18/04/2017

Suppression automatique des droits d'eau fondés en titre? Une mauvaise idée pour un faux problème

Dans son rapport récent, le CGEDD propose de mettre à l'étude une mesure de suppression automatique des droits d'eau fondés en titre pour non-usage pendant 5 ans. Nous montrons ici, en citant l'avis récent des magistrats du Conseil d'Etat à ce sujet, que c'est un "faux problème" car l'administration dispose d'ores et déjà du droit d'amender voire de supprimer sans indemnité un droit d'eau pour des raisons motivées d'écologie, de sécurité ou de salubrité. D'où notre désagréable déduction : le seul motif de cette mesure, c'est d'accélérer la casse des ouvrages hydrauliques, par définition des ouvrages les plus anciens (souvent les plus modestes) puisqu'ils sont fondés en titre. Ce choix ressemble donc à une provocation, assez peu responsable alors que les propriétaires, riverains et parlementaires sont déjà vent debout contre les excès de la continuité écologique et la destruction indue du patrimoine des rivières. Rappelons qu'en 2012 déjà, l'administration n'avait retenu que 2 des 11 propositions du CGEDD... juste celles qui l'arrangeaient, en se gardant bien de respecter celles qui l'obligeaient à la prudence et la concertation. Alors en 2017, autant être clair : une remise en cause des droits d'eau fondés en titre signifierait une rupture totale du dialogue avec le monde des moulins et étangs, et serait synonyme d'une intensification du combat politique et judiciaire ayant déjà lieu aujourd'hui contre les dérives de la politique de rivières. Ce n'est certainement pas ainsi que l'on favorisera une poursuite apaisée de la continuité écologique.


Le rapport du CGEDD sur la continuité écologique propose de mettre à l'étude le principe de suppression automatique du droit d'eau fondé en titre : "Instaurer une procédure de déchéance des droits fondés en titre qui ne seraient pas utilisés à compter d'un certain délai, par exemple le second délai de cinq ans après publication des classements des cours d'eau, et rendre ces droits non transmissibles."

Petit rappel juridique : le droit d'eau fondé en titre est un droit privatif d'usage, assimilé à un droit réel immobilier, permettant à tout moulin ou étang existant avant 1790 sur une rivière non domaniale (avant 1566 sur une rivière domaniale) de dériver ou stocker l'eau sans avoir à demander de nouvelle autorisation administrative. C'est l'existence d'un génie civil hydraulique encore en place qui suffit à garantir ce droit d'eau fondé en titre. Par extension, les moulins et usines à eau d'une puissance de moins de 150 kW et réglementés avant 1919 bénéficient eux aussi d'une autorisation administrative ne demandant pas à être renouvelée (droit d'eau fondés sur titre).

Nous pensons que la suppression automatique des fondés en titre ou sur titre est une mauvaise recommandation pour les raisons suivantes.

L'administration veut s'arroger un droit de casser, au risque de rompre tout dialogue avec les moulins - La principale raison de faire disparaître le droit d'eau est, de l'aveu même du CGEDD, de lever une complication empêchant l'effacement des ouvrages hydrauliques anciens ("leur existence est à la source de blocages sur l'ensemble des opérations de restauration de la continuité écologique, ainsi que l'a montré l'enquête auprès des préfets, et ce indépendamment des projets que peuvent avoir ou non les propriétaires de remettre en service leurs seuils pour une éventuelle production hydroélectrique"). Eu égard aux contestations déjà fortes que soulève la continuité écologique, relevées par le CGEDD comme un problème pour la politique publique de l'eau, nous trouvons assez peu responsable de mettre en avant une mesure qui ne manquera pas de susciter une levée immédiate de bouclier. Le monde des moulins attache une importance symbolique et juridique forte au droit d'eau fondé en titre et une mesure visant à le supprimer ferait l'objet d'un nouveau cycle de contentieux juridiques, tant pour faire annuler ladite mesure que pour empêcher ensuite, par d'autres moyens de droit, la suppression concrète des ouvrages. Car un effacement peut se contester de bien d'autres manières que par le droit d'eau.

Un moulin sans usage aujourd'hui n'est pas un moulin sans usage demain, le droit d'eau permet la restauration - Les enquêteurs du CGEDD auraient gagné à demander des photos anciennes des moulins qu'ils ont visités lors de leurs travaux. Ils auraient découvert que bien souvent, les gens achètent des moulins à demi-ruinés, ayant perdu tout usage énergétique, souvent habités par des personnes âgées qui ont connu l'usage ancien, mais ne l'ont pas poursuivi. Et pourtant, après rachat ces moulins sont restaurés, parfois leur production d'énergie est relancée.  C'est possible grâce à la persistance du droit d'eau, sans lequel les organes hydrauliques auraient été détruits et le moulin serait redevenu une simple maison en zone inondable, sans intérêt patrimonial et sans potentiel énergétique. Donc demander la casse automatique des droits d'eau, c'est faire disparaître toutes les opportunités de restauration, réduisant les moulins à un nombre limité de sites d'ores et déjà équipés. Nous ne voulons pas cet appauvrissement, alors que tant de gens, y compris de nationalités étrangères, retapent aujourd'hui le patrimoine avec passion.

Le sens du droit d'eau a évolué avec les usages des moulins - Le droit d'eau a souvent perdu sa vocation énergétique d'origine, puisque (trop) peu de moulins produisent aujourd'hui. Mais comme le relèvent eux-mêmes les rapporteurs du CGEDD, les moulins ont gagné avec le temps d'autres usages et valeurs (agrément, paysage, patrimoine, parfois biodiversité) qu'il s'agit de prendre en considération. Ainsi, des personnes qui ont beaucoup investi dans leur moulin mais qui pour autant n'en utilisent pas l'énergie pourraient se voir demain obligées de détruire les organes hydrauliques d'un site et de vider les biefs au prétexte que leur droit d'eau disparaît : est-ce ainsi que l'on récompensera leurs efforts et leur soutien à l'activité locale? Il est assez incohérent de demander d'un côté la prise en considération du patrimoine hydraulique et de proposer d'un autre côté une mesure de nature à faciliter la destruction de ce patrimoine hydraulique par une administration de l'eau ayant déjà amplement démontré son désintérêt complet pour la question et sa volonté de détruire au nom de la "renaturation".

L'administration a déjà tout pouvoir pour amender voire supprimer les droits d'eau en l'état du droit - La recommandation du CGEDD est surtout une mauvaise réponse à un faux problème, et nous publions en ce sens l'extrait du rapport du Conseil d'Etat de 2010 à propos de la question des droits d'eau fondés en titre. Quand un ouvrage pose un problème grave (pour l'écologie, la sécurité, la salubrité), l'administration peut d'ores et déjà prendre toute prescription complémentaire pour amender le droit d'eau, voire si nécessaire le supprimer. Mais elle doit évidemment le motiver — ce qui est une saine protection contre l'arbitraire eu égard aux nombreux enjeux de riveraineté attachés à l'existence des écoulements et des berges à leur niveau d'équilibre actuel. De la même manière, au regard de la loi et de la jurisprudence, un ouvrage en état de ruine ou un ouvrage dont les éléments essentiels à l'usage de la force motrice ont totalement disparu perd son droit d'eau fondé en titre. Il n'y a donc aucun motif sérieux à modifier ce régime juridique des fondés en titre… ce qui rend encore plus suspecte la mesure proposée de cacher ses intentions véritables, à savoir un futur effacement à la chaîne des moulins déchus de leur droit d'eau.

Conseil d'Etat :
Le faux problème des établissements fondés en titre

Dans ce registre des droits de propriété, les établissements fondés en titre posent une autre difficulté juridique, qui est largement surestimée par l’administration, car la jurisprudence administrative et la loi permettent de la surmonter.

Survivance historique, ils signalent à leur manière la prépondérance du droit d’usage dans le droit de l’eau. Consentis d’une part sur les cours d’eau appartenant au domaine public avant l’intervention de l’édit de Moulins (cf. annexe 5), lors des ventes de biens nationaux sous la Révolution ou depuis 1790 par le législateur lui-même – le principe de l’inaliénabilité ne lui étant pas opposable – aux « usiniers » à une époque où l’électricité n’était pas encore distribuée aux portes des établissements industriels par un réseau national, d’autre part sur les cours d’eau non domaniaux avant l’abolition des privilèges et droits féodaux par le décret du 11 août 1789 et l’instruction législative des 12-20 août 1790 (CE, 1er février 1855, Compagnie du canal de jonction de la Sambre à l’Oise c/ Pruvost et consorts, rec. p. 100 ; CE, 5 décembre 1947, Sieur Mounier, rec. p. 457) ou par suite de vente de ces biens, ils constatent légalement des droits privatifs d’usage et non de propriété sur les cours d’eau domaniaux ou non domaniaux, l’évolution juridique de leur statut étant indifférente (CE, 9 mars 1928, Suderies, rec. p. 342). Leur effet principal est de mettre leurs titulaires à l’abri de la précarité qui caractérise l’occupation du domaine public (imprescriptibilité et inaliénabilité de ce domaine) ou des revendications que les autres utilisateurs de la ressource pourraient faire valoir sur les cours d’eau non domaniaux au titre des usages locaux ou des règlements d’eau et de les dispenser de solliciter une autorisation de prélèvement au titre de la police de l’eau. L’ordonnance no 2005-805 du 18 juillet 2005 (art. L. 214-6 II du code de l’environnement) a d’ailleurs consacré leur assimilation à des autorisations ou déclarations susceptibles de faire l’objet d’arrêtés complémentaires.

Aujourd’hui, c’est leur état d’abandon qui constitue la préoccupation publique principale, une préoccupation qui est en outre aiguillonnée par les défenseurs de l’environnement et de la biodiversité attachés à l’effacement de tous les obstacles à la libre circulation dans les cours d’eau.

La loi et le droit administratif apportent déjà une réponse à de telles situations. Les ouvrages installés sur les cours d’eau domaniaux peuvent en effet faire l’objet de demandes unilatérales de modifications ou de suppression à l’initiative de l’administration mais celle-ci doit alors indemniser le permissionnaire dans la stricte limite du débit autorisé par le titre. Les ouvrages installés sur les cours d’eau non domaniaux doivent de même faire l’objet d’une demande d’autorisation lorsque le bénéficiaire veut augmenter la capacité de l’installation fondée en titre au-delà de la puissance brute initiale ou la transformer en pro- fondeur. Ces autorisations peuvent également, depuis la loi du 8 avril 1898 (art. 14 et 45) comme auparavant (CE, 8 août 1892, Danto, rec. p. 706), être modifiées, réglementées ou supprimées unilatéralement par l’administration (CE, 29 janvier 1936, Sieur Loury, rec. p. 132), avec (CE, 28 mars 1928, Potel, rec. p. 464; CE, 2 juin 1978, Époux Chatillon, Leb. t. p. 815) ou sans indemnité dans l’intérêt de la salubrité publique, laquelle inclut la protection de la nature, selon les dispositions qui  figuraient autrefois au code rural (art. 107 et 109). Le titre prend également  fin si l’ouvrage tombe en ruine ou a changé de destination mais pas en cas d’absence d’entretien de l’installation.

Si l’administration ne dispose pas toujours des éléments permettant de vérifier l’étendue des droits du titulaire ou la conformité de la situation présente de l’ouvrage au titre d’origine, c’est une question de moyens d’information – une de plus – relative au système d’information sur l’eau et de moyens de suivi des titres ou des autorisations accordées et non pas une question juridique.

L’administration dispose ainsi de plusieurs solutions juridiques pour surmonter les difficultés qu’elle est susceptible de rencontrer : contrôler la conformité de l’installation au titre d’origine; constater sa ruine ou son changement de destination et en tirer les conséquences; modifier ou supprimer unilatéralement l’ouvrage avec indemnisation lorsque celle-ci est prévue ; racheter le titre.

Les mettre en œuvre suppose simplement que l’État y consacre les moyens humains et budgétaires nécessaires, ce qui constitue la véritable difficulté, déjà rencontrée à maintes reprises, car il s’agit ici non pas d’appliquer un texte général à toutes les situations – c’est une des définitions de la loi – mais de faire un délicat travail d’archive au cas par cas. Gérer les conséquences de la complexité juridique et de l’empilement des régimes dérogatoires en matière d’allocation des droits de propriété et d’usage de l’eau présente un coût très élevé pour la puissance publique : elle ne peut pas sans incohérence d’un côté les accroître en permanence – notamment pour ne pas s’attaquer de front à cette allocation – et de l’autre refuser à l’administration les moyens matériels et humains de la gérer au quotidien.

Source : Conseil d'Etat (2010), L'eau et son droit, 582 pages

Post scriptum : sur la question du coût de gestion des droits d'eau fondés en titre, mise en avant par le Conseil d'Etat dans ce rapport de 2010 et par le CGEDD en 2017, on attend des données autres que vagues. Combien de temps au juste une DDT-M consacre-t-elle aux autorisations des ouvrages hydrauliques par rapport à ses autres missions dans le domaine de l'eau? Comment se répartissent les interventions à ce sujet (pour quels motifs l'administration intervient-elle, avec quelle fréquence, sur combien d'ouvrages par an)? Il est certain qu'une suppression totale des ouvrages ferait faire des économies de surveillance à la puissance publique, mais il est assez désolant que cet argument platement utilitaire (et non chiffré) serve à justifier la destruction du patrimoine culturel. Nous suggérons à cette puissance publique d'autres méthodes à cette fin, par exemple cesser d'empiler les normes et les surtranspositions du droit environnemental européen alors même qu'elle n'est pas disposée à mettre des moyens humains et financiers derrière ses ambitions légales et réglementaires, ne parvenant déjà pas à assumer correctement le minimum demandé par les directives européennes. Quand les riverains voient les centaines de millions d'euros dépensés à des chantiers de restauration physique dont on ne garantit même pas la réalité du bénéfice écologique, avec une armée d'agents administratifs ou territoriaux pour accompagner ces mesures à l'utilité douteuse, l'argument des restrictions de dépense publique paraît légèrement déplacé, sinon obscène...

Illustration : l'ouvrage du moulin de la scierie à Genay (rivière Armançon). Après une campagne de pression sur les obligations de la continuité écologique et l'absence de financement autre que pour l'effacement, le propriétaire de ce moulin a pris peur et a préféré abandonner son droit d'eau fondé en titre. Problème : tout le village s'est levé contre la disparition du très joli site et du plan d'eau qui est l'une des principales attractions en été. Arrêtons de faire croire que la continuité écologique est entravée par les droits d'eau : elle est bloquée par son impopularité, par son incapacité à garantir des gains écologiques significatifs et par une perte de services rendus par les écosystèmes dans bien des cas.

10 commentaires:

  1. L'administration ne consacre que peu de temps aux droits ondés en titre ce qui assure l'impunité des propriétaires qui excèdent ces droits à qui mieux mieux ...

    Faute de moyens l'administration ne connait pas précisément la consistance de nombreux droit d'eau fondés en titre par ailleurs la jurisprudence des droits fondés en titre a connu des dérives qui incite le législateur à agir (par exemple la reconnaissance de puissance sans commune mesure avec la puissance utilisée par l'installation originelle. Enfin la solution de la disparition par achat notamment lorsque l'entretien ou la gestion n'est plus assurée voire la préemption lorsqu'il y a intention d'aliéner ou lors de la mutation est une solution indolore que les agences de l'eau peuvent d'ors et déjà mettre en oeuvre... C'est une des solutions préconisée pour la protection des zones humides et de l'espaces de bon fonctionnement et d'expension de crues pourquoi ne serait-il pas utilisé pour le rétablissement de la continuité. et en plus que voilà une bonne mesure de la simplification administrative qu'attendent nos concitoyens...

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    1. L'achat du foncier (ou ici du barrage et des droits afférents) est en effet une solution classique en restauration de la rivière et de ses espaces de liberté. D'accord avec vous, elle a le mérite d'être simple, directe et claire. Attention cependant aux à-côtés, car cela ne résout pas tout : quelle estimation du droit d'eau (dans certains cas, c'est quasiment le seul intérêt du bien)? Quel effet du projet sur les tiers, les berges, le bâti (changer l'écoulement n'est jamais simple, il n'y a qu'à voir les archives très copieuses des contentieux dès qu'on modifie les niveaux d'eau)? Etc.

      Excès sur les droits d'eau : ce n'est pas notre expérience ici, qu'entendez-vous par là? Au plan juridique, un DFT n'a aucune obligation particulière (c'est un droit réel immobilier non écrit et non assorti de règles autres que celles générales du droit de l'environnement, bien sûr), ce sont les moulins réglementés qui doivent suivre leur règlement d'eau. La principale mesure est la hauteur légale de retenue, car les règlements visaient à protéger les tiers à l'amont et les autres usiniers à l'aval.

      Dérive de la jurisprudence : bah, le pouvoir judiciaire est indépendant et c'est une des conditions de l'équilibre des pouvoirs en démocratie. Heureusement que le politique n'ordonne pas au juge ce qu'il doit décider ! Votre argument serait de surcroît réversible et militant, on pourrait aussi bien dire que toutes les décisions judiciaires favorables à l'environnement sont des "dérives". Ce qui n'a pas trop de sens, le juge fait simplement évoluer le droit en l'interprétant.

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    2. L'administration ne consacre que peu de temps aux droits fondés en titre ce qui assure l'impunité des propriétaires qui excèdent ces droits à qui mieux mieux ...
      1) Le statut DFT ne nécessite aucune « punition » (hormis dogmatique); c’est une contre vérité, tout comme votre « poisson pilote » préféré ne serait pas exposé à une quelconque punition s’il détient une carte grise de voiture.
      2) Le statut DFT n’est pas graduel et ne souffre aucun « excès à qui mieux mieux ». Votre «anonyme » confond, avec le permis à point. Il lit Hydrauxois, certes, mais reste dans sa croyance et n’en retient rien.

      Faute de moyens l'administration ne connait pas précisément la consistance de nombreux droit d'eau fondés en titre
      3) Tous les moulins ont été autorisés et réglementés par les services des P&Ch ne serait-ce que pour payer les taxes. Ce n’est pas une question de « moyens », mais une gestion lacunaire de la gestion des archives à une époque de la restructuration minotière.

      « par ailleurs la jurisprudence des droits fondés en titre a connu des dérives »
      4) Quelles « dérives » ? c’est une interprétation personnelle.

      qui incite le législateur à agir (par exemple la reconnaissance de puissance sans commune mesure avec la puissance utilisée par l'installation originelle.
      5) L’anonyme devrait s’informer : c’est la puissance originelle maximale qui prévaut ; ce n’est pas une « dérive ».

      Enfin la solution de la disparition par achat notamment lorsque l'entretien ou la gestion n'est plus assurée voire la préemption lorsqu'il y a intention d'aliéner ou lors de la mutation est une solution indolore que les agences de l'eau peuvent d'ores et déjà mettre en œuvre...
      6) C’est bien ce qu’on reproche à ce biais : dépenser de l’argent public pour acheter en vue de détruire, sans analyse coût-avantage. Nos citoyens attendent plus d’efficience des dépenses publiques.

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  2. La séparation des pouvoirs ne laisse au juge que l'interprétation de la loi. Si le législateur constate que cette interprétation ne va pas dans l'intérêt général, il est libre et c'est même son devoir que de changer la loi. Par dérive des DFT je veux entendre par exemple la reconnaissance de puissances brutes (indépendantes donc de la machinerie mise en oeuvre pour la capturer et donc de son amélioration technique au fil des ans) sans commune mesure avec ce que pouvait être la puissance brute utilisée par les vénérables artifices du temps passé. Sans parler de l'oubli des usages (manoeuvres des vannages, chômage,...) qui étaient observer à ce moment là. La production électrique marchande impose un régime de turbinage qui n'a rien à voir avec l'usage qu'elle remplace ... voilà quelques unes des dérives que l'on peut observer sur un droit d'usage qui a tendance à se transformer en privilège.
    Pour ce qui est de valeur d'un DFT il n'est qu'à aller voir le déclaration fiscale de patrimoine au moment des succession ou la déclaration à l'ISF pour les plus chanceux d'entre vous ...

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  3. Ce que vous faites observer sur la justice, nous le soulignons en parallèle sur l'administration : si le législateur constate que l'administration produit des dérives, se permet des approches normatives excédant les termes de la loi, prend des mesures qui suscitent des conflits, confond l'intérêt général avec des orientations très particulières sur un seul domaine de la gestion équilibrée de l'eau, il est obligé de corriger le tir. Cela s'est passé en 2016 et 2017, cela devrait continuer. Vous observerez que le pouvoir parlementaire et (à vous lire) le pouvoir judiciaire vont plutôt dans le même sens. Il serait peut-être temps de se demander s'il n'y a pas un problème avec le pouvoir administratif dans cette affaire!

    L'indépendance du droit d'eau et du niveau technique d'équipement est une jurisprudence datant déjà du XIXe siècle, et confirmée depuis. Elle est assez logique : on ne va pas produire de l'énergie hydraulique avec les techniques d'il y a 2 siècles, en tout cas on ne va pas en faire une obligation. Comment voulez-vous défendre rationnellement l'idée d'un "gel hydraulique" avec obligation de faire comme en 1790 ou 1566? on peut aussi demander aux gens de rouler en fiacre et de s'éclairer à la bougie, mais bon…

    Par ailleurs, votre tableau n'est pas complet : certes les techniques énergétiques évoluent, mais le pouvoir réglementaire s'est aussi doté (assea récemment il est vrai) de moyen de compenser les impacts de l'hydro-électricité (hausse du DMB, franchissabilité, grilles fines, goulottes de dévalaison, réduction ou interdiction des éclusées, etc.). Contrairement aux effacements, ces points soulèvent relativement peu de contentieux, même si parfois il y a impossibilité de s'entendre entre un service instructeur et un usinier. On est ici dans la séquence classique du domaine environnemental, réduire-compenser-éviter. Certains veulent éviter l'hydro-électricité (=la supprimer), ou rehausser la phase de compensation-réduction à des niveaux qui défient le réalisme économique de la plupart des projets… pourquoi pas, mais à eux de convaincre les parlementaires français et européens que c'est la meilleure option pour l'intérêt général. Nous en doutons pour notre part.

    Enfin, il n'y a qu'environ 2500 sites qui produisent sur le réseau, sans doute la même quantité qui produisent en autoconsommation (installations beaucoup plus modestes de quelques kW, prenant peu de débit, ne tournant généralement pas ou peu sur juin-novembre dans nos régions). En face, il y a 90.000 obstacles à l'écoulement et parmi eux des moulins qui, à 90% d'entre eux, ne produisent pas. D'où notre argument sur le fait que le droit d'usage de l'eau a changé d'orientation au fil du temps, l'énergie n'est plus l'enjeu principal (même s'il reprend de l'importance avec la transition énergétique) et la question se porte sur d'autres aspects qui définissent eux aussi la qualité des cadres de vie (laquelle ne se réduit pas à l'approche écocentrée).

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  4. (suite)

    Vous parlez d'un "privilège", mais enfin gérer correctement un moulin demande pas mal de travail et d'attention, il y a des servitudes, des contrôles de police de l'enviro., des droits de riveraineté à respecter, etc. Et (au moins en tête de bassin) beaucoup de moulins sont des biens de taille modeste ou en mauvais état qui, à l'achat, valent moins de 150 k€. Par ailleurs, les gens qui achètent des jolies fermettes dans leur jus, des belles demeures rurales, etc. sont aussi éventuellement des "privilégiés", mais le fait d'acheter un moulin en eau (ce qui implique "avec son droit d'eau" en l'état actuel de notre régime juridique) ne sort pas du lot. La vérité est que le moulin est simplement un élément familier et apprécié du petit patrimoine rural et technique, qui a depuis très longtemps un public de passionné. Les querelles avec les grands barragistes ou usines hydro-électriques d'une certaine puissance ne les concernent pas vraiment, on fait une erreur en confondant l'industrie hydroélectrique comme activité commerciale et le monde des moulins dans son immense majorité.

    Sur les moulins anciens, lisez cette idée reçue ci-après. Il faut se garder des images d'Epinal, les moulins étaient d'abord des usines, nos ancêtres n'avaient pas beaucoup de notion d'écologie, etc. A Avallon, à Semur et d'autres petites villes à forte activité proto-industrielle, il y avait bel et bien des impacts sur les milieux et la qualité de l'eau ou des sédiments :
    http://www.hydrauxois.org/2015/10/idee-recue-03-jadis-les-moulins-en.html

    PS : la valeur du droit d'eau est plus compliquée, le notaire peut évaluer un moulin à XXX k€, mais le droit d'eau au sein de cette valeur foncière du bien, il est de quoi : 10%, 30%, 50%, le potentiel de production sur un contrat de 20 ans...? Si les agences veulent financer des rachats, elles doivent clarifier cela, pas si évident vu la diversité des cas.

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  5. J'avoue avoir du mal à comprendre votre raisonnement concernant les " dérives " que vous dénoncez : produire de l'énergie verte est quand même le but recherché pour lutter contre l'effet de serre , alors optimiser une installation et produire plus en utilisant la même quantité d'eau, je ne vois pas ou est le problème c'est quand même un progrès et bon pour la planète. Quant au régime de turbinage que vous réprouvez également, je pense que vous vous méprenez également pour cette raison simple : autrefois les moulins travaillaient de jour et en éclusée, ce qui ne se pratique plus et qui par ailleurs n'est plus autorisé. Cela aussi est un progrès par rapport aux anciennes pratiques.
    Pour ce qui est de l'entretien et la manœuvre des vannes et autres installations, elle se fait par nécessité si l'on veut pérenniser la fonction et conserver le site en bon état de marche.

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  6. Le caractère renouvelable d'une production n'est pas un blanc seing qui autoriserait à faire n'importe quoi. Pour ce qui est de la production connectée au réseau il y a l'économie. L'équipement des petites puissances au fil de l'eau est couteux ce qui ne serait pas grave s'il ne reposait que sur des fonds privés, le maintient de l'obligation d'achat pour la plupart des anciens moulins doit interpeller les pouvoirs publics par son cout (voir l'avis de la CRE). A coté de l'économie il y a aussi la question environnementale que les propriétaires de moulins refusent de prendre en compte ( tous ce blog en témoigne jusqu'à l'évidence) quant aux dérives, il n'est que de voir le nombre de droits d'eau reconnus par les tribunaux qui dépassent largement les capacités d'entonnement des machines hydrauliques archaïques.A ce propos le fonctionnement que vous indiquez n'est pas (toujours) le fonctionnement par éclusées, les éclusées cela veut dire la concentration des apports naturels et le turbinage par intermittence. Le fait d' s'arrêter la nuit ou quand il n'y a plus rien à moudre cela s'appelle le chômage et c'est tout différent car dans ce cas la rivière retrouve son débit naturel et sa continuité naturelle si les vannages sont ouverts. La solutions la plus simple pour régler ce problème est que toutes les installations hydrauliques soit véritablement soumises au régime IOTA à commencer par imposer une étude d'impact suivi d'une enquête publique et, le cas échéant, une autorisation à durée limitée au moment de leur remise en route c'est à dire en fait à la disparition des privilèges que constitue les DFT.

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    1. Economie : de quel coût parlez-vous pour les petites puissances? L'autoconsommation se fait sur fonds privés et ne coûtent rien. La production est un raccordement BT, la protection de découplage est à charge du moulin, donc cela change quoi au réseau? Par ailleurs, on ne peut pas appeler à foisonner les sources d'énergie et engager les citoyens / collectivités comme acteurs de la transition et se plaindre des implications normales de ce modèle. Vous pouvez préférer le modèle centralisé et public EDF, ses centrales nucléaires bon marché, ses grands barrages sans impact…

      Environnement : ce blog témoigne au contraire du grand souci que nous y portons, il est très fourni sur l'écologie des rivières. Les propriétaires sont OK avec la continuité écologique si elle se fait au cas par cas, répond à des besoins démontrés, ne signifie pas destruction de leur bien ni obligation de payer 100 k€ de leur poche. D'ailleurs, quand nous avons obtenu 100% de financement grâce aux programmes européens, nous avons contribué à rendre ici 3 moulins franchissables aux truites (ou davantage franchissables qu'ils ne l'étaient déjà). Voyez il suffit de mettre de côté la haine des ouvrages des lobbies, et on peut avancer.

      Consistance légale : elle est en effet définie comme la puissance maximale brute d'un site. Vous parlez de "dérive" de la jurisprudence, mais il vous a été répondu que cela relevait du bon sens : quand vous dérivez de toute façon un certain volume d'eau, c'est absurde de limiter l'usage énergétique de cette eau à un matériel de 1790 ou 1566. Comme si vous donniez une concession à une éolienne en demandant d'y mettre un moulin à vent.

      Eclusée de jadis : il est peu probable que les meuniers de jadis laissent leur vannes ouvertes (quand il y avait des vannes de décharge, ce qui fut tardif, avant juste une vanne ouvrière avant la roue et un seuil d'un seul tenant). Au contraire, il fallait de l'eau garantie à la reprise du travail le matin. Quant à ouvrir les vannes, l'ex Onema explique souvent que ce n'est pas suffisant car la vitesse de l'eau ou la pente du radier de vanne et l'absence de fosse ne permettent pas de franchissement suffisant. Alors il faudrait savoir…

      IOTA : c'est un régime pour les nouveaux projets, pas pour les ouvrages déjà autorisés. Vous n'arrivez déjà pas à traiter les ouvrages en liste 2 (7 à 20% des rivières selon bassin) et vous voulez refaire des études d'impact sur tous les ouvrages anciens de France? Et vous dites que c'est "le plus simple"? L'idéologie vous aveugle, mais la réalité vous rattrape (cf rapport CGEDD que nous commentons, après bien d'autres).

      Sinon, quand vous aurez une étude scientifique démontrant que les ouvrages de l'hydraulique ancienne ont un impact négatif grave sur la biodiversité aquatique et riveraine, faites nous signe. Idem quand vous aurez une méthode scientifiquement validée pour évaluer l'impact de la continuité longitudinale sur chaque bassin, prioriser les enjeux de connectivité et les espérances de gains écologiques avant programmation des travaux. Pour l'instant, ce dossier est à peu près vide. Nous appelons à faire de la continuité intelligente et concertée, pas de la continuité dogmatique et autoritaire.

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  7. j'invite les propriétaires de se renseigner auprès de l'assemblée Européenne qui a enterinnée les droits d'eau des Moulins datant
    d'avant la révolution Française"vérifier la date de rattachement pour chaque région" En fait la propriété des murs du moulin donne le droit d'eau en titre"

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