14/10/2018

Modèle de courrier au préfet pour refuser une demande excessive en débit de passe à poissons ou de rivière de contournement

Plusieurs propriétaires et riverains nous informent  que, dans le cadre de rivières classées en liste 2 au nom de la continuité écologique, les services de l'Etat (DDT-M, AFB, agences de l'eau) proposent désormais des passes à poissons ou des rivières de contournement prenant l'essentiel du débit de la rivière (jusqu'à 80%...!), donc vidant le bief et la retenue la majeure partie de l'année. De telles demandes sont illégales. Voici un modèle de lettre au préfet sur ce cas, à envoyer en recommandé, afin de signaler l'abus de pouvoir administratif et le cas échéant prendre date en vue d'un futur contentieux. 


Cas concernés : rivières classées en liste 2 au titre du L 214-17 CE, dossier de relance de moulin au titre du R 214-18-1 CE

Enjeux : si un dispositif de franchissement est démontré comme nécessaire, il doit être conçu pour respecter la consistance légale du moulin et pour s'adapter au débit minimum biologique de la rivière au droit de l'ouvrage, soit 10% du module (débit interannuel moyen).

Procédure : si un agent DDT-M ou AFB souhaite imposer un débit d'équipement fantaisiste pour le franchissement, signaler son désaccord au préfet par courrier recommandé (modèle ci-dessous) puis engager contentieux au tribunal administratif si le préfet ne recadre pas ses services.

Complément : il est vivement conseillé de recueillir dans votre région des exemples de passes à poissons conçues à 10% du module (le cas général observé). L'administration aura tendance à prétendre indûment que dans le cas de tel ouvrage, un débit supérieur s'impose, mais si vous montrez que le choix de 10% est la norme, cet argument ne sera pas empiriquement opposable (outre qu'il est légalement biaisé et scientifiquement douteux car le protocole ICE n'indique pas d'obligation de débits importants). Contactez vos associations pour recevoir des exemples ou demandez en sur le forum de la petite hydro.

Rappel : il est préférable d'envoyer copie de votre courrier à votre député et votre sénateur, en leur rappelant le caractère problématique de la mise en oeuvre de la continuité écologique, et en leur demandant expressément d'en saisir le ministre de l'écologie. Chaque abus de pouvoir local doit ainsi remonter vers le parlement et le ministère, aussi longtemps que l'administration n'aura pas reçu consigne de respecter le patrimoine hydraulique dans la mise en oeuvre de la continuité écologique.

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Modèle de courrier :

Monsieur le Préfet, Madame la Préfète, [préciser]

Au droit du moulin [préciser] sur la rivière [préciser], ouvrage dont je suis propriétaire, les services instructeurs de l'eau et de la biodiversité veulent imposer un dispositif de franchissement pour les poissons migrateurs.

Ce dispositif tel qu'il est proposé est prévu pour absorber XX% [préciser] du débit interannuel moyen de la rivière.

Ce point est problématique : j'en conteste la légalité.

L'article L 214-6 code environnement précise :
Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre.

La jurisprudence administrative et judiciaire constante précise que la reconnaissance de l'existence légale d'un ouvrage réglementé et/ou fondé en titre implique la reconnaissance sa consistance légale autorisée à savoir :

  • hauteur du seuil, définissant la chute et la surface de la retenue
  • volume d'eau dérivé dans le bief, en l'état du génie civil en place

Aucune proposition administrative n'est fondée à sortir de cette consistance légale autorisée, hors un arrêté préfectoral qui annulerait le droit d'eau du moulin pour des motifs limitativement prévus par la loi, motifs qui ne sont pas invoqués dans le cas présent.

L'article L 214-18 code environnement précise le débit minimum biologique, "débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces" comme étant du "dixième du module du cours d'eau en aval immédiat ou au droit de l'ouvrage correspondant au débit moyen interannuel".

En conséquence, je souhaite que les services instructeurs de l'eau et de la biodiversité proposent une solution de franchissement conforme à la consistance légale autorisée et prenant 10% du débit moyen de la rivière, comme la loi en dispose pour garantir la circulation et la reproduction des espèces.

Je vous remercie par avance de cette démarche qui permettra de concilier les enjeux patrimoniaux, paysagers, écologiques, dans le respect du droit, avec toute la pondération nécessaire à une gestion équilibrée et durable de l'eau telle que la définit l'article L 211-1 code environnement.

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IllustrationNiteshift, Klostermönch, CC BY-SA 3.0

7 commentaires:

  1. Bonjour, je ne connais pas bien le droit mais en cliquant sur le lien vers l'article L.214-18, je lis:

    "Ce débit minimal ne doit pas être inférieur au dixième du module du cours d'eau"

    J'en déduis que le débit minimal biologique ne doit pas être strictement égal au dixième du module, mais supérieur ou égal.

    Il ne me semble donc pas que la légalité puisse être contestée sur une simple démonstration que le débit exigé par l'Administration à l'aval soit supérieur au dixième du module?

    Cependant, j'imagine que le contentieux est toujours intéressant pour faire avancer le droit!

    Et envoyer ces courriers est assurément une bonne stratégie pour exercer une pression politique sur les préfets, afin qu'ils demandent à leur service police de l'eau d'appliquer la réglementation a minima.


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    1. Bonjour

      La loi indique en effet une valeur-plancher du DMB.

      Comme le DMB de 10% est la valeur usuellement retenue partout, l'administration n'est pas fondée à faire une exception sur un ouvrage si :

      a) elle ne motive pas l'exception, notamment au regard du protocole ICE qui indiquerait un débit minimal pour une espèce (ce n'est pas les cas qui nous sont soumis, où des centaines de l/s à 10% sont déjà très largement suffisants pour le chenal de nage de l'espèce cible)

      b) elle ne fait pas la même exception motivée sur tous les ouvrages de la même rivière ou d'espèces cibles comparables (le fait que d'autres ouvrages soient autorisés à 10% sans révision de leur droit d'eau matérialiserait une inégalité arbitraire de traitement).

      Le contentieux est la conséquence logique de l'attitude de la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de l'écologie, qui a multiplié les textes et les instructions dans le seul et unique but soit de détruire les ouvrages, soit de les réduire à quasiment rien par rapport aux droits acquis.

      Cette vision de l'écologie punitive et radicale à l'oeuvre dans la trame bleue (mystérieusement par rapport à la trame verte moins problématique) est d'ores et déjà un échec, mais nous pensons que cela servira au moins à des débats de fond sur la nécessité d'une révision des attendus des politiques environnementales. Il est de plus en plus manifeste que l'écologique sans le social (au sens large des attentes de la société face à la nature), cela ne marche pas.

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    2. Bonjour, affirmation totalement fausse de dire que le DMB est fixé à 10% du module partout. Vous le savez parfaitement mais c'est sûr que ça ne vous arrange pas de dire la vérité pour le coup...

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    3. bolo MAN : C'est le cas très majoritaires sur les rivières de nos adhérents. On nous informe de ci de là que des services de l'Etat un peu extrémistes veulent parfois imposer davantage. Nous sommes à disposition pour donner des contre-exemples concrets où les 10% sont acceptés, donc si besoin faire des procès à l'Etat pour abus de pouvoir là où il change de doctrine au gré des humeurs de certains de ses agents (agents qui devraient peut-être se reconvertir dans les ONG ou partis politiques s'ils ont envie de militer et non de simplement exécuter les lois de la République).

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    4. Bonjour, d'abord merci d'avoir publier mon commentaire et d'accepter le débat.

      Ensuite les choses sont pourtant claires: le dixième du module et le débit minimum biologique (DMB) ne sont pas la même chose. Vous le savez pertinemment. Le premier est une valeur de débit purement statistique, le second tient compte des besoins des espèces de poissons aux différents stades de leur cycle de vie. J'espère ne pas vous apprendre cela. Dire que le DMB peut être égal au dixième du module serait déjà intellectuellement un peu plus honnête.

      J'ai l'impression que votre discours ne convainc que vous et vos aficionados et que n'importe qui doté d'un peu de bon sens et s'intéressant un minimum au sujet fera vite la part des choses.

      En effet, à qui voulez-vous faire croire que 10% du débit moyen d'un cours d'eau pourrait constituer une valeur magique, fonctionnant partout, et au dessus de laquelle la vie, la reproduction et la circulation des espèces piscicoles sont assurées de la même manière, qu'on se situe sur un ruisseau (exemple le Pontajou en Haute-Loire) ou sur une grande rivière de plaine comme le Doubs à Mathay? Les exemples ne sont pas choisis au hasard puisque sur le premier un projet de microcentrale a été refusé grâce, entre autre, à une forte mobilisation de la population locale contre le projet. Sur le second, le débit réservé du règlement d'eau qui va prochainement s'appliquer est largement supérieur au dixième du module.

      Je pense que votre partisanisme vous fait perdre toute objectivité même sur des choses évidentes. Mais comme dorénavant je vous sais attachés au débat d'idée, et pour que chaque lecteur puisse lui même savoir qui dit vrai, je réponds à la dernière remarque de votre réponse en publiant un extrait de la circulaire du 5 juillet 2011 relative à l’application de l’article L. 214-18 du code de l’environnement sur les débits réservés à maintenir en cours d’eau:

      L’obligation principale de l’article L.214-18 du code de l’environnement, créé par la loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 dite loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA)consiste notamment à maintenir en tout temps, dans le cours d’eau au droit ou à l’aval immédiat de l’ouvrage un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l’installation de l’ouvrage. Ce débit minimum biologique doit être déterminé sur la base d’une étude spécifique dans le cadre de la procédure d’autorisation ou de concession, de renouvellement du titre ou de demande de modification des valeurs de débit réservé en cours d’autorisation. Cette étude se doit d’analyser les incidences d’une réduction des valeurs de débit à l’aval de l’ouvrage sur les espèces vivant dans les eaux. Elle doit donc, tenir compte des besoins de ces espèces aux différents stades de leur cycle de vie ainsi que
      du maintien de l’accès aux habitats qui leur sont
      nécessaires. Le débit minimum biologique qui sera fixé à l’ouvrage, ne doit pas être inférieur à une valeur plancher qui est pour la règle générale le 10ème du module interannuel du cours d’eau.

      Conformément à la jurisprudence, afin de satisfaire l'obligation principale de l’article L.214-18 du code de l'environnement de «garantir en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux », le débit minimum biologique peut être supérieur à cette valeur plancher du 10ème du module naturel. Ces valeurs, instituées par le législateur en tant que minimum intangible, ne sont en aucun cas des références de qualité ni des normes. Le débit minimum biologique ne saurait donc être assimilé d’emblée au 10ème du module.


      MAINTENANT LIBRE A CHACUN DE SE FAIRE UNE IDEE

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    5. OK avec vous qu'il n'y a pas de "valeur magique". Mais c'est vrai pour tout, ou presque. On fait des lois pour que les gens s'entendent, sinon c'est l'arbitraire et le rapport de force, ce qui n'est pas souhaitable.

      Nous n'avons pas la même philosophie de la rivière à la base (notamment l'idée que la rivière "naturelle" serait mieux en soi, de manière ontologique ou absolue), donc c'est normal que nous soyons en désaccord sur l'importance de tel ou tel paramètre.

      Si le gestionnaire public veut imposer davantage que 10%, il doit en démontrer la nécessité. On juge sur pièce. Si la nécessité est seulement de faire varier une densité de poisson, on peut juger que c'est disproportionné et aller devant le juge.

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  2. L'article 214-18 donné en lien parle des constructions : "Tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau..."

    La règle pour les ouvrages en place avant la loi est le passage du 40e (ancien débit réservé de 2,5%) au 10e, nouvelle loi.

    Nombreux exemples.

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