06/05/2019

Note sur la "restauration de la nature" et ses contradictions

Des chercheurs nous disent que "restaurer la nature" est une idée naïve, mais parlent de restaurer des habitats ou des fonctions ou des populations... ce qui revient en réalité au même. Quelques réflexions à ce sujet, afin de contribuer à une pensée de la nature à l'Anthropocène.


Les choix faits sur les ouvrages hydrauliques sont un cas particulier de l'écologie de la restauration, qui vise à intervenir sur les milieux pour les modifier (et non seulement à protéger des zones d'impacts nouveaux, comme les réserves naturelles en écologie de la conservation).

Autour de cette question, l'agence française pour la biodiversité a mis en ligne les vidéos d'un séminaire scientifique sur la continuité écologique des cours d’eau qui s'est tenu le 11 avril 2018 à Paris. Il était organisé par le Comité national de l'eau (CNE), avec l'appui scientifique de la direction de l'eau et de la biodiversité (MTES) et de l'AFB. On peut y entendre les contributions de Bernard Chevassus-au-Louis (inspecteur général de l’agriculture, docteur agrégé en sciences- biologie, écologie, enjeux de biodiversité, services écologiques, qualité de l’eau), Emmanuèle Gautier (professeure de géographie - Université Paris 1-Sorbonne - géographie physique et environnementale, géomorphologie fluviale, relations homme/milieux), Yanni Gunnell (professeur de géographie - Université Lyon 2 - écologie, géographie environnementale, relations homme/milieux), Christian Lévêque (directeur de recherche émérite – Institut de recherche pour le  développement - hydrobiologie) et Jean-Michel Olivier (chercheur - CNRS Lyon - biologie : invertébrés, poissons, écologie fonctionnelle).

Restaurer la nature serait naïf...
Il semble désormais convenu pour les biologistes, écologues, géographes et autres scientifiques que "restaurer la nature" ne signifie pas grand chose. En particulier si l'on vise un retour à un référentiel ancien, un état antérieur de la nature, la nature telle qu'elle était hier, ou avant-hier.

D'abord, c'est impossible de faire tourner le film de l'évolution à l'envers, pas plus que le film de l'histoire : tout change, et tout change de manière irréversible. Ensuite, le mot "nature" est lourdement chargé de sens, et des sens très différents chez les humains. Non seulement au sein des sciences elles-mêmes, qui ne "lisent" pas la même chose dans le réel selon leur spécialité. Mais aussi dans toutes les représentations non scientifiques du monde, aussi légitimes que la science après tout (comme le rappellent sociologues, ethnologues, anthropologues, philosophes, historiens et bien d'autres).

Donc restaurer la nature, cela ne veut rien dire, ou pas grand chose, on en convient volontiers entre gens fort éduqués.

Une fois ce point acquis, on assiste pourtant... à l'étonnante résurrection de l'idée dignement enterrée!

...mais on vise pourtant à le faire
Ainsi, certains parlent de "restaurer des habitats". Or changer le mot ne change pas ici la chose : la nature est formée d'habitats, si l'on veut revenir à un habitat ancien (par exemple une rivière lotique) en changeant un habitat que l'homme a créé (par exemple une retenue), on veut tout bonnement restaurer la nature d'avant. On choisit un autre mot, mais cela signifie la même chose.

D'autres parlent de "restaurer des fonctions". Le contournement est un peu plus subtil, mais tout aussi énigmatique. Une fonction, c'est une description de la manière dont un système fonctionne. Or le fait qu'un système anthropisé fonctionne différemment d'un système pré-anthropique ne dit rien de particulier sur la qualité des fonctions concernées. Restaurer une fonction ancienne (par exemple évacuer rapidement des sédiments) au détriment une fonction nouvelle (par exemple retenir plus longtemps les sédiments), c'est encore en fait restaurer la manière dont la nature fonctionnait avant.

On voudrait aussi "restaurer des populations". Mais on comprend vite que le problème est le même s'il s'agit de revenir aux populations telles qu'elles étaient jadis, éventuellement au détriment de populations telles qu'elles sont maintenant. Sans oublier que pas grand monde ne fait la comptabilité réelle de toutes les populations vivantes qui sont présentes en un lieu donné.

L'instauration de la nature et le débat de l'Anthropocène
C'est manifestement le mot "restaurer" qui ne convient pas. Ou ses équivalents, rétablir, renaturer etc.

L'action humaine instaure des états de la nature, la société humaine apprécie ces états.

Par exemple, une construction de barrage instaure un état de la nature, une destruction de barrage instaure un autre état.

Sur ces questions, il conviendrait ainsi d'avoir à l'esprit quelques idées claires pour organiser le débat démocratique sur la nature:
  • la nature est l'ensemble de ce qui est et devient, humain comme non-humain;
  • des descriptions savantes de mécanisme de la nature par l'écologie (biosphère, écosystème etc.) enrichissent le débat des rapports humains à la nature mais sans en changer réellement les termes fondamentaux au plan philosophique, moral ou politique;
  • ce que nous appelons "nature" est le co-produit de l'activité humaine, l'humain et les actions de l'humain font partie intégrante de la nature;
  • l'Anthropocène est la période où l'action humaine commence à dominer sur Terre les dynamiques et variations de la nature par rapport à d'autres causes;
  • nous avons des préférences sur ce que la nature pourrait ou devrait être, mais ce sont toujours des préférences humaines (même celui qui valorise une part "non-humaine" de la nature exprime ainsi une préférence humaine);
  • il existe une pluralité (convergences, divergences) des préférences humaines relativement à la nature, il n'existe pas de consensus a priori sur ce que nous aimons, espérons, attendons, valorisons, déplorons dans la nature, de tels avis changent selon les individus, les communautés, les lieux, les époques;
  • la science peut éclairer des faits et des causes à l'oeuvre dans la réalité par des méthodes objectives (vérifiables, réfutables, répliquables), mais la science n'a pas d'autorité particulière sur ce qu'est une "bonne" ou une "mauvaise" nature (ni habitat, ni fonction, ni toute autre périphrase);
  • l'information que donnent les sciences est un commencement, et non la fin, du débat démocratique, à partir d'elle s'expriment des avis mieux informés des citoyens, sans que ces avis des citoyens ne s'irriguent pour autant à la seule science;
  • des états et produits de la nature (biodiversités, fonctionnalités, services, etc.) changent selon les choix humains, une description de ces états et de leurs évolutions permet de mieux réfléchir à nos préférences;
  • il est impossible (ou dénué de sens) d'instaurer la nature elle-même comme norme, celui qui prétend le faire tente en général d'imposer une croyance soustraite au débat contradictoire et de masquer le fait que sa norme est toujours non la nature elle-même mais un certain discours de la nature, portant certaines préférences. 

04/05/2019

Alerte: l'administration veut désormais détruire moulins, étangs et canaux sur simple déclaration, sans étude d'impact ni enquête publique!

Dans un projet de décret venant d'être publié, le ministère de l'écologie a glissé une disposition qui permet de détruire tous les ouvrages par une procédure de simple déclaration et non plus d'autorisation. La différence? Il n'y aurait aucune information des citoyens, aucune enquête publique, aucune possibilité de déposer recours gracieux ou contentieux contre des arrêtés préfectoraux. Face aux nombreuses protestations que suscitent les travaux de continuité, on organise ainsi l'exécution ordinaire de l'arbitraire administratif. Et on s'apprête à massacrer les rivières, plans d'eau, canaux sans même faire d'étude d'impact de leur faune et de leur flore, d'analyse des effets sur les niveaux d'eau, d'évaluation de l'avenir en crue ou en étiage. La protection des droits des tiers et du vivant en place serait réduite au strict minimum pendant que les pelleteuses détruisent des milieux souvent présents depuis plusieurs siècles.  Nous appelons tous les acteurs à mesurer la gravité de cette disposition et à s'y opposer, déjà en déposant un avis négatif en consultation publique, ensuite en préparant un recours collectif. Nous appelons également les participants des discussions au comité national de l'eau à tirer les conclusions qu'impose cette nouvelle provocation de la direction de l'eau et de la biodiversité.




Le gouvernement vient de déposer en consultation publique un projet de décret de modification du régime IOTA (installations, ouvrages et travaux en rivière).

Ce projet comporte cette disposition assez discrète, placée dans son article 5 :
9° Après la rubrique 3.3.4.0. est créée une rubrique 3.3.5.0. ainsi rédigée :« 3.3.5.0. Travaux de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques, y compris les ouvrages nécessaires à cet objectif, définis par un arrêté du ministre en charge de l'environnement. (D)Cette rubrique est exclusive de l'application des autres rubriques de la présente nomenclature. 
Au nom d'une catégorie fourre-tout de "restauration des fonctionnalités naturelles", il serait désormais possible d'intervenir par une simple déclaration en préfecture, cela sans égard pour les impacts créés par le chantier de restauration.

Concrètement cela peut signifier : détruire des moulins, étangs et plans d'eau, assécher des biefs et canaux, sur la base d'une simple déclaration, sans avoir à se référer aux règles prudentielles des autres rubriques du régime IOTA.

Le projet d'arrêté ministériel précise ainsi les travaux concernés :
"À cet effet, un projet d’arrêté définissant les travaux de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques relevant de la rubrique 3.3.5.0. de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1 du code de l’environnement a été rédigé. Il liste les travaux suivants :
- arasement ou dérasement d’ouvrage en lit mineur ;
- désendiguement ;
- déplacement du lit mineur pour améliorer la fonctionnalité du cours d’eau ou rétablissement du cours d’eau dans son lit d’origine ;
- restauration de zones humides ;
- mise en dérivation ou suppression d’étangs existants ;
- remodelage fonctionnel ou revégétalisation de berges ;
- reméandrage ou remodelage hydromorphologique ;
- recharge sédimentaire du lit mineur ;
- remise à ciel ouvert de cours d’eau couverts ;
- restauration de zones naturelles d’expansion des crues.
- opération de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques prévue dans des documents de gestion approuvés par l’autorité administrative (cf liste dans l’arrêté)."
Auparavant, dès lors que 100 mètres de profil en long ou en travers d'une masse d'eau étaient modifiés, l'autorisation s'imposait. Et pour cause, un projet qui modifie considérablement le milieu en place doit obéir à un principe de précaution tant vis-à-vis du vivant tel qu'il existe sur le site que vis-à-vis des riverains.

Cette règle d'autorisation a permis à notre association de sauver divers sites dont l'administration voulait tolérer la destruction sans s'encombrer des obligations de l'autorisation (mais cette administration a dû reculer après recours). Cela a surtout évité des destructions sans réflexion ni préparation sérieuses, car l'autorisation est une procédure assez exigeante et les syndicats (ou autres maîtres d'ouvrage) sont donc tenus à une certaine rigueur sur les chantiers de continuité.

La fin de ce régime d'autorisation sous prétexte de "restauration de fonctionnalités naturelles" signifierait ainsi pour les collectifs et associations impliqués sur la continuité écologique et pour les citoyens en général :
  • quasi-impossibilité d'être informés des projets (la déclaration est un simple courrier sans publicité à la DDT-M), 
  • absence d'étude des impacts riverains / usages / environnement, 
  • fin de l'enquête publique qui permettait aux citoyens de s'exprimer (en général, contre les casses) et aux associations de préparer des recours contentieux éventuels contre l'arrêté d'autorisation
  • possibilité de casser "à la chaîne" pour les maîtres d'ouvrage de type syndicats de rivière ou fédérations de pêche.
Face à ce danger majeur de régression du droit des riverains et du droit de l'environnement, nous avons saisi nos conseils juridiques.

Nous appelons les associations, fédérations et syndicats à faire de même, à donner leur avis dans la consultation, à préparer si nécessaire une action collective en justice.

Déposez votre avis sur la consultation. 


Nota : nous écrire si votre association est disposée à participer à un contentieux.

Les représentants nationaux des ouvrages
doivent prendre leur responsabilité!
 
Suite aux déclarations du ministre Rugy, à la mauvaise volonté de produire la moindre avancée en comité national de l'eau, à ce nouveau décret scélérat, les fédérations moulins-riverains-étangs et syndicats doivent tirer les conclusions qui s'imposent. L'heure n'est plus à la division, l'heure n'est plus au pinaillage de textes abscons proposés par des fonctionnaires manipulateurs: l'heure est à la lutte coordonnée, résolue, systématique, sur tous les terrains pour sauver les ouvrages dont l'administration poursuit manifestement la disparition planifiée. Nous demandons en conséquence aux fédérations d'examiner l'opportunité de poursuivre leur participation du comité national de l'eau, mais surtout d'exposer de manière unitaire aux parlementaires et aux médias la situation catastrophique des patrimoines des rivières et les manoeuvres insincères de l'administration en charge de l'eau. Le comité national de l'eau a eu pour effet concret de neutraliser la dynamique créée par les nombreux rapports critiques de la continuité de la période 2012-2017, d'endormir les élus en prétendant que la concertation était en train de régler les problèmes, de laisser du temps à une bureaucratie déstabilisée pour organiser sa riposte, poursuivre son idéologie et aggraver sa dérive antidémocratique. 

03/05/2019

Ouvrages hydrauliques: le ministère de l'écologie continue de tromper les parlementaires et de fuir ses priorités

Dans une réponse à la députée Barbara Bessot Ballot, le ministère de l'écologie persiste dans ses erreurs en prétendant indument que les sites français de petite hydro-électricité seraient déjà largement équipés, que la destruction des ouvrages hydrauliques serait nécessaire à la qualité de l'eau, à la biodiversité ou à l'adaptation au changement climatique, que cette destruction serait inscrite dans les lois françaises ou européennes. C'est faux. Après 10 ans de débat, ce n'est plus une erreur involontaire, mais une manipulation consciente des parlementaires afin de défendre encore et toujours une idéologie jacobine indéfendable de destruction du patrimoine paysager, du potentiel énergétique et des écosystèmes humanisés. On nous a parlé de "continuité apaisée" : c'était une tromperie. La vérité est que ce gouvernement comme les précédents est en retard sur la lutte contre les pollutions chimiques, en retard sur les objectifs de transition énergétique, préférant distribuer quelques cadeaux à des clientèles et lobbies pour éviter d'adresser des problèmes prioritaires en écologie. 



On pouvait croire qu'après la multitude des interpellations parlementaires, des changements de loi, des rapports administratifs critiques, le ministère de l'écologie avait compris que la suppression des ouvrages hydrauliques n'est pas une solution désirable pour les rivières, encore moins pour la prévention du réchauffement climatique et l'atténuation de ses effets. On pouvait surtout espérer un minimum de lucidité : casser encore des moulins et étangs en 2019 est une aberration profonde à l'heure où tous les voyants de l'écologie sont au rouge et où l'argent public manque partout pour répondre à ces défis.

Car enfin, les rapports les plus alarmants s'accumulent sur les pesticides, sur les plastiques, sur les micro-polluants, sur l'évolution du climat, sur la difficulté à baisser les émissions carbone, sur la disparition de la biodiversité ordinaire, et que trouvent comme idée géniale nos élus et fonctionnaires en charge de l'environnement : détruire des ouvrages souvent présents depuis l'Ancien Régime !

Cette imposture, nous ne la supportons plus. Elle perdure hélas sous ce nouveau gouvernement.

Un échange entre le ministre de l'écologie et la députée Barbara Bessot Ballot (voir en fin d'article le contenu complet) révèle ainsi que l'idéologie de destruction des ouvrages n'a pas changé, et que les arguments en sa faveur sont toujours aussi inexacts ou flous.

INFOX n°1 du ministère : "Le potentiel [hydro-électrique] restant est limité par le taux d'équipement important déjà existant": cette phrase est totalement inexacte, c'est la répétition de ce que disent des lobbies comme FNE et FNPF, mais sans aucune base factuelle. L'immense majorité des moulins et forges en place (jusqu'à 95% selon les rivières) ne sont pas aujourd'hui équipés d'outils de production hydro-électrique. C'est aussi le cas de nombreux barrages servant à d'autres fins (eau potable, irrigation, régulation de crue, pisciculture, etc.). Les travaux de chercheurs européens ont montré que l'on peut équiper 25 000 moulins en France, soit 4 TWh de productible, équivalent consommation de 1 million de foyers (voir Punys et al 2019). On ne peut pas faire confiance à un gouvernement et à une administration qui manipulent ainsi la réalité au nom d'une idéologie. D'autant que ce même ministère couvre sans le dire la destruction de barrages hydro-électriques bas-carbone déjà équipés et en état de produire, comme sur la Sélune ou à Pont-Audemer. A chaque fois pour faire cadeau à une clientèle très bien identifiée : le lobby des pêcheurs de salmonidés. Mais on sait que le même gouvernement fait aussi des cadeaux aux chasseurs, grands protecteurs de la faune...

INFOX n°2 du ministère : "Ce développement doit rester compatible avec les objectifs de bon état des eaux et de reconquête de la biodiversité. L'atteinte de ces objectifs rend indispensable la restauration des fonctionnalités naturelles des cours d'eau permettant de retrouver des milieux aquatiques résilients au changement climatique, qui passe par la restauration de la continuité écologique et la suppression de certains seuils en lit mineur en vue de restaurer des habitats courants et diversifiés." : le ministère de l'écologie continue dans le dogme. Jamais une loi française ou européenne n'a indiqué la suppression des ouvrages en rivière comme mesure d'intérêt général (voir la loi française, voir les dispositions européennes), c'est la gestion, l'équipement et l'entretien des ouvrages qui sont demandés dans les cas où ils portent atteinte aux migrations de certains poissons menacés, déficitaires, ayant une chance de se reproduire en tête de bassin. Le rôle soi-disant positif de la destruction des ouvrages dans le cadre du changement climatique est fantaisiste : outre que la transition bas carbone est la première urgence pour stopper le réchauffement, en cas de suppression des ouvrages on fait au contraire disparaître des outils de régulation de l'eau crue-étiage, on diminue la surface aquatique disponible pour le vivant, on altère le stockage par échange avec les nappes, on assèche les zones humides annexes, on produit par endroit des rivières qui sont en assecs ou en filet d'au d'eau polluée tout l'été (voir cet exemple d'une rivière "renaturée"). En ces domaines, la recherche scientifique parle de plus en plus en souvent des nouveaux écosystèmes anthropisés (dont ceux créés par les ouvrages, voir Backstrom et al 2018, Clifford et Hefferman 2018, Kuczynski et al 2018) comme des services rendus par ces écosystèmes aménagés (voir Bolpagni et al 2019), notamment en situation de changement climatique (voir Beatty et al 2017).  En fait, l'actuelle destruction systématique d'ouvrages en France correspond soit à des demandes halieutiques anciennes des années 1860 ou 1980 (surtout des pêcheurs "élitistes" de salmonidés) soit à des visées d'écologie de conservation comme retour à un état ancien de référence, approches qui datent du milieu du XXe siècle mais sont de plus en plus débattues en écologie (voir Bouleau et Pont 2014, 2015, Alexandre et al 2017, Dufour et al 2017, Dufour 2018 et les références citées plus haut sur les nouveaux écosystèmes).

Cette réaction du ministère de l'écologie date du 23 avril 2019. Elle est donc récente et reflète la doctrine de l'administration qui prétend en parallèle mener des concertations pour une "continuité apaisée" dans le cadre du Comité national de l'eau.

Au niveau national, nous demandons aux fédérations de moulins et de riverains, aux syndicats d'hydro-électricité et d'étangs de prendre leur responsabilité : si la doctrine ministérielle ne change pas, rien ne sert de donner des gages à une pseudo-concertation en forme de répétition des mêmes dogmes, laissant croire indument aux élus que l'administration concerte avec les acteurs alors qu'elle assène ses ordres. Un des acteurs avait été clair là-dessus, tous doivent l'être désormais.

Au niveau local, nous appelons pour notre part toutes les associations et les collectifs riverains à engager la doctrine de tolérance zéro face aux casseurs : attaquer en justice tout document de planification (SAGE, SDAGE, SRADDET, programmes agences de l'eau etc.) qui comporterait l'encouragement non légal à la suppression d'ouvrage ; attaquer en justice tout projet de destruction ne respectant pas les droits établis et l'ensemble des conditions d'une gestion équilibrée et durable de l'eau ; refuser l'accès des berges privées à tous les usagers qui soutiennent la casse des ouvrages et qui méprisent les autres riverains.

Aujourd'hui par exemple, 35 associations demandent en justice l'annulation des programmes d'intervention des agences de l'eau Seine-Normandie et Loire-Bretagne, et il en ira désormais de même pour tous les textes administratifs programme la suppression d'ouvrage, comme pour tout abus de pouvoir de fonctionnaires incitant à détruire. Les associations (ou particuliers) qui ne sont pas encore engagées dans ces démarches contentieuses doivent les systématiser.

Le respect des ouvrages hydrauliques, de leurs usages et de leurs milieux est le principe directeur de toute politique publique qui engage une gestion équilibrée et durable de l'eau : désormais, il n'y a rien à discuter davantage tant que ce point de départ n'est pas acté.

Texte de la question - Députée Barbara Bessot Ballot 
Mme Barbara Bessot Ballot interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, au sujet du soutien au développement de la filière de l'hydroélectricité en France. L'hydroélectricité est de loin la première filière renouvelable productrice d'électricité en France et dans le monde. Riche d'un patrimoine et d'une filière industrielle hydroélectriques importants, la remise en route de concessions en France avec l'objectif d'une électricité plus propre et plus compétitive est une bonne nouvelle. En revanche, à la suite de divers échanges notamment avec un exploitant local sur le territoire, il existe encore de nombreux freins qui fragilisent à ce jour les installations existantes et empêchent, ou ralentissent, le développement de nouvelles installations, notamment en matières réglementaires et environnementales. Tout d'abord, au niveau de la continuité écologique. Les mises en conformité des ouvrages hydroélectriques engendrent des coûts abyssaux pour les exploitants. En effet, l'article L. 214-17 du code de l'environnement impose que les ouvrages situés sur des cours d'eau en liste 2 soient équipés (continuité piscicole et sédimentaire) et ce, dans un délai de cinq ans à compter de la publication des arrêtés de classement des cours d'eau dans les bassins hydrographiques. Aussi, le coût des équipements environnementaux (tels que les passes à poissons) est disproportionné par rapport aux supposés gains écologiques. Il existe par ailleurs une certaine instabilité, complexité et lourdeur administrative, dans la mesure où de nouveaux équipements ou des changements relatifs aux équipements existants peuvent être imposés à des ouvrages. Aussi, le code de l'environnement impose une conciliation des différents usages de l'eau : pourtant, ce principe ne paraît pas être réellement respecté en pratique. La filière hydroélectrique fait l'objet d'une politique « à charge » : arasement d'ouvrages, contentieux administratifs lors de renouvellement d'autorisations, procédures administratives trop longues pour les nouveaux projets, et les procédures administratives sont jugées beaucoup trop lourdes et nécessitent un temps excessif pour les différents acteurs. Enfin, la fiscalité locale pèse énormément sur les installations hydroélectriques (l'imposition foncière des installations hydroélectriques ayant considérablement augmenté). À l'heure de la volonté du Gouvernement d'accélérer la transition énergétique et écologique, le développement de l'hydroélectricité en France apporte sans aucun doute une réponse majeure aux problématiques environnementales, notamment sur la continuité des cours d'eau et la préservation de la biodiversité. Son développement répond également aux problématiques de développement de filières industrielles françaises d'excellence, puisqu'elle représente un vecteur majeur de développement économique sur tous les territoires, et notamment en milieu rural. Filière au potentiel majeur, celle-ci est aujourd'hui en difficulté : face à l'inflation des normes environnementales, face au poids de la fiscalité locale et face à la complexité administrative, elle l'interroge sur les mesures prévues le Gouvernement, notamment en matière de réglementation, afin de lever les incertitudes existantes et favoriser le dynamisme et l'optimisation du développement de la filière sur tous les territoires.

Texte de la réponse Ministère de la Transition écologique et solidaire
L'hydroélectricité est la première source de production d'électricité renouvelable, et est importante à la fois pour le système électrique national et le développement économique local. Le maintien et le développement de cette ressource, dans le respect des enjeux environnementaux, est indispensable pour atteindre les objectifs énergétiques et climatiques ambitieux que notre pays s'est fixé. La production hydroélectrique peut connaître d'une année sur l'autre des variations importantes en raison de l'hydraulicité, mais la puissance installée en France métropolitaine continue de progresser : elle est actuellement à près de 25,5GW. Le potentiel restant est limité par le taux d'équipement important déjà existant et par les enjeux de protection de l'environnement, mais il existe encore une marge de progression et d'optimisation du parc. Dans ce cadre, le Gouvernement soutient donc la réalisation de nouveaux investissements de développement de l'hydroélectricité, Ce développement doit rester compatible avec les objectifs de bon état des eaux et de reconquête de la biodiversité. L'atteinte de ces objectifs rend indispensable la restauration des fonctionnalités naturelles des cours d'eau permettant de retrouver des milieux aquatiques résilients au changement climatique, qui passe par la restauration de la continuité écologique et la suppression de certains seuils en lit mineur en vue de restaurer des habitats courants et diversifiés. La Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) publiée en 2016 a ainsi fixé un objectif d'augmentation de 500 à 750 MW de la puissance installée à l'horizon 2023. La révision de la PPE pour les périodes 2018-2023 et 2024-2028 permettra prochainement d'actualiser et de prolonger ces objectifs. La petite hydroélectricité fait par ailleurs déjà l'objet, au même titre que les autres filières renouvelables, d'un soutien au développement via l'arrêté du 13 décembre 2016 fixant les conditions d'achat et du complément de rémunération pour l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie hydraulique des lacs, des cours d'eau et des eaux captées gravitairement, ainsi que via des appels d'offres périodiques lancés par le ministère de la transition écologique et solidaire. Enfin, en ce qui concerne les plus grandes installations exploitées sous le régime de la concession, le renouvellement des concessions arrivées à échéance permettra de déclencher des investissements de modernisation et d'extension des aménagements existants.

28/04/2019

Les moulins au service de la transition énergétique: le dossier complet

La nécessité de la transition énergétique bas carbone est dans tous les esprits aujourd'hui. Les moulins à eau forment un potentiel d'au moins 25 000 sites à équiper en France, pouvant produire 4 TWh soit la consommation d'un million de foyers. C'est une ressource locale, propre, appréciée par ailleurs pour sa place dans le patrimoine et le paysage de nos vallées. Dans un dossier complet, référencé et en libre accès, nous proposons à l'intention des décideurs et des médias un point précis sur la place des moulins dans la transition énergétique. Il appartient à nos lecteurs de diffuser et partager ce document auprès du maximum d'interlocuteurs publics. Chaque association peut l'utiliser à sa convenance, y ajouter son logo et des pages dédiées aux productions locales. Alors que la loi de programmation énergétique sera votée d'ici l'été, alors que le ministre Rugy a tenu des propos contestables et mal informés, il importe surtout d'envoyer ce dossier à chaque parlementaire avec un courrier demandant la protection et l'équipement des moulins au lieu de leur actuelle destruction sur argent public. Mais aussi de le soumettre aux élus locaux qui doivent prendre leur responsabilité climatique et désormais produire sur leur territoire à partir des sites en place, comme cela se fait dans un nombre croissant de communes. L'énergie millénaire de l'eau est de retour dans nos vallées: faites-le savoir partout ! 

Conformément à notre politique de source ouverte et libre accès, nous vous proposons le dossier en version Word sur laquelle vous pouvez intervenir pour l'adapter à votre communication locale (ajouts de logos, ajouts d'infos sur le bassin où vous vivez et agissez) ou en version pdf allégé, facile à diffuser.

Le dossier en version Word (modifiable, 3,3 Mo, compression zip)

Le dossier en version pdf (léger, 700 Ko)

Nous suggérons en particulier aux citoyens, collectifs et associations de diffuser ce document à :

  • leur député et leur sénateur, en leur demandant pourquoi le ministère de l'écologie  est engagé dans une politique folle de destruction des moulins et barrages, de déni de leur potentiel et de leur popularité, de refus d'aider la transition bas carbone des rivières alors qu'il y a de nombreuses aspirations en ce sens. Il est important de le faire dès à présent puisque la loi de programmation énergétique est en cours de discussion, donc chaque parlementaire doit être informé de cet enjeu. Nous voulons des avancées législatives en reconnaissance du potentiel de la petite hydro-électricité et en soutien à l'autoconsommation hydraulique au même titre que le solaire. La France ne doit pas continuer la destruction de son potentiel bas carbone des ouvrages en rivière au nom des lubies de quelques groupes de pression ultra-minoritaires dans la société. 
  • leur maire et leur conseil municipal, en demandant dans toutes les communes dotées d'un moulin (ou autres ouvrages hydrauliques) que le principe d'une préservation du site et d'un projet d'équipement hydroélectrique soit voté, affirmant ainsi la volonté de développer des énergies locales et propres sur des sites appréciés. Nous ne pouvons plus tout attendre de l'Etat (en particulier dans ce domaine des moulins et usines à eau...), et devons plutôt engager de manière positive l'investissement au service de la transition. 
  • leur syndicat de rivière et élus des commissions de ce syndicat, en demandant que cesse toute destruction des moulins et autres ouvrages hydrauliques, que soit mise en oeuvre une estimation du potentiel hydro-électrique total du bassin versant et du taux d'équipement des ouvrages présents (le taux de chute qui produisent par rapport au total des chutes, souvent de 10 à 20% seulement, indiquant qu'il y a de très fortes marges de progrès pour l'hydro-électricité sur chaque rivière).

Synthèse du dossier : libérer le potentiel des moulins à eau de France

Les chercheurs estiment que 25 000 moulins à eau peuvent être relancés sur le territoire français, qui a le plus gros potentiel de l’Union européenne.

Les moulins et autres petits ouvrages anciens en place pourraient produire 4 TWh par an, l’équivalent de la consommation électrique hors chauffage de 1 million de foyers.

La petite hydro-électricité par relance des sites existants présente un bilan écologique remarquable : meilleur bilan carbone de toutes les énergies, excellent taux de retour énergétique, peu d’usage de matières premières, pas de créations de nouveaux impacts sur les milieux et les riverains, préservation et gestion de plans d’eau, canaux, zones humides.

Le tarif de rachat de la petite hydro-électricité (9 à 13 c€ / kWh) est inférieur à celui du petit solaire de même dimension, et n’a pas besoin de stockage. En cas d’autoconsommation familiale ou en îlotage, le coût pour la collectivité est nul.

Ce potentiel est réparti sur tout le territoire, il peut produire au plus près de la consommation et il a le soutien majoritaire des populations, contrairement à d’autres sources d’énergie. Ce sont aujourd’hui les freins administratifs qui bloquent ce potentiel, un paradoxe à l’heure de l’urgence de la transition énergétique !

L'enjeu de la petite hydro-électricité est particulièrement important dans les têtes de bassin versant (zone amont des rivières), les cours médians de plaines alluviales et les petits fleuves côtiers, où la forte proportion d'ouvrages encore présents sur les cours d'eau et la faible densité de population font localement de l'hydraulique une source d'énergie majeure pour la transition bas carbone.

Certains choix de « continuité écologique » ont conduit à privilégier la destruction des sites de moulins et barrages, au lieu de les équiper de passes à poissons quand c’est nécessaire, et à compliquer leur relance énergétique très au-delà des règles européennes. Face aux contentieux soulevés par cette politique et au blocage de nombreux projets bas-carbone, une nouvelle politique publique s’impose.

23/04/2019

Plus que 10 jours pour défendre les ouvrages hydrauliques, les rivières et les riverains dans les projets de SDAGE

Vous avez jusqu'au 2 mai 2019 pour donner votre avis sur les projets de schémas directeurs d'aménagement et de gestion de l'eau (SDAGE) en cours d'élaboration dans les 6 agences de l'eau. Nous vous donnons ici les liens pour le faire et nous rappelons quelques arguments à mettre en avant. Contrairement à d'autres usagers ou citoyens, les moulins, les étangs, les plans d'eau, les riverains ne sont pas représentés dans ces agences de l'eau : elles sont devenues des structures fermées où, pour l'essentiel, des représentants du gouvernement imposent des orientations structurantes et indiscutables. La destruction des ouvrages fait partie de ces diktats scandaleusement imposés par le ministère de l'écologie et financés par les agences. Par ailleurs, le bilan des agences de l'eau et des SDAGE précédents sur les pollutions chimiques est mauvais, alors qu'il ne reste plus que quelques années pour respecter les demandes faites par l'Europe en 2000.  Les citoyens risquent en 2027 de payer des amendes européennes en sanction de ces retards. Pendant ce temps-là, leur eau reste polluée. Une ré-orientation majeure de la politique de l'eau doit être réclamée.


Voici les liens pour accéder aux documents et aux sites de consultation. Vous pouvez aussi envoyer un courrier libre. Nous conseillons à toutes les associations d'envoyer un courrier recommandé au siège postal des agences.

Site pour connaître son bassin

Adour Garonne 
AEAG, 90 Rue du Feretra, 31078 Toulouse Cedex 4

Artois Picardie 
AEAP, 200 Rue Marceline, 59508 Douai

Loire-Bretagne 
AELB, 9 Avenue Buffon, 45100 Orléans

Rhin Meuse 
AERM, 1 Route de Lessy, 57160 Rozérieulles

Rhône - Méditerranée 
AERMC, 2 Allée de Lodz, 69007 Lyon

Seine-Normandie 
AESN, 51 Rue Salvador Allende, 92000 Nanterre


Rappel de quelques arguments généraux
Vous pouvez ajouter à votre contribution des témoignages de carence d'action sur la qualité de l'eau dans votre région et citer des exemples de projets scandaleux de destruction de moulins ou d'étangs portés par des syndicats avec l'argent public des agences de l'eau, donc des contribuables. Pour les associations, n'hésitez pas à mentionner que des contentieux judiciaires sont déjà en cours contre des programmes d'intervention des agences de l'eau, et que d'autres suivront sur les SDAGE si les programmations ne changent pas dans le domaine des ouvrages hydrauliques. Ci-dessous, quelques points-clés qui doivent être soulignés.

  • La destruction des moulins, des étangs, des barrages est une politique inacceptable, qui doit cesser dans le SDAGE 2022-2027. L'agence de l'eau doit respecter et protéger le patrimoine, le paysage et les usages de l'eau. Il est antidémocratique d'exercer une pression financière par des subventions avantageuses pour la destruction des ouvrages hydrauliques alors que jamais la loi française n'a prévu cette issue. L'agence de l'eau doit arrêter ces dérives, déjà condamnées par les parlementaires et parfois par les tribunaux.
  • La programmation de l'eau doit faciliter l'équipement hydro-électrique des ouvrages hydrauliques afin d'engager la transition bas carbone et de dynamiser les activités économiques liées à l'eau-énergie sur chaque territoire. 
  • Le changement climatique se traduit déjà par des sécheresses plus prononcées. Il faut partout garder l'eau, milieu de vie. Aucun projet conduisant à la disparition de surfaces en eau (que ce soit des retenues, réservoirs, étangs, lacs, canaux, biefs etc.) ne doit être accepté ni financé par l'agence de l'eau. Il faut au contraire réfléchir au meilleur moyen de retenir partout (en surface comme dans les nappes) l'eau quand elle est abondante, afin d'en disposer encore quand elle est rare. 
  • Face aux risques de crues et inondations liées à des phénomènes météorologiques extrêmes, la protection de la sécurité des riverains se programme dès aujourd'hui. Toutes les retenues et tous les canaux déjà en place doivent être préservés car ils ralentissent et divertissent les crues. D'autres ouvrages doivent être ajoutés si nécessaire. Des zones d'expansion en lit majeur doivent être aménagées, en accord avec les propriétaires fonciers dédommagés si ce service représente un manque à gagner. Les collectivités doivent être aidées pour assumer l'obligation de gestion des ouvrages hydrauliques prévue dans la compétence GEMAPI, sans ajouter de nouvelles taxes sur l'eau mais en utilisant mieux les budgets existants (limiter les frais de fonctionnement et de communication, supprimer tous les programmes de destruction d'ouvrages représentant 10 à 20% des budgets, conserver des programmes de restauration à titre exploratoire et scientifique seulement, chercher d'autres financements que les agences de l'eau pour financer l'agence de biodiversité, en revenant au strict principe "l'eau paie l'eau").
  • Les pollutions chimiques et physico-chimiques sont les priorités de la directive cadre européenne sur l'eau 2000 pour définir le bon état écologique des rivières, des lacs, des estuaires et des nappes. Nous sommes en retard sur tous les objectifs : il y a des centaines de polluants formant des cocktails toxiques dans l'eau, la moitié des masses d'eau sont en mauvais état.  Les citoyens devront payer des amendes à l'Europe si les agences de l'eau ne travaillent pas à avoir 100% des eaux en bon état, c'est-à-dire déjà sans polluants. Inutile d'engager de l'argent public sur d'autres domaines si ce pré-requis n'est pas satisfait : c'est ce qu'exige l'Europe, c'est ce que veulent les citoyens pour leur santé et pour la qualité de leur rivière.
  • La politique de "renaturation" visant à produire des rivières "sauvages" et à détruire les héritages humains de la rivière - notamment les retenues, les étangs, les lacs, les canaux, les moulins -  est une dérive des politiques publiques, qui a été imposée par des bureaucraties et des lobbies sans jamais être débattue avec les citoyens. Il faut accepter l'existence d'écosystèmes créés par l'homme à travers les âges. La biodiversité propre aux milieux lentiques, à leurs rives et aux zones humides annexes doit être protégée. Les rivières sont des phénomènes naturels mais aussi des héritages sociaux, culturels, paysagers. Les cadres de vie et les spécificités locales doivent être respectés. 
  • L'agence de l'eau répercute d'abord les décisions venues des ministères à Paris, et elle agit comme toutes les structures de la bureaucratie française, en imposant des choix déjà pris à l'échelon normatif supérieur et en laissant très peu de marges de manoeuvres aux collectivités locales comme aux citoyens à la base. Seuls des experts participent réellement à la construction des textes dans leurs détails. C'est une confiscation démocratique.
  • Les moulins, les plans d'eau, les associations du patrimoine, les riverains ne sont pas représentés dans les comités de bassin des agences de l'eau. Cette caricature de démocratie participative oblige à faire des contentieux judiciaires contre les SDAGE et contre les programmes d'intervention des agences car les citoyens n'ont aucun moyen d'être réellement entendus, de participer aux délibérations en amont,  de voter des décisions, de vérifier que tous les avis sont pris en compte. Il faut en revenir à une démocratie participative à la base : d'abord définir sur chaque rivière des diagnostics et des attentes, en écoutant et consultant largement les riverains, dans des débats menés à la lumière de données objectives (indicateurs DCE complets) sur l'état de chaque rivière ; ensuite seulement répartir des moyens au pro rata des linéaires de cours d'eau, des populations, de certaines urgences identifiées dans les états DCE des eaux. Le dirigisme jacobin et la gouvernance du sommet vers la base ne fonctionnent plus dans ce pays. 
  • Nous ne voulons plus de décisions hors-sol où l'on paie pour des services que les citoyens ne demandent pas tout en oubliant ou négligeant ceux qui intéressent leur présent et leur avenir. La gestion des rivières doit revenir à ses fondamentaux en écoutant les attentes des riverains sur chaque bassin.

21/04/2019

La pêche de loisir et la continuité écologique (Thomas et Germaine 2018)

Deux chercheurs publient une étude sur le rapport des pêcheurs à la continuité écologique, principalement dans l'Ouest de la France, avec un focus sur les barrages de la Sélune que l'Etat veut détruire. Il en ressort que même sur des zones où les salmonidés migrateurs sont des enjeux halieutiques importants, le monde de la pêche n'est pas homogène dans son appréciation de la destruction des ouvrages et des modifications des milieux que ces destructions produisent.

Olivier Thomas et Marie-Anne Germaine (Laboratoire Mosaïques, CNRS) publient dans la revue Norois une étude sur les rapports entre continuité écologique et pêche de loisir.

Voici la synthèse de leur article :
"Dès l’émergence des premières sociétés de pêche à la in du xixe et au début du xxe siècle, les pêcheurs à la ligne ont développé une sensibilité à l’égard de l’eau et de la faune piscicole. D’abord mobilisés pour le repeuplement piscicole et la surveil- lance des cours d’eau, puis pleinement engagés dans la gestion des milieux halieutiques d’eau douce, les pêcheurs vont voir leur rôle évoluer à partir de la Loi-Pêche de 1984. Participant à la protection du patrimoine piscicole et des milieux aquatiques, ils deviennent des acteurs incontournables de la mise en œuvre des nouveaux principes de gestion écologique des cours d’eau, en particulier la restauration de la continuité écologique visant à rétablir la libre circulation des poissons migrateurs. À partir de l’exemple des cours d’eau du Nord-Ouest de la France, et d’un focus sur le cas du démantèlement des barrages de la Sélune, cet article propose de mettre en tension le poids des héritages (pratiques de repeuplement) et les dynamiques de changements (restauration des milieux) qui animent le monde de la pêche de loisir à travers une analyse rétrospective du positionnement des pêcheurs. Il s’agit ainsi d’analyser le rôle ambivalent des acteurs de la pêche, à la fois partenaire et opposant, dans la mise en œuvre de la restauration des cours d’eau. Si les fédérations de pêche prônent le passage vers une gestion patrimoniale, cette posture vient parfois bousculer les habitudes des pêcheurs et plus largement leurs représentations de la nature."

Outre d'intéressantes considérations sur l'évolution de l'organisation et de la pratique de la pêche mise en parallèle avec l'évolution des lois de gestion des milieux aquatiques depuis le XIXe siècle, les auteurs publient le résultat d'un sondage sur la continuité ayant eu 516 répondants (35 % habitent dans le département de la Manche et 70 % résident dans les régions Normandie ou Bretagne):


Ils observent : "la construction de l’opinion au sujet de l’arasement des barrages de la Sélune ne s’inscrit pas dans une logique binaire opposant les « pour » et les « contre » à l’image des résultats de l’enquête par questionnaire menée à une échelle plus large. En effet, 14,3 % des pêcheurs enquêtés disent avoir un «avis partagé» au sujet des opérations de restauration de la continuité écologique menées en France, 8 % se déclarent «plutôt défavorables» et 10,2 % «plutôt favorables». Près d’un pêcheur sur trois aurait ainsi une opinion nuancée".

L'article montre une division du monde de la pêche au gré des territoires et des pratiques, mais aussi des positions des acteurs par rapport aux instances de décision.

Thomas et Germaine observent ainsi : "Si la plupart des pêcheurs à la ligne sont sensibles aux enjeux environnementaux, tout particulièrement en ce qui concerne la qualité de l’eau, la transformation radicale des milieux halieutiques hérités liée à l’effacement d’ouvrages n’est pas toujours bien accueillie. L’abaissement de la hauteur d’eau peut par exemple être mal perçu parce qu’il bouleverse à la fois la distribution des poissons et les habitudes de pêche. En outre, la contestation parmi les pêcheurs semble d’autant plus forte quand le secteur de pêche concerné est accessible et fréquenté depuis longtemps."

Exemple donnée de l'avis du président de l’AAPPMA de la Futaie sur l'Ernée :
« Si là ça avait grogné quand ils avaient enlevé... il y avait des petits barrages qui permettaient toujours de donner... des petits barrages sur l’Ernée [...] qui devaient faire 70 ou 80 cm qu’ont été enlevés. Là je sais que ça grognait. Bon bah il y a plus d’eau pour pêcher. Il y en avait deux je crois. Deux sur l’Ernée. Moi j’en connais un. On voit encore le... il y a un fossé en béton, puis c’était une plaque avec deux vérins qui faisait une petite retenue. On pouvait pêcher de la carpe, des truites, des gardons... Maintenant, ils ont carrément enlevé le tablier. [...] moi je le fais pour la truite, c’est vrai qu’il y a plus épais d’eau. [...] Mais les gens qui veulent faire de la pêche en famille, ou les anciens qui marchent pas de trop, avec une canne, bah ils peuvent plus parce qu’il n’y a plus où pêcher. Et puis c’était le long des maisons, des jardins. Ces retenues elles servaient que les gens ils arrosent aussi leurs jardins avec ça. Il y avait plusieurs petits escaliers en parpaings. Je sais que même moi étant gamin j’y allais avec mon grand-père on pêchait les goujons, les vairons... C’est sûr que pour la truite c’est bien, mais après ça élimine toutes les autres espèces. » (24 juillet 2017.)
Autre exemple d'un bénévole de La Gaule Fougeraise sur le Couesnon :
"[...] sur le Couesnon. Ils ont coupé le barrage à Vendel [...] Et il y avait des belles frayères à tanches et tout ça qu’il y avait aussi au moulin de Bleau. C’est pareil là il y avait la vieille rivière qui était là. Sur les barrages de « dans le temps », il y avait une vanne. Ça a toujours existé. Et là, le bief, il allait au moulin. Donc là, il y avait des nénuphars, mais c’était plein de tanches. La tanche elle était dans le Couesnon parce qu’il y en avait beaucoup dans le temps. Il y en a de moins en moins. Elle est en voie de disparition. Là qu’est-ce qu’ils ont fait, bah ils ont coupé le barrage et ça s’en va à l’autre bout. Mais moi je vais vous dire tout ça c’est mauvais. C’est tout ce qu’il y a de plus mauvais. Parce que moi je pêche le blanc dans le Couesnon. [...] Dans le temps il y avait des nénuphars partout. Fallait voir les gardons qu’on prenait, le blanc tout ça. » (Extrait d’entretien avec un bénévole de La Gaule Fougeraise, 12 août 2016.)"
En revanche, les observations de Thomas et Germaine permettent de comprendre que les fédérations de pêche, reconnues comme interlocuteurs directs des services de l'Etat et courroies de transmission obligées de divers arbitrages du ministre de l'écologie, jouent un rôle plus engagé dans la destruction des ouvrages.

On le voit en Normandie, où l'agence de l'eau abonde volontiers les opérations de casse d'ouvrages portées par les fédérations :
"si la majorité des dossiers d’effacement ou d’aménagement de seuils sont portés par des propriétaires privés, les fédérations départementales de pêche assurent aussi de plus en plus la maîtrise d’ouvrage de certains projets devenant un partenaire clef des agences de l’eau et de l’État dans la mise en œuvre des programmes de restauration. Pour cela, elles sont amenées à devenir propriétaires des sites concernés. Plusieurs projets récents portés par les fédérations de pêche normandes ont ainsi nécessité l’acquisition préalable du foncier. La fédération de pêche du Calvados a ainsi porté en 2016 l’effacement de trois seuils et la démolition de deux anciens sites industriels situés sur l’Orne (sites du Bateau et de la Fouillerie, moulin du Danet) après rachat des sites auprès de leurs propriétaires qui n’en avaient plus l’usage et qui étaient priés de se mettre aux normes. D’un coût total de 2,7 millions d’euros, l’opération a été prise en charge financièrement par l’Agence de l’eau Seine-Normandie (AESN). La fédération de pêche de la Manche a, de son côté, assuré la maîtrise d’ouvrage de plusieurs chantiers de restauration de la continuité écologique sur la Vire par délégation : elle a ainsi pris le relais de l’usine laitière Elvire pour l’arasement du seuil d’Aubigny en juillet 2015 pour un coût de 62000 € financé par l’AESN; elle a assuré la maîtrise d’ouvrage du démantèlement du barrage de l’usine de Candol pour l’entreprise Guérin en juillet 2017 avec un financement de 200 000 € de l’AESN. La fédération de la Manche a en revanche dû acheter la pisciculture de Valjoie sur le Beuvron, afluent de la Sélune, pour assurer en 2015 la suppression du seuil associé."
La rôle du lobby des pêcheurs, en particulier d'ONG et d'associations militantes à côté de certaines fédérations de pêche, est aussi décisif dans la pression pour détruire les barrages de la Sélune, mais avec une organisation assez élitiste de la communication, laissant peu de place aux acteurs locaux :
"En 2011, les promoteurs de l’arasement des barrages de la Sélune fondent le collectif «Les Amis de la Sélune» porté par la fondation Humus (Fonds pour la biodiversité). Ce collectif est composé pour l’essentiel d’acteurs extérieurs au bassin : aux cotés des associations généralistes de protection de l’environnement (France Nature Environnement ou WWF France), on y retrouve des militants halieutiques comme ANPER TOS et des organisations spécialisées dans la défense ou la pêche du saumon (Club des Saumoniers, Association internationale de défense du saumon atlantique, Federation of irish salmon and sea trout anglers, NASF, association bretonne pour la pêche à la mouche). Il s’agit à la fois de faire de la Sélune une des premières rivières à saumons de France et de «retrouver la rivière à saumons d’antan». L’écotourisme est mis en avant et le saumon doit tout particulièrement attirer pêcheurs et curieux pendant la saison de reproduction. La plupart des communiqués de presse sont rédigés par le directeur de l’Union Régionale des Fédérations de Bretagne-Basse Normandie-Pays de la Loire pour la Pêche et la Protection des Milieux Aquatiques et de nombreuses AAPPMA, voisines, mais extérieures au bassin, sont co-signataires de ces derniers."
Discussion
Olivier Thomas et Marie-Anne Germaine esquissent dans cette étude un portrait des différentes attitudes du monde de la pêche par rapport aux politiques publiques de la rivière, en particulier celle de continuité écologique ayant pris de l'importance au cours des 20 dernières années. Les pêcheurs présentent la particularité d'être objet et sujet de ces politiques, puisqu'ils ont été de plus en plus étroitement associés à "la protection des milieux aquatiques" et bénéficient d'une reconnaissance d'Etat que n'ont pas d'autres usagers. La trajectoire institutionnelle qui a mené du Conseil supérieur de la pêche (CSP 1948-2006) à l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema 2007-2017) puis à l'Agence française de la biodiversité (AFB depuis 2018) suggère aussi que le monde de la pêche a produit sa propre lecture des enjeux aquatiques et écologiques au sein d'établissements qui ont leur poids dans la construction des doctrines publiques. On peut penser au demeurant que des biais sont présents dans ces discours (exemple sur le poids des poissons dans la biodiversité, exemple sur le poids relatif de la continuité dans les différents problèmes écologiques discutés en littérature scientifique).

Il n'y a pas dans le travail de Thomas et Germaine d'analyse critique de la construction de ces politiques publiques, comme on la trouve par exemple dans les travaux de Simon Dufour (voir Dufour 2017, Dufour 2018). C'est dommage car l'enjeu des rivières passées, présentes et futures réside certainement dans le régime de justification normative de l'action publique, justification qui reflète elle-même l'état des usages socio-économiques et des rapports de force politiques, non la seule "vérité" d'un discours scientifique de "la nature" (voir Latour 1999).  Du même coup, c'est aussi et évidemment le rôle du "sachant" que les associations sont amenées à questionner : ce sachant a-t-il pleine liberté de ses sujets de recherche et de leurs financements? Est-il indemne de tout biais quand il va construire ses hypothèses, ses modèles, ses méthodes de collecte des données? L'hydrobiologiste Christian Lévêque avait émis d'intéressantes critiques sur le sujet dans le domaine de l'écologie (voir Lévêque 2013), mais les mêmes interrogations valent bien sûr pour la sociologie, la géographie et toutes les disciplines qui vont analyser la rivière ou ses acteurs... sans être vraiment indépendantes des bureaucraties publiques qui décident de politiques sur cette même rivière, et ces mêmes acteurs.

Quant au monde de la pêche, nous avions déjà émis quelques réflexions sur l'évolution de son rapport à l'écologie mais aussi sur le détournement d'attention de ses impacts par son activité comme lobby. En soi, l'activité de pêche de loisir n'a rien d'écologique au sens d'un respect des milieux et des espèces ; par ailleurs elle se trouve (comme la chasse) plutôt en porte à faux avec l'évolution des perceptions collectives sur la souffrance animale. Les pêcheurs peuvent endosser par opportunisme ou par conviction tel ou tel discours écologique dominant, mais si ces discours se prolongent dans la logique qui leur est propre, la disparition de la pêche deviendra aussi légitime que celle des ouvrages pour revenir à des rivières et des espèces pleinement laissées à elles-mêmes, formant un idéal normatif de "naturalité" que promeuvent des politiques publiques ayant des vues radicales de conservation de la nature. Ce sera aussi une question d'équité : des pêcheurs militants de salmonidés peuvent diaboliser certains usages sociaux ou économiques de la rivière, mais ils ne peuvent espérer en même temps s'exonérer des critiques, des plaintes ou des refus de leurs propres usages, ni plus ni moins légitimes que d'autres.

Référence : Thomas O, Germaine MA (2018), La restauration de la continuité écologique des cours d’eau et la pêche de loisir : héritages, changements et enjeux, Norois, 249, 43-60

18/04/2019

Prendra-t-on le risque de détruire le château de Chenonceau au nom des poissons migrateurs?

Les eaux du Cher sont basses et cela fragilise les fondations de l'aile nord du château de Chenonceau. Si la sécheresse explique le faible niveau d'eau, elle n'est pas seule en cause : la préfecture interdit de remonter le barrage à aiguilles de Civray-de-Touraine en hiver et au printemps au nom de la priorité donnée aux poissons migrateurs... cela alors qu'on a payé une passe à poissons d'un demi-million d'euros sur ce barrage. Un conseiller départemental a même dû se mettre dans l'illégalité l'hiver dernier, de peur de voir le château souffrir du manque d'eau. Jadis, c'était un moulin qui faisait office de régulateur et rehausse des eaux de Chenonceau. Ce qui se passe sur cette merveille du patrimoine français se passe partout en France sur des sites plus modestes, où les berges et bâtis anciens souffrent des apprentis sorciers de la continuité écologique et de la rivière renaturée. L'arasement et le dérasement d'ouvrages hydrauliques mettent en danger des équilibres multiséculaires de l'eau et des rives au nom de dogmes ayant davantage à voir avec l'intégrisme qu'avec l'écologie. Combien de temps encore les citoyens devront-ils subir ces nuisances? Qui va ordonner à une administration de l'eau totalement à la dérive de revenir au bon sens et de redéfinir les vraies priorités? 



C'est une incroyable histoire que raconte Olivier Collet sur le site Info-Tours. En cette mi-avril, les eaux du Cher sont basses. Dangereusement basses. Car sur le Cher se situe le château de Chenonceau, spendeur du Val de Loire, seul château qui y enjambe une rivière. Or, comme le relève le conseiller départemental du canton de Bléré Vincent Louault, "les fondations de Chenonceau nécessitent qu’il y ait de l’eau en permanence afin de ne pas abimer le bâtiment. Avec cette sécheresse exceptionnelle, on observe des rapides sous le château. Comme en Dordogne. La conséquence c’est un effet abrasif et que toute une partie des fondations sont hors d’eau."

Si la partie sud du Château repose sur de la roche, sa partie nord est bâtie sur pieux en bois dans un sol moins stable. Ce risque est bien connu : nombre de fondations anciennes ont été conçues pour être en eau en permanence. Et des variations de l'eau provoquent divers désagréments : rétraction d'argile, pourrissement de bois, affouillement et érosion sur les fondations. Avec à l'arrivée de possibles effondrements.

Malgré une passe à poissons à 530 000 €, il faut encore baisser le barrage: le dogme bureaucratique en action
Mais les variations des niveaux de l'eau sont chose courante depuis des siècles, avec des sécheresses parfois plus extrêmes dans le passé que celles que nous connaissons aujourd'hui. Où se situe le problème ?

Selon Vincent Louault, c'est l'évolution de la gestion du barrage à aiguilles de Civray-de-Touraine qui pose problème. Actuellement, il est interdit de remonter le barrage avant le dernier vendredi de mai en vertu d’un règlement préfectoral pour ne pas perturber la migration des poissons. Du coup, le niveau de l’eau obéit désormais aux caprices de la nature, et il peut être particulièrement bas si les hivers et printemps sont secs.

Aujourd'hui, le Conseil départemental d’Indre-et-Loire en appelle à l’Etat pour obtenir une dérogation. Le refus de rehausser le barrage est d’autant moins compréhensible qu'une passe à poissons d'un demi-million  d'euros y a été créée!

Vincent Louault fait un aveu au journaliste : "l’eau est déjà descendue si bas en décembre ce qui avait nécessité la remontée du barrage pendant deux mois à une période où il n’y a pas de remontée de poissons migrateurs. Je n’avais pas eu l’autorisation de l’Etat, c’était illégal et j’avais écopé d’un rappel à la loi. Chenonceau vit grâce à ces barrages à aiguilles. Et avant grâce à un moulin. Il y a toujours eu de l’eau sous le château. Si l’Etat me donne l’autorisation je peux remonter le barrage en 6h."

Au-delà de cette urgence, l’élu attend de l’Etat une doctrine pérenne qui permette la remontée du barrage dès que le Cher descend sous un certain niveau.

Pour l'instant, la préfecture parle d'un simple arrêté dérogatoire. Mais la question n'est pas là : les fondations se fragiliseront chaque année au gré des lenteurs administratives si l'on ne fait pas clairement de la protection du patrimoine hydraulique une priorité.

Partout en France, berges et bâtis sont menacés
Ce problème observable à Chenonceau se pose partout : les berges et les bâtis de nos rivières ont été conçus autour des ouvrages en place, qu'il s'agisse des anciens moulins omniprésents ou des barrages plus récents. Il en va de même pour le régime des crues et assecs, le niveau des nappes, l'inondation permanente des fondations.

En effaçant les ouvrages, en modifiant le lit des rivières, en asséchant des biefs et canaux, les amnésiques de la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de l'écologie comme les élus et les fonctionnaires (agences de l'eau, syndicats) qui exécutent leurs ordres prennent la responsabilité de dommages qui surviendront parfois plusieurs années à plusieurs décennies après le changement des niveaux d'eau. Les riverains et les propriétaires doivent refuser tout chantier d'arasement ou dérasement d'ouvrages qui ne soit pas assorti d'une analyse géotechnique, d'un état des lieux initial très précis mais surtout d'une reconnaissance explicite de  responsabilité civile et pénale. En cas de refus, nous vous conseillons de vous opposer au chantier, y compris en portant l'affaire en justice si le maître d'ouvrage public prétend ignorer vos demandes : car ce ne sont pas quelques élus syndicaux et fonctionnaires de passage qui relèveront vos biens s'ils s'écroulent dans 5, 10 ou 25 ans.

Au-delà des ces gênes et dommages potentiels sur les propriétés privées, c'est tout un patrimoine séculaire des rivières qui est aujourd'hui menacé par la volonté précipitée, dangereuse et souvent dogmatique de changer rapidement les écoulements au nom d'une continuité "écologique" devenue un dogme destructeur. Les parlementaires ont rappelé à de nombreuses reprises leur attachement au paysage et au patrimoine des vallées françaises, tout comme des centaines d'associations et des milliers d'élus locaux. Pourquoi les préfectures et leur tutelle du ministère de l'écologie continuent-elles d'agir au mépris de cette volonté démocratique? Que doivent faire les citoyens pour que cessent enfin ces nuisances?

Illustration : les galeries sur la rivière du château de Chenonceau, Ra-smit, Wikimedia Commons.

16/04/2019

L'Etat veut casser les barrages de la Sélune sans attendre l'avis de la justice saisie par plusieurs procédures

Quand Edouard Philippe a annoncé la fin du projet de Notre-Dame-des-Landes, il a dit aux Français qu'aucun projet de territoire divisant la population concernée n'était tenable. Mais la technocratie jacobine pratique volontiers le deux poids deux mesures, ce qui explique en bonne part la colère croissante que suscitent ses arbitrages autoritaires et aléatoires partout dans le pays. Ainsi, le même gouvernement soi-disant soucieux de l'unité des populations autour des projets territoriaux n'hésite pas à lancer aujourd'hui la destruction des barrages de la Sélune, contre l'avis de ses riverains et surtout sans attendre l'issue de plusieurs procédures de justice engagées depuis le début d'année. Nous appelons nos lecteurs à saisir urgemment leurs parlementaires de ce scandale d'Etat, en demandant des comptes à François de Rugy et Edouard Philippe sur cette gabegie de 50 millions € où l'on casse des outils de production bas-carbone en pleine transition énergétique et où l'on assèche des grands lacs à l'heure de l'adaptation au changement climatique. Ce chantier est le sacrifice de 20 000 riverains pour quelques adeptes de l'écologie punitive et de la pêche au saumon: c'est insupportable. La casse du patrimoine hydraulique français doit cesser.


Photos RZ-La Manche Libre, tous droits réservés.

En pleine transition énergétique, le gouvernement veut détruire les ouvrages de la Sélune en état de produire une électricité très bas carbone, au coût de 50 millions € d'argent public pris dans la poche du contribuable, au risque de faire revenir inondations et pollutions à l'aval et jusqu'à la baie du Mont Saint-Michel, cela pour un gain hypothétique de 1300 saumons: incompréhensible et inacceptable gabegie. Cette option a été refusée par les 20 000 riverains voyant disparaître des lacs et ouvrages appréciés. Et sous couvert d'écologie, elle a pour principaux promoteurs le lobby des pêcheurs de saumons, qui s'intéresse davantage à son loisir privé et aux poissons au bout de sa ligne qu'à toute autre considération. On prétend que c'est une opération exceptionnelle pour les saumons alors même que des opérations similaires aux Etats-Unis concernent des centaines de milliers de migrateurs, et surtout que le saumon est dores et déjà capable de coloniser de nombreux fleuves côtiers en France. S'acharner à détruire les barrages de la Sélune relève de l'affichage et du symbole : le symbole misérable de la casse du patrimoine hydraulique français au nom d'une "continuité écologique" devenue un dogme.

Enfermé dans les bureaux du ministère où, comme son prédécesseur Nicolas Hulot, il ne reçoit que des factions choisies pour conforter ses vues, prétendant mensongèrement à l'opinion publique et à la représentation nationale que la France fait tout pour tenir ses objectifs bas carbone, François de Rugy refuse une réunion de concertation rassemblant les acteurs de la vallée. L'Etat encourage depuis quelques semaines le maître d'oeuvre à démanteler les installations électriques essentielles du site de la Sélune, cela alors même que la justice a été saisie par plusieurs procédures lancées par des riverains, des élus, des associations.

Face à ses pratiques inqualifiables, l'Association des amis des barrages a refusé un simulacre de concertation proposé par Sophie-Dorothée Duron, conseillère auprès du ministre, et de nouveau demandé à l'Etat d'attendre l'avis de la justice avant toute action irréversible. Comme il se doit dans une démocratie respectant l'équilibre des pouvoirs et les demandes de la société.

L'ADB s'en explique dans une lettre que nous reproduisons ci-dessous.

Nous appelons nos lecteurs à saisir urgemment leurs députés et sénateurs de ce scandale en leur demandant d'interpeller le gouvernement, qui affirme "entendre" les citoyens dans le cadre du Grand Débat, qui prétend travailler à une continuité écologique "apaisée" mais qui poursuit en réalité sur la Sélune comme ailleurs ses pratiques autoritaires et décriées d'écologie punitive.

Quant aux riverains des lacs et barrages de la Sélune, dont certains ont commencé par désespoir à s'enchaîner sur les grilles du chantier, ils sont fondés à utiliser tout moyen pacifique de protestation démocratique pour exiger de l'administration qu'elle stoppe le chantier et attende les jugements.

Si les bureaucraties d'Etat n'ont pas la décence de respecter le temps de la justice, c'est sur le terrain de chaque destruction contestée qu'il faut désormais s'engager.

Courrier de l'ADB :

En 2015, madame Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Energie, avait pris une décision de nature à satisfaire la grande majorité des acteurs du dossiers des barrages de la Sélune. L’arrêté préfectoral du 3 mars 2016 prévoyait la vidange nécessaire de la seule retenue de Vezins, en excluant la destruction du barrage. Les expertises menées sur l’ensemble des installations une fois l’assec réalisé devaient conduire à une décision finale basée sur leurs résultats, et non sur les considérations purement idéologiques et politiciennes habituellement retenues.

En 2017, Monsieur Nicolas Hulot, éphémère ministre de la Transition écologique et solidaire a annoncé, unilatéralement, sans concertation et contre toute attente, la démolition immédiate des ouvrages de Vezins et La Roche-Qui-Boit. Annonce faite par simple
communiqué de presse, n’ayant donc pas valeur de décision ministérielle.

Dès la nomination de Monsieur François de Rugy, actuel ministre d’État de la Transition écologique et solidaire, notre association s’est manifestée pour solliciter une entrevue susceptible de nous permettre de faire valoir nos arguments selon lesquels la raison voudrait que le processus initié par Madame Royal soit mené à son terme, comme prévu, quelle que soit la décision finale qu’il en résulterait. Cette demande était aussi celle de la majorité des élus locaux et de l’ensemble de la population concernée. Une lettre a aussi été transmise en mains propres à Monsieur de Rugy par notre député, sans plus de succès. Depuis 2009, il est le seul des ministres concernés à ignorer nos sollicitations. La proposition qui nous est faite est la réponse aux nombreux courriers que nous avons adressés à Monsieur le Président de la République. Son chef de cabinet nous faisait savoir à chaque fois qu’il transmettait à Monsieur de Rugy.

Le 29 octobre 2018, le Préfet de la Manche a pris un arrêté « complémentaire » portant sur la démolition des deux ouvrages et notre association a déposé plusieurs recours devant le Tribunal administratif pour le contester. Sans pouvoir empêcher sa mise à exécution dès ce 1er avril, malgré l’indignation des élus et de la population locale.

Par ailleurs, Monsieur de Rugy a clairement fait connaître son opposition à la production d’hydroélectricité, alors que le Président de la République répète à l’envi qu’elle est l’énergie renouvelable la moins chère à produire et qu’il souhaite en favoriser le développement. Ce qui laisse difficilement espérer un choix consensuel, et encore moins un retour sur une décision en parfaite incohérence avec les objectifs affichés de ce gouvernement et des précédents.

Notre conseil d’administration a donc considéré qu’un entretien avec la Conseillère en charge de la biodiversité, de l’eau et de la mer auprès du Ministre d’État de la Transition Écologique et Solidaire, n’aurait d’autre conséquence que de laisser entendre que notre association cautionnerait la décision de démolir les barrages et de « renaturer » la vallée de la Sélune. Et ce, sans attendre de savoir comment et par quoi les fonctions actuelles des barrages et des lacs allaient être remplacées.

Ce n’est bien évidemment pas le cas.

Le tribunal administratif de Caen examinera le dossier sur le fond dès ce mois de Juin. Il nous paraîtrait raisonnable qu’aucun acte irréversible ne soit commis avant que la justice n’ait enfin tranché sur cette affaire qui n’est jamais venue devant un tribunal, malgré toutes les discussions et les controverses dont elle fait l’objet depuis de nombreuses années. Une telle décision d’État apaiserait les esprits tout en faisant l’objet d’un large consensus.

Nous l’appelons donc de nos voeux.

12/04/2019

Victoire du moulin du Boeuf contre le ministère de l'écologie au conseil d'Etat! L'hydro-électricité des moulins reconnue comme d'intérêt général

Après huit années de lutte dont près de 6 ans de combat judiciaire, le conseil d'Etat vient de reconnaître le droit du moulin du Boeuf d'exploiter l'énergie de la Seine à Bellenod. Le pot de terre l'a emporté sur le pot de fer : c'est une immense victoire pour Gilles et Marie-Anne, pour les associations Arpohc et Hydrauxois qui sont à leurs côtés depuis le début, pour les centaines de sympathisants qui ont aidé à financer le contentieux jusqu'au conseil d'Etat. Cette décision de la plus haute instance du droit administratif est aussi très intéressante au plan juridique puisqu'elle dit explicitement aux administrations du ministère de l'écologie que l'équipement des moulins entre dans la gestion durable et équilibrée de l'eau telle que la définit la loi, cela sans réserve sur la puissance modeste de chaque moulin. Le combat du moulin du Boeuf envoie un signal puissant à tous les moulins de France: battez-vous sur chaque site contre les administrations qui essaient de vous détruire ou de vous empêcher de produire une énergie locale, propre et appréciée!


Gilles Bouqueton (au centre) avec Christian Jacquemin et François Blanchot (Arpohc), devant la banderole qui orne depuis 6 ans le moulin du Boeuf.  La lutte a payé! Photo : le Bien Public.

En 2013, dans l'un des premiers articles de ce site, nous avions exprimé notre incompréhension lorsque la préfecture de Côte d'Or avait décidé de casser le droit d'eau du moulin du Boeuf (Bellenod-sur-Seine) et d'empêcher ses propriétaires, Gilles Bouqueton et Marie-Anne Portier, d'installer une roue pour exploiter l'énergie de la rivière. Le moulin est hors réseau EDF, et ses propriétaires l'avaient acquis dans une perspective écologique d'autoconsommation énergétique avec des ressources locales. Des réunions de concertation avec les représentants de la DDT et de l'Onema (aujourd'hui AFB) n'avaient rien donné.

En pleine période de classement des rivières (la Seine amont est liste 1 et liste 2 de continuité dite "écologique"), alors que la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère instruisait ses agents de la nécessité de détruire le maximum de moulins et d'étangs, le site du Boeuf devenait le symbole des premiers dérapages de la continuité écologique dans un sens excessivement tracassier, voire punitif et répressif. Mais Gilles Bouqueton et Marie-Anne Portier n'entendaient pas s'en laisser compter, et ont confié à Me Remy le soin de défendre leur cas devant les tribunaux et cours.

Près de six ans plus tard, dans sa lecture du 11 avril 2019 (arrête n°414211), le conseil d'Etat a donné raison aux propriétaires contre le ministère de l'écologie : il casse l'arrêt du 4 juillet 2017 de la cour administrative d’appel de Lyon, qui avait validé l'annulation du droit d'eau.

Cet arrêt du conseil d'Etat comporte des éléments d'intérêt pour le monde des moulins.

Dans son deuxième attendu, les conseillers citent l’article L. 211-1 du code de l’environnement en précisant :
"Il résulte de ces dispositions que la valorisation de l’eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d’électricité d’origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource constitue l’un des objectifs de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau dont les autorités administratives chargées de la police de l’eau doivent assurer le respect. Il appartient ainsi à l’autorité administrative compétente, lorsqu’elle autorise au titre de cette police de l’eau des installations ou ouvrages de production d’énergie hydraulique, de concilier ces différents objectifs dont la préservation du patrimoine hydraulique et en particulier des moulins aménagés pour l’utilisation de la force hydraulique des cours d’eau, compte tenu du potentiel de production électrique propre à chaque installation ou ouvrage."
C'est une position très intéressante car cette jurisprudence sera opposable à tous les services administratif prétendant que la continuité dite écologique, également présente dans cet article L 211-1 code de l'environnement, aurait en quelque sorte une primauté sur le reste des éléments formant la "gestion équilibrée et durable de l'eau", donc concourant à l'intérêt général. Il n'en est rien. C'était l'appréciation que notre association et ses avocats faisaient de cet article : elle se trouve confirmée.

Précisant sa doctrine, le conseil d'Etat retoque également les appréciations de la cour d'appel qui avait allégué de la faible puissance du moulin pour justifier son absence supposée d'intérêt :
la cour a estimé qu’eu égard à la puissance du moulin du Bœuf, évaluée à 49,2 kilowatts, la perte du potentiel théorique mobilisable de ce moulin était minime à l’échelle du bassin de la Seine. En se prononçant ainsi alors que, en tout état de cause, aucune disposition n’imposerait d’apprécier le potentiel de production électrique d’une installation à l’échelle du bassin du cours d’eau concerné, et alors, que, au demeurant, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la puissance potentielle du moulin du Bœuf correspond à la production électrique moyenne d’un moulin, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit.
Donc non seulement l'hydro-électricité doit être considérée comme faisant partie de la gestion durable et équilibrée de l'eau, mais la contribution des moulins s'y apprécie en fonction de la puissance normale moyenne de ce type d'ouvrage (variant le plus souvent de 5 à 500 kW, ici 49,2 kW). On ne peut juger du potentiel des moulins en faisant référence "à l’échelle du bassin du cours d’eau concerné", mais on doit apprécier chaque potentiel particulier.

Cette précision du conseil d'Etat tombe à point nommé : le ministre de l'écologie prétend devant les parlementaires que la petite hydro-électricité serait sans intérêt pour la transition énergétique, a contrario de ce qu'avait dit le président Macron mais aussi des conclusions de la commission nationale du débat public sur la programmation énergétique et des attentes de la directive européenne 2018 sur les énergies renouvelables. La décision des conseillers d'Etat est assez logique dans ce contexte général du droit français et européen, et donc contraire aux propos de François de Rugy et des lobbies minoritaires qu'il défend sur ce cas d'espèce (pour des raisons parfois éloignées de l'écologie...)

Dernier point plus classique : les conseillers d'Etat rappellent qu'une absence d'entretien d'un site n'est pas synonyme de perte de son droit d'eau :
"il ressort des appréciations souveraines de la cour non arguées de dénaturation que si les dégradations ayant par le passé affecté le barrage et les vannes ont eu pour conséquence une modification ponctuelle du lit naturel du cours d’eau, des travaux ont été réalisés par les propriétaires du moulin afin de retirer les végétaux, alluvions, pierres et débris entravant le barrage et de nettoyer les chambres d’eau et la chute du moulin des pierres et débris qui les encombraient, permettant à l’eau d’y circuler librement avec une hauteur de chute de quarante-cinq centimètres entre l’amont et l’aval du moulin, où une roue et une vanne récentes ont été installées. La cour, en jugeant que ces éléments caractérisaient un défaut d’entretien régulier des installations de ce moulin à la date de son arrêt, justifiant l’abrogation de l’autorisation d’exploitation du moulin distincte, ainsi qu’il a été dit, du droit d’usage de l’eau, a inexactement qualifié les faits de l’espèce."
Comme nous le précise Me Remy dans un commentaire de ce point, "l’état d’abandon ou l’absence d’entretien d’un ouvrage doivent s’apprécier, conformément aux règles de plein contentieux, à la date à laquelle le juge statue".

Référence : Conseil d'Etat 2019, arrêt n° 414211, Bouqueton et autres contre ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

10/04/2019

Contamination des petites rivières européennes par les produits pesticides et vétérinaires (Casado et al 2019)

Une analyse de 29 petites rivières européennes montre que toutes comportent des produits pesticides et vétérinaires, 13 d'entre elles dépassant les niveaux règlementaires de concentration. La France n'est pas épargnée par cette contamination, y compris des ruisseaux du bassin Loire Bretagne.



Carte des résultats (cliquer pour agrandir), Casado et al 2019, art cit.

Voici une traduction du résumé de la recherche menée par Jorge Casado, Kevin Brigden, David Santillo et Paul Johnston (Université d'Exeter, Royaume-Uni).

"Des échantillons d'eau provenant de 29 petites rivières situées dans 10 pays différents de l'Union européenne ont été examinés pour rechercher la présence d'un grand nombre de pesticides (275) et de médicaments vétérinaires (101). L'extraction en phase solide a été combinée à la chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse tandem à haute résolution Orbitrap pour quantifier les niveaux de pesticides dans les échantillons et détecter la présence de médicaments vétérinaires. Tous les cours d'eau et canaux européens inclus dans cette enquête étaient contaminés par des mélanges de pesticides et, dans la plupart des cas, par plusieurs médicaments vétérinaires au moment de l'échantillonnage, sans schéma national ou régional clair de variation. Au total, 103 pesticides différents, dont 24 interdits dans l'UE, et 21 médicaments vétérinaires ont été trouvés dans les échantillons analysés.

Les herbicides ont été le principal contributeur à la quantité totale de pesticides présents dans les échantillons, la terbuthylazine étant présente dans tous les échantillons. La concentration individuelle maximale enregistrée était de diméthénamide à 59,85 µgL-1. La concentration maximale combinée de pesticides a été trouvée dans un échantillon du canal de Wulfdambeek, en Belgique, avec 94,02 µgL− 1 composé d'un mélange de 70 pesticides différents. Les normes réglementaires européennes définissant les niveaux de concentration acceptables ont été dépassées pour au moins un pesticide dans 13 des 29 échantillons analysés, les néonicotinoïdes, l'imidaclopride et la clothianidine, dépassant le plus souvent ces limites.

La majorité des médicaments vétérinaires détectés étaient des antimicrobiens, la plupart des antibiotiques. La dicloxacilline, un antibiotique β-lactame, était présente dans les deux tiers des échantillons analysés.

L’application de cette approche de recherche cohérente à travers l’Europe a permis d’identifier une menace significative pour le milieu aquatique liée à la contamination par des pesticides, et dans certains cas des médicaments vétérinaires, au moment de l’échantillonnage dans les masses d’eau testées."

En France, trois cours d'eau ont été testés : le Gouessant à Lamballe (Bretagne), le ruisseau de la Madoire à Bressuire (Poitou-Charentes), le ruisseau du Vernic à Pleyben (Bretagne). On y trouve entre 1 et 5 produits vétérinaires, entre 10 et 30 pesticides.

Référence : Casado J et al (2019), Screening of pesticides and veterinary drugs in small streams in the European Union by liquid chromatography high resolution mass spectrometry, Science of the Total Environment, 670, 1204-1205