qualité de mise en oeuvre de la réforme de continuité écologique (Assemblée nationale, 23 novembre 2016) a suscité un petit séisme dans le milieu fermé des administrations et gestionnaires de rivières comme des lobbies satellites vivant pour beaucoup de leurs subventions. Dernière réplique en date, un libelle anonyme (pdf), proposé à la signature des représentants dudit milieu, tire un bilan glorieux de la restauration physique de rivière et prétend pointer des contradictions chez les chercheurs. Cela sans fait, ni chiffre ni référence scientifique, et en contradiction avec de nombreux travaux montrant au contraire que la restauration écologique souffre d'une difficulté à prédire ses résultats et justifier ses coûts. S'y ajoutent une falsification généralisée sur la manière dont la continuité a été portée et un déni persistant des problèmes dont les témoignages abondent pourtant. Bienvenue dans la post-vérité où quelques bonnes intentions environnementalistes semblent faire office de preuve et où les enjeux de pouvoir se dissimulent sous la rhétorique de la vertu outragée…



"Ces actions sont conduites en concertation avec tous les acteurs concernés par les rivières de leur territoire, y compris les propriétaires riverains. C’est le fondement même de la politique de l’eau de notre pays : la gestion concertée. (…) Non, l’idée de solutions imposées de force aux propriétaires riverains n’est pas représentative de nos actions : c’est une vision aux antipodes de la réalité de terrain. La loi protège en effet, à juste titre, la propriété privée. Les actions ne peuvent se faire qu’en co-construction et avec l’accord des propriétaires riverains."

Cette négation des antagonismes est un classique du pouvoir, qui a pour effet tout aussi classique de les renforcer. Outre notre expérience associative et quelques dizaines de témoignages directs rassemblés sur ce site, il ne se passe pas une semaine sans que la presse régionale ne rapporte une mise en oeuvre conflictuelle ou problématique de la continuité (exemples des 15 derniers jours à Carnac, Lamballe, Genay, Rauville-la-Place, Saint-Sauveur-le-Vicomte…). Les propriétaires ou riverains d'un ouvrage savent très bien comment se sont comportés vis-à-vis d'eux, à partir du PARCE 2009, les Agences de l'eau, DDT-M, Onema, syndicats et parcs: incitation quasi-exclusive à l'effacement, exigence de sommes exorbitantes pour les aménagements non destructeurs, discours négatif et méprisant sur les "ouvrages inutiles", menace non voilée sur des mises en demeure à venir, chantage à la subvention (pour détruire) qui n'existera plus l'année suivante, etc.

Mais puisque ses tenants affirment que la continuité écologique se déroule sans problème majeur et qu'elle est même bien accueillie, allons au bout de leur logique et rendons-là optionnelle. Cela ne changera rien à son très bon accueil supposé, cela résoudra directement et sans complication les "quelques" cas problématiques, cela permettra de faire de la continuité longitudinale sur toutes les rivières, et non pas sur certaines seulement classées à cette fin. Au bout d'une ou deux décennies de cette continuité optionnelle, on observera les avancées et les moyens de régler les éventuels problèmes persistants (mais qui devraient être mineurs, vu le supposé plébiscite de la pelleteuse écologique au bord des rivières françaises).

"Les ouvrages représentant un patrimoine bâti, tels que les moulins, sont largement minoritaires et leur aspect patrimonial est pris en compte dans les projets. Afin d’intégrer efficacement l’ensemble de ces enjeux, il existe des sources de financements complémentaires, notamment auprès des Régions, des Départements, des fondations de préservation du patrimoine."

Le caractère "minoritaire" des moulins se chiffre. A ce qu'il semble, le ministère n'est pas capable de donner une référence claire à ce sujet. Sur les rivières classées au titre de la continuité écologique que nous étudions, les moulins représentent au contraire la majorité des ouvrages barrant le lit mineur. Par ailleurs, l'appel à moratoire sur les effacements d'ouvrages hydrauliques est porté aussi bien par des représentants des riverains, des étangs, des forestiers, des agriculteurs, des défenseurs du petit patrimoine rural (qui ne se limite pas au moulin dans le cas hydraulique). La continuité écologique remet en cause des paysages et des usages, pas seulement des moulins.

Nous avons hâte de voir si les quelques dizaines d'EPCI / EPAGE / EPTB dont nous avons examiné les pratiques et les travaux d'études vont signer ce texte. Et nous ne manquerons pas d'analyser les publications des autres. Car la prise en compte du patrimoine dans leur démarche, c'est proche du néant dans l'immense majorité des cas, tant au plan du diagnostic initial des bassins que dans la mobilisation d'experts ou d'associations sur chaque chantier. Les ingénieurs et techniciens des syndicats, des agences publiques, des bureaux d'études qui sont mobilisés sur ces chantiers ont presque tous des formations en écologie, pas en histoire, en archéologie ni en sociologie, et ils ne montrent à peu près aucune empathie pour l'approche historique de la rivière, dont ils vantent au contraire le plus souvent une "naturalité" atemporelle et fantasmatique.

Quant au fléchage des "financements complémentaires", il serait quant à lui très utile: nous n'avions pas observé que les départements ou régions proposent des financements à hauteur des coûts exorbitants d'aménagements non destructifs d'ouvrages hydrauliques.



"La compréhension des écosystèmes aquatiques a évolué fortement et très rapidement lors de ces dernières années. "

Les rédacteurs de ce pamphlet seraient-ils disposés à nous en dire plus sur ces fortes et rapides évolutions de notre compréhension des écosystèmes? A quels travaux de recherche est-il précisément fait allusion? Des publications qui sont des game changers dans un domaine de connaissance ne passent pas inaperçues… et nous n'avons rien lu de tel dans notre veille. S'il est une tendance observable chez la communauté scientifique des écologues, c'est plutôt la reconnaissance de la complexité des écosystèmes aquatiques et de la difficulté de prédire leur trajectoire dans une logique de restauration. Ainsi que l'observation du caractère très dynamique des socio-écosystèmes et de l'effet de long terme des altérations humaines de milieu, rendant peu crédible l'attente d'une réversibilité vers un état de référence passé.

"Ces acquis sont pourtant compris, partagés et éprouvés par l’immense majorité des acteurs en charge de la gestion des rivières, qui bénéficient désormais de multiples retours d’expérience positifs en matière de restauration physique et de continuité écologique."

Tant mieux pour les "acteurs", visiblement ravis d'eux-mêmes. Le problème, c'est que les chercheurs en écologie de la restauration disent plutôt le contraire. C'est même devenu un lieu commun de la littérature scientifique sur la restauration physique depuis 10 ans: trop peu de travaux font l'objet d'un suivi, trop peu de suivis sont rigoureux, et au final, quand on a des données rigoureuses de long terme, les résultats écologiques sont ambivalents (parfois c'est bien, parfois non, assez peu de prédictibilité). En voici quelques exemples (le dernier, Morandi 2014, concerne spécifiquement la France) dont le contenu est aux antipodes de l'autosatisfaction sans preuve affichée par les auteurs du libelle :

"La restauration et la conservation écologiques sont affligées par un paradoxe prenant une importance croissante : des cibles étroitement définies de conservation ou de restauration, conçues pour garantir des succès, mènent souvent à des efforts mal dirigés et même à des échecs complets (…) La connaissance scientifique accumulée de la biologie des espèces, des processus écosystémiques et de l'histoire environnementale indique que le monde est plus complexe que nos préconisations en gestion ou politique de conservation l'assument. Le déséquilibre entre réalité et politique conduit à des ressources gâchées, des efforts mal orientés et des échecs potentiels pour conserver et restaurer la nature, et ceux-ci deviendront de plus en plus prévalents avec le changement climatique". Hiers et al 2016

"Les réponses des communautés invertébrées benthiques à la restauration sont hautement variables. En dépit d'un turnover considérable des espèces et d'une richesse taxonomique augmentée, ni les mesures de diversité ni l'abondance des taxons n'ont répondu significativement (…) nos résultats sont consistants avec ceux d'autres études qui ont trouvé une réponse très variable des invertébrés benthiques à la restauration hydromorphologique, mais sans direction du changement, ni d'amélioration dans les résultats évalués en dépit d'une qualité hydromorphologique clairement meilleure (Bernhardt et Palmer 2011; Haase et al 2013; Palmer et al 2010)". Leps et al 2016

"Même si une prise en compte plus large des processus de la rivière et de la restauration au-delà du corridor fluvial s’est installée, la communauté scientifique a souligné deux thèmes persistants dans la restauration de rivière : le suivi limité des projets pour déterminer objectivement et quantitativement si les buts de la restauration sont atteints (par exemple, Bernhardt et al, 2005) et la proportion élevée de projets de restauration qui ne parviennent pas à des améliorations significatives des fonctions de la rivière telles que les reflètent des critères comme la qualité de l’eau ou les communautés biologiques (Lepori et al 2005, Bernhardt et Palmer 2011, Violon et al 2011, Palmer et Hondula 2014). Nous pouvons ajouter à cela le troisième défi consistant à mieux intégrer la communauté non scientifique dans la planification et l’implémentation de la  restauration de rivière (Eden et al 2000, Pfadenhauer 2001; Wade et al 2002, Eden et Tunstall 2006, Eden et Bear 2011). L’échec apparemment très répandu de beaucoup d’approches de restauration souligne le besoin de comprendre pourquoi une proportion substantielle des projets de restauration n’atteignent pas leurs objectifs et comment la communauté scientifique peut contribuer à rendre cette restauration plus efficace". Wohl et al 2015

"Bien que les projets de restauration soient désormais plus fréquents qu'avant, il y a toujours un manque d'évaluation et de retour d'expérience (…) Cette étude met en lumière la difficulté d'évaluer la restauration de rivière, et en particulier de savoir si un projet de restauration est un échec ou un succès. Même quand le programme de surveillance est robuste, la définition d'un succès de restauration est discutable compte tenu des divers critères d'évaluation associés à une diversité de conclusions sur cette évaluation (…) il y a non seulement une incertitude sur les réponses écologiques prédites, mais aussi dans les valeurs que l'on devrait donner à ces réponses (…) La notion de valeur est ici entendue dans son sens général, et elle inclut des dimensions économique, esthétique affective et morale. (…) L'association entre la médiocre qualité de la stratégie d'évaluation et la mise en avant d'un succès souligne le fait que dans la plupart des projets, l'évaluation n'est pas fondée sur des critères scientifiques. Les choix des métriques est davantage relié à l'autorité politique en charge de l'évaluation qu'aux caractéristiques de la rivière ou des mesures de restauration. Dans beaucoup de cas, la surveillance est utilisée comme une couverture scientifique pour légitimer une évaluation plus subjective, qui consiste alors davantage à attribuer une valeur aux mesures qu'à évaluer objectivement les résultats eux-mêmes de ces mesures." Morandi et al 2014

On peut lire par ailleurs une synthèse d'une vingtaine de travaux dont la plupart 2010-2015
 et une critique des recueils d'expérience de l'Onema dont quasiment aucun n'obéit à des protocoles scientifiques sérieux de contrôle et objectivation des gains (tels que posés par Palmer 2005, repris par exemple par Lamouroux 2015 pour évaluer le chantier – sérieux et ambitieux, lui, mais aussi coûteux – de restauration du Rhône).



"Les têtes de bassin sont en effet des zones refuges qui revêtent une importance capitale pour le fonctionnement de nos écosystèmes aquatiques, dont l’accès devient de plus en plus nécessaire et stratégique dans le cadre des possibilités d’adaptation de la faune aquatique au changement climatique."

Il serait utile d'en savoir plus. On a désormais bien compris qu'un certain lobby pêcheur est prêt à tout pour garder ses truites, y compris détruire tous les moulins et étangs des vallées, mais en biodiversité réelle et pas seulement en loisir halieutique sur quelques assemblages de poissons, où sont les travaux d'évaluations chiffrées? Quels sont par exemple les protocoles d'inventaire faune-flore-fonge au long cours pour comprendre l'impact sur le vivant des étangs ou des systèmes biefs-retenues en tête de bassin? Ou les protocoles d'analyse chimique / physico-chimique de leurs effets quand il y a de l'activité agricole dans cette tête de bassin? Ou les modèles hydrologiques couplés aux modèles climatiques permettant de prédire les zones à fort enjeu d'adaptation d'ici 2050/2100, mais aussi de déduire une analyse coût-bénéfice orientant l'action selon la probabilité de succès sur des espèces cibles? S'entendre reprocher qu'on est "bien loin d’un argumentaire scientifique" (dans une réunion où le chercheur a dix minutes pour s'exprimer face à des non-spécialistes) quand on a lu des dizaines, des centaines de rapports, présentations, études qui prétendent aboutir à des orientations fermes d'action sur des bases empiriques et analytiques incroyablement parcellaires, sans aucune réflexion sur leurs propres incertitudes de construction et limites de compréhension, cela fait quand même sourire.

"Nous sommes par essence ouverts au débat et à la discussion, dans des lieux où la parole contradictoire est, et sera toujours la bienvenue."

C'est bien le moins d'accepter le débat quand on porte une réforme ayant réussi la triste prouesse de rendre l'écologie des rivières incroyablement impopulaire en quelques années. Mais a-t-on observé cette volonté de débat depuis 15 ans? La continuité écologique a-t-elle été préparée et décidée sur la base d'échanges contradictoires avec l'ensemble des parties prenantes et la publication d'expertises scientifiques collectives et pluridisciplinaires? La réponse est hélas négative.


Conclusion : la réforme de continuité écologique, plus largement la restauration des bassins versants, est une politique publique à bien des égards nécessaire, mais condamnée à produire du conflit si elle n'est pas capable de reconnaître les limites et échecs de la décennie écoulée. Malgré ses défauts de construction, le récent guide Eau et connaissance de l'Agence de l'eau RMC a commencé une (très timide) reconnaissance du caractère imparfait de l'action en rivière. Ce guide préconise des travaux préliminaires de préparation et justification des chantiers, notamment (pp. 263-264)
  • diagnostic du fonctionnement physique et écologique de la rivière aux échelles spatiales cohérentes en fonction des pressions (échelle bassin versant, tronçon, micro-habitats...),
  • analyse prospective (évolution future potentielle),
  • comparaison de scénarios dont les effets sont bien documentés,
  • analyse des facteurs limitant les améliorations souhaitées (pressions multiples, potentiel de recolonisation, échelle d’action, qualité de l’eau, quantité d’eau...),
  • discussion de la pertinence sociale et territoriale dès le début du projet en concertation avec les acteurs afin de construire sa légitimité et faciliter les négociations bilatérales entre filières qui peuvent avoir lieu par la suite pour rendre le projet opérationnel,
  • définition des objectifs de projet et des objectifs de suivi et d’évaluation clairs, avec des indicateurs de suivi précis.
A ces exigences préparatoires (si peu respectées par les gestionnaires de rivière aujourd'hui) s'ajoute la nécessité d'un débat démocratique de fond, où le si vanté "dialogue environnemental" ne dégénère pas en monologue dogmatique ni en catalogue flou: quelles rivières voulons-nous vraiment? La doxa actuellement dominante de la "renaturation" reflète-t-elle les attentes réelles des citoyens sur l'environnement, le paysage, le patrimoine, les usages, les loisirs? A quelle "nature" nous référons-nous au juste quand nous désirons sa protection, sa conservation, sa contemplation? A quelle "biodiversité" s'adresse-t-on, celle du passé ou celle du présent, celle qui pré-existait à l'homme ou celle que les activités humaines ont modifié, parfois pour l'amoindrir, mais parfois aussi pour l'enrichir? Aucun de ces débats n'a accompagné la réforme de continuité écologique, conçue de manière opaque et imposée de manière autoritaire. On récolte ce que l'on sème...

04/02/2017

Réponse de la végétation riveraine à la suppression d'ouvrages hydrauliques (Depoilly et Dufour 2015)

Une étude de long terme faite sur la végétation riveraine de deux fleuves côtiers bas-normands (Orne, Vire) montre que les arbres situés à l'amont de deux ouvrages de moulins effacés en 1997 ont connu une baisse significative de croissance, en particulier les aulnes. Pour les chercheurs à l'origine de ce travail, les écosystèmes aquatiques, les écosystèmes riverains, le bâti historique et les pratiques sociales doivent être davantage intégrés dans la programmation multidisciplinaire de la restauration de continuité écologique. 

Doriane Depoilly et Simon Dufour, chercheurs en unité mixte CNRS et Université de Rennes, se sont attachés à mettre en évidence l’influence éventuelle de la suppression d’ouvrages hydrauliques sur la ripisylve des cours d’eau du nord-ouest de la France, grâce à une approche dendrochronologique. L’étude a été réalisée sur 2 sites localisés dans les bassins versants de l’Orne et de la Vire (fleuves côtiers bas-normands), le moulin du Viard (Calvados) et le moulin de Rondelles (Manche). Ces ouvrages, d’une hauteur de 2 et 3 m, ont été supprimés en 1997.

Quelle est la réponse de la croissance des arbres de la ripisylve en fonction des espèces et de la localisation des individus par rapport à l’ouvrage?

L'approche dendrochronologique repose sur le fait que les cernes de croissance des espèces ligneuses montrent une variabilité interannuelle de leur largeur, qui est directement liée aux paramètres environnementaux impactant cette croissance ligneuse: climat, apport en eau, ouverture ou fermeture du milieu. Cette approche est aussi utilisée pour reconstituer l'évolution des climats passés.

Une chronique climatique et hydrologique a été analysées sur une période de 34 ans (1980-2013): moyenne des précipitations mensuelles, moyenne des températures minimales et maximales mensuelles. Des placettes d’échantillonnage ont été localisées en amont de l’ancien barrage, à 20, 350 et 538 mètres pour le moulin des Rondelles et à 114, 412 et 560 mètres pour le moulin du Viard.

Résultat : "la mesure rétrospective des cernes de croissance des arbres de la ripisylve sur une période de trente ans met majoritairement en évidence une baisse significative de la croissance ligneuse suite à la suppression des ouvrages".


Les ruptures de croissance sur la période analysée, avant et après la suppression d'ouvrage, Depoilly et Dufour 2015, art cit, droit de courte citation.

Dans le détail, 30 échantillons sur 36 enregistrent une différence statistiquement significative. La suppression a ainsi entraîné un changement de croissance (positif ou négatif) pour près de 83 % des individus avec 66 % de diminution, 17 % de stagnation et 17 % d’augmentation. Concernant les ruptures significatives, la majorité sont à la baisse (77 à 80 % selon le test). Temporellement, les ruptures statistiquement significatives après 1997 sont majoritaires (60 % des arbres). Tous les arbres ne réagissent pas de la même manière: sur un des deux sites, la suppression du barrage affecte négativement la croissance des aulnes mais positivement celle des frênes et des tilleuls (baisse du caractère hygrophile des ripisylves).

Comme l'écrivent le chercheurs, "les résultats de cette étude illustrent en partie la complexité des enjeux politiques et opérationnels qui s’articulent autour de la stratégie de restauration de la continuité écologiques des cours d’eau par suppression des ouvrages de type seuils ou petits barrages. En effet, cette stratégie soulève la question de notre capacité à combiner les effets de telles opérations sur des plans multiples, relevant des dimensions écologistes et socio-culturelles. La mobilisation de critères multiples, si elle assure une intégration plus complète des différents enjeux, ne résout pas les éventuelles oppositions. Ainsi, en ce qui concerne la dimension écologique, la restauration de la continuité se concentre sur le chenal, dont elle vise à améliorer les conditions biotopiques et, dans de nombreux cas, elle n’intègre pas les écosystèmes de plaine alluviale, dont la réponse elle-même peut être variable. (…) nos résultats semblent montrer que le risque d’une perte partielle du caractère humide des habitats riverains en place existe, même si l’ampleur du phénomène reste à analyser plus finement. Si le bilan écologique est difficile à établir pour une seule composante du système, il devient vite évident que le bilan global, intégrant plusieurs systèmes (écosystèmes et sociosystèmes), à différentes échelles spatiales, est encore plus délicat à dresser (Stanley et Doyle, 2003 ; Jørgensen et Renöfält, 2012)."

Dicussion
Les auteurs observent : "Il ne s’agit pas ici de remettre en cause le bien-fondé de la politique de restauration de la continuité, ni de conclure à l’impossibilité d’une prise de décision devant la multiplicité des conséquences, mais bien de souligner la nécessité d’une approche des actions de restauration qui, sans renier ses ambitions, serait probablement plus intégrée, plus en lien avec la diversité des situations et, dans tous les cas, plus explicite dans ces objectifs et ses conséquences." Et ils ajoutent : "Ecosystèmes aquatiques, écosystèmes riverains, bâti historique, pratiques sociales... autant d’éléments à intégrer par des processus qui réclament conjointement des connaissances scientifiques multi-thématiques et des dispositifs politiques efficients".

On ne peut que partager cet appel raisonnable à une approche multidisciplinaire et intégrative de la restauration de rivière, particulièrement de la restauration de continuité écologique. La défragmentation a été portée en France par des objectifs très orientés sur l'expertise hydrobiologique, en particulier la franchissabilité des obstacles par les migrateurs et la réhabilitation d'habitats lotiques pour des rhéophiles. On a oublié un peu rapidement que les habitats artificiels lentiques (biefs, canaux, retenues, étangs, etc.) forme des hydrosystèmes à part entière, connectés aux habitats riverains, avec un bilan de biodiversité et de fonctionnalité ne pouvant se limiter à l'optimisation pour certains assemblages pisciaires ou pour certains traits fonctionnels de ces assemblages.

Référence: Depoilly D et Dufour S (2015), Influence de la suppression des petits barrages sur la végétation riveraine des cours d'eau du nord-ouest de la France, Norois, 237, 51-64

01/02/2017

Journée des zones humides

Biefs, canaux, rigoles des déversoirs et déchargeoirs, retenues, étangs... les ouvrages en rivière créent des plans d'eau et des annexes hydrauliques qui forment autant de singularités. Ils alimentent souvent des espaces humides attenants, par des rehausses de nappe, des débordements ou des fuites. A leurs abords, la végétation prospère. Au fil des saisons, on y observe toute une faune d'oiseaux, insectes, amphibiens, mammifères... En sécheresse ou en crue, des poissons y trouvent refuge. Chaque ouvrage est différent, chaque ouvrage mérite un examen attentif. L'inventaire de cette biodiversité reste à faire, car elle est aujourd'hui négligée – voire niée – par les gestionnaires de l'eau. Nous invitons les propriétaires de ces ouvrages à se coordonner, à relever et photographier la faune et la flore de leur bien, à nous communiquer leurs observations. 

30/01/2017

Non à la destruction des moulins de Chartres

Chartres Métropole s'apprête à détruire plusieurs ouvrages hydrauliques sur les communes de Chartres, Le Coudray, Luisant, cours d'eau de l'Eure. Mobilisez-vous d'ici vendredi pour dire non lors de l'enquête publique.

Le dossier de l'enquête publique peut être téléchargé à cette adresse. Vous avez jusqu'à vendredi prochain pour écrire au commissaire enquêteur (enquetes.publiques@agglo-ville.chartres.fr), ou vous rendre en mairie (Mairie de Chartres, Guichet unique, 32-34 Boulevard Chasles). Ci-dessous quelques-uns des arguments que nous envoyons pour notre part à l'enquête.


Pollution eau et sédiments
Il est reconnu dans le dossier que la qualité chimique et physico-chimique de l'eau est moyenne, donc insatisfaisante pour la directive cadre européenne (DCE 2000) :  "De manière globale, la qualité de l’Eure est moyenne que ce soit pour les paramètres physico-chimiques de carbone organique dissous, phosphore total et nitrates par exemple, qu’au regard de la qualité biologique (macro-invertébrés, diatomées ou poissons). Malgré tout, les résultats montrent une dégradation du milieu au niveau chimie sur les paramètres ammonium et orthophosphates notamment. Cela se traduit par une eutrophisation de l’eau, c’est-à-dire une asphyxie du cours d’eau résultant de la prolifération d'algues qui consomment tout l'oxygène nécessaire à la vie aquatique."

En conséquence :
- le dossier aurait dû proposer une analyse chimique des sédiments des retenues remobilisés par les travaux, afin de vérifier s'il est nécessaire de les placer en décharge spéciale, et non les laisser repartir en l'état vers l'aval,
- le chantier consiste à rétablir la continuité piscicole et sédimentaire dans une eau reconnue comme dégradée, donc les effets biologiques seront moindres et la dépense d'argent public ne correspond pas aux priorités de la DCE.

Foncier et chantier
Le dossier stipule que trois ouvrages ont fait l'objet d'une abrogation de règlement et/ou droit d'eau par arrêtés en 2016, et que leurs propriétaires ont signé des conventions avec Chartres Métropole. Toutefois, le dossier ne précise pas que les autres propriétaires directement impactés par les chantiers sur chaque rive, et par l'évolution du niveau d'eau sur leur propriété riveraine, ont été consultés, ont obtenu des garanties sur l'avenir de leur bien riverain et ont donné un accord au chantier.

Patrimoine historique et paysager
L'article L 211-1 code de l'environnement dispose : III.-La gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, en particulier des moulins hydrauliques et de leurs dépendances, ouvrages aménagés pour l'utilisation de la force hydraulique des cours d'eau, des lacs et des mers, protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux remarquables en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme.

L'article L 214-17 code de l'environnement dispose : IV.-Les mesures résultant de l'application du présent article sont mises en œuvre dans le respect des objectifs de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux remarquables en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme.

Il y a donc obligation de :
- vérifier si les ouvrages et leur retenue sont dans le périmètre de sites inscrits ou font l'objet d'une protection dans les documents d'urbanisme
- consulter le cas échéant l'architecte des bâtiments de France et publier son avis.

Le dossier ne spécifie aucune démarche en ce sens et ne comporte aucune information sur le patrimoine historique, culturel, paysager attaché aux ouvrages.

Risque géotechnique
Aucune information n'est donnée sur l'évolution des berges, des ouvrages d'art et des fondations des bâtis qui sont actuellement en permanence en eau grâce aux retenues que l'on s'apprête à faire disparaître. Aucune responsabilité n'est précisée en cas de dommages. Beaucoup de fondations anciennes sont réalisées en bois et résistent mal à la mise hors d'eau. Le principe de précaution exige d'apporter toutes garanties avant de commettre l'irréparable.

Zone Natura 2000
Le dossier précise: "La zone est concernée par une zone Natura 2000, au niveau du moulin Lecomte. La zone n°35 se situe en amont de la zone d’étude. Il s’agit de la Prairie de Luisant. Cette zone est remarquable pour l’habitat « mégaphorbiaie » qui la compose. Le site du moulin Lecomte se situe dans la partie « peupleraie » de la zone."

Or, les travaux ont des conséquences potentiellement néfastes sur l'écoulement superficiel et souterrain (abaissement de nappe), comme sur le milieu : abattage des arbres sur l’îlot, abattage des arbres sur le bief, abattage de 70 peupliers, défrichement de la végétation de l’ilot, comblement de la totalité du canal,réalisation de travaux de VRD (enrobé bitumineux, parking, trottoir, réseaux, etc.), future sortie camion à proximité du lavoir, etc.

Le dossier ne comporte pas d'étude d'impact complète sur la zone.

Enjeux biologiques
Le dossier ne comporte aucun inventaire biologique complet faune-flore-fonge des espèces inféodées à l'hydrosystème existant. En l'état, on ne connaît pas la biodiversité présente et on ne peut notamment pas garantir l'absence de "perte nette de biodiversité" liée aux travaux (article L. 110-1 code de l'environnement).

Pour les poissons en particulier, premier objectif de la mise en conformité L 214-17 code de l'environnement, le dossier ne comporte pas un inventaire complet amont, aval et zones intermédiaires des retenues. Il est donc impossible de savoir si les espèces cibles parviennent ou non à franchir les bras en l'état, si les ouvrages augmentent ou diminuent la richesse spécifique totale, de même qu'il est impossible de chiffrer des objectifs de gains liés à la dépense publique des chantiers.

Plusieurs ouvrages sont décrits comme partiellement franchissables (Barre des prés, Tan, Lecomte). Cette franchissabilité partielle est conforme à l'article L 214-17 code de l'environnement qui n'impose pas une obligation de franchissabilité totale (toutes espèces et toutes saisons), donc d'une part la solution radicale d'effacement n'est pas proportionnée à l'enjeu sur les sites concernés, d'autre part la dépense d'argent public sur un bien privé ne relève pas de l'intérêt général.

Pour l'ensemble de ces raisons, et sous réserve que le maître d'ouvrage réponde aux points ci-dessus énumérés, un arrêté préfectoral autorisant les travaux en l'état serait susceptible de faire l'objet d'une requête contentieuse en annulation.

Illustration: le pont des Minimes, le moulin de Ponceau et les bords de l'Eure, Chartres, Eure-et-Loir (France). Photographie prise par Giraud Patrick, CC VY 2.5.