17/09/2018

Une agence française pour ou contre la biodiversité ? Quand l'AFB se plaint qu'il y a trop d'espèces autour des moulins et étangs...

Dans un texte écrit en réponse au mouvement de protection des ouvrages hydrauliques en rivière et de leurs milieux, dont notre association, l'Agence française pour la biodiversité affirme que la recherche et la préservation du maximum d'espèces vivantes sur un site n'est pas son objectif. Dommage, car c'est le nôtre et c'est surtout la première définition de la biodiversité. Cette agence révèle également sa vision douteuse sinon fallacieuse d'une référence à la nature sans l'homme comme devant guider nos politiques publiques. Une telle conviction reflète un parti-pris et un biais de sélection au sein des publications scientifiques en écologie. Elle ignore la démarche pluridisciplinaire dans l'évaluation de nos choix sur l'environnement. Notre association appelle la communauté des chercheurs à consolider de toute urgence le lien entre science, société et démocratie en revenant à des approches plus rigoureuses et plus ouvertes de l'écologie et de la biodiversité. C'est une condition critique pour la qualité de l'action publique, et pour la confiance des citoyens dans les justifications de cette action. Plus que jamais, nous attendons des données, pas des dogmes!


Dans le cadre des échanges sur la continuité écologique au sein du comité national de l'eau (octobre 2017 - juin 2018), le conseil scientifique de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) a publié un court document qui se veut une réponse aux arguments critiques sur cette réforme. L'association Hydrauxois est citée en note, mais nous observons que ce document ne répond en fait à aucune des "idées reçues" que nous avons pointées sur notre site, pas plus qu'il ne commente les 148 articles de recherche peer-reviewed ou thèses universitaires que nous avons recensés à date.

Le contenu de ce document de l'AFB est pauvre de références et il produit des énoncés sans aucune mesure quantifiée pour en établir la véracité, la réfutabilité, la portée relative. La première chose que devrait rappeler un conseil scientifique, c'est qu'il existe un nombre très faible d'études de terrain des petits ouvrages hydrauliques (contrairement aux grands barrages) dans la littérature scientifique nationale et internationale. C'est encore plus vrai sur la biodiversité autour de ces ouvrages — biodiversité qui ne se résume pas à des relevés de poissons par des techniciens de pêche, encore moins à des comptages de quelques espèces de poissons grands migrateurs. Cette pauvreté des données, base indispensable à toute démarche scientifique, devrait interdire d'émettre des jugements se prétendant définitifs et robustes, ce qui est pourtant le cas de cette note de l'AFB.

Nous ne relèverons pas toutes les omissions et inexactitudes de ce texte : la rubrique "idées reçues" y pourvoit déjà (en particulier les idées reçues #02 sur le poids relatif des impacts des seuils en rivière, #04 sur l'auto-épuration au droit des ouvrages et #08 sur les restaurations de rivière) ainsi que la rubrique "science".

Nous allons nous concentrer sur un argument central de l'AFB, car il résume finalement l'essentiel de nos divergences et révèle les partis-pris guidant la réflexion de l'Agence.

L'AFB écrit ainsi (en réponse à un argument exposé dans le premier paragraphe de cette citation) :

"La présence de seuils crée des habitats colonisés par certaines espèces, qui disparaitraient avec le seuil, ce gui provoquerait une perte de biodiversité. Comme précédemment, la première partie de la phrase est exacte, mais la conclusion est erronée.
La zone d'influence amont du seuil présente effectivement des conditions qui ne seraient pas naturellement présentes à ce niveau du cours d'eau. Si ces conditions peuvent être utilisées par certains individus des espèces autochtones, 1) elles provoquent un déséquilibre de la structure du peuplement local en faveur des taxons les plus tolérants vis-à-vis de la température, de la désoxygénation de l'eau et de l'homogénéisation des habitats, ce qui représente une altération de la biodiversité ; 2) on voit apparaître dans certains cas de nouvelles espèces, généralement introduites et qui se développent au détriment de celles naturellement présentes. Si, arithmétiquement, cela augmente la richesse spécifique des assemblages, ces espèces ne font pas partie du cortège attendu en conditions naturelles, voire sont parfois des espèces invasives. Les objectifs de préservation/restauration de la biodiversité d'un site d'eau courante doivent reposer sur le maintien/retour du peuplement qui colonise naturellement le bassin versant et non pas sur la recherche d'un nombre maximum d'espèces."

1. L'AFB parle de "conditions qui ne seraient pas naturellement présentes à ce niveau du cours d'eau". Ce point suggère que tout tronçon de rivière en France pourrait être conforme à une naturalité antérieure à l'homme, et que le seuil avec sa retenue serait une sorte d'anomalie artificielle isolée. Cela n'a aucun sens : les écocomplexes de notre pays sont modifiés par l'homme depuis des millénaires, les paysages où nous vivons n'ont rien de "naturel" au sens de "non humain", des espèces sont éteintes ou amenées par Homo sapiens depuis la colonisation paléolithique puis la diffusion néolithique de l'agriculture, tous les processus sédimentaires sont affectés par les usages des sols et des eaux, même à l'âge des sociétés pré-modernes. Les éléments que nous observons dans tous nos milieux sont donc des hybrides de processus spontanés et d'actions socio-techniques. Ce point est couramment discuté dans la littérature scientifique en écologie et en géographie, particulièrement pour l'histoire longue des dynamiques sédimentaires et biologiques des bassins versants, dont l'état actuel répond encore à des forçages anciens et de diverses natures (voir par exemple Astrade et al 2011Lespez et al 2015, Verstraeten et al 2017). L'AFB ignore délibérément l'important travail de recherche pluridisciplinaire mené à partir des années 1980-1990 sur les anthroposystèmes ou socio-écosystèmes (voir par exemple Lévêque et van der Leeuw 2003), ayant démontré la fusion déjà ancienne des trajectoires naturelles et sociales. Ces approches se poursuivent avec les discussions internationales actuelles sur la réalité et la valeur en biodiversité des "nouveaux écosystèmes" créés par l'homme (voir par exemple Backstrom et al 2018). La modification locale opérée par le seuil en rivière n'est donc qu'un aspect parmi d'autres de la modification générale du bassin versant et de ses propriétés physiques, chimiques, biologiques au cours de l'histoire humaine. Aucune donnée ne permet de prédire que les destins de l'homme et de la nature seraient dissociés à l'avenir, et la proposition de nombreux scientifiques de nommer "Anthropocène" notre époque acte en réalité le contraire : penser la nature, c'est penser les trajectoires du vivant et du non-vivant modifiées par l'action humaine.

2. L'AFB parle d'un "déséquilibre de la structure du peuplement local en faveur des taxons les plus tolérants vis-à-vis de la température, de la désoxygénation de l'eau et de l'homogénéisation des habitats". Cette présentation est biaisée pour plusieurs raisons.
  • D'abord, le vivant est en équilibre dynamique, il s'adapte en permanence aux conditions qui lui sont offertes. Il n'y a pas un "équilibre" versus un "déséquilibre", il y a simplement les lois de l'évolution par sélection, adaptation, spéciation, extinction (voir Alexandre et al 2017 pour une discussion sur le fixisme, Boivin et al 2016 sur la révolution récente de nos connaissances concernant l'influence humaine ancienne et diffuse sur les milieux). 
  • Ensuite, l'AFB décrit des habitats lentiques en interprétant de manière négative des caractéristiques physiques et chimiques propres à ces habitats. Mais en réalité, ce sont simplement des habitats différents de zones lotiques adjacentes par leur vitesse, substrat, hauteur, largeur, température : il n'y a rien de négatif en soi à cela. Comme le soulignaient récemment deux universitaires spécialistes des limnosystèmes, si des chutes d'arbre ou des éboulis créent une rupture de continuité sur une petite rivière et produisent une zone lentique, personne n'ira qualifier le nouvel habitat de dégradé ou problématique, alors même qu'il produit des effets comparables à un équivalent anthropique (Touchart et Bartout 2018). 
  • Par ailleurs, des travaux d'inventaires menés sur les plans d'eau anthropisés de type retenues, petits lacs, étangs ont montré qu'ils présentent une diversité biologique équivalente et parfois supérieure à des milieux aquatiques adjacents, y compris des espèces menacées et protégées (Davies et al 2008Chester et Obson 2013, Hill et al 2018, Bubíková et Hrivnák 2018). 
  • Enfin, l'AFB méconnaît les micro-habitats des ouvrages hydrauliques. Variables selon les sites, ils ne sont pas seulement formés de la retenue, mais aussi de ses marges humides, des canaux de diversion, de la chute, de l'influence sur la nappe d'accompagnement et la ripisylve, etc. Des chercheurs ont par exemple récemment souligné que les restaurations de continuité écologique méconnaissent toutes ces dimensions latérales et posent en conséquence des objectifs partiels ou de grilles d'évaluation incomplètes pour l'ensemble des effets sur le vivant (Dufour et al 2017, certaines recherches rassemblées dans Barraud et Germaine 2017  et le numéro spécial de la revue Water Alternatives). D'autres chercheurs invitent également à reconsidérer la valeur des ouvrages hydrauliques pour le vivant à l'aune des évolutions climatiques et de la possibilité d'un rôle refuge face à la pression croissante des aléas hydrologiques (Beatty et al 2017).




Exemple d'inventaire des habitats aquatiques et humides d'un moulin, mené par notre association. Affirmer que l'ouvrage hydraulique et ses dérivations nuisent à la diversité morphologique et biologique est une généralité inexacte. Seules des études au cas par cas permettent d'évaluer ce point sur la base de relevés de terrain, et non d'hypothèses de bureau. A condition que ces études soient menées sans préjugé consistant à dénoncer a priori comme "dégradés" des milieux anthropisés ou à ne s'intéresser qu'à des poissons d'eau courante à l'exclusion de toutes les autres espèces qui profitent des surfaces en eau et de leurs rives.

3. L'AFB parle de "nouvelles espèces, généralement introduites et qui se développent au détriment de celles naturellement présentes" et du "cortège attendu en conditions naturelles". Comme pour le point 1, la distinction entre espèces attendues (implicitement "bonnes") et espèces introduites (implicitement "mauvaises") est fallacieuse. Il a été montré par la recherche scientifique que de nombreuses espèces de poissons se sont naturalisées depuis 2000 ans en France (comme ailleurs) et que la diversité bêta a augmenté en conséquence, le déclin de certaines espèces spécialisées étant plus que compensé par l'installation de nouvelles espèces (voir Belliard et 2016, les livres de Lévêque et Mounolou 2008, Lévêque 2017 pour une revue des études en ce sens avec une place importante à l'hydrobiologie). Les piscicultures et déversements à finalité de pêche, les constructions de canaux franchissant les barrières de bassins versants, les introductions volontaires ou accidentelles ont d'ores et déjà modifié en profondeur les peuplements aquatiques. Ce point fait d'ailleurs l'objet de débats contemporains plus généraux en écologie de la conservation, avec une mise en lumière de l'importance de la biodiversité acquise  et de la difficulté croissante à opposer les endémiques aux exotiques dans l'appréciation de cette biodiversité (voir par exemple Vellend et al 2017, Schlaepfer 2018, Primack et al 2018 et le récent numéro spécial de la revue Biological Conservation). Il est épistémologiquement douteux et en tout cas discutable que l'on puisse encore aujourd'hui se représenter la nature, ses espèces ou ses habitats comme une "référence" pré-industrielle ou pré-agricole dont nous pourrions ou devrions retrouver les caractéristiques, cela en raison d'une part du caractère non-réversible de l'évolution et d'autre part des nombreux changements annoncés pour ce siècle, à commencer par les prévisions des sciences du climat (voir Bouleau et Pont 2015).

4. L'AFB prétend définir les "objectifs de préservation/restauration" et refuser "la recherche d'un nombre maximum d'espèces". D'où tire-t-elle au juste une légitimité à affirmer qu'un milieu présentant davantage d'espèces qu'un autre serait un milieu pauvre ou dégradé en biodiversité? C'est le contraire du sens premier de la biodiversité définie comme richesse spécifique et mesurée en diversité alpha (sur site), bêta (entre sites) ou gamma (dans une écorégion). Pour notre part, nous réfutons totalement cette vision et nous nous engageons au contraire à promouvoir les systèmes socio-naturels qui permettent au "maximum d'espèces" de vivre dans nos paysages en évolution, aujourd'hui comme demain. D'ores et déjà, des travaux de recherches en France ont montré que les canaux (Aspe et al 2014), les étangs (Wezel et al 2014) ou encore les épis hydrauliques (Thonel et al 2018) peuvent jouer des rôles favorables pour la biodiversité. Le rôle de l'AFB est de coordonner, solliciter inspirer des travaux d'analyse objective de cette biodiversité dans les systèmes naturels anthropisés, pas d'en nier ou d'en condamner l'existence pour des raisons idéologiques.

5. L'AFB ne saurait ignorer ni dissimuler la réalité de débats scientifiques aux décideurs politiques que cette agence est censée informer de manière fiable, ouverte et multidisciplinaire. Il apparaît en filigrane de ses prises de position haliocentrées que cette agence reste trop marquée par un héritage institutionnel et méthodologique ayant mené du Conseil supérieur de la pêche à l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques puis à l'AFB, avec un intérêt disproportionné pour quelques espèces de poissons rhéophiles et migratrices répondant souvent à certains enjeux sociaux et économiques, pêche de loisir au premier chef. Nous déplorons que le discours de la biodiversité aquatique soit aujourd'hui appauvri dans un "prêt-à-penser" qui ne reflète nullement la richesse et la complexité des débats de l'écologie contemporaine, mais aussi des sciences humaines et sociales. Nous appelons la communauté des chercheurs académiques à sortir de cet état de fait déplorable pour les liens entre science, société et démocratie, ainsi que pour la confiance que l'on peut porter dans les politiques environnementales que ces chercheurs informent. L'écologie comme science et comme action publique a besoin de données d'observation, de modèles d'interprétation et de suivis d'intervention, pas de généralités présentées comme des vérités gravées dans le marbre ni de visions de la conservation biologique aveugles à leurs propres partis-pris idéologiques.

Référence citée : AFB (2018), Eléments de réponse à certains arguments contradictoires sur le bien-fondé du maintien et de la restauration de la continuité écologique dans les cours d'eau, note du Conseil scientifique, 5 p.

Illustration (haut) : le plan d'eau de Garchy (Nièvre), créé par un petit ouvrage alimentant un lavoir depuis plus d'un siècle, aujourd'hui menacé de disparition au nom du dogme de la continuité écologique. Aucun inventaire de biodiversité du site n'a été commandé par l'administration en charge de l'eau, qui agit de manière systématique, sans intérêt réel pour le vivant, davantage pour se débarrasser d'ouvrages à surveiller et réglementer que pour se préoccuper de l'état réel de la nature sur chaque site. La destruction des singularités hydrauliques que représentent les petits ouvrages rappelle l'erreur majeure de la suppression des haies voici 50 ans.

A lire en complément notre dossier complet:
Rapport sur la biodiversité et les fonctionnalités écologiques des ouvrages hydrauliques et de leurs annexes

A visionner :
Des scientifiques s'expriment sur la continuité écologique 

A lire pour comprendre la trajectoire AFB-Onema et ses biais:
L'Onema à travers ses mots: comment l'Office a surexprimé les enjeux poisson et continuité dans sa communication 
Contenus Onema 2007-2017 : pas davantage proportionnés aux publications scientifiques

14/09/2018

Programmation énergétique : les citoyens appellent le gouvernement à faire le choix de l'hydro-électricité

Les conclusions du débat public sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie viennent d'être présentées par la commission en charge de son organisation. Les citoyens consultés pour la première fois et les représentants de la commission appellent le gouvernement à favoriser le développement de l'hydro-électricité en France. Notre association s'en félicite. A condition que le gouvernement entende la parole des citoyens et ne persiste pas dans le déni de démocratie, où l'on consulte les gens sans donner suite à leurs avis, ce qui nourrit une perte de légitimité de l'action politique. Nous demandons en conséquence aux pouvoirs publics de cesser immédiatement la politique absurde et décriée d'effacement des seuils et barrages en rivières, et de favoriser au contraire leur équipement hydro-électrique. Ré-utiliser et moderniser en priorité le génie civil en place plutôt que construire de nouveaux barrages sur des rivières qui en sont intactes est dans l'esprit de la transition énergétique, de la protection de la biodiversité comme de l'économie locale et circulaire, à faible impact carbone et matière première.



Jacques Archimbaud, président de la commission particulière du débat public (CPDP), a présenté le rapport du débat public sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui s’est déroulé du 19 mars au 30 juin 2018. Ce débat a pris la forme de 86 rencontres publiques auxquelles ont assisté 8 000 personnes, d’un débat en ligne (47 572 visiteurs uniques, 666 questions et 571 avis), de 11 150 questionnaires renseignés, de 193 cahiers d’acteurs et d‘un G400 lors duquel 400 citoyens tirés au sort étaient invités à débattre sur les grands enjeux de la PPE.

Parmi les enseignements de ce débat tirés par la commission, et sa demande conséquente au gouvernement, nous retenons :
- Tenir compte des souhaits formulés dans le débat public quant à une place plus importante pour l’hydroélectricité, le biogaz, le solaire thermique, la géothermie et un renforcement du fonds chaleur.
Dans leur majorité, les citoyens sont attachés au développement de l'énergie hydraulique, qui a l'avantage d'être très bas carbone, discrète et peu invasive dans les paysages, moins chère que le solaire racheté aux particuliers ou en petites surfaces, présente partout sur le territoire, complémentaire des énergies intermittentes.

En conséquence, notre association appelle le gouvernement et les collectivités territoriales à trois mesures urgentes :
  • cesser toute destruction d'ouvrage hydraulique (moulin, forge, barrage) en rivière, car ils représentent un potentiel énergétique déjà installé, sur des sites qui ont souvent déjà produit de l'énergie dans le passé, et peuvent en produire à nouveau demain ;
  • encourager l'équipement de ces ouvrages en autoconsommation ou en injection réseau, ce qui passe d'abord par une simplification et une accélération de l'instruction administrative, aujourd'hui rédhibitoire par ses demandes disprorportionnées et ses délais très longs ;
  • financer des passes à poissons et rivières de contournement au droit des ouvrages hydrauliques, là elles sont nécessaires, ce qui permet de concilier la restauration des fonctionnalités écologiques avec le développement de l'énergie hydro-électrique
Nous appelons également nos consoeurs associatives à rapporter ces résultats de l'enquête publique PPE à leurs élus locaux.

La destruction des ouvrages hydrauliques au nom de la continuité écologique est une erreur grave de nos politiques publiques, pour l'énergie et pour bien d'autres atouts des ouvrages. La priorité doit être donnée à l'équipement des canaux, digues, chaussées et barrages déjà en place sur les cours d'eau, qui demandent moins de génie civil, moins de coûts d'investissement, moins d'émission carbone que la construction de nouveaux ouvrages. Inversement, il est utile de préserver certaines rivières aujourd'hui intactes de grands barrages hydro-électriques (coeur de parcs nationaux, zones spéciales de conservation), en évitant de créer des pressions sur des cours d'eau relativement préservés.

L'aménagement des sites déjà en place, la construction de sites ichtyocompatibles sur des rivières à faibles enjeux écologiques et la protection de cours d'eau à forts enjeux écologiques doivent devenir les priorités de nos politiques nationales et régionales en matière d'hydro-électricité et biodiversité. 

Illustration : installation de deux turbines dans le moulin de la Motte-Josserand (Nièvre, rivière Nohain), puissance de 35 kW, équivalent consommation de 30 familles hors chauffage. La restauration des moulins anciens apporte une énergie locale, propre, bas carbone, intégrée dans le paysage. Les pouvoirs publics doivent l'encourager, déjà en préservant les seuils et barrages qui permettent de créer le potentiel énergétique au lieu de faire pression pour les détruire.

A lire en complément:
Les moulins à eau et la transition énergétique: faits et chiffres
Sur le taux d'équipement énergétique des rivières
Idée reçue : "Un moulin produit moins qu'une éolienne, inutile de l'équiper"
Une majorité de Français veut accélérer l'hydro-électricité plutôt que l'éolien, le solaire ou le nucléaire
Dépenser 1 million d'euros pour casser une usine d'hydro-électricité très bas carbone?

12/09/2018

7500 propriétaires et riverains d'ouvrages hydrauliques menacés interpellent François de Rugy

En juin dernier, l'association Hydrauxois lançait une lettre-pétition au ministre de l'écologie pour cesser la politique publique de destruction des moulins, forges, barrages, étangs en France. Plus de 7500 propriétaires et riverains de ces ouvrages ont répondu à l'appel. Ils disent à François de Rugy leur désarroi, leur indignation et leur colère face à l'attitude de son administration, leur refus de voir disparaître le patrimoine de la rivière et leur attente des solutions promises par l'Etat lors du vote de la loi de 2006. Nous reproduisons ci-dessous cet appel et la lettre d'accompagnement envoyée au ministre. Les parlementaires en recevront copie. Nous demandons à nos lecteurs et associations correspondantes de saisir eux aussi leurs parlementaires en les informant de cette démarche et des problèmes sur chaque rivière, afin que le ministère de l'écologie mette fin sans délai aux dérives observées depuis le classement des rivières.



Monsieur le Ministre d’Etat

Recevez d’abord toutes nos félicitations et tous nos encouragements pour votre nomination à la direction du ministère de la Transition écologique et solidaire. Les défis de cette transition sont immenses, les réponses à ces défis sont complexes : votre engagement d’une vie sur la question n’est pas de trop pour vous guider dans cette tâche.

En juin dernier, notre association a lancé une lettre-pétition pour stopper la destruction des ouvrages en rivières (moulins, forges étangs barrages) : en l’espace de 3 mois, 7588 propriétaires et riverains de ces ouvrages ont signé cet appel. Nous vous écrivons en leur nom et nous reproduisons l’appel en post scriptum de ce courrier.

En janvier dernier, votre prédécesseur M Nicolas HULOT avait déjà reçu un appel à moratoire sur les destructions d’ouvrages signés par 1392 élus dont 36 parlementaires, 514 personnalités du monde économique, artistique, technique et scientifique, 349 associations représentant 110.000 adhérents directs.

M. HULOT et son cabinet n’avaient pas jugé nécessaire d’entendre les porteurs de cet appel.

Pourquoi une telle émotion ? Pourquoi un tel mouvement dans tous les territoires ? Pourquoi une telle division là où l'écologie devrait nous rassembler ?

Les propriétaires et riverains vous demandent de stopper les dérives que l’on observe aujourd’hui au bord de nos cours d’eau :

  • Des centaines de millions € d’argent public dépensés pour détruire au lieu d’aménager les ouvrages 
  • Des choix de liquidation de centrales hydro-électriques ou de sites à potentiel de production renouvelable totalement contraires à nos objectifs de transition bas carbone ni fossile ni fissile
  • Des lacs, étangs, plans d’eau, canaux, zones humides vidés, asséchés, détruits avec toute leur biodiversité, dans des opérations où le vivant est sacrifié aux seuls poissons migrateurs, cela bien souvent pour des motifs paraissant davantage halieutiques qu’écologiques


Les propriétaires et riverains vous demandent aussi – et nous savons toute votre sensibilité à l’équilibre des pouvoirs – que l’administration placée sous votre tutelle respecte davantage l’esprit et la lettre des lois que les parlementaires ont rappelé à de nombreuses reprises depuis 7 ans :

  • jamais la loi française et jamais les directives européennes n’ont demandé la destruction des ouvrages au nom de la continuité écologique et de la trame bleue, c’est la gestion et l’aménagement qui sont attendus, pas l’effacement ;
  • la « gestion équilibrée et durable » de l’eau inscrite dans la loi ordonne au nom de l’intérêt général que la continuité écologique respecte les autres enjeux, comme l’hydro-électricité, l’irrigation, la préservation de l’eau face au changement climatique, le patrimoine historique, culturel et paysager


Aussi nous ne pouvons plus accepter que des représentants de l’administration (DREAL, agences de l’eau, DDT-M, AFB) affirment encore en 2018 aux maître d’ouvrages communaux ou particuliers que seul l’effacement pur et simple des sites est d’intérêt public, et subventionné à hauteur de ses coûts inaccessibles. Cette distorsion de la lecture de la loi a induit une terrible crise de confiance dans la neutralité et l’objectivité de l’action publique portée par votre ministère sur ce volet précis de l’action en rivière.

Un dernier point qui explique le désarroi des riverains : en 2006 lors du vote de la loi sur l’eau, l’Etat s’était engagé à indemniser les sommes considérables que représentent les dispositifs de franchissement de type passes à poissons. Aujourd’hui, l’Etat renie sa parole et refuse d’appliquer les dispositions prévues dans le code de l’environnement. Le blocage est évidemment complet, des particuliers ou des petits exploitants ne peuvent tout simplement pas engager des dizaines à centaines de milliers € pour des dispositifs servant au bien commun, représentant déjà une servitude de surveillance et entretien.

Les ouvrages hydrauliques sont des atouts pour le vivant, pour la société, pour le territoire : nous sollicitons donc de votre sagesse un engagement à les protéger et à engager une continuité écologique positive, fondée sur des solutions financées qui améliorent le transit sédimentaire et piscicole là où c’est nécessaire de le faire, sans altérer le cadre de vie des riverains, la production énergétique, l’équilibre des milieux en place.

La sécheresse et la canicule 2018 ont encore montré la fragilité de la ressource en eau, et nous savons tous que les prévisions pour ce siècle sont pessimistes : le destin des ouvrages qui retiennent cette eau précieuse dans nos vallées depuis des décennies et parfois des siècles mérite toute votre attention. C’est aussi un engagement devant l’histoire, et pour les générations futures.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre d’Etat, l’expression de nos sentiments respectueux.



Appel
7588 riverains et propriétaires
refusent de détruire leur ouvrage hydraulique

Monsieur le Ministre d’Etat,

Votre administration en charge de l’eau a engagé en 2009 un plan d’action pour la restauration de continuité écologique des cours d’eau, et procédé en 2012-2013 au classement à cette fin de nombreuses rivières.

Plus de 20 000 ouvrages hydrauliques sont concernés en France.

Nous sommes propriétaires ou riverains d’ouvrages hydrauliques d’intérêt : moulins, forges, anciennes usines à eau, étangs, plans d’eau communaux.

Nous acceptons bien sûr de participer à l’amélioration des conditions de vie des poissons migrateurs menacés. Mais cette politique doit respecter les autres dimensions de la gestion équilibrée des rivières et de l’intérêt général au sein des territoires.

Nos ouvrages et leurs annexes ont ainsi de multiples atouts : agrément paysager, patrimoine historique, production énergétique, régulation hydrologique des crues et étiages, usages locaux, biodiversité des milieux lentiques, rives et zones humides.

Ces atouts ont été reconnus et maintes fois rappelés par les députés et sénateurs.

Nous constatons que ces atouts sont trop souvent niés, ignorés ou minimisés par l’administration en charge de l’eau, dont les priorités vont à la destruction des sites et au refus de financer à hauteur suffisante les aménagements « doux » de continuité (vannes, passes à poissons, rivières de contournement). 

Par la présente, nous sommes dans l’obligation de vous signifier que :

- nous déplorons la manière biaisée dont vos services instruisent la continuité écologique des cours d’eau,

- nous refusons de détruire les ouvrages hydrauliques dont nous sommes propriétaires ou riverains,

- nous contesterons si nécessaire en justice les pratiques de vos services si elles devaient persister dans le sens actuel d’une pression systématique à la destruction et d'une méconnaissance des atouts locaux des ouvrages, alors que ni les lois françaises ni les directives européennes n'ont prévu cette issue.

La continuité écologique agressive et destructrice n’est plus acceptable et n'est plus acceptée, comme l’ont déjà reconnu les rapports parlementaires et les audits administratifs de cette réforme.

Nous vous demandons en conséquence de mettre en œuvre une continuité écologique positive, fondée sur le respect des patrimoines naturel et culturel ainsi que sur la valorisation des sites.

07/09/2018

Dépenser 1 million d'euros pour casser une usine d'hydro-électricité très bas carbone?

Scandale à Pont-Audemer : l'Agence de l'eau Seine-Normandie envisagerait d'engager plus d'un million € d'argent public pour casser une usine hydro-électrique en état de fonctionnement. On marche sur la tête, alors que nous sommes très en retard sur nos objectifs d'électricité renouvelable ni fossile ni fissile. Le ministère de l'écologie doit ordonner à ses fonctionnaires de cesser cette gabegie contraire aux priorités de la France dans la transition  énergétique, et manifestement opposée à l'intérêt général. Les seuls bénéficiaires sociaux de ces mesures sont le lobby des pêcheurs de salmonidés qui, en Normandie, fait pression sur les services de l'Etat pour détruire tous les ouvrages. Mais on peut faire migrer des poissons sans effacer les seuils et barrages. Nicolas Hulot avait constaté que  notre maison brûle et que nous ne faisons rien : c'est pire en réalité, puisque l'Etat dépense des sommes et des efforts considérables pour détruire ou pour empêcher l'équipement du potentiel bas-carbone des rivières françaises. 


L'affaire est rapportée par le site Paris-Normandie. Le maire de la ville explique ainsi : "Je ne suis pas un spécialiste de la remontée des espèces, j’ai donc suivi les recommandations de l’Agence de l’eau en ce qui concerne les aménagements à prévoir pour rétablir la continuité écologique de ce que l’on appelle le nœud de la Risle. La ville est désormais propriétaire de ce barrage et n’a pas déboursé un seul centime. En effet, l’Agence de l’eau a financé, à 100 %, le rachat et les aménagements qui sont prévus".

Mais en fait, depuis 5 ans, les fonctionnaires de l'Agence de l'eau Seine-Normandie exercent un chantage financier à seule fin de mener un programme idéologique : détruire le maximum d'ouvrages. Un programme qui est soutenu en Normandie par le lobby des pêcheurs de saumons et truites de mer, seuls réels bénéficiaires sociaux de ces mesures (voir leur bilan sur la Touques,  leurs dérives sur la Dives, leur rôle dans la casse des barrages de la Sélune).

Richard Rodier co-signataire d’un courrier adressé la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de l’Eure avec une copie adressée au préfet et au sous-préfet de l’Eure, n'est pas du tout d'accord avec cette vision :

"contrairement à ce que l’Agence de l’eau indique pour faire voter la subvention qu’elle octroie à la ville et faire disparaître la turbine, aucun comité de pilotage n’a jamais décidé d’effacer le barrage, bien au contraire. Lors du comité de pilotage n°10, il a été simplement décidé de choisir le meilleur scénario en tenant compte du potentiel électrique qui doit absolument être conservé. Cette interprétation est très grave car ce mensonge présenté dans le dossier remis à la commission des aides a permis de débloquer 1,2 M€ ».

Selon le rapport du CGEDD 2016 sur les problèmes de la continuité écologique, l'agence de l'eau Seine-Normandie a déjà engagé la destruction de 75% des ouvrages hydrauliques dans les dossiers de continuité qu'elle a traités. Ce comportement est le symptôme d'une scandaleuse dérive de ses fonctionnaires : la loi n'a jamais demandé la disparition des ouvrages et la loi considère que la continuité écologique doit se rendre compatible avec l'intérêt général c'est-à-dire avec une "gestion durable et équilibrée" de l'eau, incluant les sources d'énergie bas-carbone.

Avec ses consoeurs, notre association va porter en cette rentrée une motion contre les pratiques injustifiables de l'agence de l'eau. Nous souhaitons que chaque lecteur observant ces pratiques en informe systématiquement son député et son sénateur, en leur demandant expressément de saisir du problème le ministre de l'écologie, François de Rugy. Les mesures doctrinaires et arbitraires de l'administration de l'eau cesseront quand elles seront clairement condamnées par le ministre de tutelle. Les citoyens n'ont plus à accepter la destruction du patrimoine hydraulique et du potentiel énergétique des rivières françaises au service de quelques idées extrémistes, minoritaires et déjà condamnées à de nombreuses reprises par les parlementaires.

Illustration : la Risle à Pont-Audemer, JacoNed travail personnel, CC BY-SA 3.0

04/09/2018

Ministère de l'écologie : le besoin d'une politique pragmatique et durable

Ce jour a vu la nomination du 6e ministre de l'écologie depuis la création de l'association Hydrauxois. Quelques réflexions sur la difficulté de ce ministère à définir un cadre stable et partagé pour les politiques de l'environnement. 


François de Rugy, nouveau ministre de l'écologie (source CC SA-BY-4.0).

Depuis sa création en 2012, notre association a connu 6 ministres de l'écologie (N. Bricq, D. Batho, P Martin, S. Royal, N. Hulot, F. de Rugy), pour seulement deux présidents et deux législatures. Nous regrettons cette instabilité politique, à plusieurs titres.`

D'abord, l'écologie est le domaine du temps long et des choix structurants dans de nombreux domaines : eau, énergie, agriculture, transport, logement, territoire, etc. Il est déplacé d'en faire un symbole de l'inconstance politique. Ensuite, il est forcément inefficace pour l'action publique d'avoir une valse trop rapide de ministres qui doivent s'installer avec leurs cabinets dans les lieux, prendre connaissance de dossiers généralement très techniques, identifier les acteurs, poser leurs visions, etc. Enfin, la volatilité de la direction politique laisse le champ libre à la haute administration comme seul élément stable pour définir les directions des choix publics. Or, comme nous l'avons analysé en détail sur le cas particulier des ouvrages en rivières, ces hauts fonctionnaires (qui ne sont pas élus) ont tendance à imposer leur propre idéologie sur les sujets qu'ils administrent, cela sans avoir à en répondre directement devant les représentants des citoyens. C'est très insatisfaisant au plan démocratique.

En quittant son poste après seulement 15 mois d'exercice, Nicolas Hulot a délivré un message assez désespérant, brossant le tableau d'un pouvoir qui serait soumis aux lobbies et qui ne pourrait prendre aucune des décisions nécessaires pour l'écologie, accusant les citoyens d'être trop indifférents aux questions de climat, de biodiversité et de pollution.

Ce diagnostic très sombre doit être pour le moins nuancé.

Concernant les lobbies, leur existence est indéniable, mais elle n'est pas anormale dans une démocratie contemporaine où, au-delà de l'élection définissant les grandes orientations publiques, les élus comme les fonctionnaires ont vocation à entendre le message des groupes organisés qui défendent des intérêts, des valeurs, des causes, des professions etc. Il faut d'ailleurs y intégrer aussi bien les lobbies qui soutenaient l'ancien ministre (ONG écologistes, industriels du renouvelable, du bio, de l'apiculture, etc.) et qui expriment soit les intérêts de secteurs économiques de la transition écologique, soit les avis de citoyens. Ce qui n'est pas acceptable, c'est le manque de transparence sur le rôle des lobbies et le manque de rationalité dans les choix publics. Nous l'avons par exemple souligné dans la politique de l'eau : le poids des lobbies agricoles explique le retard sur le traitement de certaines pollutions chimiques comme le poids du lobby pêcheur et de certains lobbies conservationnistes explique le choix aberrant de détruire un grand nombre de moulins et barrages. Dans l'un et l'autre cas, c'est la grande masse des riverains qui n'est pas entendue, c'est-à-dire que les pouvoirs publics écoutent certains lobbies au lieu d'entendre tous les groupes pertinents pour co-construire des politiques publiques.

Au regard des enjeux écologiques, Nicolas Hulot s'est plaint de la politique des "petits pas" et de la grande difficulté de son ministère à gagner des arbitrages face à ses collègues, notamment l'économie et les finances. En 1974, le premier ministre de l'environnement de l'histoire politique française, Robert Poujade, avait déjà décrit son poste comme le "ministère de l'impossible".

On peut se demander si Nicolas Hulot était réellement à sa place à la tête du ministère, ses multiples confessions aux médias de doutes et de déchirements depuis 15 mois suggérant que ce n'était pas le cas. L'écologie de gouvernement et de terrain est soumise à la contrainte du réalisme, contrairement à l'écologie de contestation qui peut se permettre d'avancer des idéaux sans avoir à vérifier leur partage par tous les citoyens, leur impact sur des secteurs économiques ou leur compatibilité avec les finances publiques. En devenant l'affaire de tous et non plus le combat d'une minorité, ce qui est une bonne nouvelle, l'écologie affronte forcément la complexité des sociétés, où tous les choix humains ne sont pas dictés par les seuls paramètres environnementaux. Il ne faut pas y raisonner en termes de victoires ou de défaites d'un "camp" contre un autre, mais plutôt en recherche des meilleurs compromis provisoires.

Notre expérience associative montre que les Français sont réellement intéressés par l'amélioration de leur cadre de vie, la défense de leur paysage, la promotion d'énergies nouvelles, la préservation de la biodiversité, la protection de la santé. Mais, assez logiquement, ils sont aussi soucieux d'enjeux comme la vitalité économique des territoires ou la préservation d'un pouvoir d'achat. Comme l'argent public est rare, les citoyens souhaitent aussi qu'il soit employé à bon escient : à la fois pour ne pas altérer davantage l'environnement et, quand cet argent public finance des projets écologiques, pour choisir les meilleures options.

La France souffre aussi d'un travers peu souligné par les commentateurs de la démission de Nicolas Hulot : la centralisation du pouvoir, le fonctionnement très vertical de l'administration, la concentration de l'attention médiatique sur des personnalités très en vue à Paris, la faible autonomie fiscale et décisionnnelle des collectivités tendent à dévitaliser la démocratie (qui devient une technocratie lointaine) et à augmenter la "conflictualité idéologique" dans les politiques publiques. Ce problème est particulièrement manifeste dans l'environnement : si certains défis sont globaux, les réponses et les actions sont toujours locales. On étudie la biodiversité, on lutte contre des pollutions et on cherche des sources d'énergie renouvelable dans des lieux donnés, pour une population donnée. Redéployer les politiques écologiques en faisant monter les compétences des régions et des intercommunalités, en donnant du jeu local à l'interprétation des directives et des lois, en assurant la participation accrue des citoyens aux décisions ultimes irait dans un sens plus favorable à l'appropriation des enjeux environnementaux.

François de Rugy, nouveau ministre, a défendu une "écologie pragmatique et concrète". Il a par ailleurs appelé dans le passé à une manière plus concertée et ouverte de gouverner. Il a enfin porté l'idée d'une France à l'énergie 100% renouvelables en 2050.  Nous aurons donc à coeur de lui soumettre dès ce mois de septembre la question de la continuité écologique et de la destruction des ouvrages hydrauliques, qui a donné lieu à toutes les dérives d'une (soi-disant) écologie dogmatique, autoritaire et irréaliste depuis 10 ans.