02/03/2017

Protection des ouvrages hydrauliques en liste 2: modèle de lettre associative à adresser aux préfets

Nous publions ci-dessous à l'intention des associations de moulins, riverains et défenseurs du patrimoine un modèle de lettre à adresser dans les meilleurs délais au préfet de chaque département. N'attendez pas le terme du premier délai légal (dès juillet 2017 pour Loire-Bretagne) pour envoyer ce courrier. Faites en copie après envoi à l'intention de chaque adhérent en liste 2, qui pourra l'opposer aux administrations (ou gestionnaires) le relançant sur la mise en oeuvre de la continuité écologique. Les informations données par les DDT-M dans leurs courriers précédents relatifs à la continuité écologique ne sont plus à jour. Sauf accord du propriétaire sur une solution acceptée sans contrainte, aucun chantier ne doit être engagé tant que les services du préfet n'ont pas reprécisé les conditions d'exécution de la continuité écologique, à la lumière de l'instruction ministérielle de décembre 2015 comme des lois votées entre juillet 2016 et février 2017. Il est important que le maximum d'associations entreprenne cette démarche, afin d'exprimer l'unité et la solidarité du mouvement de défense des ouvrages hydrauliques. Les lois de 2006 et 2009 ont déjà été interprétées de manière biaisée et excessive par l'administration et le gestionnaire. Nous n'accepterons pas que cette dérive persiste.


Le modèle peut être téléchargé en format traitement de texte à ce lien. Les objectifs de ce courrier sont les suivants :

  • obtenir une information claire et complète pour les maîtres d’ouvrage, qui ont reçu en 2013 un premier courrier administratif désormais inexact et imprécis, voire qui ont reçu des propositions d’aménagement parfois devenues contraires à la loi,
  • inciter l’administration à intégrer rapidement les dispositions légales récentes concourant à la protection des ouvrages,
  • avant le premier terme de 5 ans du classement, construire une barrière de protection pour les ouvrages orphelins de solution, afin de prévenir des mises en demeure qui mèneraient à des contentieux,
  • par copie du courrier aux élus (députés et sénateurs de chaque département), entretenir la vigilance sur le dépassement effectif (et non déclaratif) des excès ayant été associés la continuité écologique et s’assurer que les services de l’Etat accompagneront pleinement le texte et l’esprit des lois, en évitant les surinterpétations ou surtranspositions que nous avons connues jadis. 

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Objet : mise à jour par vos services de l’information donnée aux propriétaires ou exploitants d’ouvrages hydrauliques sur rivières classées en liste 2 

Concerne : l’ensemble des adhérents de l’association propriétaires d’un ouvrage en liste 2 L 214-17 CE, pour valoir ce que de droit en procédure ultérieure concernant ces adhérents

Madame la Préfète, Monsieur le Préfet [conserver  la mention exacte],

Après le classement de continuité écologique promulgué en conformité aux dispositions de l’article L 214-17 code de l’environnement, vos services ont écrit aux maîtres d’ouvrage des rivières concernées pour les informer de leur obligation, particulièrement en liste 2. 

Le texte de l’article L 214-17 code de l’environnement indique à propos des rivières en liste 2 : «Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant.». De nombreux propriétaires n’ont reçu à ce jour aucune définition de règles de gestion, équipement et entretien de la part de l’autorité administrative. D’autres ont reçu de telles propositions sous la forme d’un diagnostic validé par vos services. Mais en l’absence d’un taux de financement correct par l’Agence de l’eau, les mesures envisageables représentent une « charge spéciale et exorbitante » telle que l’entend l’article susvisé, sans précision de votre part sur les indemnités prévues dans ce cas d’espèce. 

Outre ces problèmes de bonne exécution, la présente vise surtout à rappeler que les dispositions relatives à la continuité écologique (directement ou indirectement) ont connu plusieurs évolutions législatives importantes depuis 8 mois, ainsi que des précisions réglementaires.

En voici le rappel succinct. 

Lettre d’instruction  du 9 décembre 2015 de Mme le ministre de l’Environnement aux préfets, demandant de «ne plus concentrer vos efforts sur ces cas de moulins (ou d’ouvrages particuliers) où subsistent des difficultés ou des incompréhensions durables. Ces points de blocage ne trouveront de solution qu’au travers de solutions adaptées, partagées et construites le plus souvent au cas par cas.»

Loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (JORF n°0158 du 8 juillet 2016)
Elle introduit dans l’article L 214-17 code de l’environnement un nouvel alinéa de protection du patrimoine hydraulique dans la mise en œuvre de la continuité écologique.

Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (JORF n°0184 du 9 août 2016)
Elle introduit un délai supplémentaire de 5 ans pour modifier la gestion de l’ouvrage ou réaliser des travaux de mise en conformité, à condition cependant que l’administration ait défini des règles en concertation avec le propriétaire, lui permettant de déposer un dossier (cf supra). 

Loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (JORF n°0302 du 29 décembre 2016)
Elle modifie la notion de « gestion équilibrée et durable » de l’eau telle que définie dans l’article L 211-1 du code de l’environnement, en indiquant qu’il est d’intérêt général de favoriser la « stockage de l’eau » comme « élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l'étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales », et elle indique que la gestion de l’eau ne fait pas obstacle à la « préservation du patrimoine hydraulique »

Loi n° 2017-227 du 24 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables (JORF n°0048 du 25 février 2017)
Elle crée un article L 214-18-1 du code de l’environnement portant exemption d’obligation de continuité écologique au titre du classement en liste 2 pour les moulins à eau équipés ou choisissant de s’équiper en vue de produire de l’électricité. 

Il ressort de cette activité législative récente et de l’instruction de Mme la ministre que :

  • le courrier que vos services ont envoyé aux maîtres d’ouvrage indique des obligations ou interprétations qui ne sont plus nécessairement conformes à l’état du droit,
  • certaines propositions d’aménagement faites à des maîtres d’ouvrage depuis le classement des rivières ne sont plus forcément d’actualité, voire peuvent contenir des dispositions désormais contraires au droit,
  • les propriétaires ou exploitants en désaccord avec des propositions qui ont pu leur être faites sont toujours dans l’attente d’une solution au cas par cas souhaitée par Mme la ministre de l’Environnement,
  • l’ensemble est devenu très complexe à comprendre et très incertain à interpréter pour les maîtres d’ouvrage.

En conséquence, nous souhaitons que vos services adressent aux propriétaires ou exploitants concernés par la mise en conformité à la continuité écologique un courrier de mise à jour les informant de leur situation administrative par rapport aux nouvelles dispositions légales, cela dans les conditions similaires à votre premier courrier d’information, et bien sûr avant le premier terme d’échéance du classement. Nous souhaitons également que les ouvrages orphelins de solutions de gestion, équipement, entretien fassent l’objet d’une proposition de vos services, dans le cadre normal de la procédure contradictoire. 

En absence de cette information actualisée transmise par vos services aux maîtres d’ouvrage, notre association se verrait contrainte d’interpréter tout futur courrier de mise en demeure de ses adhérents en vue d’une exécution de l’article L 214-17 du code de l’environnement comme un excès de pouvoir et d’agir en conséquence — voie contentieuse que nous souhaitons bien sûr éviter, grâce à une concertation de qualité permettant d’aborder sereinement la question de la continuité écologique.

De manière très explicite lors des débats législatifs ayant mené à l’adoption des lois susvisées, madame la ministre de l’Environnement, madame la ministre de la Culture, mesdames et messieurs les parlementaires ont exprimé leur souhait unanime que la mise en œuvre (nécessaire) de la continuité écologique se fasse désormais dans le respect plus affirmé des autres dimensions d’intérêt des ouvrages hydrauliques, en particulier leur valeur paysagère et patrimoniale ainsi que leur enjeu énergétique et hydrologique. Certaines solutions ayant pu être défendues dans le passé, comme la prime financière à l’effacement mise en avant par les Agences de l’eau et acceptée par vos services sans que les lois ne contiennent pourtant une telle option, ont donc reçu un désaveu clair de la part des représentants des citoyens. 

Nous pensons que l’esprit ouvert et constructif manifesté par les élus et inscrit dans les lois anime également l’ensemble des services administratifs en charge de l’eau, et nous espérons en conséquence que votre prochain courrier d’information aux maîtres d’ouvrage traduira pleinement cette évolution.

Veuillez recevoir, Madame la Préfète, Monsieur le Préfet [conserver  la mention exacte], l’expression de nos respectueuses salutations.

En copie à : mesdames et messieurs les députés et sénateurs du département

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Concernant la copie de ce courrier aux parlementaires, vous pouvez trouver (par département) l'adresse postale et électronique de chaque sénateur à cette adresse, de chaque député à cette adresse.  Il est préférable que le courrier aux élus soit personnalisé, si possible en citant des chantiers d'effacement prévus sur le département et en alertant à ce sujet. Voici néanmoins un exemple de contenu "générique".

Madame/Monsieur la/le Député(e), Sénatrice(eur)

Veuillez trouver ci-joint copie d'un courrier adressé par notre association à Madame la Préfète / Monsieur le Préfet concernant la mise en oeuvre de la continuité écologique des rivières, plus particulièrement la protection et valorisation des ouvrages hydrauliques dans leurs différentes dimensions (patrimoine, paysage, énergie, écologie, usages locaux).

La représentation parlementaire a récemment voté plusieurs lois visant à défendre ce patrimoine hydraulique et à repréciser les conditions d'exécution de la continuité écologique. Nous vous remercions de ces évolutions très positives.

Hélas, l'expérience nous a appris qu'entre le vote d'une loi et sa mise en oeuvre, il peut se glisser de dommageables distorsions. 

Ainsi, ni la loi sur l'eau de 2006 ni la loi de Grenelle de 2009 ne prévoyait l'option de destruction des ouvrages de nos rivières, en particulier les ouvrages anciens des moulins et étangs : c'est pourtant devenu le choix de première intention en financement et en préconisation dans plus de la moitié des chantiers observés. Parfois, des ouvrages sont sans intérêt reconnu. Mais parfois, cette solution est imposée malgré les protestations des riverains et les réticences du propriétaire, ce dernier acceptant par peur de la sanction. Une telle pression n'est pas digne d'une bonne gestion de la rivière, et elle ne rend pas service à la cause de l'écologie en la rendant synonyme de mesure impopulaire, décidée à l'avance et imposée sans réelle alternative.

De nombreux maîtres d'ouvrage accueillent favorablement l'idée d'assurer une meilleure continuité écologique (gestion des vannes, passes à poissons, rivières de contournement), mais les solutions les plus simples leur sont généralement refusées par l'administration, et les autres ont des coûts exorbitants qui ne sont pas ou très mal financés par l'Agence de l'eau.

Nous comptons donc sur votre pleine vigilance pour que, dans l'esprit du courrier joint aux services de la préfecture et dans l'esprit des lois que vous avez récemment votées, la continuité écologique se déroule désormais dans un climat apaisé, avec des solutions raisonnables, proportionnées et surtout solvabilisées.

Nous apprécierions que vous souteniez notre démarche auprès de Madame la Préfète / Monsieur le Préfet en lui exprimant à votre tour cette nécessité d'un dialogue environnemental approfondi et d'une recherche de solutions concertées. 

[politesse]

01/03/2017

Cartographie des cours d'eau: qui a intérêt à entretenir le flou?

Le magazine Reporterre a consacré un long article à la cartographie des cours d'eau, présentée de manière assez univoque et tendancieuse comme une stratégie des agriculteurs pour avoir le droit de polluer librement. En fait, cette cartographie est la fille naturelle de la complexité et de la sévérité réglementaires dans le domaine de l'eau: sur tout sujet (pas seulement l'environnement), plus on élargit le champ du contrôle par les règles administratives, plus on soulève des problèmes d'exécution ou d'interprétation, plus on doit re-préciser le détail des règles ou de leurs exceptions. Bienvenue dans le monde merveilleux des bureaucraties où les codes doublent de volume tous les dix ans ! Davantage que la pollution, la question de la cartographie a été liée au curage, à l'entretien et au risque inondation, avec des conflits autour de la distinction fossé-cours d'eau et de l'intermittence de l'écoulement. Il y a plus de 500.000 km de rûs, ruisseaux, rivières et fleuves en France, la plupart en territoires ruraux avec un dense chevelu de tête de bassin, cela sans compter les fossés, drains et autres ravines. Donc ceux qui jettent la pierre aux agriculteurs sont les bienvenus pour proposer une solution économiquement viable d'entretien de cet immense réseau, et une solution juridiquement responsable quand un problème survient en cas de défaillance de cet entretien. Les têtes de bassin sont des lieux qui peuvent être riches en biodiversité. Leur préservation morphologique et chimique est donc d'intérêt sur le principe, mais ce sont également des surfaces considérables, représentant un vrai problème de réalisme dans leur gestion.  


Le magazine Reporterre publie un article en deux volets (ici et ici) sur la cartographie des cours d'eau. Cette démarche est présentée comme une action de la FNSEA visant à "en faire déclasser le maximum" et à "échapper aux règles sur la lutte contre la pollution". Par ailleurs, des associations environnementalistes se plaignent de ne pas avoir été entendues en Préfecture. Si c'est le cas, elles ont bien entendu raison de s'en plaindre. Et elles ne sont pas seules, puisque les associations de moulin n'ont pas été spontanément invitées par les préfectures à la concertation, alors qu'elles sont concernées par le statut des canaux et biefs. Le dialogue environnemental est comme toujours restreint: pas assez de moyens et de personnels en rapport à l'abondance des normes adoptées, des objectifs ambitieux et souvent irréalistes fixés par les politiques, il faut donc aller vite au lieu de prendre le temps d'argumenter, exposer ses accords ou désaccords, chercher des solutions raisonnables.

Le magazine écrit à propos de la définition des cours d'eau : "La fameuse instruction du 3 juin 2015 retient trois critères cumulatifs : la présence et permanence d’un lit naturel à l’origine, un débit suffisant une majeure partie de l’année, et l’alimentation par une source. Une définition « très restrictive », selon nombre d’experts, mais qui figure désormais dans la loi biodiversité. À la demande de la FNSEA : «Nous voulions que les choses soient claires, et cet article de la loi n’a presque pas été retouché : il y a eu un consensus», indique M. Thirouin. C’est donc sur ces critères désormais officiels que s’appuient les chambres d’agriculture et nombre de DDT."

Ce propos de Reporterre est inexact. Ce n'est pas la FNSEA ni la circulaire de 2015 qui a inventé ces critères repris dans la loi biodiversité, mais le Conseil d'Etat dans son arrêt du 21 octobre 2011. Que l'administration suive la décision de la plus haute cour de justice administrative paraît assez logique : l'aurait-elle ignorée que les contentieux auraient fleuri et auraient de toute façon été perdus par l'Etat (ou des ONG environnementalistes) si l'écoulement concerné n'avait pas les attributs posés par cette jurisprudence récente. De surcroît, on ne sait pas qui sont au juste les nombreux "experts" jugeant que la définition d'un cours d'eau naturel par une source, un écoulement et une origine non humaine serait quelque chose de particulièrement restrictif. Une expertise est légitime quand elle est définie et argumentée ; ici, on se demande ce qui manque au droit comme attribut essentiel d'un cours d'eau. Cela peut difficilement être la présence du vivant, car un grand nombre de milieux artificiels (ornières, fossés routiers, bassins de rétention et décantation, etc.) sont colonisés par des espèces opportunistes, ce qui n'amène pas à demander pour autant des protections particulières.

Mais surtout, l'article de Reporterre ne donne pas l'ensemble de l'arrière-plan de cette cartographie :

  • le renforcement des dispositions réglementaires depuis les lois de 1992, 2004, 2006 sur l'eau a rendu de plus en plus complexe la moindre intervention en rivière, pour laquelle il faut déposer soit une déclaration motivée soit une demande d'autorisation en préfecture (régime IOTA, installations, ouvrages, travaux et activités),
  • beaucoup d'agriculteurs estiment qu'ils n'ont pas la possibilité de suivre de telles complications procédurières alors que le curage des fossés et des rûs obéit généralement à des logiques d'urgences (risque inondation d'un chemin, d'une route, d'une propriété par des dépôts d'embâcles et atterrissements) ou à des effets d'opportunités (curage ou faucardage réalisé quand on a le temps et la machine à disposition, sans planifier à l'avance ni attendre qu'un agent de l'AFB-Onema vienne examiner la faune et la flore pour donner son avis),
  • les choses se sont localement envenimées quand des agriculteurs (ou des maires) et des agents de l'Etat se sont trouvés en désaccord sur la définition d'un fossé (intervention libre) ou d'un cours d'eau (intervention a minima déclarée, parfois avec dossier complet d'autorisation). Il y a eu des procès – certes rares, mais avec un fort retentissement local – et de manière générale une accentuation des contrôles et des antagonismes (exemples à Sainte-Florence, Laprade, Saint-Pourçain-sur-Sioule, Salency, etc.),
  • ces distinctions entre fossé et cours d'eau ne sont donc pas toujours claires, de même que les distinctions entre actions en cours d'eau appelant précaution particulière et celles qui sont moins problématiques (voir cette fiche de l'Onema aujourd'hui AFB, d'où il ressort qu'avant d'agir il faudrait vérifier à chaque fois si des poissons ou des amphibiens ne sont pas présents, si un dépôt de 20 cm n'est pas créé car ce serait un obstacle à la continuité, si enlever un atterrissement relève ou non d'une modification du gabarit du lit, etc.)
  • par ailleurs et en tête de bassin versant, les naissances de petits cours d'eau se confondent parfois avec des zones humides aux frontières mal définies, et au regard de la tendance actuelle à imposer de fortes contraintes sur certains types de milieux, les propriétaires n'ont nulle envie de se retrouver du jour au lendemain en responsabilité d'un conservatoire d'espace naturel intouchable (surtout sans compensation pour les contraintes créées).


Aujourd'hui, un moyen d'échapper à ces incertitudes, complications et sources de conflit est donc la solution du classement en "cours d'eau" et "non cours d'eau". Ce qui peut paraître radical ou simpliste, mais il faut cependant rappeler plusieurs choses :
  • cours d'eau ou non cours d'eau ne sont pas pour le moment des catégories à valeur réglementaire opposable, simplement des indications de la manière dont l'administration instruira a priori des dossiers (la nuance est cependant un peu hypocrite, un adhérent de notre association est par exemple en pré-contentieux pour un étang qui est alimenté par un soi-disant cours d'eau devenu bel et bien opposable, écoulement pour lequel il faudrait faire de la continuité écologique malgré l'assec 6 mois dans l'année et l'absence manifeste de migrateurs)
  • le processus est itératif et les catégories sont réputées révisables, donc l'Etat n'a pas fermé la porte à une concertation dans le temps
  • on ne sait pas au juste (l'article de Reporterre n'apporte aucune précision factuelle validée) combien de présumés cours d'eau auraient été déclassés comme non cours d'eau. On croit comprendre que certains voudraient tout classer et tout contrôler, d'autre rien classer et rien contrôler, ce qui laisse probablement une marge de manoeuvre entre les deux pour chercher un juste milieu. A condition d'y être disposé et de ne pas refuser d'avance toute concession au nom de postures intégristes...
Les chevelus de tête de bassin sont des lieux qui peuvent être riches en biodiversité. Leur préservation morphologique et chimique est donc d'intérêt sur le principe, l'analyse motivée au cas par cas des potentialités biologiques étant cependant nécessaire. Mais ce sont également des surfaces considérables et cela représente donc un vrai problème.

Une solution cohérente pourrait être que l'Etat (ou une collectivité territoriale ou des associations à agrément public) décide de protéger ces espaces, de faire l'acquisition du foncier agricole / forestier nécessaire et d'en assumer la gestion conformément au souhait de haute qualité environnementale. Mais ce serait évidemment un gigantesque coût économique vu le nombre d'écoulements concernés, et une source inépuisable de contentieux dès que des écoulements débordent chez les riverains pour cause de non-entretien. Il apparaît que des zonages de protection comme les Natura 2000 ont déjà une gestion très défaillante (voir cet article), cela rend assez peu crédible l'hypothèse d'une soudaine avalanche de moyens humains et financiers pour faire les choses correctement et durablement en sanctuarisant la gestion des têtes de bassin. On est donc finalement assez soulagé que cette gestion revienne aux propriétaires privés, le plus souvent agriculteurs ou forestiers. Mais dans ce cas, on ne voit guère comment on échapperait à la demande des principaux intéressés: une définition précise de ce qu'est un cours d'eau et ce qui ne l'est pas, de ce qui est autorisé et non autorisé, afin de ne plus subir l'incertitude réglementaire et le risque judiciaire.

Illustrations : en haut, quoique réduit à des flaques éparses, cet écoulement de bas de thalweg à Montigny (21) est considéré comme un cours d'eau par la préfecture, qui réclame à un propriétaire d'étang de quelques centaines d'ares en aval d'assurer la continuité écologique et le débit minimum biologique à toute saison. La cartographie est née de ce genre de demandes absurdes ou disproportionnées. Ci-dessous, modélisation d'un chevelu de tête de bassin (source Territ'eau - Agro-transfert Bretagne, droits réservés).

28/02/2017

Dérives sur la Dives: des pompes électriques pour des biefs transformés en marigots

La revue associative Le Pays d'Auge publie un témoignage sur la destruction du patrimoine hydraulique de la Dives. Avec la Sée, l'Andelle ou encore la Sélune, ce petit côtier normand fait partie des cibles privilégiées du lobby pêcheur associé aux bureaucraties engagées dans la casse des ouvrages. Extraits de ce récit qui reflète bien la pression subie par les propriétaires et riverains sur toutes les rivières classées au titre de la continuité écologique. Une pression désormais insupportable...



La DCE invoquée par le bureau d'études -  Dans son étude pour la restauration de la continuité écologique sur la Dives, le cabinet ARTELIA écrivait en introduction : «C’est ainsi qu’aujourd’hui 17 sites hydrauliques sont présents sur la Dives dans le département du Calvados. L’ensemble de ces sites est à l’origine soit de blocages sédimentaires, soit de blocages piscicoles, soit des deux. La Directive Cadre sur l’Eau européenne impose à l’ensemble de ses Etats membres d’atteindre le bon état écologique d’ici 2015. Ce bon état écologique concerne différents paramètres tels que les paramètres chimiques et physico-chimiques, mais il fait également référence à la continuité écologique qui consiste en le libre transit sédimentaire et la libre circulation piscicole.»

Rollon a-t-il vu des saumons? - Et si promouvoir la remontée des poissons migrateurs n’a rien de choquant, est-ce nécessaire là où leur présence n’a jamais été attestée ? Sait-on seulement si Rollon, chef viking, a vu un saumon à Saint-Pierre-sur-Dives en 911? La consternation des propriétaires d’ouvrages ou de riverains est forte quand ils découvrent les conséquences sur le niveau de l’eau et surtout le coût des travaux réalisés en cette période de disette budgétaire. On peut douter que le coût et l’efficacité de la politique d’arasement soient à la hauteur des attentes en matière d’amélioration de la qualité de l’eau.

Paysage saccagé ? Dégât collatéral inévitable - Le Président du syndicat mixte du bassin de la Dives a eu l’occasion de déclarer : «C’est bon pour l’écologie et la qualité de l’eau mais ce n’est pas sans impact sur le paysage car les niveaux d’eaux sont très sensiblement abaissés ! Pour des propriétaires habitués à voir leur moulin se refléter dans l’eau, le choc est grand.» Les conséquences pour les riverains sont ainsi présentées comme un dégât collatéral inévitable. Le rapport d’un commissaire enquêteur, lors d’une enquête publique dans une région voisine, va dans le même sens. Les remarques de riverains regrettant l’écoulement paisible et les larges retenues d’eau de leur rivière sont réfutées au motif que la conception que chacun a du paysage est subjective.

Promesse de concertation non tenue de la préfecture - Les travaux sont saucissonnés par ouvrage. Qu’en est-il de la vision d’ensemble et de la nécessaire obligation d’information ? Et pourtant, dans une lettre du 19 janvier 2015, la préfecture du Calvados en réponse aux inquiétudes exprimées par l’Association pour la Sauvegarde de la Dives déclarait : «Cependant, je tiens à vous rassurer sur le fait qu’une fois les travaux de restauration arrêtés, les projets devraient faire l’objet d’une enquête publique dans le cadre de la procédure loi sur l’eau où l’ensemble des acteurs concernés pourront se manifester». A ce jour, aucun riverain n’a été consulté.

Menaces de l'Agence de l'eau, pas de soumission, pas de subvention - On évoque des commissions ou comités de pilotage lointains, sans que l’on sache précisément quel rôle y jouent l’Agence de l’Eau Seine Normandie, les instances régionales au travers de la DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du logement), et la DDTM (Direction Départementale des territoires et de la mer). On se garde bien d’y associer des associations de riverains ou des propriétaires d’ouvrage. De fait, l’Agence de l’Eau y joue un rôle primordial par le financement qu’elle accorde directement aux propriétaires (à Thiéville, par exemple). Et pour preuve, les propriétaires qui refuseraient les modalités des travaux envisagés sont menacés de perdre toute possibilité de subvention : la concertation a ses limites. L’eau est un patrimoine commun. Quel contrôle exercent les autorités régionales sur ces relations bilatérales ?

Grotesque compensation, une pompe électrique pour le bief asséché - Le barrage sur la Dives à Crocy a été supprimé, conduisant à l’assèchement des roues du moulin faute d’alimentation par le bief. Mais une pompe électrique a néanmoins été installée dans la Dives pour maintenir un filet d’eau dans le bief transformé en une succession de flaques d’eau croupie. Pourquoi condamner l’alimentation du bief transformé en marigot pour la remplacer par une pompe électrique même d’un débit très réduit ? L’actuel propriétaire du moulin a d’ailleurs fait combler une partie du bief en amont du moulin pour ne pas en subir les nuisances du fait du manque de circulation des eaux stagnantes.

Référence : Serrat J (2017), Principe de restauration de la continuité écologique des rivières quand les « apprentis sorciers » s’en mêlent !, Le Pays d'Auge, 1, 30-32

Illustration : le bief asséché de Crocy, tous droits réservés.

A lire en complément
Pont-Audemer: l'Agence de l'eau Seine-Normandie fait-elle pression pour fermer une centrale hydro-électrique en production?
Non seulement l'Agence de l'eau Seine-Normandie dilapide l'argent public à détruire le patrimoine des moulins et le paysage des plans d'eau, mais elle serait prête à financer la fermeture de centrales hydro-électriques en activité. Qui va stopper les dérives de ces bureaucraties polluées par le dogmatisme, poursuivant un objectif idéologique de plus en plus éloigné de la gestion durable et équilibrée de l'eau telle que la définit la loi française?

27/02/2017

Mauvaise gestion du réseau Natura 2000: le manque de rigueur des politiques environnementales menace leur crédibilité

La Cour des comptes européenne vient de publier un rapport pointant la mauvaise gestion des zones Natura 2000 par les Etats-membres. Au coeur des critiques des magistrats: les politiques de la biodiversité ne fixent pas d'objectifs clairs de conservation et ne mettent pas en place des indicateurs rigoureux de performance, de sorte que l'argent public est dépensé sans certitude sur la nature des bénéfices écologiques et sans progrès des connaissances sur la réponse des milieux aux mesures. Ce problème de sous-information de la programmation publique en écologie est chronique: on préfère multiplier des annonces de mesures plutôt qu'allouer le budget nécessaire à la connaissance sur chacune d'elles, ce qui est moins spectaculaire mais beaucoup plus nécessaire. Cela pose un sérieux problème d'efficacité et de crédibilité des politiques environnementales, comme on l'observe aussi bien dans le domaine de l'eau. 

Les directives européennes "Oiseaux" (2009/147/CE) et "Habitats" (1992/43/CEE) ont institué le réseau Natura 2000, conçu comme "réseau écologique européen cohérent de zones spéciales de conservation". C'est la pierre angulaire de la stratégie de l'UE en matière de biodiversité. Au total, 230 types d'habitats naturels et près de 1200 espèces animales et végétales bénéficient de cette protection. Concernant le zonage, 46 % du réseau Natura 2000 sont constitués de forêts, 38 % d'agro-écosystèmes, 11 % d'écosystèmes prairiaux, 16 % d'écosystèmes de landes et de fourrés, 11 % de zones humides et d'écosystèmes lacustres. Le réseau comprend également des écosystèmes fluviaux et côtiers.


L'audit de la Cour des comptes européenne visait à répondre à la question suivante: "Le réseau Natura 2000 a-t-il été mis en œuvre de manière appropriée?". Avec trois angles : la gestion, le financement et le suivi.

Nous publions ci-dessous quelques extraits du rapport de la Cour des comptes sur la question du suivi, qui apparaît avec la gestion comme le maillon faible du dispositif. C'est un phénomène que nous observons dans d'autres politiques environnementales, en particulier celle de l'eau : le législateur et l'administration dressent un catalogue de mesures allant dans toutes les directions (greensplashing), mesures auxquelles il manque souvent l'armature préalable d'un diagnostic scientifiquement rigoureux et l'accompagnement d'un suivi sur l'ensemble des paramètres d'intérêt (ceux visés par les mesures, mais aussi d'éventuels effets imprévus et indésirables).

L'écologie a été portée depuis 50 ans par un mouvement d'opinion (ONG, associations) fondé sur le sentiment diffus que la nature s'altère, parfois de manière irrémédiable, que le cadre de vie se dégrade s'il n'intègre pas la qualité de l'air, de l'eau, du sol et de leurs habitants. Mais l'écologie est aussi une science qui doit décrire avec précision les mécanismes d'évolution des milieux. Et quand elle devient une politique de conservation ou de restauration, elle a rapidement des coûts importants au regard desquels le résultat devient une nécessité, pas une option. Si l'on veut que l'environnement reste un objet important de la programmation publique, il faut faire la pédagogie de cette réalité et ré-équilibrer les budgets en faveur de la connaissance (diagnostic, suivi, compréhension) qui en est le parent pauvre par rapport aux immenses besoins de données et de travail sur ces données. Les bonnes intentions et belles déclarations ne suffisent pas à faire des choix efficients pour l'environnement:  ceux-ci se construisent sur des faits, des preuves et des modèles, comme toutes les politiques inspirées par la science.

Extraits de la synthèse de la Cour des comptes européenne :

"Les États membres n'ont pas suffisamment bien géré le réseau Natura 2000. La coordination entre les autorités compétentes, avec les parties prenantes et avec les États membres voisins n'a pas été suffisamment développée. Trop souvent, l'adoption des mesures de conservation nécessaires a été remise à plus tard ou ces mesures n'ont pas été définies de manière appropriée. Dans les États membres visités, l'évaluation des projets ayant une incidence sur les sites Natura 2000 n'a pas été effectuée de manière satisfaisante. Certes, la Commission supervisait activement la mise en œuvre de Natura 2000 par les États membres, mais la diffusion de ses orientations auprès de ces derniers n'a pas été optimale. La Commission a traité de nombreuses plaintes concernant Natura 2000. Dans la plupart des cas, une solution a été trouvée avec les États membres, mais la Commission a également diligenté des procédures d'infraction lorsque cela s'est avéré nécessaire.

Les systèmes utilisés pour assurer le suivi du réseau et établir des rapports le concernant n'étaient pas propres à fournir des informations complètes sur son efficacité, et aucun système d'indicateurs de performance spécifique de l'utilisation des Fonds de l'UE au profit de Natura 2000 n'avait été défini. Il existait des indicateurs au niveau du programme de financement (par exemple le Feader), mais ceux-ci portaient sur des objectifs généraux en matière de biodiversité et visaient davantage les réalisations que les résultats obtenus dans le domaine de la conservation grâce au réseau Natura 2000. Au niveau des sites, des plans de surveillance faisaient souvent défaut dans les documents de gestion des sites et, quand tel n'était pas le cas, les plans n'étaient pas suffisamment détaillés ou n'étaient pas assortis de délais et d'échéances. Les formulaires standard des données, qui contiennent des informations de base sur les caractéristiques des sites, n'ont généralement pas été mis à jour à la suite des activités de surveillance. Les données communiquées par les États membres en vue de l'établissement du rapport périodique de la Commission sur l'état de la nature ont apporté des indications sur les tendances en matière d'état de conservation, mais elles étaient trop souvent incomplètes et leur comparabilité était loin d'être assurée."

Concernant en particulier la question du suivi des indicateurs écologiques, le rapport souligne :

"Les systèmes de suivi et de surveillance ainsi que d'établissement de rapports visent à tenir la Commission et les États membres au courant de l'état d'avancement du réseau Natura 2000 et à fournir une base pour la prise de mesures de gestion appropriées. Plusieurs activités de suivi, de surveillance et d'établissement de rapports sont utiles dans le cadre de la mise en œuvre de Natura 2000. En ce qui concerne les fonds de l'UE, le suivi au niveau du programme devrait fournir des informations sur la mise en œuvre et les axes prioritaires de celui-ci: les indicateurs de performance devraient apporter des données fiables et à jour sur la question de savoir si les mesures de soutien du réseau Natura 2000 produisent les réalisations, les résultats et l'impact escomptés. Au niveau du site, un suivi des mesures de conservation devrait être effectué afin d'évaluer leur efficacité et leurs résultats. (…) 

Aucun système d'indicateurs de performance spécifique du réseau Natura 2000 n'avait été défini (…) n système consolidé pour assurer le suivi des réalisations et résultats liés à Natura 2000 dans le cadre des instruments de financement en gestion partagée au cours de la période de programmation 2007-2013 a fait défaut. En matière d'indicateurs, aucune approche commune aux différents programmes et Fonds n'a été adoptée au niveau des États membres ni à celui de l'UE. Pour la période de programmation 2014-2020 – hormis dans le cas du FEAMP, pour lequel deux indicateurs spécifiques de Natura 2000 ont été définis –, les éventuels indicateurs en rapport avec Natura 2000 seront «noyés» dans les indicateurs relatifs à la biodiversité. De ce fait, assurer le suivi des réalisations et des résultats spécifiquement attribuables au réseau Natura 2000 dans l'ensemble des Fonds comportera des difficultés.

Au niveau national, seuls trois des cinq États membres visités disposaient de plans détaillés pour assurer la surveillance de l'état de conservation de certains habitats naturels et espèces. Or, en France, la mise en œuvre de ces plans était restée incomplète ou avait été différée en raison de son coût élevé. En Roumanie, la seule mesure de surveillance spécifique dont notre audit ait permis d'établir l'existence concernait la population d'ours.

Au niveau des sites, nous avons constaté que des indicateurs, des valeurs cibles et des échéances appropriés faisaient défaut dans les plans de gestion. Cette absence est source de difficultés pour assurer efficacement le suivi de la mise en œuvre des mesures de conservation et s'avère donc préjudiciable à la réalisation des objectifs de conservation. Les plans de gestion présentés par quatre États membres visités comportaient des activités de surveillance, mais celles-ci n'étaient souvent ni suffisamment détaillées (par exemple, les plans ne précisaient pas comment l'impact des mesures envisagées sur les espèces et les habitats visés serait mesuré) ni assorties de délais et d'échéances (par exemple, la fréquence des activités de surveillance n'était pas indiquée)."

Il en résulte une recommandation finale :

"Recommandation n° 3 – Mesurer les résultats obtenus grâce au réseau Natura 2000
En ce qui concerne le système d'indicateurs de performance relatifs aux programmes de financement de l'UE, les États membres devraient, en vue de la prochaine période de programmation (qui débutera en 2021):
a) intégrer, au niveau des différents Fonds, des indicateurs et des valeurs cibles spécifiques de Natura 2000 et faire en sorte de permettre un suivi plus exact et plus précis des résultats obtenus grâce au financement de Natura 2000;
et la Commission devrait, pour la prochaine période de programmation:
b) définir des indicateurs Natura 2000 communs à tous les Fonds de l'UE.
En ce qui concerne les plans de surveillance des habitats, des espèces et des sites, les États membres devraient, d'ici à 2020:
c) pour pouvoir mesurer les résultats des mesures de conservation, élaborer des plans de surveillance au niveau des sites, les mettre en œuvre et actualiser régulièrement les formulaires standard des données."
Référence : Cour des comptes européenne (2017), Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour exploiter pleinement le potentiel du réseau Natura 2000, Rapport spécial n° 1/2017, 77 pages.

26/02/2017

Moulins producteurs et continuité écologique: un courrier-type pour vérifier la position de l'administration sur la nouvelle loi

La loi exemptant les moulins producteurs de mise en conformité à la continuité écologique au titre du classement en liste 2 vient de paraître au Journal officiel, et elle est donc applicable partout en France depuis le 26 février 2017. Il est utile de vérifier l'interprétation des administrations à ce sujet. Voici un courrier-type à envoyer. Vous pouvez nous communiquer copie de la réponse ou la publier sur le Forum de la petite hydro-électricité. Objectifs : faire circuler l'information de manière transparente au lieu de pressions opaques sur des maîtres d'ouvrage isolés; comparer rapidement les attitudes de chaque DDT-M sur le territoire français ; saisir les parlementaires (ainsi que les syndicats, associations et avocats) dans tous les cas où l'administration persiste à ignorer la volonté démocratique de redéfinir l'esprit de la continuité écologique dans un sens plus respectueux des ouvrages hydrauliques et plus incitatif vis-à-vis de leur relance énergétique. 

Les moulins producteurs ou en projet de production d'électricité peuvent envoyer le courrier suivant à l'administration en charge de l'eau. Le courrier, recommandé avec accusé de réception, s'adresse à la direction territoriale des territoires (DDT-M). L'administration dispose d'un délai de deux mois pour vous répondre.
Madame, Monsieur,
Au regard des dispositions nouvelles de l'article L 214-18-1 du code de l'environnement, créées par la loi n° 2017-227 du 24 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, il est posé depuis le 26 février 2017 (publication au JORF) :
"Les moulins à eau équipés par leurs propriétaires, par des tiers délégués ou par des collectivités territoriales pour produire de l’électricité, régulièrement installés sur les cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux mentionnés au 2° du I de l’article L. 214-17, ne sont pas soumis aux règles définies par l’autorité administrative mentionnées au même 2°." 
Notre moulin produisant de l'électricité / étant en projet de production d'électricité [supprimer mention inutile], et la rivière étant classée en liste 2, pouvez-vous confirmer que les obligations de continuité écologique telles que prévues par l'article L 214-17 du code de l'environnement, et liées à cette liste 2, ne s'appliquent plus sur le site? Par avance, merci. 
Cette démarche concerne les maîtres d'ouvrage à titre individuel. Pour les associations, nous préparons un autre courrier-type à l'intention des mêmes administrations, courrier reprenant l'ensemble des dispositions votées depuis juillet 2016 et demandant que chaque propriétaire en soit informé de manière claire et complète. Les DDT-M avaient écrit en 2013 à tous les maîtres d'ouvrage pour leur signaler le classement des rivières et les obligations afférentes, il est indispensable qu'elles les informent également, et dans les mêmes conditions, des évolutions récemment apportées à ce classement.

A noter : si votre moulin est non pas producteur, mais en projet de production d'électricité, deux hypothèses. Soit il s'agit d'un simple entretien de machines existantes qui s'étaient par exemple arrêtées le temps de trouver les pièces de rechange, sans aucune autre modification notable du site ni de sa gestion, et cela n'appelle pas de démarches particulières. Soit il s'agit d'un projet réel de remise en service (pose de nouvelles machines, reprofilage du bief, reprise de l'ouvrage répartiteur,  etc.). Dans ce second cas, vous avez désormais obligation de faire une lettre de "porter à connaissance" au préfet en vertu de l'article R 21-18-1 code de l'environnement (ne pas confondre les articles, qui se distinguent avant leur numéro par le "L" pour la partie législative du code et "R" pour la partie réglementaire du même code). Cette démarche n'est pas une demande d'autorisation (l'ouvrage est déjà autorisé) mais une simple information, au terme de laquelle l'administration choisit ou non de vous demander des prescriptions complémentaires sur le site. Ces éventuelles prescriptions doivent être débattues dans le cadre d'une procédure contradictoire.