24/11/2016

Pesticides: le retard français (Hossard et el 2017)

Une étude de quatre chercheurs vient de montrer que la France n'atteindra pas les objectifs Ecophyto 1 (diminution de moitié des pesticides entre 2008 et 2018). Au contraire, on n'observe aucune tendance dans la baisse d'usage de ces produits depuis 2001, sauf la fréquence pour une seule céréale (blé tendre), à un quart seulement de nos objectifs. Les rivières subissent notamment toujours la même charge en pollution. On casse les moulins mais on tolère les poisons: notre société marche sur la tête.

Il a été amplement démontré que l'usage massif des pesticides, s'il améliore la productivité, présente des effets adverses sur la biodiversité, la santé humaine et la qualité de l'eau. Concomitament à la directive européenne sur les pesticides, la France  a lancé en 2008 le plan Ecophyto 2018, dont l'objectif était de diviser par deux l'usage des pesticides en dix ans.

Laure Hossard, Laurence Guichard, Céline Pelosi et David Makowski (Inra, AgroParisTech, Paris-Saclay) ont analysé les données disponibles sur les tendances dans l'usage des pesticides en agriculture entre 2001 et 2014 : nombre de doses unitaires (NUD), quantité d'ingrédient actif (QAI), indice de fréquence de traitement (TFI). Les chercheurs ont également analysé les données relatives à la pollution de l'eau. Un focus a été fait sur la période 2008-2014, soit la période de mise en oeuvre d'Ecophyto 2018.


Le schéma ci-dessus montre que l'on n'observe aucun changement significatif dans l'usage des pesticides agricoles (NUD, QAI).


Le schéma ci-dessus (cliquer pour agrandir) montre que la seule céréale présentant un déclin d'usage (TFI) depuis 2001 est le froment (blé tendre). Mais la baisse observée pour cette culture (très répandue, 5 millions ha en France) ne représente en tout état de cause que le quart de l'objectif posé pour 2018.


Le schéma ci-dessus montre les relevés de qualité de l'eau de rivière entre 2007 et 2012 : aucun progrès significatif n'apparaît dans le nombre de masse d'eau présentant plus de 0,5 µg/l de pesticides (dose maximale considérée comme saine pour la consommation humaine, mais pour les espèces vivant en permanence dans cette eau et subissant les pics très ponctuels de forte concentration lors des épandages, l'effet intégré de l'exposition aux pesticides est mal connu).

Discussion
Un nouveau plan Ecophyto II a été adopté en 2015, visant à diviser par deux les pesticides en 2025 plutôt qu'en 2018. Les chercheurs expriment leur scepticisme. D'autres pays ont réussi des baisses sensibles d'usage des pesticides, mais par des solutions (hausse directe des coûts) différentes du choix français peu incitatif consistant à mêler accompagnement technique et menace différée d'amendes.

Dans les discussions actuelles sur le choix public français de faire un effort conséquent sur la morphologie des cours d'eau, on s'entend souvent dire que la question de la pollution est par ailleurs traitée, que la physico-chimie n'est pas un facteur si central de qualité de la rivière et que si nous ne modifions pas les écoulements, nous n'atteindrons pas le bon état chimique et écologique des masses d'eau. Mais c'est inexact : notre agriculture intensive reste l'un des premiers facteurs de modification des milieux, nos politiques publiques contre les pollutions demeurent inefficaces, et les choses ne vont pas s'améliorer avec l'ajout de nouvelles substances à contrôler obligatoirement dans l'eau, domaine où la France est à nouveau en retard (voir cet article). Casser des ouvrages hydrauliques pour envoyer plus vite les pollutions vers l'aval, est-ce la nouvelle politique du pas-mesuré pas-pris? Nous paierons ces choix quand il s'agira de rendre des comptes sur le respect des directives européennes, qui ont toujours insisté sur la pollution comme premier facteur à contrôler avant d'examiner les autres impacts.

Illustrations : extraites de l'article cité, droit de courte citation.

Référence : Hossard L et al (2017), Lack of evidence for a decrease in synthetic pesticide use on the main arable crops in France, Science of the Total Environment, 575, 152–161

1 commentaire:

  1. A signaler : cette initiative de FNE concernant la protection des riverains d'épandage
    http://www.fne.asso.fr/actualites/demandez-aux-ministres-de-tenir-les-pesticides-loin-des-riverains

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