Dans une réponse à la députée Barbara Bessot Ballot, le ministère de l'écologie persiste dans ses erreurs en prétendant indument que les sites français de petite hydro-électricité seraient déjà largement équipés, que la destruction des ouvrages hydrauliques serait nécessaire à la qualité de l'eau, à la biodiversité ou à l'adaptation au changement climatique, que cette destruction serait inscrite dans les lois françaises ou européennes. C'est faux. Après 10 ans de débat, ce n'est plus une erreur involontaire, mais une manipulation consciente des parlementaires afin de défendre encore et toujours une idéologie jacobine indéfendable de destruction du patrimoine paysager, du potentiel énergétique et des écosystèmes humanisés. On nous a parlé de "continuité apaisée" : c'était une tromperie. La vérité est que ce gouvernement comme les précédents est en retard sur la lutte contre les pollutions chimiques, en retard sur les objectifs de transition énergétique, préférant distribuer quelques cadeaux à des clientèles et lobbies pour éviter d'adresser des problèmes prioritaires en écologie.
On pouvait croire qu'après la multitude des
interpellations parlementaires, des changements de loi, des
rapports administratifs critiques, le ministère de l'écologie avait compris que la suppression des ouvrages hydrauliques n'est pas une solution désirable pour les rivières, encore moins pour la prévention du réchauffement climatique et l'atténuation de ses effets. On pouvait surtout espérer un minimum de lucidité : casser encore des moulins et étangs en 2019 est une aberration profonde à l'heure où tous les voyants de l'écologie sont au rouge et où l'argent public manque partout pour répondre à ces défis.
Car enfin, les rapports les plus alarmants s'accumulent sur les pesticides, sur les plastiques, sur les micro-polluants, sur l'évolution du climat, sur la difficulté à baisser les émissions carbone, sur la disparition de la biodiversité ordinaire, et que trouvent comme idée géniale nos élus et fonctionnaires en charge de l'environnement : détruire des ouvrages souvent présents depuis l'Ancien Régime !
Cette imposture, nous ne la supportons plus. Elle perdure hélas sous ce nouveau gouvernement.
Un échange entre le ministre de l'écologie et la députée Barbara Bessot Ballot (voir en fin d'article le contenu complet) révèle ainsi que l'idéologie de destruction des ouvrages n'a pas changé, et que les arguments en sa faveur sont toujours aussi inexacts ou flous.
INFOX n°1 du ministère : "Le potentiel [hydro-électrique] restant est limité par le taux d'équipement important déjà existant": cette phrase est totalement inexacte, c'est la répétition de ce que disent des lobbies comme FNE et FNPF, mais sans aucune base factuelle. L'immense majorité des moulins et forges en place (jusqu'à 95% selon les rivières) ne sont pas aujourd'hui équipés d'outils de production hydro-électrique. C'est aussi le cas de nombreux barrages servant à d'autres fins (eau potable, irrigation, régulation de crue, pisciculture, etc.). Les travaux de chercheurs européens ont montré que l'on peut équiper 25 000 moulins en France, soit 4 TWh de productible, équivalent consommation de 1 million de foyers (
voir Punys et al 2019). On ne peut pas faire confiance à un gouvernement et à une administration qui manipulent ainsi la réalité au nom d'une idéologie. D'autant que ce même ministère couvre sans le dire la destruction de barrages hydro-électriques bas-carbone déjà équipés et en état de produire, comme
sur la Sélune ou à
Pont-Audemer. A chaque fois pour faire cadeau à
une clientèle très bien identifiée : le lobby des pêcheurs de salmonidés. Mais on sait que le même gouvernement fait aussi des cadeaux aux chasseurs, grands protecteurs de la faune...
INFOX n°2 du ministère : "Ce développement doit rester compatible avec les objectifs de bon état des eaux et de reconquête de la biodiversité. L'atteinte de ces objectifs rend indispensable la restauration des fonctionnalités naturelles des cours d'eau permettant de retrouver des milieux aquatiques résilients au changement climatique, qui passe par la restauration de la continuité écologique et la suppression de certains seuils en lit mineur en vue de restaurer des habitats courants et diversifiés." : le ministère de l'écologie continue dans le dogme. Jamais une loi française ou européenne n'a indiqué la suppression des ouvrages en rivière comme mesure d'intérêt général (voir
la loi française, voir
les dispositions européennes), c'est la gestion, l'équipement et l'entretien des ouvrages qui sont demandés dans les cas où ils portent atteinte aux migrations de certains poissons menacés, déficitaires, ayant une chance de se reproduire en tête de bassin. Le rôle soi-disant positif de la destruction des ouvrages dans le cadre du changement climatique est fantaisiste : outre que la transition bas carbone est la première urgence pour stopper le réchauffement, en cas de suppression des ouvrages on fait au contraire disparaître des outils de régulation de l'eau crue-étiage, on diminue la surface aquatique disponible pour le vivant, on altère le stockage par échange avec les nappes, on assèche les zones humides annexes, on produit par endroit des rivières qui sont en assecs ou en filet d'au d'eau polluée tout l'été (voir
cet exemple d'une rivière "renaturée"). En ces domaines, la recherche scientifique parle de plus en plus en souvent des nouveaux écosystèmes anthropisés (dont ceux créés par les ouvrages, voir
Backstrom et al 2018,
Clifford et Hefferman 2018,
Kuczynski et al 2018) comme des services rendus par ces écosystèmes aménagés (voir
Bolpagni et al 2019), notamment en situation de changement climatique (voir
Beatty et al 2017). En fait, l'actuelle destruction systématique d'ouvrages en France correspond soit à des demandes halieutiques anciennes des années
1860 ou
1980 (surtout des pêcheurs "élitistes" de salmonidés) soit à des visées d'écologie de conservation comme retour à un état ancien de référence, approches qui datent du milieu du XXe siècle mais sont de plus en plus débattues en écologie (voir
Bouleau et Pont 2014, 2015,
Alexandre et al 2017,
Dufour et al 2017,
Dufour 2018 et les références citées plus haut sur les nouveaux écosystèmes).
Cette réaction du ministère de l'écologie date du 23 avril 2019. Elle est donc récente et reflète la doctrine de l'administration qui prétend en parallèle mener des concertations pour une "
continuité apaisée" dans le cadre du Comité national de l'eau.
Au niveau national, nous demandons aux fédérations de moulins et de riverains, aux syndicats d'hydro-électricité et d'étangs de prendre leur responsabilité : si la doctrine ministérielle ne change pas, rien ne sert de donner des gages à une pseudo-concertation en forme de répétition des mêmes dogmes, laissant croire indument aux élus que l'administration concerte avec les acteurs alors qu'elle assène ses ordres.
Un des acteurs avait été clair là-dessus, tous doivent l'être désormais.
Au niveau local, nous appelons pour notre part toutes les associations et les collectifs riverains à engager
la doctrine de tolérance zéro face aux casseurs : attaquer en justice tout document de planification (SAGE, SDAGE, SRADDET, programmes agences de l'eau etc.) qui comporterait l'encouragement non légal à la suppression d'ouvrage ; attaquer en justice tout projet de destruction ne respectant pas les droits établis et l'ensemble des conditions d'une gestion équilibrée et durable de l'eau ; refuser l'accès des berges privées à
tous les usagers qui soutiennent la casse des ouvrages et qui méprisent les autres riverains.
Aujourd'hui par exemple, 35 associations demandent en justice
l'annulation des programmes d'intervention des agences de l'eau Seine-Normandie et Loire-Bretagne, et il en ira désormais de même pour tous les textes administratifs programme la suppression d'ouvrage, comme pour tout abus de pouvoir de fonctionnaires incitant à détruire. Les associations (ou particuliers) qui ne sont pas encore engagées dans ces démarches contentieuses doivent les systématiser.
Le respect des ouvrages hydrauliques, de leurs usages et de leurs milieux est le principe directeur de toute politique publique qui engage une gestion équilibrée et durable de l'eau : désormais, il n'y a rien à discuter davantage tant que ce point de départ n'est pas acté.
Texte de la question - Députée Barbara Bessot Ballot
Mme Barbara Bessot Ballot interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, au sujet du soutien au développement de la filière de l'hydroélectricité en France. L'hydroélectricité est de loin la première filière renouvelable productrice d'électricité en France et dans le monde. Riche d'un patrimoine et d'une filière industrielle hydroélectriques importants, la remise en route de concessions en France avec l'objectif d'une électricité plus propre et plus compétitive est une bonne nouvelle. En revanche, à la suite de divers échanges notamment avec un exploitant local sur le territoire, il existe encore de nombreux freins qui fragilisent à ce jour les installations existantes et empêchent, ou ralentissent, le développement de nouvelles installations, notamment en matières réglementaires et environnementales. Tout d'abord, au niveau de la continuité écologique. Les mises en conformité des ouvrages hydroélectriques engendrent des coûts abyssaux pour les exploitants. En effet, l'article L. 214-17 du code de l'environnement impose que les ouvrages situés sur des cours d'eau en liste 2 soient équipés (continuité piscicole et sédimentaire) et ce, dans un délai de cinq ans à compter de la publication des arrêtés de classement des cours d'eau dans les bassins hydrographiques. Aussi, le coût des équipements environnementaux (tels que les passes à poissons) est disproportionné par rapport aux supposés gains écologiques. Il existe par ailleurs une certaine instabilité, complexité et lourdeur administrative, dans la mesure où de nouveaux équipements ou des changements relatifs aux équipements existants peuvent être imposés à des ouvrages. Aussi, le code de l'environnement impose une conciliation des différents usages de l'eau : pourtant, ce principe ne paraît pas être réellement respecté en pratique. La filière hydroélectrique fait l'objet d'une politique « à charge » : arasement d'ouvrages, contentieux administratifs lors de renouvellement d'autorisations, procédures administratives trop longues pour les nouveaux projets, et les procédures administratives sont jugées beaucoup trop lourdes et nécessitent un temps excessif pour les différents acteurs. Enfin, la fiscalité locale pèse énormément sur les installations hydroélectriques (l'imposition foncière des installations hydroélectriques ayant considérablement augmenté). À l'heure de la volonté du Gouvernement d'accélérer la transition énergétique et écologique, le développement de l'hydroélectricité en France apporte sans aucun doute une réponse majeure aux problématiques environnementales, notamment sur la continuité des cours d'eau et la préservation de la biodiversité. Son développement répond également aux problématiques de développement de filières industrielles françaises d'excellence, puisqu'elle représente un vecteur majeur de développement économique sur tous les territoires, et notamment en milieu rural. Filière au potentiel majeur, celle-ci est aujourd'hui en difficulté : face à l'inflation des normes environnementales, face au poids de la fiscalité locale et face à la complexité administrative, elle l'interroge sur les mesures prévues le Gouvernement, notamment en matière de réglementation, afin de lever les incertitudes existantes et favoriser le dynamisme et l'optimisation du développement de la filière sur tous les territoires.
Texte de la réponse Ministère de la Transition écologique et solidaire
L'hydroélectricité est la première source de production d'électricité renouvelable, et est importante à la fois pour le système électrique national et le développement économique local. Le maintien et le développement de cette ressource, dans le respect des enjeux environnementaux, est indispensable pour atteindre les objectifs énergétiques et climatiques ambitieux que notre pays s'est fixé. La production hydroélectrique peut connaître d'une année sur l'autre des variations importantes en raison de l'hydraulicité, mais la puissance installée en France métropolitaine continue de progresser : elle est actuellement à près de 25,5GW. Le potentiel restant est limité par le taux d'équipement important déjà existant et par les enjeux de protection de l'environnement, mais il existe encore une marge de progression et d'optimisation du parc. Dans ce cadre, le Gouvernement soutient donc la réalisation de nouveaux investissements de développement de l'hydroélectricité, Ce développement doit rester compatible avec les objectifs de bon état des eaux et de reconquête de la biodiversité. L'atteinte de ces objectifs rend indispensable la restauration des fonctionnalités naturelles des cours d'eau permettant de retrouver des milieux aquatiques résilients au changement climatique, qui passe par la restauration de la continuité écologique et la suppression de certains seuils en lit mineur en vue de restaurer des habitats courants et diversifiés. La Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) publiée en 2016 a ainsi fixé un objectif d'augmentation de 500 à 750 MW de la puissance installée à l'horizon 2023. La révision de la PPE pour les périodes 2018-2023 et 2024-2028 permettra prochainement d'actualiser et de prolonger ces objectifs. La petite hydroélectricité fait par ailleurs déjà l'objet, au même titre que les autres filières renouvelables, d'un soutien au développement via l'arrêté du 13 décembre 2016 fixant les conditions d'achat et du complément de rémunération pour l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie hydraulique des lacs, des cours d'eau et des eaux captées gravitairement, ainsi que via des appels d'offres périodiques lancés par le ministère de la transition écologique et solidaire. Enfin, en ce qui concerne les plus grandes installations exploitées sous le régime de la concession, le renouvellement des concessions arrivées à échéance permettra de déclencher des investissements de modernisation et d'extension des aménagements existants.