09/05/2019

La continuité des rivières ne sera pas apaisée: tolérance zéro pour les casseurs et harceleurs d'ouvrages hydrauliques

Le ministère de la Transition écologique et solidaire vient de publier la circulaire d'application du plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique. Le texte ne répond à aucune de nos requêtes élémentaires, et il comporte des reculs pour les rivières classées liste 1 ou grands migrateurs. Mais peu nous importe ces ratiocinations de hauts fonctionnaires refusant d'admettre la faillite de leur réforme, peu nous importe leurs manipulations incessantes, il faut désormais aller à l'essentiel : la loi n'a jamais prévu ni couvert les dérives visant à casser des moulins, à empêcher leur équipement énergétique ou à soi-disant "renaturer" des rivières à la pelleteuse. L'association Hydrauxois appelle donc à développer la seule réponse efficace : tolérance zéro pour les casseurs et les harceleurs d'ouvrages hydrauliques, plainte systématique contre tout acte administratif qui s'écarte de la loi. Protégeons, équipons, transmettons les ouvrages des rivières ; mobilisons-nous ensemble sur chacun de ces ouvrages contre ceux qui voudraient nous en empêcher. 




Rappelons en préambule les convictions ayant présidé à la naissance de notre association : le harcèlement en vue de la destruction systématique des moulins, des étangs, des canaux, des biefs et du patrimoine hydraulique des rivières françaises est une dérive grave de l'administration de l'Etat français. Nous y voyons un scandale politique, une erreur écologique, une faute morale. Nous n'y accordons en conséquence aucune espèce de légitimité quand cette politique est le fait d'une administration centrale non élue et s'arrogeant des pouvoirs exorbitants. 

Alors que les députés et sénateurs, seuls représentants élus de la volonté générale, ont demandé d'aménager certains ouvrages impactant les poissons migrateurs et les sédiments tout en respectant le patrimoine, une fraction des fonctionnaires de l'administration centrale du ministère de l'écologie, de certaines administrations territoriales et de certains établissement publics administratifs a estimé au cours des années 2000 qu'elle avait l'opportunité d'imposer par la pression réglementaire son idéologie de la "renaturation" des rivières impliquant la destruction de divers héritages et paysages, dont les moulins, forges, étangs. Or non seulement cette vision de l'écologie aquatique est contestable et contestée, mais ce coup de force interne de l'administration n'a pas de réelle base légale : il ne tient qu'à l'interprétation abusive et excessive des lois dans la réglementation d'une part, à l'intimidation des personnes et des élus locaux par les services des préfectures d'autre part. 

Les deux dérives les plus couramment observées sont les suivantes :
  • des pressions et financements en vue de casser les ouvrages au lieu de les gérer, équiper, entretenir,
  • des pressions et harcèlements en vue d'empêcher la relance hydro-électrique des ouvrages par des demandes disproportionnées.
Face aux innombrables critiques de cette continuité écologique agressive et punitive depuis le classement des rivières de 2011-2012, Ségolène Royal avait demandé aux préfets en 2015 de cesser toute destruction de site. Le ministère de l'écologie a été obligé de réagir suite au 2e rapport du CGEDD en 2017, qui pointait (comme le premier en 2012) de graves dysfonctionnements de la réforme. Nicolas Hulot puis François de Rugy ont tenté de calmer ces critiques par une session spéciale de discussion au sein du programme du Comité national de l'eau.

L'association Hydrauxois, non invitée au Comité national de l'eau, avait posé dans un courrier trois conditions simples pour une continuité apaisée :
  • l'administration de l'eau est tenue de reconnaître la pleine légitimité des ouvrages autorisés,
  • l'administration de l'eau est tenue de chercher des solutions de gestion, équipement, entretien prévues dans la loi,
  • les financements publics doivent être dirigés vers l'exécution de la loi, et non vers des solutions que la loi ne prévoit pas, comme les destructions et les "renaturations".
C'est le respect de l'esprit et de la lettre des lois, sans même avoir à débattre de nos nombreux désaccords de fond sur l'état et sur l'avenir des rivières françaises.

Ces conditions, simples et claires, ne sont pas remplies dans le plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique ni surtout dans la circulaire d'application (NOR : TREL1904749N) du 30 avril 2019 venant de paraître.

La lecture de la circulaire permet en effet de constater que :
  • l'administration de l'eau a ajouté de la complexité et non de la clarté,
  • l'administration de l'eau a nié tout problème de fond, se contentant de se plaindre de quelques retards d'exécution,
  • l'administration de l'eau persiste dans l'idéologie dogmatique de la "renaturation" des rivières reposant sur des présupposés non partagés par les citoyens et sur une rationalité écologique plus que douteuse,
  • l'administration de l'eau veut toujours écarter et contraindre les propriétaires d'ouvrage hydraulique au lieu de fonder la politique de continuité sur la base de leur consentement et de leur consultation dans toutes les instances où l'on parle des ouvrages,
  • l'administration  de l'eau veut toujours ignorer les riverains, car elle sait combien sa politique coûteuse d'élimination des canaux, des retenues, des plans d'eau et du petit patrimoine manque de soutien chez les citoyens,  
  • l'administration  de l'eau refuse la révision du classement opaque et non scientifique des rivières fait en 2011-2012 (alors que la loi prévoit cette révision),
  • l'administration de l'eau est incapable de définir une base scientifique, objective, partagée de priorisation des ouvrages hydrauliques qui poseraient des problèmes de continuité, renvoyant cela aux mêmes acteurs qui ont déjà failli dans le classement de 2011-2012,
  • l'administration de l'eau persiste à accorder un poids démesuré à des lobbies en marge de l'appareil administratif central et territorial, en particulier le lobby de la pêche qui poursuit à travers la continuité les intérêts d'une partie de ses pratiquants,
  • l'administration de l'eau entend sinon interdire (ce qui est illégal) du moins compliquer au maximum toute relance énergétique d'ouvrages existants en rivière liste 1 et en rivière à grands migrateurs en général,
  • l'administration de l'eau refuse de donner priorité à la lutte contre les pollutions de l'eau et des bassins versants comme à la baisse des émissions carbone en prévention du changement climatique.
En conséquence, l'association Hydrauxois ne reconnaît aucune valeur, aucune légitimité, aucune autorité à cette circulaire d'exécution  du plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique. 

Les fonctionnaires de l'eau feront ce qu'ils veulent de ce texte : cela ne nous concerne plus vraiment. Nous engagerons en revanche des contentieux systématiques contre ces fonctionnaires dans les conditions précisées ci-dessous. Et nous demandons à chaque propriétaire, à chaque association, de bien comprendre que ce recours en justice doit désormais devenir la norme, et plus l'exception.


Il existait une opportunité pour réviser la réforme complètement ratée de continuité écologique et restaurer la confiance. Cette opportunité a été manquée car l'administration de l'eau et de la biodiversité persiste dans ses dogmes sans écouter ce que disent les citoyens depuis 10 ans. Les fédérations de moulins et riverains ayant participé aux échanges ont pu constater comment ils se déroulaient: aucune écoute des objections, aucune reprise des propositions essentielles, ajout incessant de nouvelles dispositions quand le but officiel était de simplifier, modérer et apaiser les dispositions existantes.

Nous ne sommes pas surpris : l'action publique en France est en pleine crise d'un centralisme autoritaire de plus en plus rejeté dans les territoires ; l'action publique en écologie est tout particulièrement confuse, coûteuse et souvent inefficace.

Cela étant dit, derrière ses montagnes de bavardages dilatoires n'intéressant plus qu'elle, la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de l'écologie essaie toujours de nier trois évidences:
  • aucune loi n'a exigé la destruction d'un ouvrage hydraulique, 
  • aucune loi n'a interdit l'équipement hydro-électrique d'un ouvrage,
  • aucune loi n'a demandé que les rivières redeviennent "sauvages" ou conformes à un état antérieur et disparu de la nature.
Tout au contraire, les lois françaises, les directives européennes, les jurisprudences supérieures des cours de justice font de l'énergie hydro-électrique un enjeu d'intérêt général, elles posent le respect de la propriété comme droit fondamental, elles considèrent les ouvrages autorisés comme des aménagements à l'existence légitime, elles intègrent ces ouvrages dans la gestion équilibrée et durable de l'eau. L'administration du ministère de l'écologie a été régulièrement condamnée pour ses abus de pouvoir face aux moulins et autres ouvrages hydrauliques, encore deux fois récemment par le conseil d'Etat, en l'espace d'un mois (voir moulin du Boeuf, voir commune de Berdoues). Quand la plus haute juridiction du droit administratif condamne les agissements du gouvernement, c'est qu'il y a un problème manifeste dans la conduite des politiques publiques.

Partant de ce que disent réellement les lois françaises et les directives européennes, il convient de cesser désormais de tourner autour du pot et d'aller à l'essentiel :
  • tout fonctionnaire qui vous propose de détruire un ouvrage autorisé commet un abus de pouvoir, cela doit être dénoncé à la justice, nous vous y aiderons ;
  • tout fonctionnaire qui entrave l'équipement hydro-électrique de votre ouvrage autorisé par des procédures disproportionnées (débit minimum biologique irréaliste, infranchissabilité supposée du seuil, demandes techniques insolvables, etc.) commet un abus de pouvoir, cela doit être dénoncé à la justice, nous vous y aiderons ;
  • tout fonctionnaire qui promulgue un texte opposable visant à encourager sans discernement la destruction d'ouvrage ou à décourager son équipement hydro-électrique commet un abus de pouvoir, cela doit être dénoncé à la justice, nous vous y aiderons.
Il en va de même pour des représentants du lobby pêche quand ils s'expriment par la voie d'associations ou fédérations d'agrément public, à ce titre tenues à certaines obligations, comme pour des représentants de syndicats de rivière.

Pour l'avenir, nous appelons les fédérations nationales moulins-riverains-étangs à acter cet échec de la "continuité apaisée", de manière unitaire et forte, afin que le gouvernement ne puisse indûment prétendre que les problèmes ont été résolus, et endormir ainsi la vigilance parlementaire ou judiciaire dans le contrôle de l'action publique.

Nous appelons par ailleurs l'ensemble des propriétaires et riverains, de leurs associations et de leurs collectifs à accomplir leurs devoirs et à protéger leurs droits :
  • en attaquant en justice l'administration partout où c'est nécessaire pour rétablir la loi ou pour obtenir des jurisprudences favorables,
  • en saisissant très régulièrement les parlementaires pour leur faire constater les troubles, pour leur demander d'interpeller le ministre de l'écologie, pour faire évoluer les lois afin de couper court à leur travestissement permanent par l'administration de l'eau et de la biodiversité,
  • en continuant à entretenir leurs biens, à veiller aux équilibres locaux du vivant, à équiper leurs ouvrages en énergie propre et bas carbone.
Nous présenterons à l'occasion de nos prochaines rencontres annuelles (27-28 juillet, château Sully, Saône-et-Loire) ce programme de tolérance zéro pour les casseurs et les harceleurs.

Nous invitons bien sûr tous les cadres associatifs à venir échanger à cette occasion. Nous décomposerons chaque cas de figure d'oppression administrative et chaque moyen d'y répondre. Il est clair à nos yeux que le défaut d'information, d'efficacité et de "systématicité" dans la réponse à l'administration (ou aux lobbies que cette administration soutient) explique le retard de l'abandon définitif des dérives actuelles de restauration de continuité écologique. Il faut donc y pallier ensemble afin que chaque abus de pouvoir donne désormais lieu à une réponse rapide, efficace et homogène sur tous les bassins.

En bientôt dix ans d'expérience associative, nous avons appris une chose : la peur, le renoncement, l'isolement sont nos vrais adversaires ; l'unité, l'engagement et la solidarité sont les seules réponses.

Quelque menace qu'adressent des administrations à la dérive, quelque hargne que propagent des lobbies sectaires et intolérants, quelque manipulation que diffusent des "sachants" payés à savoir comme l'ordonnent ceux qui les paient, et quoiqu'il nous en coûte, nous ne reculerons pas. Nous défendrons, valoriserons et transmettrons aux générations futures les ouvrages de nos rivières. Le reste est accessoire.

07/05/2019

Ruine supposée d'ouvrage et droit d'eau: le conseil d'Etat condamne à nouveau les interprétations abusives du ministère de l'écologie

Pendant 4 ans, par appel puis cassation de décisions qui l'avaient débouté, le ministère de l'écologie s'était acharné à nier le droit d'eau de la commune de Berdoues sur un ouvrage hydraulique, au motif que le seuil du moulin présentait une brèche. Le conseil d'Etat vient de condamner ce qui n'était qu'une lecture infondée et abusive du droit par les fonctionnaires de l'eau et de la biodiversité. Après la victoire du moulin du Boeuf, ce nouvel arrêt de la plus haute juridiction de droit public vient en peu de temps sanctionner les dérapages de l'administration. Nous appelons plus que jamais tous les propriétaires et riverains à ne pas se laisser intimider par les interprétations souvent abusives des fonctionnaires de l'écologie, et à se battre en justice contre tous les excès de pouvoir. Pour les associations, n'hésitez pas à mentionner à vos parlementaires ces deux arrêts rapprochés du conseil d'Etat de 2019, qui démontrent le problème manifeste de l'acharnement infondé de l'Etat contre les moulins et autres ouvrages anciens. La croisade insensée d'une administration à la dérive pour détruire les seuils et barrages en rivière comme pour empêcher leur équipement hydro-électrique doit cesser.  



La commune de Berdoues (Gers) a demandé au tribunal administratif de Pau d’annuler l’arrêté du 17 avril 2015 par lequel le préfet du Gers avait constaté la perte du droit d’eau fondé en titre du moulin de Berdoues, appartenant à la commune, et installé sur la rivière Baïse.

Par un jugement du 20 juin 2017, le tribunal administratif de Pau avait annulé l’arrêté du 17 avril 2015. Par un arrêt du 20 mars 2018, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté le recours formé par le ministre de la transition écologique et solidaire contre ce jugement.

Le ministère de l'écologie s'est acharné et s'est pourvu en cassation : il vient de perdre au conseil d'Etat.

Les conseillers rappellent les conditions d'existence du droit deau, notamment la caractérisation exacte de l'état de ruine :
"La force motrice produite par l’écoulement d’eaux courantes ne peut faire l’objet que d’un droit d’usage et en aucun cas d’un droit de propriété. Il en résulte qu’un droit fondé en titre se perd lorsque la force motrice du cours d’eau n’est plus susceptible d’être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d’affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d’eau. Ni la circonstance que ces ouvrages n’aient pas été utilisés en tant que tels au cours d’une longue période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le droit d’eau fondé en titre est attaché, ne sont de nature, à eux seuls, à remettre en cause la pérennité de ce droit. L’état de ruine, qui conduit en revanche à la perte du droit, est établi lorsque les éléments essentiels de l’ouvrage permettant l’utilisation de la force motrice du cours d’eau ont disparu ou qu’il n’en reste que de simples vestiges, de sorte qu’elle ne peut plus être utilisée sans leur reconstruction complète."
Qu'en est-il de la qualification des faits jugés ici ?
"Par une appréciation souveraine des faits non entachée de dénaturation, la cour a tout d’abord relevé, que le barrage du moulin de Berdoues, qui s’étend sur une longueur de 25 mètres en travers du cours d’eau, comporte en son centre une brèche de 8 mètres de longueur pour une surface de près de 30 mètres carrés, puis relevé que si les travaux requis par l’état du barrage ne constitueraient pas une simple réparation, leur ampleur n’était pas telle “ qu’ils devraient faire considérer l’ouvrage comme se trouvant en état de ruine “. Ayant ainsi nécessairement estimé que l’ouvrage ne nécessitait pas, pour permettre l’utilisation de la force motrice, une reconstruction complète, elle n’a pas inexactement qualifié les faits en jugeant que le droit fondé en titre attaché au moulin n’était pas perdu dès lors que l’ouvrage ne se trouvait pas en l’état de ruine."
Le ministère de l'écologie est donc débouté de sa demande et le droit d'eau est reconnu.

A retenir pour tous les propriétaires :
  • un ouvrage hydraulique de répartition (seuil, barrage) présentant une brèche même large n'est pas en ruine au sens du droit;
  • lorsque les travaux relèvent d'une réparation d'un élément du système hydraulique, il n'y a ni ruine ni perte du droit d'eau.

Référence : Conseil d'Etat 2019, arrêt n°420764, commune de Berdoues contre ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Sur le même thème
Victoire du moulin du Boeuf contre le ministère de l'écologie au conseil d'Etat! L'hydro-électricité des moulins reconnue comme d'intérêt général 

06/05/2019

Note sur la "restauration de la nature" et ses contradictions

Des chercheurs nous disent que "restaurer la nature" est une idée naïve, mais parlent de restaurer des habitats ou des fonctions ou des populations... ce qui revient en réalité au même. Quelques réflexions à ce sujet, afin de contribuer à une pensée de la nature à l'Anthropocène.


Les choix faits sur les ouvrages hydrauliques sont un cas particulier de l'écologie de la restauration, qui vise à intervenir sur les milieux pour les modifier (et non seulement à protéger des zones d'impacts nouveaux, comme les réserves naturelles en écologie de la conservation).

Autour de cette question, l'agence française pour la biodiversité a mis en ligne les vidéos d'un séminaire scientifique sur la continuité écologique des cours d’eau qui s'est tenu le 11 avril 2018 à Paris. Il était organisé par le Comité national de l'eau (CNE), avec l'appui scientifique de la direction de l'eau et de la biodiversité (MTES) et de l'AFB. On peut y entendre les contributions de Bernard Chevassus-au-Louis (inspecteur général de l’agriculture, docteur agrégé en sciences- biologie, écologie, enjeux de biodiversité, services écologiques, qualité de l’eau), Emmanuèle Gautier (professeure de géographie - Université Paris 1-Sorbonne - géographie physique et environnementale, géomorphologie fluviale, relations homme/milieux), Yanni Gunnell (professeur de géographie - Université Lyon 2 - écologie, géographie environnementale, relations homme/milieux), Christian Lévêque (directeur de recherche émérite – Institut de recherche pour le  développement - hydrobiologie) et Jean-Michel Olivier (chercheur - CNRS Lyon - biologie : invertébrés, poissons, écologie fonctionnelle).

Restaurer la nature serait naïf...
Il semble désormais convenu pour les biologistes, écologues, géographes et autres scientifiques que "restaurer la nature" ne signifie pas grand chose. En particulier si l'on vise un retour à un référentiel ancien, un état antérieur de la nature, la nature telle qu'elle était hier, ou avant-hier.

D'abord, c'est impossible de faire tourner le film de l'évolution à l'envers, pas plus que le film de l'histoire : tout change, et tout change de manière irréversible. Ensuite, le mot "nature" est lourdement chargé de sens, et des sens très différents chez les humains. Non seulement au sein des sciences elles-mêmes, qui ne "lisent" pas la même chose dans le réel selon leur spécialité. Mais aussi dans toutes les représentations non scientifiques du monde, aussi légitimes que la science après tout (comme le rappellent sociologues, ethnologues, anthropologues, philosophes, historiens et bien d'autres).

Donc restaurer la nature, cela ne veut rien dire, ou pas grand chose, on en convient volontiers entre gens fort éduqués.

Une fois ce point acquis, on assiste pourtant... à l'étonnante résurrection de l'idée dignement enterrée!

...mais on vise pourtant à le faire
Ainsi, certains parlent de "restaurer des habitats". Or changer le mot ne change pas ici la chose : la nature est formée d'habitats, si l'on veut revenir à un habitat ancien (par exemple une rivière lotique) en changeant un habitat que l'homme a créé (par exemple une retenue), on veut tout bonnement restaurer la nature d'avant. On choisit un autre mot, mais cela signifie la même chose.

D'autres parlent de "restaurer des fonctions". Le contournement est un peu plus subtil, mais tout aussi énigmatique. Une fonction, c'est une description de la manière dont un système fonctionne. Or le fait qu'un système anthropisé fonctionne différemment d'un système pré-anthropique ne dit rien de particulier sur la qualité des fonctions concernées. Restaurer une fonction ancienne (par exemple évacuer rapidement des sédiments) au détriment une fonction nouvelle (par exemple retenir plus longtemps les sédiments), c'est encore en fait restaurer la manière dont la nature fonctionnait avant.

On voudrait aussi "restaurer des populations". Mais on comprend vite que le problème est le même s'il s'agit de revenir aux populations telles qu'elles étaient jadis, éventuellement au détriment de populations telles qu'elles sont maintenant. Sans oublier que pas grand monde ne fait la comptabilité réelle de toutes les populations vivantes qui sont présentes en un lieu donné.

L'instauration de la nature et le débat de l'Anthropocène
C'est manifestement le mot "restaurer" qui ne convient pas. Ou ses équivalents, rétablir, renaturer etc.

L'action humaine instaure des états de la nature, la société humaine apprécie ces états.

Par exemple, une construction de barrage instaure un état de la nature, une destruction de barrage instaure un autre état.

Sur ces questions, il conviendrait ainsi d'avoir à l'esprit quelques idées claires pour organiser le débat démocratique sur la nature:
  • la nature est l'ensemble de ce qui est et devient, humain comme non-humain;
  • des descriptions savantes de mécanisme de la nature par l'écologie (biosphère, écosystème etc.) enrichissent le débat des rapports humains à la nature mais sans en changer réellement les termes fondamentaux au plan philosophique, moral ou politique;
  • ce que nous appelons "nature" est le co-produit de l'activité humaine, l'humain et les actions de l'humain font partie intégrante de la nature;
  • l'Anthropocène est la période où l'action humaine commence à dominer sur Terre les dynamiques et variations de la nature par rapport à d'autres causes;
  • nous avons des préférences sur ce que la nature pourrait ou devrait être, mais ce sont toujours des préférences humaines (même celui qui valorise une part "non-humaine" de la nature exprime ainsi une préférence humaine);
  • il existe une pluralité (convergences, divergences) des préférences humaines relativement à la nature, il n'existe pas de consensus a priori sur ce que nous aimons, espérons, attendons, valorisons, déplorons dans la nature, de tels avis changent selon les individus, les communautés, les lieux, les époques;
  • la science peut éclairer des faits et des causes à l'oeuvre dans la réalité par des méthodes objectives (vérifiables, réfutables, répliquables), mais la science n'a pas d'autorité particulière sur ce qu'est une "bonne" ou une "mauvaise" nature (ni habitat, ni fonction, ni toute autre périphrase);
  • l'information que donnent les sciences est un commencement, et non la fin, du débat démocratique, à partir d'elle s'expriment des avis mieux informés des citoyens, sans que ces avis des citoyens ne s'irriguent pour autant à la seule science;
  • des états et produits de la nature (biodiversités, fonctionnalités, services, etc.) changent selon les choix humains, une description de ces états et de leurs évolutions permet de mieux réfléchir à nos préférences;
  • il est impossible (ou dénué de sens) d'instaurer la nature elle-même comme norme, celui qui prétend le faire tente en général d'imposer une croyance soustraite au débat contradictoire et de masquer le fait que sa norme est toujours non la nature elle-même mais un certain discours de la nature, portant certaines préférences. 

04/05/2019

Alerte: l'administration veut désormais détruire moulins, étangs et canaux sur simple déclaration, sans étude d'impact ni enquête publique!

Dans un projet de décret venant d'être publié, le ministère de l'écologie a glissé une disposition qui permet de détruire tous les ouvrages par une procédure de simple déclaration et non plus d'autorisation. La différence? Il n'y aurait aucune information des citoyens, aucune enquête publique, aucune possibilité de déposer recours gracieux ou contentieux contre des arrêtés préfectoraux. Face aux nombreuses protestations que suscitent les travaux de continuité, on organise ainsi l'exécution ordinaire de l'arbitraire administratif. Et on s'apprête à massacrer les rivières, plans d'eau, canaux sans même faire d'étude d'impact de leur faune et de leur flore, d'analyse des effets sur les niveaux d'eau, d'évaluation de l'avenir en crue ou en étiage. La protection des droits des tiers et du vivant en place serait réduite au strict minimum pendant que les pelleteuses détruisent des milieux souvent présents depuis plusieurs siècles.  Nous appelons tous les acteurs à mesurer la gravité de cette disposition et à s'y opposer, déjà en déposant un avis négatif en consultation publique, ensuite en préparant un recours collectif. Nous appelons également les participants des discussions au comité national de l'eau à tirer les conclusions qu'impose cette nouvelle provocation de la direction de l'eau et de la biodiversité.




Le gouvernement vient de déposer en consultation publique un projet de décret de modification du régime IOTA (installations, ouvrages et travaux en rivière).

Ce projet comporte cette disposition assez discrète, placée dans son article 5 :
9° Après la rubrique 3.3.4.0. est créée une rubrique 3.3.5.0. ainsi rédigée :« 3.3.5.0. Travaux de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques, y compris les ouvrages nécessaires à cet objectif, définis par un arrêté du ministre en charge de l'environnement. (D)Cette rubrique est exclusive de l'application des autres rubriques de la présente nomenclature. 
Au nom d'une catégorie fourre-tout de "restauration des fonctionnalités naturelles", il serait désormais possible d'intervenir par une simple déclaration en préfecture, cela sans égard pour les impacts créés par le chantier de restauration.

Concrètement cela peut signifier : détruire des moulins, étangs et plans d'eau, assécher des biefs et canaux, sur la base d'une simple déclaration, sans avoir à se référer aux règles prudentielles des autres rubriques du régime IOTA.

Le projet d'arrêté ministériel précise ainsi les travaux concernés :
"À cet effet, un projet d’arrêté définissant les travaux de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques relevant de la rubrique 3.3.5.0. de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1 du code de l’environnement a été rédigé. Il liste les travaux suivants :
- arasement ou dérasement d’ouvrage en lit mineur ;
- désendiguement ;
- déplacement du lit mineur pour améliorer la fonctionnalité du cours d’eau ou rétablissement du cours d’eau dans son lit d’origine ;
- restauration de zones humides ;
- mise en dérivation ou suppression d’étangs existants ;
- remodelage fonctionnel ou revégétalisation de berges ;
- reméandrage ou remodelage hydromorphologique ;
- recharge sédimentaire du lit mineur ;
- remise à ciel ouvert de cours d’eau couverts ;
- restauration de zones naturelles d’expansion des crues.
- opération de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques prévue dans des documents de gestion approuvés par l’autorité administrative (cf liste dans l’arrêté)."
Auparavant, dès lors que 100 mètres de profil en long ou en travers d'une masse d'eau étaient modifiés, l'autorisation s'imposait. Et pour cause, un projet qui modifie considérablement le milieu en place doit obéir à un principe de précaution tant vis-à-vis du vivant tel qu'il existe sur le site que vis-à-vis des riverains.

Cette règle d'autorisation a permis à notre association de sauver divers sites dont l'administration voulait tolérer la destruction sans s'encombrer des obligations de l'autorisation (mais cette administration a dû reculer après recours). Cela a surtout évité des destructions sans réflexion ni préparation sérieuses, car l'autorisation est une procédure assez exigeante et les syndicats (ou autres maîtres d'ouvrage) sont donc tenus à une certaine rigueur sur les chantiers de continuité.

La fin de ce régime d'autorisation sous prétexte de "restauration de fonctionnalités naturelles" signifierait ainsi pour les collectifs et associations impliqués sur la continuité écologique et pour les citoyens en général :
  • quasi-impossibilité d'être informés des projets (la déclaration est un simple courrier sans publicité à la DDT-M), 
  • absence d'étude des impacts riverains / usages / environnement, 
  • fin de l'enquête publique qui permettait aux citoyens de s'exprimer (en général, contre les casses) et aux associations de préparer des recours contentieux éventuels contre l'arrêté d'autorisation
  • possibilité de casser "à la chaîne" pour les maîtres d'ouvrage de type syndicats de rivière ou fédérations de pêche.
Face à ce danger majeur de régression du droit des riverains et du droit de l'environnement, nous avons saisi nos conseils juridiques.

Nous appelons les associations, fédérations et syndicats à faire de même, à donner leur avis dans la consultation, à préparer si nécessaire une action collective en justice.

Déposez votre avis sur la consultation. 


Nota : nous écrire si votre association est disposée à participer à un contentieux.

Les représentants nationaux des ouvrages
doivent prendre leur responsabilité!
 
Suite aux déclarations du ministre Rugy, à la mauvaise volonté de produire la moindre avancée en comité national de l'eau, à ce nouveau décret scélérat, les fédérations moulins-riverains-étangs et syndicats doivent tirer les conclusions qui s'imposent. L'heure n'est plus à la division, l'heure n'est plus au pinaillage de textes abscons proposés par des fonctionnaires manipulateurs: l'heure est à la lutte coordonnée, résolue, systématique, sur tous les terrains pour sauver les ouvrages dont l'administration poursuit manifestement la disparition planifiée. Nous demandons en conséquence aux fédérations d'examiner l'opportunité de poursuivre leur participation du comité national de l'eau, mais surtout d'exposer de manière unitaire aux parlementaires et aux médias la situation catastrophique des patrimoines des rivières et les manoeuvres insincères de l'administration en charge de l'eau. Le comité national de l'eau a eu pour effet concret de neutraliser la dynamique créée par les nombreux rapports critiques de la continuité de la période 2012-2017, d'endormir les élus en prétendant que la concertation était en train de régler les problèmes, de laisser du temps à une bureaucratie déstabilisée pour organiser sa riposte, poursuivre son idéologie et aggraver sa dérive antidémocratique. 

03/05/2019

Ouvrages hydrauliques: le ministère de l'écologie continue de tromper les parlementaires et de fuir ses priorités

Dans une réponse à la députée Barbara Bessot Ballot, le ministère de l'écologie persiste dans ses erreurs en prétendant indument que les sites français de petite hydro-électricité seraient déjà largement équipés, que la destruction des ouvrages hydrauliques serait nécessaire à la qualité de l'eau, à la biodiversité ou à l'adaptation au changement climatique, que cette destruction serait inscrite dans les lois françaises ou européennes. C'est faux. Après 10 ans de débat, ce n'est plus une erreur involontaire, mais une manipulation consciente des parlementaires afin de défendre encore et toujours une idéologie jacobine indéfendable de destruction du patrimoine paysager, du potentiel énergétique et des écosystèmes humanisés. On nous a parlé de "continuité apaisée" : c'était une tromperie. La vérité est que ce gouvernement comme les précédents est en retard sur la lutte contre les pollutions chimiques, en retard sur les objectifs de transition énergétique, préférant distribuer quelques cadeaux à des clientèles et lobbies pour éviter d'adresser des problèmes prioritaires en écologie. 



On pouvait croire qu'après la multitude des interpellations parlementaires, des changements de loi, des rapports administratifs critiques, le ministère de l'écologie avait compris que la suppression des ouvrages hydrauliques n'est pas une solution désirable pour les rivières, encore moins pour la prévention du réchauffement climatique et l'atténuation de ses effets. On pouvait surtout espérer un minimum de lucidité : casser encore des moulins et étangs en 2019 est une aberration profonde à l'heure où tous les voyants de l'écologie sont au rouge et où l'argent public manque partout pour répondre à ces défis.

Car enfin, les rapports les plus alarmants s'accumulent sur les pesticides, sur les plastiques, sur les micro-polluants, sur l'évolution du climat, sur la difficulté à baisser les émissions carbone, sur la disparition de la biodiversité ordinaire, et que trouvent comme idée géniale nos élus et fonctionnaires en charge de l'environnement : détruire des ouvrages souvent présents depuis l'Ancien Régime !

Cette imposture, nous ne la supportons plus. Elle perdure hélas sous ce nouveau gouvernement.

Un échange entre le ministre de l'écologie et la députée Barbara Bessot Ballot (voir en fin d'article le contenu complet) révèle ainsi que l'idéologie de destruction des ouvrages n'a pas changé, et que les arguments en sa faveur sont toujours aussi inexacts ou flous.

INFOX n°1 du ministère : "Le potentiel [hydro-électrique] restant est limité par le taux d'équipement important déjà existant": cette phrase est totalement inexacte, c'est la répétition de ce que disent des lobbies comme FNE et FNPF, mais sans aucune base factuelle. L'immense majorité des moulins et forges en place (jusqu'à 95% selon les rivières) ne sont pas aujourd'hui équipés d'outils de production hydro-électrique. C'est aussi le cas de nombreux barrages servant à d'autres fins (eau potable, irrigation, régulation de crue, pisciculture, etc.). Les travaux de chercheurs européens ont montré que l'on peut équiper 25 000 moulins en France, soit 4 TWh de productible, équivalent consommation de 1 million de foyers (voir Punys et al 2019). On ne peut pas faire confiance à un gouvernement et à une administration qui manipulent ainsi la réalité au nom d'une idéologie. D'autant que ce même ministère couvre sans le dire la destruction de barrages hydro-électriques bas-carbone déjà équipés et en état de produire, comme sur la Sélune ou à Pont-Audemer. A chaque fois pour faire cadeau à une clientèle très bien identifiée : le lobby des pêcheurs de salmonidés. Mais on sait que le même gouvernement fait aussi des cadeaux aux chasseurs, grands protecteurs de la faune...

INFOX n°2 du ministère : "Ce développement doit rester compatible avec les objectifs de bon état des eaux et de reconquête de la biodiversité. L'atteinte de ces objectifs rend indispensable la restauration des fonctionnalités naturelles des cours d'eau permettant de retrouver des milieux aquatiques résilients au changement climatique, qui passe par la restauration de la continuité écologique et la suppression de certains seuils en lit mineur en vue de restaurer des habitats courants et diversifiés." : le ministère de l'écologie continue dans le dogme. Jamais une loi française ou européenne n'a indiqué la suppression des ouvrages en rivière comme mesure d'intérêt général (voir la loi française, voir les dispositions européennes), c'est la gestion, l'équipement et l'entretien des ouvrages qui sont demandés dans les cas où ils portent atteinte aux migrations de certains poissons menacés, déficitaires, ayant une chance de se reproduire en tête de bassin. Le rôle soi-disant positif de la destruction des ouvrages dans le cadre du changement climatique est fantaisiste : outre que la transition bas carbone est la première urgence pour stopper le réchauffement, en cas de suppression des ouvrages on fait au contraire disparaître des outils de régulation de l'eau crue-étiage, on diminue la surface aquatique disponible pour le vivant, on altère le stockage par échange avec les nappes, on assèche les zones humides annexes, on produit par endroit des rivières qui sont en assecs ou en filet d'au d'eau polluée tout l'été (voir cet exemple d'une rivière "renaturée"). En ces domaines, la recherche scientifique parle de plus en plus en souvent des nouveaux écosystèmes anthropisés (dont ceux créés par les ouvrages, voir Backstrom et al 2018, Clifford et Hefferman 2018, Kuczynski et al 2018) comme des services rendus par ces écosystèmes aménagés (voir Bolpagni et al 2019), notamment en situation de changement climatique (voir Beatty et al 2017).  En fait, l'actuelle destruction systématique d'ouvrages en France correspond soit à des demandes halieutiques anciennes des années 1860 ou 1980 (surtout des pêcheurs "élitistes" de salmonidés) soit à des visées d'écologie de conservation comme retour à un état ancien de référence, approches qui datent du milieu du XXe siècle mais sont de plus en plus débattues en écologie (voir Bouleau et Pont 2014, 2015, Alexandre et al 2017, Dufour et al 2017, Dufour 2018 et les références citées plus haut sur les nouveaux écosystèmes).

Cette réaction du ministère de l'écologie date du 23 avril 2019. Elle est donc récente et reflète la doctrine de l'administration qui prétend en parallèle mener des concertations pour une "continuité apaisée" dans le cadre du Comité national de l'eau.

Au niveau national, nous demandons aux fédérations de moulins et de riverains, aux syndicats d'hydro-électricité et d'étangs de prendre leur responsabilité : si la doctrine ministérielle ne change pas, rien ne sert de donner des gages à une pseudo-concertation en forme de répétition des mêmes dogmes, laissant croire indument aux élus que l'administration concerte avec les acteurs alors qu'elle assène ses ordres. Un des acteurs avait été clair là-dessus, tous doivent l'être désormais.

Au niveau local, nous appelons pour notre part toutes les associations et les collectifs riverains à engager la doctrine de tolérance zéro face aux casseurs : attaquer en justice tout document de planification (SAGE, SDAGE, SRADDET, programmes agences de l'eau etc.) qui comporterait l'encouragement non légal à la suppression d'ouvrage ; attaquer en justice tout projet de destruction ne respectant pas les droits établis et l'ensemble des conditions d'une gestion équilibrée et durable de l'eau ; refuser l'accès des berges privées à tous les usagers qui soutiennent la casse des ouvrages et qui méprisent les autres riverains.

Aujourd'hui par exemple, 35 associations demandent en justice l'annulation des programmes d'intervention des agences de l'eau Seine-Normandie et Loire-Bretagne, et il en ira désormais de même pour tous les textes administratifs programme la suppression d'ouvrage, comme pour tout abus de pouvoir de fonctionnaires incitant à détruire. Les associations (ou particuliers) qui ne sont pas encore engagées dans ces démarches contentieuses doivent les systématiser.

Le respect des ouvrages hydrauliques, de leurs usages et de leurs milieux est le principe directeur de toute politique publique qui engage une gestion équilibrée et durable de l'eau : désormais, il n'y a rien à discuter davantage tant que ce point de départ n'est pas acté.

Texte de la question - Députée Barbara Bessot Ballot 
Mme Barbara Bessot Ballot interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, au sujet du soutien au développement de la filière de l'hydroélectricité en France. L'hydroélectricité est de loin la première filière renouvelable productrice d'électricité en France et dans le monde. Riche d'un patrimoine et d'une filière industrielle hydroélectriques importants, la remise en route de concessions en France avec l'objectif d'une électricité plus propre et plus compétitive est une bonne nouvelle. En revanche, à la suite de divers échanges notamment avec un exploitant local sur le territoire, il existe encore de nombreux freins qui fragilisent à ce jour les installations existantes et empêchent, ou ralentissent, le développement de nouvelles installations, notamment en matières réglementaires et environnementales. Tout d'abord, au niveau de la continuité écologique. Les mises en conformité des ouvrages hydroélectriques engendrent des coûts abyssaux pour les exploitants. En effet, l'article L. 214-17 du code de l'environnement impose que les ouvrages situés sur des cours d'eau en liste 2 soient équipés (continuité piscicole et sédimentaire) et ce, dans un délai de cinq ans à compter de la publication des arrêtés de classement des cours d'eau dans les bassins hydrographiques. Aussi, le coût des équipements environnementaux (tels que les passes à poissons) est disproportionné par rapport aux supposés gains écologiques. Il existe par ailleurs une certaine instabilité, complexité et lourdeur administrative, dans la mesure où de nouveaux équipements ou des changements relatifs aux équipements existants peuvent être imposés à des ouvrages. Aussi, le code de l'environnement impose une conciliation des différents usages de l'eau : pourtant, ce principe ne paraît pas être réellement respecté en pratique. La filière hydroélectrique fait l'objet d'une politique « à charge » : arasement d'ouvrages, contentieux administratifs lors de renouvellement d'autorisations, procédures administratives trop longues pour les nouveaux projets, et les procédures administratives sont jugées beaucoup trop lourdes et nécessitent un temps excessif pour les différents acteurs. Enfin, la fiscalité locale pèse énormément sur les installations hydroélectriques (l'imposition foncière des installations hydroélectriques ayant considérablement augmenté). À l'heure de la volonté du Gouvernement d'accélérer la transition énergétique et écologique, le développement de l'hydroélectricité en France apporte sans aucun doute une réponse majeure aux problématiques environnementales, notamment sur la continuité des cours d'eau et la préservation de la biodiversité. Son développement répond également aux problématiques de développement de filières industrielles françaises d'excellence, puisqu'elle représente un vecteur majeur de développement économique sur tous les territoires, et notamment en milieu rural. Filière au potentiel majeur, celle-ci est aujourd'hui en difficulté : face à l'inflation des normes environnementales, face au poids de la fiscalité locale et face à la complexité administrative, elle l'interroge sur les mesures prévues le Gouvernement, notamment en matière de réglementation, afin de lever les incertitudes existantes et favoriser le dynamisme et l'optimisation du développement de la filière sur tous les territoires.

Texte de la réponse Ministère de la Transition écologique et solidaire
L'hydroélectricité est la première source de production d'électricité renouvelable, et est importante à la fois pour le système électrique national et le développement économique local. Le maintien et le développement de cette ressource, dans le respect des enjeux environnementaux, est indispensable pour atteindre les objectifs énergétiques et climatiques ambitieux que notre pays s'est fixé. La production hydroélectrique peut connaître d'une année sur l'autre des variations importantes en raison de l'hydraulicité, mais la puissance installée en France métropolitaine continue de progresser : elle est actuellement à près de 25,5GW. Le potentiel restant est limité par le taux d'équipement important déjà existant et par les enjeux de protection de l'environnement, mais il existe encore une marge de progression et d'optimisation du parc. Dans ce cadre, le Gouvernement soutient donc la réalisation de nouveaux investissements de développement de l'hydroélectricité, Ce développement doit rester compatible avec les objectifs de bon état des eaux et de reconquête de la biodiversité. L'atteinte de ces objectifs rend indispensable la restauration des fonctionnalités naturelles des cours d'eau permettant de retrouver des milieux aquatiques résilients au changement climatique, qui passe par la restauration de la continuité écologique et la suppression de certains seuils en lit mineur en vue de restaurer des habitats courants et diversifiés. La Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) publiée en 2016 a ainsi fixé un objectif d'augmentation de 500 à 750 MW de la puissance installée à l'horizon 2023. La révision de la PPE pour les périodes 2018-2023 et 2024-2028 permettra prochainement d'actualiser et de prolonger ces objectifs. La petite hydroélectricité fait par ailleurs déjà l'objet, au même titre que les autres filières renouvelables, d'un soutien au développement via l'arrêté du 13 décembre 2016 fixant les conditions d'achat et du complément de rémunération pour l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie hydraulique des lacs, des cours d'eau et des eaux captées gravitairement, ainsi que via des appels d'offres périodiques lancés par le ministère de la transition écologique et solidaire. Enfin, en ce qui concerne les plus grandes installations exploitées sous le régime de la concession, le renouvellement des concessions arrivées à échéance permettra de déclencher des investissements de modernisation et d'extension des aménagements existants.