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28/05/2018

Les barrages comme refuges? Intégrer le changement climatique dans les choix sur les ouvrages hydrauliques (Beatty et al 2017)

Quand on prend une décision d'aménagement sur un barrage, on regarde aujourd'hui les conditions passées et présentes. Mais quelle sera la situation future, en période de  changement climatique rapide? Une dizaine de biologistes publie une perspective à ce sujet dans Biological Conservation. Ces chercheurs soulignent que les réservoirs des grands barrages ont aussi des intérêts écologiques : ils servent de refuges face aux sécheresses, bloquent des espèces invasives, forment des écosystèmes lacustres ayant leur propre diversité. L'avenir à long terme du vivant après leur effacement n'est pas garanti si l'écosystème originel de la rivière a été très modifié. Et la valeur de l'eau stockée dans les retenues a par ailleurs toute chance de devenir plus forte en situation de réchauffement. Non seulement il faut décider de l'avenir des barrages au cas par cas, mais l'estimation des options doit impérativement intégrer la situation climatique et hydrologique du bassin dans l'avenir. 



Il existe dans le monde plus de 50 000 barrages d'une hauteur supérieure à 15 m. Ils permettent l'approvisionnement en eau potable, le contrôle des crues, l'irrigation, la navigation, la production d'énergie et des loisirs. Alors que la construction de barrages se poursuit dans de nombreuses régions du monde, en particulier en Chine, en Inde et en Afrique, elle a ralenti en Amérique du Nord et en Europe. Leur effacement dépasse maintenant leur construction aux États-Unis.

Pour Stephen Beatty et ses collègues, "cette poussée de l'effacement des barrages est principalement attribuable à des facteurs économiques, beaucoup ont été construits au milieu du 20e siècle, et les coûts de réparation des infrastructures vieillissantes dépassent largement les coûts de suppression (Stanley et Doyle 2003). Plus récemment, l'impulsion pour l'effacement de nombreux barrages a été d'atténuer leurs impacts écologiques; habituellement pour rétablir les voies de migration des poissons et restaurer les régimes naturels d'écoulement (Service 2011, O'Connor et al 2015)".

Les impacts écologiques négatifs des grands barrages sont bien connus dans la littérature scientifique: ils ennoient des habitats dans leur retenue, bloquent la migration des poissons, retiennent les sédiments devenant déficitaires à l'aval, modifient la variabilité naturelle des crues et étiages ponctuant la vie des espèces aquatiques et rivulaires comme la dynamique des lits mineur et majeur. Aussi pense-t-on qu'une rivière sans grand barrage serait, toutes choses égales par ailleurs, une rivière présentant davantage de diversité.

Les auteurs mettent toutefois un bémol à ce point de vue : "alors que les impacts écologiques négatifs des barrages sont bien reconnus, nous soutenons que les influences du changement climatique sur les futurs impacts et valeur des barrages nécessitent une plus grande considération dans les processus de prise de décision visant à les éliminer dans les régions tempérées soumises à sécheresse".

Il est d'abord rappelé que l'effacement de barrage "doit être considéré comme une perturbation écologique en soi", avec certains changements écologiques plus coûteux que bénéfiques. C'est le cas bien connu de la remobilisation des sédiments accumulés, et parfois pollués.

Mais les chercheurs soulignent aussi qu'un barrage crée un écosystème à part entière : "Nous devons aussi être conscient qu'une fois un barrage construit, l'écosystème aquatique antérieur a été modifié et, bien que physiquement altérés par rapport à cet état originel, les nouveaux écosystèmes lentiques peuvent soutenir une biodiversité aquatique considérable. Ces valeurs potentiellement positives doivent être prises en compte dans les propositions d'élimination des barrages, car nous ne pouvons pas toujours supposer qu'un écosystème reviendra à son état initial après l'élimination d'une barrière. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour évaluer et quantifier les impacts de l'enlèvement des barrages sur des échelles spatiales et temporelles plus longues (Graf 2003)".

Ainsi, "on reconnaît de plus en plus que les plans d'eau créés artificiellement peuvent jouer un rôle important dans la création d'habitats pour les organismes aquatiques (par exemple, Chester et Robson 2013, Halliday et al 2015, Beatty et Morgan 2016). Ces refuges artificiels comprennent des réservoirs de stockage d'eau, des fossés de drainage, des chenaux d'irrigation, des gravières, des canaux de transport d'eau et des lacs de golf, entre autres (voir Chester et Robson 2013). Fait important, ils ont également été identifiés comme habitat de refuge pour une gamme d'organismes aquatiques menacés, notamment les poissons d'eau douce (Tonkin et al 2010, 2014; Ebner et al 2011), les mollusques (Clements et al 2006) et les oiseaux aquatiques (Li et al 2013)."

À ce jour, la plupart des études sur les effets du changement climatique se sont concentrées sur la hausse de la température de l'eau comme facteur de stress sur les communautés de poissons d'eau froide. Or, se pose aussi la question de la ressource en eau: "Les changements hydrologiques ont rarement été envisagés, mais au cours des 50 dernières années, le débit a diminué de plus de 30% dans de vastes régions du sud de l'Europe, du Moyen-Orient, de l'Afrique occidentale et australe, du sud-est asiatique et de l'Australie, et 10-30% dans l'ouest de l'Amérique du Nord et une grande partie de l'Amérique du Sud (Milliman et al 2008), la plus grande partie de cette diminution étant due au forçage climatique (Dai et al 2009). Les projections tirées des modèles de changement climatique suggèrent que les diminutions de débit continueront dans ces régions à l'avenir (Jiménez Cisneros et al 2014, Schewe et al 2014)".

Autre enjeu : les espèces envahissantes et les maladies exotiques qu'elles introduisent, représentant une menace pour les écosystèmes aquatiques du monde entier. Les températures plus élevées de l'eau peuvent accroître la transmission et la virulence des parasites exotiques et des agents pathogènes, de même qu'elles augmentent la probabilité d'arrivée de nouvelles espèces. "Alors que les réservoirs créés par les barrages sont souvent des points chauds d'espèces exotiques, en particulier les poissons carnassiers prédateurs, plusieurs exemples de barrages (intentionnels et non intentionnels) limitent la propagation des espèces envahissantes (McLaughlin et al 2007; Rahel 2013; voir notre étude de cas). En outre, bien que souvent difficile, l'éradication des espèces exotiques des réservoirs est possible (Meronek et al 1996) et peut directement faciliter leur utilisation comme refuges par les poissons indigènes (Beatty et Morgan 2016). La valeur relative de la restauration de la connectivité pour les espèces indigènes par rapport à la limitation de la propagation des espèces envahissantes nécessite un examen attentif lors de la décision d'enlever des barrages ou d'installer des passes à poissons."

Une grille de décision est proposée, consistant à objectiver les effets écologiques positifs et négatifs actuels des barrages, ainsi que leurs usages, puis à analyser l'évolution des coûts et bénéfices en situation de changement climatique (cliquer pour agrandir) :


Extrait de Beatty et al, art cit. 

En conclusion, les scientifiques demandent un ré-examen attentif de ces questions: "Compte tenu des impacts biologiques et écologiques néfastes des barrages dans le monde entier, leur effacement aurait un impact positif net significatif sur les écosystèmes fluviaux et la biodiversité aquatique dans la grande majorité des cas (Williams et al 1999; Perkin et al 2015). Néanmoins, davantage de recherches sont nécessaires pour quantifier les valeurs écologiques existantes des retenues artificielles, et pour prédire comment ces valeurs pourraient changer à l'avenir. Plus particulièrement, dans des cours d'eau menacés de sécheresse où les refuges naturels seront perdus, l'implication des projections climatiques sur la valeur des barrages et les impacts de leur suppression doit être prise en compte par les chercheurs et les décideurs".

Discussion
Les sociétés humaines ont construit des barrages (petits et grands) depuis des millénaires, produisant des changements profonds dans le régime naturel des débits, la configuration sédimentaire des bassins, les peuplements biologiques. La prise en considération des effets environnementaux des barrages est récente à échelle de cette longue histoire. Elle a été accélérée par la multiplication des grands barrages depuis 1900, ces majestueux ouvrages de génie civil étant à la fois témoins spectaculaires de la puissance de la modernité industrielle et agents de modification radicale des milieux naturels.

Pour une écologie de la conservation valorisant les systèmes naturels pré-humains, le schéma est assez simple : le barrage représente un impact au fonctionnement spontané du cours d'eau, sa disparition est donc toujours profitable. Mais cette écologie de la conservation est une discipline en construction, et la réalité est finalement un peu plus complexe que certains discours formalisés dans les années 1960-1980. L'empreinte écologique de 9 à 11 milliards d'humains d'ici 2050 sera très difficile à réduire, la trajectoire de changement climatique par hausse du carbone atmosphérique est déjà engagée, la majorité des espaces naturels continentaux sont désormais des espaces anthropisés, c'est-à-dire des co-produits de processus naturels et d'interventions humaines. A cela s'ajoute que les barrages ont des enjeux socio-économiques notables et qu'ils sont une des meilleures sources d'énergie renouvelable (selon les critères de pilotage, stockage, puissance, empreinte carbone, empreinte matières premières, taux de retour énergétique). Les rares pays pauvres ou émergents qui arrivent à produire une électricité 100% renouvelable le font aujourd'hui avec une très forte base hydro-électrique. Et dans les autres, aucun scénario ne permet la sortie du carbone d'ici le milieu de siècle en sacrifiant l'énergie hydraulique.

Outre ces  contraintes globales que l'on doit garder à l'esprit, ce sont aussi les conditions locales qu'il faut examiner. Que disent les modèles climatiques sur l'avenir de chaque rivière? Quelle est la probabilité d'une hausse de fréquence des épisodes de sécheresse sévère (ou à l'inverse de crue)? Cet avenir probable suppose-t-il de conserver des capacités de régulation et de refuge? Que trouve-t-on aujourd'hui comme biodiversité aquatique et rivulaire dans le bassin, non seulement dans les zones naturelles, mais aussi dans les habitats artificiels? Ceux qui portent aujourd'hui la politique d'effacement sont-ils prêts à engager leur responsabilité en cas d'erreur de jugement observée dans 10, 20 ou 50 ans (tant de politiques publiques ayant produit des effets adverses et non anticipés par la planification…)? On aimerait avoir la réponse à ces questions aujourd'hui en France, dans le cadre de débats démocratiques apaisés et de discussions scientifiques transparentes.

Référence : Beatty S et al (2017), Rethinking refuges: Implications of climate change for dam busting, Biological Conservation, 209, 188–195

18/04/2018

Restauration de la nature et état de référence: qui décide au juste des objectifs, et comment? (Dufour 2018)

Dans un passionnant mémoire d’habilitation à diriger des recherches, le géographe Simon Dufour (Université Rennes 2, UMR LETG) rappelle les problèmes qui surgissent lorsque l'on prétend définir un "état de référence" d'une rivière (ou de tout milieu naturel) en vue d'engager une action de restauration écologique. On invoque "la nature" vue par "la science" pour justifier certaines actions, mais en réalité toute politique écologique va opérer des choix normatifs qui ne sont pas démontrables par la science, et qui ne sont pas en soi inscrits dans la nature davantage que ne le seraient d'autres choix. Les humains co-construisent les milieux à partir d'objectifs sociaux: encore faut-il que ces objectifs soient pensés, explicités, démocratisés dans leur expression comme dans leur décision.  



Au bord d'une retenue de chaussée de moulin, une grenouille se repose sur un nénuphar. Le riverain voyant la scène se demande : pourquoi veut-on changer cela? Car il est question de modifier cet état présent de la nature, décrit comme une altération.

Cette question est celle des fondements et objectifs de la restauration écologique des rivières, une politique publique visant à améliorer l'état des milieux aquatiques. Restaurer signifie revenir à un état jugé plus conforme à ce qui devrait être. Cela pose donc la question de "l'état de référence" : à partir de quoi va-t-on dire qu'une rivière (ou tout milieu) est ou non conforme à cet état?

La nature ancienne était-elle plus naturelle?
L'état de référence a d'abord été simplement posé comme la nature telle qu'elle était avant l'influence humaine, en particulier avant l'époque industrielle, une référence "ancienne" étant donc plus "naturelle".

"Dans un premier temps, ces actions postulaient que les actions humaines, notamment depuis la révolution industrielle, avaient profondément dégradé l'état naturel de ces milieux, note Simon Dufour. Ainsi, la plupart des actions de restauration proposaient un retour des cours d'eau à un état de référence, état antérieur à la perturbation identifiée."

Mais ce prisme présente deux inconvénients majeurs : "Premièrement, il méconnaît la longue co-évolution des hydrosystèmes sous la double influence de processus naturels et de processus humains. Cette co-évolution implique des états ou des fonctionnements passés perçus comme naturels mais en réalité co-construits (ex. Bravard, 1981b ; Petts et al., 1989 ; Muxart et al., 2003 ; Ashton et al., 2006 ; Walter et Merritts, 2008 ; Lespez et al., 2015). (…) Deuxièmement, il rencontre de nombreuses limitations pratiques : quelle période de référence retenir ? Comment accéder au fonctionnement ancien ? Est‐il réaliste d'envisager de restaurer des systèmes complexes contrôlés par de nombreux facteurs ayant leurs propres dynamiques s'exprimant sur des pas de temps différents ? Pourquoi l'état passé d'un système correspondrait‐il aux relations actuelles et futures entre ce système et la société ? Etc."

Simon Dufour note : "L’impossibilité de rétablir un état ancien a été soulignée par certains auteurs dès les années 1990 (Stanford et al., 1996 ; Palmer et al., 2005) mais l’utilisation d’un état ancien supposé plus naturel comme référence reste un implicite fort."



La nature fonctionnelle est-elle plus naturelle? 
La nature ancienne plus ou moins "originelle" ou "vierge" n'étant pas un paradigme très solide au plan scientifique ni très opérationnel au plan politique, malgré sa force symbolique, on s'est donc orienté vers une approche différente : la nature comme ensemble de processus dynamiques spontanés, où la référence est désormais le "fonctionnel".

"Dans un deuxième temps, les actions de restauration ont plutôt visé le rétablissement de l'expression des processus dynamiques qui contrôlent les tronçons fluviaux à l'état naturel comme la mobilité latérale du chenal, les crues et les transferts sédimentaires au sein du système fluvial (Nilsson, 1992 ; Ward et al., 2002 ; Roche et al., 2005 ; Schnitzler‐Lenoble, 2007). Dans cette approche, la référence est moins passée que naturelle ou fonctionnelle et la restauration devient une forme de réhabilitation, c’est‐à‐dire un retour à la capacité de réalisation de certaines fonctions au sein d’un système."

Si cette nouvelle approche correspond mieux à la description biophysique des hydrosystèmes fluviaux depuis quelques décennies, elle n'en est pas moins sujette à diverses limitations.

"La base écologique de cette approche est plus forte que la précédente, remarque ainsi l'auteur, mais, dans ce cas également, des questions susceptibles de limiter sa portée générale demeurent : les mêmes processus hydrologiques et sédimentaires sont‐ils valables quel que soit le contexte géographique? Que faire quand l'expression d'un processus limite par exemple la biodiversité? Les crues, ou la mobilité latérale du chenal, sont‐elles systématiquement favorables à tous les écosystèmes et aux populations riveraines? Etc. Ces questions sont majoritairement liées au fait que l’assise conceptuelle de cette approche renvoie aux notions d’intégrité et de bonne santé des écosystèmes et que ces notions possèdent une dimension normative très forte. Or l’idée d’une situation idéale, optimale ou normale pose inévitablement la question des valeurs sous‐jacentes à la définition des attributs de cette situation et semble y apporter une réponse implicite supposant qu’il existe une forme d’universalité des valeurs et des attributs."

Simon Dufour donne en exemple le cas d'une rivière (la Magra) qui est passée localement d’un style en tresses à un style à chenal unique au cours du XXe siècle : l'étude à long terme de cette évolution ne permet pas de dire qu'un style ancien à la dynamique plus spontanée est forcément meilleur en soi, car le système nouveau a produit des bénéfices écologiques également valorisés comme l’expansion des boisements riverains et une diversité paysagère plus importante. Et le style ancien n'était pas tout à fait spontané, il dépendait d'évolutions climatiques (du petit âge glaciaire au réchauffement moderne) mais aussi de l'exploitation anthropique des versants.

Simon Dufour observe : "deux approches implicites de la référence coexistent dans cette approche processuelle, il s’agit soit d’une dynamique désirable, car le caractère dynamique est considéré comme naturel soit d’une dynamique désirable du fait de sa capacité à maintenir certaines fonctions ou propriétés désirables comme la diversité. La première approche est une version réarrangée de l’approche dans laquelle la référence est implicitement la rivière naturelle mais, dans ce cas, le naturel étant défini par son caractère spontané et non vierge. Or, des processus spontanées peuvent se traduire par une perte d’habitats rares ou à une baisse de la diversité de certains groupes taxonomiques. La seconde est implicite, car elle mobilise des attributs pour justifier un fonctionnement à restaurer sans pour autant, dans la majorité des cas, expliciter les motivations de ces choix. Ainsi, un lien implicite est fait entre le caractère dynamique (c.-à-d. la spontanéité des processus naturels) et les attributs désirables d’un tronçon donné. Or, ce lien est en réalité complexe, dépend du système considéré et est basé sur des valeurs implicites."

L'approche par la dynamique et le processus spontané repousse donc le problème de la fondation de l'état de référence à restaurer sans lui donner une approche à la fois cohérente (garantissant un optimum écologique) et objective (évitant tout jugement de valeur ou préférence subjective)


La nature comme objectif social : qui décide?
Il reste une troisième approche de l'état de référence de la restauration écologique : celle qui se fonde sur la base factuelle d'une description biophysique, mais reconnaît qu'en dernier ressort, des choix humains et des objectifs sociaux vont arbitrer l'intervention.

Simon Dufour écrit : "la mise en œuvre des programmes de restauration des cours d'eau et de leurs marges mobilise une troisième approche, basée sur la définition d'objectifs explicite de restauration intégrant non seulement l'intégrité des milieux naturels mais aussi le bien‐être humain (Baker et Walford, 1995 ; Hillman et Brierley, 2005 ; Aronson et al., 2006 ; Kondolf et al., 2006 ; Dufour et Piégay, 2009 ; Alexander et al., 2016 ; Morandi et al., 2016). Il ne s'agit plus seulement de se limiter à ce que l'on peut avoir (quel type de rivière, quel mode de fonctionnement, quel régime de crues, quelles espèces, etc.), mais de poser aussi la question de ce que l'on veut avoir (quels besoins, quelles attentes collectives et individuelles, etc.) (Gobster et Hull, 2000 ; Barraud et Germaine, 2013 ; Magilligan et al., 2017). Cette approche reconnaît qu’il est possible de restaurer plusieurs couples état/fonctionnement possibles (Jungwirth et al., 2002 ; Palmer et al., 2005), que l’enjeu réside dans le choix entre ces possibles et que ce choix ne peut être réalisé que par l’explicitation des objectifs de restauration (Wheaton, 2005 ; Nilsson et al., 2007)".

Cette restauration par des objectifs sociaux reconnaît que des questions humaines (intérêts objectifs et appréciations subjectives) contraignent et orientent le champ de possibles. Mais du même coup, elle implique de vérifier si et comment les humains ont réellement la possibilité de participer à la définition des objectifs :

"Pour mener à bien cette approche basée sur l’explication des objectifs, il convient évidemment d'améliorer la capacité à comprendre la variabilité des fonctionnements biophysiques dans une large gamme de contextes géographiques (Hillman et Brierley, 2005). Mais il convient également, et c'est probablement là le point le moins bien connu, de progresser dans la capacité à formaliser et à réguler les attentes de la société envers ces systèmes en intégrant la multiplicité des acteurs, de leurs valeurs et de leurs rationalités, la diversité des usages au sein d'un même tronçon fluvial ou d'un même bassin versant et les interactions d'échelles. En effet, Baker et Eckerberg (2016) identifient au moins 8 logiques différentes qui peuvent être suivies dans les projets de restauration (retour au passé, résoudre un problème écologique, développer des activités récréatives, etc.) et qui sont basées sur des valeurs différentes (voir aussi Clewell et Aronson 2006). Cela explique en partie qu’un même critère puisse faire l’objet d’appréciation dans plusieurs domaines de valeurs, comme la naturalité avec des valeurs écologiques, économiques et éthiques (Schnitzler et Génot, 2012). Il convient donc non seulement d’expliciter les objectifs, mais aussi les valeurs sous‐jacentes à ces objectifs (Hull et Robertson, 2000), ce qui implique de progresser dans la capacité à mettre en œuvre et/ou développer des pratiques politiques à même d’organiser et de hiérarchiser les choix en fonction de ces valeurs sociales et de ces connaissances biophysiques (Larrère et Larrère, 2015). Il ne s’agit tant de définir ce qui est socialement acceptable (Brierley et Fryirs, 2008), que ce qui est socialement désiré puis, dans un second temps, de développer les modalités politiques d’atteinte de ce «désiré»."

Le problème est que nous sommes très loin de réunir ces conditions aujourd'hui. Ainsi, la directive cadre européenne sur l'eau a été conçue comme une mesure centralisée et technocratique, très loin des débats citoyens, avec des arbitrages opaques et des objectifs finalement assez simplistes devant s'imposer à tous les bassins (d'où en partie son échec programmé). L'approche française par grands bassins hydrographiques reste quant à elle une démocratie surtout formelle d'où sont concrètement exclus nombre de riverains et usagers, les agences de l'eau étant surtout des lieux techniques de négociation entre des bureaucraties publiques et des lobbies industriels ou ONG, avec l'impulsion des réformes et leur financement venant toujours des choix de l'administration centrale. Autre exemple: les classements des rivières à fin de continuité écologique (2012-2013), choix majeur concernant plus de 20.000 ouvrages et modifiant considérablement le paysage des rivières concernées, ont pris la forme d'arrêtés préfectoraux de bassin dont la délibération a totalement écarté la plupart des acteurs sociaux vivant au bord des rives concernées. Et sa discussion technique et scientifique a été limitée à quelques acteurs à forte spécialisation (hydrobiologie, hydromorphologie, approche valorisée des systèmes lotiques et de certains enjeux halieutiques), sans éclairage par d'autres disciplines (géographie, histoire, sociologie, droit, économie, etc.).

La politique de l'eau et de la restauration écologique se fabrique ainsi sans les citoyens. Et parfois contre eux.

Au bord d'une retenue de chaussée de moulin, une grenouille se repose sur un nénuphar. Le riverain voyant la scène se demande : qui a décidé de changer cela, et pourquoi mon avis vaudrait-il moins que d'autres?

Référence : Dufour S (2018), Une approche géographique de la végétation et de la gestion biophysique des hydrosystèmes fluviaux. Éléments épistémologiques, thématiques et opérationnels, Géographie. Université Rennes 2,  <tel-01719739>

Illustrations : paysages de l'Armançon anthropisée et de ses biefs à Perrigny et à Fulvy, des sites où il existe aujourd'hui des projets de modification au nom d'une restauration écologique (de continuité). De quelle nature plus originelle ou plus fonctionnelle ces hydrosystèmes seraient-ils une dégradation? Que nous dit le gestionnaire des réalités observables sur l'évolution de ces hydrosystèmes, de leur biodiversité et de leur fonctionnalité? Quels objectifs sont proposés aux riverains et comment peuvent-ils participer à leur définition? Va-t-on faire un diagnostic écologique sans préjugé de ces milieux, ou orienter leurs études préliminaires vers certains traits que l'on a envie de démontrer? Autant de questions n'ayant pas de réponses claires, ce qui soulève la distance ou la critique des riverains.

A lire sur le même thème
Une rivière peut-elle avoir un état de référence? Critique des fondements de la DCE 2000 (Bouleau et Pont 2014, 2015)
La conservation de la biodiversité est-elle une démarche fixiste? (Alexandre et al 2017) 

02/04/2018

Des saumons, des barrages et des symboles, leçons de la Snake River (Kareiva et Carranza 2017)

Une trentaine de biologistes et écologues de la conservation viennent de publier un livre critique sur ce qu'ils estiment être des défauts ou des dérives de leur spécialité, la préservation de la biodiversité : pauvreté des données, faiblesse des modèles, excès de confiance dans certains principes devenant des dogmes, difficultés de gouvernance avec les autres parties prenantes, manque d'analyse économique des stratégies, inefficacité dans les résultats. Deux d'entre eux, Peter Kareiva et Valerie Carranza, analysent notamment le cas des saumons du bassin du fleuve Columbia et de son affluent principal, la Snake River. Depuis 20 ans, et encore aujourd'hui puisque des contentieux sont en cours, une coalition de riverains (dont la tribu des Nez-percé), d'environnementalistes, de kayakistes et de pêcheurs milite pour la destruction de 4 grands barrages sur la Snake River. Les chercheurs rappellent l'historique de cette situation et expriment quelques pensées critiques à ce sujet, montrant que la destruction de barrage devient chez certains un symbole et une fin en soi, au lieu de viser des solutions concrètes plus consensuelles et parvenant elles aussi à des résultats.


Le bassin du fleuve Columbia, dans la région Pacifique Nord-Ouest des Etats-Unis, a été jadis le plus productif pour le saumon royal, aussi appelé chinook ou quinnat (Oncorhynchus tshawytscha) et d'autres espèces migratrices de poissons anadromes. Dans les années 1990, il a été l'objet d'une campagne de conservation par l'Agence de protection de l'environnement (EPA), avec la désignation de 13 "unités significatives d'évolution" (evolutionarily significant units, ESU) dont 4 dans la Snake River, le plus long affluent du fleuve Columbia. Les ESU sont des populations d'organismes dont la protection est considérée comme d'intérêt pour la biodiversité.

La bassin du Columbia a vu la construction de 172 barrages de plus de 10 m au cours du XXe siècle. La Snake River est arrivée dans les années 1990 au centre de l'attention car ses populations de saumons ont été abondamment étudiées par les gestionnaires de barrages, avec des centaines de millions de dollars dépensés dans des travaux à long terme. Le saumon chinook pouvait être à l'époque "la mieux étudiée, la mieux suivie, la plus profondément modélisée et la plus ardemment défendue des espèces protégées dans le monde", soulignent les chercheurs. Les barrages les plus iconiques de la Snake River (Lower Granite, Little Goose, Lower Monumental, Ice Harbor) sont récents (construits entre 1962 et 1975) et de grande dimension (plus de 30m).

A partir des années 1980, un modèle du saumon appelé PATH (Plan for Analyzing and Testing Hypotheses) avait été développé en mode participatif, permettant à toutes les parties prenantes (tribus indiennes, environnementalistes, pêcheurs, chercheurs, usagers) d'y ajouter des critères d'intérêt pour sa conservation. Ce modèle pouvait tourner avec plus de 5000 permutations sur ses paramètres. Curieusement, personne ne se souciait plus de savoir si les trajectoires proposées par ce modèle à différentes hypothèses avaient encore le moindre sens en dynamique des populations réelles. Une des bizarreries découvertes par P. Kareiva (alors directeur scientifique du National Marine Fisheries Service) était que si l'hypothèse d'effacement des barrages prédisait davantage de saumons, toutes les sorties du modèles prévoyaient de toute façon une tendance à l'accroissement de la population! "PATH obscurcissait la biologie des populations, était sur-paramétrisé par rapport aux données, et était impossible à pénétrer, plus encore à expliquer".

Malgré cette confusion dans les connaissances, à la fin des années 1990, le saumon de la Snake River a été transformé en cause nationale par un collectif rassemblant des pêcheurs et environnementalistes (Sierra Club, Trout Unlimited, American Rivers, National Wildlife Federation). L'opération a culminé avec des pleines pages de publicité dans le New York Times en octobre 1999, annonçant notamment que sans la destruction rapide des barrages "le saumon chinook sauvage de la Snake River, un jour l'une des plus grandes courses de ce type dans le monde, sera éteint 2017" (image ci-dessus, DR)

Peter Kareiva et Valerie Carranza font observer : "nous sommes en 2017 au moment où nous écrivons, les barrages sont toujours en place, et les nombres de saumons chinook de printemps / été sont bien plus élevés qu'à l'époque où cette prophétie sûre d'elle-même a été publiée" (graphique ci-dessous).



Dévalaison du saumon chinook au Lower Granite Dam 1980-2016, illustration in Kareiva et Carranza 2017, art cit, droit de courte citation

Peter Kareiva et Valerie Carranza ne doutent pas que le collectif de défense du saumon chinook était bien intentionné et que les barrages du bassin de Columbia ont causé un déclin historique des saumons. Mais "le problème est qu'un enjeu complexe de management d'une espèce et d'une rivière a été réduit à une simple bataille symbolique - une bataille impliquant le choix entre des barrages diaboliques et la perte d'une espèce iconique".

En fait, s'il est indéniable que les grands barrages de la Snake River ont dégradé la condition des saumons, celle-ci était déjà affaiblie par de nombreuses autres causes : excès de prélèvement, prédation des juvéniles par des espèces exotiques, dégradation d'habitats, précédents barrages, sans parler des conditions dans l'estuaire et dans l'océan. Les gestionnaires de la Bonneville Power Authority ont investi lourdement pour obtenir une survie maximale des pré-smolts et smolts dévalant - 1,8 milliards de $ entre 2001 et 2013. Le taux de survie en dévalaison atteint ainsi 86 à 100% selon les techniques employées. Un nouveau modèle en remplacement de PATH, le Cumulative Risk Initiative, plus centré sur la biologie des populations, a par ailleurs désigné sur le bassin du fleuve Columbia les zones où des améliorations à moindre coût étaient susceptibles de produire le maximum d'effet. Aucune action à échelle de bassin n'a cependant été programmée pour le moment, en partie parce que l'attention reste centrée sur le conflit "pour ou contre" les barrages.

Le débat scientifique depuis une quinzaine d'années s'est pour sa part orienté sur le thème de la "mortalité différentielle retardée" (delayed differential mortality), une nouvelle hypothèse selon laquelle les difficultés de dévalaison par rapport à des conditions naturelles entraîneraient une mortalité supérieure en mer. Manière de dire, à nouveau, que détruire les barrages serait quand même mieux. Mais cette hypothèse ne fait pas consensus en recherche et elle est difficilement testable, étant donné les autres perturbations de la phase océanique du saumon et les faibles connaissances à leur sujet.

Pour Kareiva et Carranza, "les procès sans fin, les publicités environnementales catastrophistes, la controverse scientifique sur la mortalité différentielle retardée reflètent un problème mal posé. La question plus large est de savoir ce que le public veut pour les rivières du Nord-Ouest, et comment on parvient alors au mieux à cet objectif. Au lieu d'avoir cette discussion de manière transparente et inclusive, le décret sur les espèces menacées (Endangered Species Act) est instrumentalisé comme un moyen de se débarrasser des barrages - peut-être parce qu'il est vu comme le seul moyen disponible. Si à la fin le saumon est vraiment sauvé, alors l'effort sera un succès au point de vue de la conservation. Mais il est devenu clair que la conservation du saumon est utilisée comme "moyen d'une fin" (effacement de barrage) et non comme une "fin" en soi".

Le problème évident sur la Snake River comme ailleurs est la diversité des visions de la rivière : "La rivière est importante pour le loisir, la pêche, le transport, l'irrigation, l'hydro-électricité et bien sûr le saumon. Il est hors de doute que la folie des barrages construits au XXe siècle a décimé des populations de saumons et déséquilibré les fonctions naturelles de la rivière. Les barrages ont transformé des rivières sauvages et spectaculaires en systèmes hautement aménagés mettant en danger une espèce iconique. Mais ils ont aussi produit des réservoirs pour l'irrigation, des transports peu coûteux pour le blé, de l'énergie propre et bon marché."

"On a besoin de solutions, pas de symboles", concluent les chercheurs. Tous les barrages ne disparaîtront pas, de nouveaux seront probablement construits, le choix manichéen "des poissons ou des barrages" n'est pas une manière durable d'aborder la conservation et d'obtenir des résultats.

Discussion
Les Etats-Unis ont lancé une politique de démantèlement des barrages à visée écologique bien avant l'Europe, à partir des années 1970 et 1980, dans le sillage de plusieurs engagements fédéraux. Environ un millier de chantiers ont été menés depuis, la plupart concernant des ouvrages de dimension petite ou moyenne (2 à 15 m), avec quelques grands ouvrages comme sur l'Elwha.

Le retour critique de la recherche américaine est donc intéressant à l'heure où la France prétend copier ce choix dans le cadre de sa réforme dite de "continuité écologique" et dans l'exécution de programmes publics sur les grands migrateurs (saumon, anguille), avec notamment en matière de grand barrage un projet en cours et contesté sur la Sélune. Ce retour est aussi utile alors que sur certains chantiers eux aussi très symboliques, comme la sauvegarde du saumon de l'axe Loire-Allier, 40 ans d'efforts publics ne semblent pas porter des fruits très convaincants, sans que les acteurs éprouvent le besoin d'un recul et d'une analyse scientifique serrée sur les prédictions faites, les mesures prises et les résultats observés.

Plusieurs travaux récents (voir en fin d'article) montrent que les destructions d'ouvrages sont conflictuelles aux Etats-Unis et que le suivi de leurs effets est souvent défaillant - ce dernier point fait partie des reproches régulièrement adressés à la conservation de la biodiversité, à l'heure où elle demande d'engager des efforts publics, mais doit produire en face un degré raisonnable de certitude sur les résultats attendus. Hélas, on a montré qu'en France aussi, les travaux sur la morphologie des rivières ne font pas l'objet d'évaluation sérieuse alors même qu'ils prennent des parts croissantes dans le financement public de l'eau (Morandi 2014) ; de même que l'appréciation de l'intérêt des effacements de barrage est le fait d'une expertise technique et scientifique limitée à certaines spécialités, ce qui ne reflète pas l'ensemble des enjeux écologiques, a fortiori sociaux (Dufour et al 2017).

Le contexte socio-culturel nord-américain est plus favorable que celui de l'Europe à la destruction des barrages. D'abord, les acteurs sociaux n'ont pas le même poids, les pêcheurs de salmonidés comme les kayakistes, canyoners et adeptes de l'outdoor sont plus nombreux, organisés et donc puissants, les peuples premiers des tribus indiennes réclament des droits sur les usages traditionnels des rivières (dont les pêches). Ensuite, au plan symbolique, les enjeux de conservation du patrimoine et d'historicité du paysage sont moins à l'esprit d'une société nord-américaine beaucoup plus jeune que la nôtre. De surcroît, il existe un mythe états-unien de la nature sauvage (wilderness), co-développé dès le XIXe siècle avec celui de la frontière de l'Ouest, populaire chez les élites aussi bien que dans des classes modestes. Cette wilderness est à la fois la représentation valorisée d'une nature libre où l'homme ne fait que passer, en même temps qu'elle s'appuie sur la mise en scène esthétique de certains paysages grandioses. On ne trouve pas beaucoup cette culture du sauvage en Europe, dont l'idéal pluriséculaire est plutôt celui de la nature maîtrisée, aménagée ou cultivée. Enfin, même si les projets de démantèlement sont beaucoup soutenus par les incitations fédérales (comme en France par l'administration centrale), les Etats-Unis ont une culture de l'efficacité économique qui les rend plus pragmatiques : davantage que l'écologie en soi, ce sont souvent des risques de sécurité ou des coûts d'assurance qui motivent les gestionnaires à abandonner des ouvrages non rentables ou trop cher à entretenir. De même, les choix politiques plutôt favorables à la poursuite du fossile comme l'abondance de couloirs venteux (favorables à l'éolien) et de régions très ensoleillées (favorables au solaire) ne font pas de l'hydro-électricité un enjeu de même portée aux Etats-Unis qu'en Europe, où les politiques publiques favorisent toutes les ressources renouvelables, y compris si elles sont modestes.

Quelles que soient les différences entre les Etats-Unis et l'Europe, la critique de Kareiva et Carranza s'adresse d'abord aux chercheurs, techniciens, planificateurs et gestionnaires de la biodiversité. L'écologie étant devenue une politique publique parmi d'autres, ce n'est plus avec des symboles que l'on doit raisonner, mais avec des connaissances, des objectifs et des contraintes. Cela suppose une rigueur dans les diagnostics, dans les choix, dans les suivis. Egalement une recherche de solutions pragmatiques avec les parties prenantes. Cela vaut pour toutes les politiques de conservation ou de restauration qui seront engagées en France.

Référence : Kareiva P, Carranza V (2017), Fealty to symbolism is no way to save salmon in Kareiva P, Marvier M, Silliman B (2017), Effective Conservation Science: Data Not Dogma, Oxford UP, 98-103

A lire sur le même thème :
Effacements de barrages aux Etats-Unis: une réalité conflictuelle (Magilligan et al 2017) 
Etats-Unis: le suivi des effacements de barrage est défaillant (Brewitt 2016) 
L'opposition à la destruction des barrages aux Etats-Unis (Cox et al 2016) 
États-Unis: des effacements de barrages peu et mal étudiés (Bellmore et al 2016) 
Le "désaménagement" des rivières en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis (Lespez et Germaine 2016) 

12/03/2018

Les fonctionnaires de l'eau sont-ils indifférents au social? (Ernest 2014)

Accusation souvent entendue lors de nos échanges au bord des rivières et adressée aux représentants d'Agences de l'eau, de DDT-M ou de l'AFB ex Onema : "ces gens-là sont des ayatollahs de l'écologie, ils préfèrent les poissons aux humains". Exagération? Sans aucun doute. Néanmoins, un intéressant mémoire de stage adressé par un lecteur montre qu'effectivement, les fonctionnaires en charge de l'eau ont assez peu d'intérêt pour les questions sociales de représentations et d'usages de la rivière quand ils portent ou accompagnent des restaurations écologiques. Le même travail montre que les attentes riveraines ne sont pas toujours celles que l'on voit mises en avant dans les prospectus des établissements publics. C'est bien dommage, car la recherche scientifique tend à conclure que cet oubli du social est l'un des freins majeurs à la mise en oeuvre de politiques écologiques. Les fonctionnaires de l'eau en administration centrale, en collectivités territoriales ou en établissements publics gagneraient à recevoir des formations plus multidisciplinaires pour comprendre que la rivière n'est pas seulement un fait naturel, mais aussi bien un fait historique et social. Une écologie hors-sol et une volonté de restaurer la rivière contre l'homme plutôt qu'avec lui produisent des déceptions voire des conflits.

Organisé avec le soutien de l'association Arc Eau Ile-de-France, le mémoire d'Achim Ernest présente ainsi son champ d'étude : "L'objectif du stage visait à réaliser une étude sur les retours d'expériences de restaurations de cours d'eau urbains et périurbains en Ile-de-France. Ces cours d'eau complexes engendrent des réticences à l'action de certains opérationnels . La principale cause est le manque d'expérience sur cette problématique . Ensuite, l'acceptabilité des projets par les élus et la population semble également un frein important. La réalisation du stage s'est déroulée en plusieurs étapes . Premièrement, nous avons identifié les enjeux et les besoins des opérationnels. Deuxièmement, nous avons réalisé des entretiens semi-directifs auprès de gestionnaires ayant l'expérience de restauration écologique de cours d'eau. Enfin, pour comprendre les facteurs de l'enjeu social, des enquêtes auprès du public ont été réalisées."

Les rivières urbaines sont des cas spécifiques dans le réseau hydrographique français en raison de leur environnement social: artificialisation ancienne et quasi-totale, forte densité de population, conflits de foncier et d'usage. Les opérations de restauration y ont souvent un bilan positif car on part d'une situation très dégradée au départ, et la forte contrainte foncière limite de toute façon les ambitions de l'aménageur, donc les risques d'aviver des désaccords sur des changements massifs du lit mineur ou majeur.

Au total, 18 cours d'eau ont été sélectionnés en Ile-de-France, plus un à Metz. Trois collèges d'acteurs ont été constitués : les gestionnaires, les représentants de l'Etat et les élus. Le public a aussi été interrogé là où une précédente enquête de satisfaction avait été réalisée (avec des résultats positifs).


L'importance donnée aux différents enjeux par le public est présentée dans le tableau ci-dessus (cliquer pour agrandir). Il y avait 10 thèmes à classer en 10 positions, les cadres de couleur rouge, rose, jaune ou vert indiquent le fréquence décroissante de placement de la même réponse à la même position.

Il est intéressant de noter que les déchets arrivent nettement en tête, suivi de la faune et de la flore ("ambiance nature") et du paysage et de l'esthétique. Les autres critères sont nettement plus dispersés: cela ne signifie pas qu'ils ne sont pas importants pour certains, mais qu'il n'y a pas d'accord. Le risque de débordement divise par exemple : soit très fort (8 fois en premier) soit très faible (12 fois en dernier). Autre enseignement de ce tableau : la forme et la vivacité de la rivière, massivement mises en avant par les gestionnaires et les représentants de l'Etat comme un élément morphologique d'importance, arrivent en dernière position des attentes du public. Cela tend à confirmer qu'il s'agit d'un enjeu d'expert en écologie des milieux aquatiques souhaitant voir revenir des micro-habitats davantage qu'un désir social pour telle ou telle forme de rivière.

Autre statistique notable dans la perception du public : la faune la plus souvent citée comme d'intérêt par les riverains.

Le tableau montre que les oiseaux et les mammifères fréquentant les cours d'eau arrivent devant ou égalité avec les poissons, et nettement devant les insectes ou mollusques. Ce point est là encore en décalage avec une politique des rivières qui est le plus souvent centrée sur les poissons, non seulement de la part des fédérations de pêche (ce qui se conçoit vu leur intérêt partiulier d'usager de l'eau) mais aussi de l'AFB-Onema (ce qui est un biais moins acceptable). Cela pose aussi la question de "l'état de référence" tel que le définit la directive cadre européenne sur l'eau : les indicateurs biologiques normalisés ne reflètent pas la biodiversité perçue et appréciée, qui n'est pas forcément celle des cours d'eau tels qu'ils étaient jadis. Notre association a récemment publié un rapport demandant la prise en compte de la biodiversité totale des cours d'eau et plans d'eau, au lieu des approches actuellement très orientées sur certaines espèces et négligeant la diversité acquise au fil des derniers siècles.

Enfin, le tableau le plus révélateur est celui de la synthèse sur la sensibilité des différents intervenants à la dimension sociale des restaurations de rivière.


On voit que l'Agence de l'eau (ici Seine-Normandie) est la moins réceptive à la dimension sociale. Cela correspond à notre expérience associative et c'est un problème évident, puisque cette agence redistribue l'argent public pour des interventions d'intérêt général visant à améliorer des services rendus par les écosystèmes, et non uniquement pour l'intérêt écologique au sens "naturaliste". Police de l'eau, techniciens de rivière, Onema (aujourd'hui AFB) ont une sensibilité faible à moyenne aux attentes du public. Les autres acteurs y sont plus fortement attentifs.

Sur la question de la restauration des rivières, il existe une divergence entre les représentants de l'Etat d'une part, les élus et les riverains d'autre part. Cette divergence pose un problème démocratique. Elle n'est pas systématique bien sûr, mais néanmoins perceptible sur le terrain comme dans les rapports d'étude indépendants de l'administration ou dans les enquêtes publiques sur les chantiers de restauration. Quand les opérations concernent des destructions complètes de patrimoine bâti et de paysage en place, comme c'est le cas pour la continuité écologique, ces divergences deviennent plus évidentes et plus conflictuelles (voir le rapport du CGEDD 2016). Le ministère de l'écologie, tutelle de ces administrations, pratique depuis 10 ans le déni de cette réalité. Cette politique de l'autruche n'est pas intelligente car elle entretient voire avive les tensions au lieu de les apaiser. Une approche ouverte aux dimensions multiples des cours d'eau est la seule voie d'avenir pour des rivières durables à la gouvernance plus partagée et plus équilibrée.

Référence : Ernest A (2014), Etude des retours d’expérience de restauration des cours d’eau urbains en Île-de-France : l’importance accordée à l’aspect social de ces restaurations, mémoire de master «sciences et génie de l’environnement », Ecole nationale des Ponts et Chaussées, stage au LADYSS, 58 p.

A lire en complément
Continuité écologique sur l'Armançon (21) : un mémoire expose les visions (et les doutes) des parties prenantes (Defarge 2015) 
Dans une enquête de terrain réalisée sur l'Armançon cote-dorienne à l'occasion d'un stage de Master, Nicolas Defarge a travaillé à comprendre les perceptions de la continuité écologique au bord de la rivière. Pour la quasi-totalité des propriétaires et pour la majorité des élus / associations interviewés, la continuité écologique n'est pas acceptée si elle implique l'effacement comme solution préférentielle. Principaux noeuds de conflictualité : la crainte d'une modification non maîtrisée des écoulements et du bord de rivière ; l'absence de consentement à payer des aménagements jugés non prioritaires pour la rivière par rapport aux pollutions ; la perception d'une inégalité de traitement entre les ouvrages (certains grands barrages du cours d'eau n'ont pas d'obligation d'aménagement). Les dimensions juridique (droit d'eau) ou énergétique sont moins citées. Ce travail suggère qu'il sera difficile de réussir la politique de continuité écologique sans une prise en compte des attentes, des craintes et des besoins des propriétaires comme des riverains.

La continuité écologique au miroir de ses acteurs et observateurs (De Coninck 2015) 
Amandine De Coninck (LEESU - Laboratoire Eau Environnement et Systèmes Urbains, ParisTech) a réalisé une volumineuse thèse sur la concertation dans le cadre de la mise en oeuvre de la continuité écologique, à partir d'expériences sur deux hydrosystèmes (rivière du Grand Morin, vallée de l'Orge). Le document fourmille d'informations et réflexions intéressantes sur le déploiement des politiques environnementales, sur les options et stratégies des acteurs, sur les possibilités et limites de la concertation. Tous les gestionnaires devraient lire ce travail pour appréhender la manière dont on peut construire cette concertation et les enjeux de cet exercice. De manière générale, les acteurs gagneraient en réflexivité à comprendre la relativité de chaque position et leur place dans un système complexe de représentations divergentes. Le travail montre notamment que le public des chercheurs a un certain recul voire scepticisme par rapport au discours monolithique de certaines administrations.

11/01/2018

La restauration physique de rivière peine à modifier les peuplements aquatiques dans la durée (Lorenz et al 2018)

Une nouvelle étude de chercheurs allemands montre que même après 15 ans, les mesures de restauration morphologique des rivières ne parviennent pas à produire le bon état écologique au sens de la directive cadre européenne sur l'eau (DCE 2000). Les résultats sont plus notables en berge (carabes, végétation riveraine) que dans les peuplements aquatiques (poissons, invertébrés, macrophytes), ces derniers ne permettant pas d'observer des variations significatives dans le temps.  Il paraît donc important que les gestionnaires publics des rivières ré-évaluent la portée de leurs actions : recalage des objectifs de la DCE, rigueur dans le suivi des opérations, évaluation comparée plus fine des différentes mesures de restauration, débat sur le coût des interventions et l'évolution avant-après des services rendus par les écosystèmes aux citoyens.

La recherche en écologie appliquée a montré que la restructuration hydromorphologique des rivières a souvent peu d'effets sur le biote aquatique, même en cas de forte altération de l'habitat. Les scientifiques supposent que la réponse biotique est simplement retardée car les espèces ont besoin de plus de temps pour recoloniser les nouveaux habitats et établir des populations.

Pour identifier et spécifier ce temps de latence supposé entre la restauration et la réponse biotique, Armin W. Lorenz et ses 4 collègues ont étudié 19 tronçons de rivière réaménagés, et cela deux fois (2007-2008, 2012-2013) dans un intervalle de cinq ans. Les sites avaient été restaurés un à dix ans avant le premier échantillonnage, ce qui permet de vérifier si les variations de durée écoulée depuis la restauration se traduisent par des variations biologiques (espèces observées). Ces rivières se situent en plaine ou en basse montagne.

Les chercheurs ont échantillonné trois assemblages d'espèces aquatiques (poissons, invertébrés benthiques, macrophytes) et deux groupes d'organismes riverains (Carabidés, c'est-à-dire des coléoptères terrestres, et végétation riveraine). Ils ont analysé les changements dans la composition des assemblages de ces espèces et dans les paramètres biotiques. Ils ont aussi vérifié si l'état écologique de la rivière tel qu'il est mesuré par la directive cadre européenne sur l'eau (DCE 2000) a changé avant et après la restauration.


Changements dans le nombre de taxons (a), l'abondance (b),le nombre (c) et le % d'abondance (d) des espèces indicatrices. FI = poisson, MIV = macro-invertébrés, MP = macrophytes, RV = végétation riveraine, GB = carabes. La ligne centrale indique la médiane des données, le premier et le troisième quartiles définissent la boîte à moustaches. Cliquer pour agrandir. Source : art cit, droit de courte citation

Les chercheurs résument ainsi leur principaux résultats : "À l'exception des assemblages de carabes, nous n'avons observé aucun changement important dans les paramètres de mesure de la richesse et de l'abondance utilisés pour l'évaluation biologique. Toutefois, les taxons indicateurs des conditions d'habitat quasi naturel dans la zone riveraine (indicateurs d'inondation régulière chez les plantes et de spécialistes des berges chez les carabes) se sont considérablement améliorés au cours de l'intervalle de cinq ans. Contrairement aux attentes générales en matière de planification de la réhabilitation des rivières, nous n'avons pas observé de succession distincte de communautés aquatiques ni de tendance générale vers un 'bon état écologique' au fil du temps. De plus, plusieurs modèles de régression linéaire ont révélé que ni le temps écoulé depuis la restauration ni l'état morphologique n'ont eu d'effet significatif sur les mesures biologiques et les résultats de l'évaluation. Ainsi, la stabilité des assemblages aquatiques est forte, ce qui ralentit les effets de restauration dans la zone aquatique, alors que les assemblages riverains s'améliorent plus rapidement."

Les auteurs rappellent que plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer la relative stabilité des assemblages aquatiques malgré les restaurations morphologiques :
  • longueur insuffisante des tronçons de rivières restaurées,
  • potentiel de recolonisation (populations sources) absentes,
  • influences prédominantes d'autres impacts du bassin versant,
  • durée longue nécessaire au retour de la biodiversité attendue.
Ils concluent en soulignant que des ré-introductions artificielles d'espèces cibles peuvent aider à accélérer le processus de recomposition biologique.

Discussion
Quand le bilan de restauration physique des rivières est réalisé par des scientifiques plutôt que par des associatifs ou des organismes administratifs, la conclusion est généralement plus sévère. Ce point avait été soulevé en France dans un travail montrant que le bénéfice des opérations est inversement proportionnel à la rigueur de l'examen des résultats (Morandi et al 2014). Contrairement à une idée reçue, les discussions des chercheurs en écologie appliquée à la restauration de rivières sont plutôt dominées depuis une dizaine d'années par un constat d'écart entre les attentes et les résultats (voir cette synthèse sur 2005-2015)

Les rivières et leurs bassins versants sont soumis à de multiples pressions, à différentes échelles spatiales et temporelles, avec des effets complexes (additifs, synergistiques, antagonistes). Ces hydrosystèmes sont modifiés, parfois lourdement, et généralement depuis longtemps. Des travaux de modélisation ont souvent montré que les usages des sols sur le bassin versant - pression diffuse et difficile à corriger - exercent un impact plus notable que des altérations locales d'habitats.

Par ailleurs, la restauration physique de rivière concerne des interventions différentes sur le lit mineur, la berge ou le lit majeur - en Allemagne, on pratique plus souvent des interventions stationnelles pour créer des micro-habitats, en France on investit davantage dans la continuité longitudinale. Il faut donc aller dans le détail des types de mesures et des résultats pour vérifier leurs effets relatifs.

Quoiqu'il en soit, ces travaux de recherche sur l'évaluation critique de la restauration devraient conduire les gestionnaires à rappeler plusieurs choses :

  • l'espoir que la restauration physique / morphologique de rivière parvienne à produire le bon état écologique au sens de la DCE dans les délais impartis par l'Europe (en 2015, 2021 ou 2027 au maximum) n'est guère fondé,
  • le caractère multifactoriel, ancien et profond des altérations de bassins versants implique que les coûts d'intervention et de restauration vont être cumulatifs et considérables, ce qui pose la question du consentement à payer des citoyens pour les objectifs que l'on se fixe, pour le délai espéré dans l'atteinte ces objectifs et pour les services réellement rendus par les écosystèmes restaurés.

La DCE 2000 va connaître un cycle de ré-examen sur la période 2019-2021. Il serait utile que les chercheurs, les administratifs et les politiques en profitent pour tenir un discours de vérité, et repenser les objectifs de manière plus réaliste (au plan écologique et biologique, mais aussi économique et social).

Référence : Lorenz AW et al (2018), Revisiting restored river reaches – Assessing change of aquatic and riparian communities after five years, Science of the Total Environment, 613–614,1185–1195

27/12/2017

Les résultats inconsistants des restaurations de continuité écologique imposent des suivis et analyses coûts-bénéfices (Mahlum et al 2017)

La restauration de "petite continuité" des cours d'eau consiste à traiter des buses, des gués et autres passages formant des obstacles à la migration des poissons, généralement sur des rivières et torrents de têtes de bassin. Une équipe de chercheurs canadiens, soulignant le coût cumulé important de ces travaux de restauration écologique, a voulu vérifier si les chantiers ont une efficacité réellement démontrée. Leur analyse avant-après impact conclut que les résultats sont mitigés, avec des cas d'amélioration et d'autres de dégradation. Les retours d'expérience sérieusement faits au plan scientifique aboutissent souvent à de telles conclusions équivoques. Au lieu de dépenser chaque année des centaines de millions € d'argent public en restauration physique (le coût public total du seul classement de continuité dépassera les 2 milliards €), il est urgent de rehausser le niveau qualitatif du programme français, déjà de mener des campagnes rigoureuses de suivi avant-après et d'analyse coût-bénéfice des chantiers. Arrêtons de mettre la charrue avant les boeufs : intervenir partout sans évaluer les avantages et inconvénients ni définir les bonnes pratiques ne peut être le programme des politiques publiques de restauration de rivières. 

Shad Mahlum et ses collègues ouvrent leur article par un constat désormais partagé par la communauté scientifique en écologie de la restauration et de la conservation : "La restauration écologique et environnementale peut être coûteuse, et une certaine certitude de succès est donc désirable".

La restauration des continuités (longitudinale, latérale, verticale, temporelle) fait partie des mesures ayant émergé ces dernières décennies en aménagement des milieux aquatiques. Contrairement à des choix environnementaux de prévention traitant des impacts à la source, par exemple en interdisant des substances ou en contrôlant leur émission, la restauration physique est une tâche complexe et coûteuse, à la fois par le très grand nombre de milieux concernés et par la lourdeur des interventions sur le bâti existant, en lit ou en berge.

Hélas, si les effacements de grands barrages s'accompagnent parfois de suivis scientifiques ambitieux, les travaux plus modestes mais bien plus nombreux de continuité en rivière sont souvent négligés sur ce point : "Dans les petites structures telles que les buses, les ressources sont rarement mobilisées pour évaluer le résultat biologique de ces interventions, soulignent les scientifiques. C'est dommage vu que ces structures sont ubiquitaires et que les études d'impact des activités de restauration sont indispensables pour établir les bonnes pratiques, préciser les espérances de succès de la restauration et comprendre l'analyse coût-bénéfice des différentes approches de la restauration".

L'étude canadienne a concerné 4 sites de tête de bassin, des petits cours d'eau fragmentés par une buse assurant un passage routier (ponceaux). A chaque fois, le site restauré a été comparé à un tronçon naturel présentant les mêmes caractéristiques. Les restaurations avaient consisté à ajouter des déflecteurs pour limiter la vitesse et varier l'écoulement, ou à construire un second passage.

Les chercheurs souhaitaient initialement étudier l'omble des fontaines (Salvelinus fontinalis), l'anguille d'Amérique (Anguilla rostrata) et la saumon atlantique (Salmo salar). Mais seuls des ombles ont pu être échantillonnés en quantité suffisante : 462 poissons ont ainsi été prélevés et taggés. Trois types de réponse ont été suivies : le pourcentage de montaison à succès (passage success, PS), l'échelle des débits franchissables (range of passable flows, RPF) et les périodes de débits franchissables (availability of passable flows, APF).

Effets significatif (+) ou négatif (-) sur les 4 sites étudiés et pour les 3 critères retenus, les résultats entre parenthèses sont significatifs à p<0.05. B-A : contrôle avant vs après. C-I : contrôle site restauré vs site référence (source : article cité, droit de courte citation).

Voici le résultat tel que le commentent les chercheurs : "Notre analyse de 4 buses (…) suggère que les résultats de la restauration ne sont pas garantis. Alors que la restauration des buses est supposée améliorer le passage des poissons, nous n'avons pas observé d'amélioration consistante dans toutes les buses. En terme de succès de franchissement, tous les passages sauf Spracklins ont montré une amélioration, mais un seul (Arnolds) était statistiquement significatif. Les résultats étaient plus équivoques en considérant les propriétés du débit dans les buses – seul un passage (Arnolds) a montré un changement positif (….) Ces résultats mitigés sont en accord avec les rares études ayant vérifié le succès des restaurations de franchissement de poissons (Pretty et al 2003; Noonan et al 2012; Evans et al 2015; Myers & Nieraeth 2016; Tummers et al 2016)".

Shad Mahlum et ses collègues énumèrent les causes possibles de problème :

  • manque de population source pour recoloniser le tronçon,
  • persistance de dégradation de l'habitat, en particulier lié aux usages des sols du bassin versant,
  • faible puissance statistique des tests,
  • variabilité interindividuelle des comportements de montaison chez les poissons d'une même espèce.

Ils observent notamment : "Les efforts pour restaurer la connectivité à un point spécifique de l'espace peuvent ne pas amener des résultats remarquables pour des barrières partielles car les résultats écologiques ne sont pas susceptibles d'augmenter de manière linéaire avec la franchissabilité. Par exemple, le franchissement occasionnel d'un animal à travers une barrière partielle peut être suffisant pour garantir la persistance de la population et le flux génétique (Neville et al 2016; Soanes et al 2017), et permettre la recolonisation après un épisode d'extinction".

Les scientifiques concluent enfin : "Nos résultats démontrent que sans un contrôle approprié, les chances de tirer des conclusions fausses regardant les restaurations des systèmes spatialement et temporellement dynamiques sont substantielles".

Discussion
Les observations de Shad Mahlum et de ses collègues ne sont pas isolées, mais forment au contraire un topique bien connu en écologie de la restauration (voir à titre d'exemple quelques références de recherches parues entre 2015 et 2017 en bas de cet article, et lire cette synthèse).

De surcroît, la difficulté à prédire les résultats écologiques d'un chantier de restauration n'est qu'une des dimensions à envisager quand on se pose le problème de l'évaluation coût-bénéfice ou avantage-inconvénient d'une opération (et, comme on aime à la dire en France, de sa conformité à un "intérêt général"). Si les buses et ponceaux ne sont généralement pas un enjeu social fort, il n'en va pas de même pour les seuils, digues et barrages faisant également l'objet de mesures de restauration de continuité longitudinale. Intervenir sur argent public demande de définir et de vérifier l'objectif biologique du chantier (les espèces cibles de la restauration, l'effet sur les autres espèces du site, le bilan global de biodiversité), mais aussi d'envisager toutes les dimensions impactées (patrimoine, énergie, paysage, épuration chimique, préservation d'eau à l'étiage, recharge et niveau de nappe, etc.).

On est très loin de ces bonnes pratiques en France, essentiellement en raison de la gouvernance défaillante de la continuité écologique. Au lieu de poser une méthodologie rigoureuse d'évaluation de chantiers pilotes sur quelques centaines de sites représentatifs de la diversité des rivières, des hydro-éco-régions et des positions dans le réseau hydrographique, on a financé d'emblée et de manière indistincte des milliers de chantiers avec des suivis soit inexistants, soit bâclés (limité à quelques poissons, sans analyse antérieure de plusieurs années, sans évaluation du gain total sur le tronçon, sans bilan sur d'autres espèces, sans analyse socio-économique, sans tests élémentaires de significativité des variations observées, etc.). Vu que le coût public à venir de la réforme de continuité des rivières risque de dépasser les 2 milliards €, il n'est pas trop tard pour arrêter les frais et mener une politique publique beaucoup plus rigoureuse en écologie des milieux aquatiques.

Référence : Mahlum S et al (2017), Does restoration work? It depends on how we measure success, Restoration Ecology, DOI: 10.1111/rec.12649

A lire sur ce même thème
Quand les saumons franchissent un seuil de moulin... en évitant les passes à poissons! (Newton et al 2017) 
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Faiblesse scientifique, dimension subjective et résultats incertains des chantiers de restauration de rivière en France (Morandi et al 2014)

20/07/2017

La restauration écologique de rivière sacrifie-t-elle le facteur humain en zone rurale? (Zingraff-Hamed et al 2017)

Une équipe de chercheurs a étudié 110 projets de restauration de rivière menés entre 1980 et 2015 en France, dont le coût médian approche les 200.000 euros. Leur but était d'en faire une typologie selon les motivations, mais aussi de mener une comparaison des actions menées en zone urbaine et en zone rurale. On peut observer dans leurs résultats que le facteur humain dans la motivation (améliorer la qualité de vie des habitants) est totalement absent des projets ruraux, alors qu'il est présent dans le tiers des  projets urbains. Tout pour les poissons, les insectes et les sédiments, rien pour les riverains? C'est l'impression qu'ont beaucoup d'habitants des zones rurales pour la question de la réhabilitation physique des cours d'eau, notamment dans le cadre de la continuité écologique qui accapare une bonne part des fonds publics en hydromorphologie depuis 5 ans. Autres observations notables : les projets français sont centrés sur l'habitat aquatique par rapport à la zone riveraine qui intéresse davantage les gestionnaires en Europe ou dans le monde ; la restauration des peuplements de poissons domine les autres motivations, même ceux de la directive cadre européenne sur l'eau.

La "restauration de rivière", parfois appelée réhabilitation ou renaturation, recouvre des chantiers qui visent à améliorer la qualité de l'eau et des milieux, souvent par l'intervention sur les propriétés physiques de l'écoulement, de l'érosion ou de la sédimentation (hydromorphologie). Des actions nombreuses sont concernées. Comme le remarque Aude Zingraff-Hamed et ses trois collègues (UMR CNRS 7324 CITERES, Université François Rabelais, Université de Munich), "l'utilisation d'un seul terme pour une telle variété d'activités de restauration peut amener des incompréhensions, des biais de comparaison entre projets, et elle peut compromettre la fécondation réciproque des projets".

Les chercheurs ont donc essayé de clarifier les typologies de ces chantiers, à la fois selon leurs motivations et selon les zones concernées. Ils ont analysé 110 projets de restauration de rivières réalisés entre 1980 et 2015, dont 78 provenant de la base de l'Onema et les autres de leurs propres travaux de recherche. Chaque projet a été classé comme urbain ou rural (URR, RRR) selon la densité de population, la zone urbaine étant définie à partir de 300 habitants/km2 ou une population de plus de 5000 habitants sur la commune concernée.

Ces 110 projets de restauration concernent 465 kilomètres linéaires de rivières. Le coût médian est de 198.700 € par projet.

La plupart des projets de restauration ont plusieurs objectifs. Une analyse factorielle multiple hiérarchique a permis de dégager cinq types de chantier : Fish (migration de poissons), Blue (restauration d'habitats), WFD (mise en oeuvre de la directive cadre européenne sur l'eau), Flood protection (gestion des crues et inondations), Human (qualité de vie des citoyens).



Répartition des motivations principales des 110 projets analysés. Art. cit., droit de courte citation.

Parmi leurs résultats sur la comparaison des projets urbains et ruraux :
  • les projets urbains combinent plus souvent des buts à la fois écologiques et sociaux que les ruraux (60,5% versus 24,6%),
  • les projets ruraux dominent dans la motivation poisson (53% versus 14%),
  • le facteur humain comme motivation principale est absent des projets ruraux (0% versus 32% pour les villes),
  • le facteur protection des crues et inondations suit la même répartition (0% versus 14%).
Par ailleurs, dans la comparaison des projets français avec les projets internationaux (base National River Restoration Science Synthesis aux Etats-Unis, EU REFORM et RiverWiki en Europe), les chercheurs observent que:
  • la France se distingue par l'insistance sur les habitats aquatiques par rapport à la qualité de l'eau ou la zone riveraine (berge, ripisylve, lit majeur),
  • la bonne qualité des eaux au sens de la DCE est parmi les motifs les moins fréquemment invoqués.
Discussion
"Les résultats montre que la restauration de rivières urbaines représente une tendance vers la restauration socio-écologique. Elle donne donc un exemple de la "culture rivière" (Wantzen et al. 2016), c'est-à-dire harmoniser le besoin de rétablir la biodiversité et les services écosystémiques avec les intérêts des populations humaines locales, et créer des sites pour vivre dans et apprendre avec la nature", commentent les scientifiques. On ne peut en dire autant des projets ruraux.

Notre action associative, essentiellement conduite en zone rurale, a permis d'observer la déconnexion manifeste entre les enjeux écologiques et les enjeux sociaux, en particulier dans le domaine de la restauration de continuité écologique qui préempte une large part des financements publics en morphologie depuis 2012. Les services instructeurs de l'Etat (Agences de l'eau, DDT-M, Agence française pour la biodiversité ex-Onema, Dreal de bassin) tiennent des discours presqu'entièrement centrés sur les questions écologiques, considérant comme négligeables d'autres aspects de la gestion de l'eau, en particulier les attentes des riverains relatives au patrimoine, au paysage, au loisir, à la permanence de plans d'eau en été, au maintien des berges. Dans les zones rurales, les syndicats ou parcs assurant la gestion (EPTB, Epage), qui devraient être au plus proche des populations, sont prisonniers d'une absence de fonds propres conséquents (faible population, faibles moyens) et donc d'une forte dépendance aux agences de l'eau, qui tiennent un discours vertical, relativement uniforme et déconnecté des enjeux locaux.

Référence : Zingraff-Hamed A et al (2017), Urban and rural river restoration in France: a typology, Restoration Ecology, epub, DOI: 10.1111/rec.12526

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04/03/2017

Réponse à long terme des poissons à une restauration de rivière allemande (Höckendorff et al 2017)

Un travail de chercheurs allemands sur un affluent du Rhin (Lippe) ayant bénéficié d'une restauration physique montre une réponse durable des poissons après 21 années de suivi. Le chantier sur 2 km de rivière était ambitieux et concernait surtout la continuité latérale (élargissement du lit et créations d'annexes). Tous les poissons n'en bénéficient pas également et leur réponse dépend de traits fonctionnels adaptés à la nouvelle situation. La restauration de rivière n'a donc pas que des issues négatives (heureusement!): elle a avant tout des résultats incertains, dont on doit mieux comprendre les conditions de réussite ou d'échec. Ce qui oblige le gestionnaire à reconnaître son caractère encore expérimental, en lançant moins de chantiers mais avec un investissement plus ambitieux et un suivi plus rigoureux, afin déjà de consolider les connaissances.

La rivière Lippe est un affluent du Rhin, en Westphalie. Elle a fait l'objet de nombreux travaux d'aménagement depuis 1815 et perdu environ le cinquième de sa longueur initiale par des recalibrages. Des travaux de restauration ont été exécutés dans les années 1990 sur un tronçon de 2 km et une surface de 1,3 km2: suppression des soutiens de berge, élargissement du lit de 18 à 45 m et surélévation de 2 m, création de petites îles, introduction de bois mort, aménagement d'annexes et mares en lit majeur. La dimension morphologique du chantier est considérée comme un succès : le transport des matériaux variés est assuré, les berges s'érodent, le lit majeur est inondé au moins une fois dans l'année.

Stefanie Höckendorff et ses collègues ont suivi ce chantier. Ils observent que "la compréhension de l'efficacité des restaurations de rivière est souvent détériorée par le manque de données de qualité à long terme". Et que trop peu de restaurations cherchent à comprendre la réponse des milieux à partir des caractéristiques des espèces.


Abondance et diversité des poissons sur le tronçon restauré (vert) par rapport aux conditions de référence avant restauration (noir), art cit, droit de courte citation. L'abondance montre un effet rebond et une forte diversité interannuelle. Les conditions restaurées ont des résultats durablement meilleurs sur les 17 premières années de suivi.

Leur travail a consisté à suivre en détail la réponse des poissons sur le tronçon restauré. Des pêches électriques par bateau ont été effectuées entre 1993 et 2013, quatre années avant le chantier et 17 années après. Un modèle de traits fonctionnels des espèces pisciaires a été utilisé (Schmidt-Kloiber et Hering 2015, voir ce site). Voici les principales observations:
  • l'abondance totale des poissons a connu un rebond (overshooting) après la restauration suivi d'un retour à des résultats plus variables, mais toujours plus élevés qu'avant la restauration (gain de 27% à 571% selon les années);
  • dans le détail, 17 espèces ont montré une hausse, 6 espèces une baisse et 15 espèces aucune réponse;
  • la diversité totale des poissons n'a pas montré d'effet rebond, mais une hausse régulière qui s'est stabilisée à environ le double de la diversité avant travaux, après 7 ans;
  • la corrélation avec les traits biologiques et fonctionnels des assemblages de poissons reste faible (rho de Spearman à 0.15 maximum), avec comme association plus marquée la longévité, la morphologie, la stratégie de fraie et la maturité des femelles;
  • ce sont les espèces dites à stratégie opportuniste (vie courte, reproduction précoce, plusieurs fraies annuels) qui montrent l'effet le plus marqué (able de Heckel, épinoche, vairon).

Discussion
Comme l'observent les auteurs, les résultats des restaurations sont très variables. On considère qu'elles sont une fonction du temps (Stoll et al 2014, Tonkin et al 2014) mais avec réponses pouvant être non linéaires (Schmutz 2016), parfois contrariées par d'autres dégradations du bassin (Leps et al 2016) et parfois avec une reconvergence du peuplement vers les conditions antérieures (Kail et al 2015, Thomas et al. 2015). Les chercheurs soulignent donc la nécessité de faire un suivi rigoureux (plusieurs années avant, pour estimer la variabilité) et long voire continu après, mais aussi de travailler à comprendre les facteurs de réussite ou d'échec, notamment la réponse des espèces cibles sur leurs traits de vie. Nous ajouterons plusieurs observations.

D'abord, il est manifeste dans la littérature scientifique que la restauration de rivières est encore considérée comme une démarche expérimentale. Elle doit être présentée ainsi dans le débat public et dans les choix gestionnaires, au lieu des effets rhétoriques de certitude voire de suffisance qui l'entourent trop souvent. Il est notamment indispensable que le suivi soit réalisé sérieusement et en vue d'un retour d'expérience réellement scientifique, pas cosmétique (on voit fréquemment des campagnes avec une seule année de mesure pour l'état initial, ce qui est insuffisant, des analyses à N+1 et N+3 pas forcément significatives car il y a tantôt des effets rebond tantôt des dépressions dans les années suivant le chantier, des mesures biologiques limitées et donnant lieu à peu de modélisation, etc.).

Ensuite, l'ambition du projet (l'ampleur des modifications opérées) sur la Lippe est sans doute un des facteurs de réussite, ce qui implique des coûts et des bouleversements des usages, avec une concentration de moyens. La restauration physique est un engagement long et complexe. Associé au caractère expérimental donc non garanti en résultats, cela indique qu'il vaut mieux réaliser moins de chantiers en rivière, mais avec un plus fort investissement dans la gouvernance et dans le suivi. Soit le contraire des stratégies actuelles de restauration en France, où l'on tend à multiplier des petites interventions pas toujours bien coordonnées, relevant plus d'un "catalogue des bonnes actions" que de projets mûris et cohérents.

Enfin, le travail de Stefanie Höckendorff et ses collègues concerne une restauration de continuité latérale (avec des réaménagements du lit mineur). Dans un travail à l'époque programmatique sur la restauration morphologique de rivière à partir d'observations dans l'aire danubienne (Ward et al 1999), on pouvait remarquer que la biodiversité des rivières non-fragmentées et fragmentées longitudinalement est sensiblement équivalente, mais que celle de rivières canalisées (coupées des lits majeurs) est nettement plus faible que celle des rivières à divagation libre. On a beaucoup insisté en France sur la continuité, mais on l'a fait sur la dimension longitudinale, surtout en réplique des anciennes lois halieutiques sur les échelles à poissons. Il serait nécessaire d'analyser la réponse de la biodiversité aux différentes formes de discontinuités, pour affiner les enjeux prioritaires en restauration.

Référence : Höckendorff S et al (2017), Characterizing fish responses to a river restoration over 21 years based on species traits, Conservation Biology, doi: 10.1111/cobi.12908